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[ Les Héros du samedi soir ]

2. Hercule, le Fils de Zeus

 

Protagoniste de plusieurs tragédies grecques et latines (Euripide (1), Sophocle (2) et Sénèque (3)), Hercule fut aux XVIIe-XIXe s. le héros d'une bonne vingtaine d'opéras (Francesco Cavalli, Georg-Friedrich Haendel, Camille Saint-Saëns, Dauvergne, Lulli, Glück, Boughton, Leroux et même Manuel de Falla [L'Atlantide, 1961]). Toutefois la transposition d'Hercule au cinéma ne s'est véritablement opérée que dans les années 50-60. Auparavant, un dessin animé français, Les Douze Travaux d'Hercule (Emile Cohl, 1910), produit par Léon Gaumont avait bien traité la question, mais Hercule ne s'était pas imposé. Il nous est impossible d'affirmer avec certitude si des films italiens tel La Cintura delle Amazzoni (Mario Guaita-Ausonia, 1920), L'ultima fatica di Ercole (Emilio Graziani-Walter, 1918) et Il trionfo di Ercole (Francesco Bertolini, 1922), axés sur les prouesses d'hercules forains évoquaient effectivement le héros mythologique. Mais Hercule faisait une apparition life dans Vamping Venus / The Choice of Hercules (Edward F. Cline, 1928).
La genèse cinématographique d'Hercule ancre une double racine italo-américaine dans Samson et Dalila (C.B. De Mille, 1949) et Ulysse (Mario Camerini, 1954).
A Ulysse (numéro un au box-office italien 1954-55), Les Travaux d'Hercule (Pietro Francisci, 1957) (numéro un au box office 1957-58) est redevable des décors (Flavio Mogherini) et costumes - l'un et l'autre film étant (co)produit par la Lux Film. Les Italiens visaient une audience internationale (emploi d'une vedette anglo-saxonne réputée : Kirk Douglas; récupération d'une célébrité TV américaine des shows de Ralph Edwards : Steve Reeves).
De Samson et Dalila, Pietro Francisci, auteur du sujet original, reprend certaines idées (le héros pliant des barres de fer, ou renversant les colonnes du temple); mais aussi Steve Reeves, Mister America 1947 (Mister Universe en 1950), qui avait été pressenti par De Mille pour incarner Samson, avant que son choix ne se fixe définitivement sur une "coqueluche", Victor Mature, valeur commercialement plus "sûre". On rapporte que c'est la (très jeune) fille de Francisci - peintre de formation - qui conseilla Reeves à son père, après l'avoir vu aux côtés de Debbie Reynolds dans Athéna, de Richard Thorpe (1954), comédie musicale qui au départ devait être un film à la gloire du culturisme.

hercule aux pieds d'omphale

Hercule aux pieds d'Omphale,
dessin de J. Kühn-Régnier
(Contes et légendes mythologiques; Nathan)

Première époque (1957-1959)

2.1. Pietro Francisci - Les travaux d'Hercule

Lorgnant vers Ulysse, donc (Ulysse jeune est donné pour compagnon à Hercule, au lieu d'Hylas ou d'Iolaos), Les Travauxd'Hercule ne racontent en réalité que deux des douze travaux : le Lion de Némée et le Taureau de Crète. L'épisode des Amazones relevant pour sa part davantage du cycle des Argonautes que de celui d'Héraclès.

 

hercule vs vampires

Hercule contre les Vampires
(Mario Bava, 1961).
Aff. française

hercule & lydie

Hercule et la reine de Lydie
(Pietro Francisci, 1958).
Aff. belge

 

De fait, c'est bien des Argonautiques d'Apollonios de Rhodes que se réclame un carton du générique (un autre citant Hercule comme "faisa[n]t partie de ces héros qu'aimait à chanter Homère"). Au Chant Ier, Apollonios racontait en effet comment, après avoir capturé le Sanglier d'Erymanthe et ainsi terrorisé son méchant cousin Eurysthée, Héraclès s'était tourné vers lolcos, la ville du roi Pélias, où Jason recrutait un équipage pour conquérir la Toison d'or. Le scénario, signé par Ennio De Concini, l'un des deux plus grands et prolifiques scénaristes (4) du péplum et du cinéma d'aventure italien, s'éloigne très souvent d'Apollonios - lequel est beaucoup plus fidèlement suivi dans Jason et les Argonautes (Don Chaffey, 1963). Des personnages essentiels du poème sont éludés, tel Médée, Aiétès ou Acaste, et la plupart des épisodes du voyage sont omis - sauf l'escale à Lemnos, dont la reine Hypsipylè est ici rebaptisée plus sobrement "Antéa" [d'après Antinéa ?].

Par ailleurs le film inclus parmi les compagnons de Jason Laèrte d'Ithaque (cité comme Argonaute uniquement par Apollodore) et le vieil Esculape (Argonaute seulement chez Hyginus), dont il tire des effets comiques. Laèrte et Esculape sont inconnus des listes d'Argonautes données par Apollonios, Valérius Flaccus et le pseudo-Orphée. Enfin, la Tirynthe d'Eurysthée et l'Œchalie d'Eurytos (père d'Iole et d'Iphitos), ces deux pôles géographiques de la geste héracléenne sont artificiellement rattachés à Iolcos. Pélias devient le père d'Iole et d'Iphitos (!) et c'est son méchant conseiller et homme de main Eurysthée (!) qui dicte les épreuves à imposer au fils de Zeus responsable de la mort d'Iphitos.

Les Travaux d'Hercule, se classa premier au box-office italien pour la saison 1957-58; le business-man américain Joe Levine en racheta les droits pour les U.S.A. 120.000 $, en dépensa 1.000.000 pour la publicité et... décupla (?) son investissement. Une nouvelle étoile était née. Pietro Francisci tourne une "suite" : Hercule et la Reine de Lydie. Cette fois, c'est aux Sept contre Thèbes d'Eschyle, Œdipe à Colonne de Sophocle et au "mythe d'Omphale" que les cartons du générique font référence. Décidément, il semble bien difficile de porter à l'écran la légende en elle-même : c'est un film qui, à ce jour, reste encore à faire - quoique La Vengeance d'Hercule (Vittorio Cottafavi, 1960) en ait assez bien cerné le noyau.

Dans Hercule et la reine de Lydie (1958), Hercule, retour à Thèbes avec Iole, son épouse, et le jeune Ulysse, son compagnon, traverse l'Attique où il vainc Antée avant de rencontre Œdipe à Colonne, à qui il promet d'arbitrer le conflit opposant Etéocle et Polynice. Mais c'est compter sans la voluptueuse reine de Lydie, Omphale, qui a posé sur lui ses regards gloutons et concupiscents.
Incarnée par la redoutable rousse Sylvia Lopez, Omphale collectionne les amants - ensuite statufiés - que lui procurent ses émissaires. Une fois de plus la femme fatale du péplum est décalquée sur l'Antinéa de P. Benoit. Mais c'est au moyen d'une drogue qu'elle soumet Hercule, nouveau Saint-Avit, alors que dans le mythe celui-ci lui était vendu comme esclave par Hermès, en expiation du meurtre d'Iphitos.

Il nous faut bien pardonner ces monstrueux collages de légendes; les Grecs eux-mêmes en abusaient volontiers et si Héraclès était censé être mort au moment du siège de Thèbes par les Sept, certaine version nous apprend que celui-ci, devenu dieu dans l'Olympe, autorisa son neveu Iolaos à revêtir sa peau de lion et saisir ses armes. Malgré son âge avancé, Iolas réussit à semer la panique parmi les assiégeants Argiens qui le prenaient pour le Fils de Zeus une nouvelle fois sorti des Enfers. Le cinéma, bien sûr, aime rajouter un peu d'humour aux mythes (qui déjà n'en manquaient pas). Mais tout de même ! la déeesse de la jeunesse épouse d'Héraclès - Hébé - aurait pu faire un geste pour soulager les rhumatismes du vieil Iolas : ce pourrait être le sujet d'un film qui reste à faire (5) !


Deuxième époque (1960-1961)

2.2. Achille Piazzi & Alberto Manca

Avec ce film s'achèvait la première "époque" de la saga cinématographique d'Hercule, caractérisée par le tandem Steve Reeves / Pietro Francisci. Dans ces deux premiers films, et dans ceux-là seulement, Hercule est montré en archer - art qu'il enseigne à Ulysse - conformément à la céramique grecque (quoiqu'on ait "oublié" la peau de lion (6)).

amours hercule

Les amours d'Hercule
(C.L. Bragaglia, 1960). Aff. belge

Une magnifique séquence des "Travaux", montrait Hercule renonçant à son immortalité pour (par amour pour Iole) partager les joies et les peines des simples mortels. Elle allait en inspirer une autre de moindre envergure à Mario Bava, dans Hercule contre les Vampires. (7) Il ressortait des deux premiers "Hercule" une esthétique particulière qui les distinguent des films qui suivront. On en a parfois attribué la paternité à Mario Bava - mais qu'ont-ils en commun avec Hercule contre les Vampires, qui lorgne vers le film d'horreur gothique et est quasiment dépourvu d'extérieurs ? Il faudrait être incapable de distinguer l'académisme de Francisci du romantisme noir de Bava pour continuer à soutenir cette fable. Lorsque nous voyons le duel d'Etéocle et Polynice devant les portes de Thèbes, les cheveux rouges et la peau diaphane de ces deux déments, on ne peut s'empêcher de songer aux choix chromatiques chryséléphantins de certains maîtres de la peinture d'histoire du XIXe s. - cf. p. ex. le fameux Triomphe d'Achille (Achilleon, Corfou) -, ni que Francisci, peintre par vocation, fit son premier film couleur (La montagne de feu, 1937) avec le grand Jack Cardiff, l'un des chefs opérateurs les plus cotés du monde du cinéma.

Une bonne douzaine de culturistes (8) vont se battre pour assumer la succession de Steve Reeves, qui a refusé de reprendre ce rôle dans un Hercule contre les dieux, non pas parce qu'il craignait de se voir définitivement "cliché" en Hercule, mais parce que la réalisation de ce troisième volet n'était pas confiée à Pietro Francisci (éjecté - il reviendra à Hercule en 1963 / 64). Les mauvaises langues attribueront l'écartement de Francisci au fait que son directeur de la photo et homme-à-tout-faire Mario Bava l'a quitté. En fait, dans les films qui suivront (Le Siège de Syracuse, 1959; Sapho, 1960), Francisci l'a remplacé par un technicien dont le talent ne cédait en rien à celui de l'auteur des Trois visages de la peur : Carlo Carlini, le photographe de Roberto Rossellini, de Federico Fellini et de Sergio Sollima. Pour la photographie d'Hercule à la conquête de l'Atlantide (V. Cottafavi), C. Carlini fut même récompensé d'un prix.
Quoiqu'il en soit, la Lux-Galatea abandonne Hercule pour se tourner vers d'autres sujets historico-mythologiques. Le personnage est repris par un autre producteur, Achille Piazzi qui confie à Mario Bava la mise en scène d'un Hercule contre les Vampires (1961), avec dans le rôle titulaire l'éternel rival de Steve Reeves dans les compétions culturistes : Reg Park. C'est du reste à la demande Bava que le champion élu "Le plus bel athlète du Monde" (F.F.C.P.H. - Londres, 1951 (9)) a rejoint Cinecittà. A Vittorio Cottafavi, Piazzi offre la réalisation de La vengeance d'Hercule (1960) - ex "Hercule contre les dieux" -, avec Mark Forest, bientôt suivi d'un Hercule à la conquête de l'Atlantide (1961), avec Reg Park cette fois. Avec des chutes de ces films et surtout des séquences entières prises à l'Atlantide et aux Vampires, le chef monteur de Piazzi, Maurizio Lucidi (caché derrière le pseudonyme de Maurice Bright) en confectionnera un quatrième, vers 1962-1965 : Le défi des géants - ce procédé sera assez courant, à Cinecittà !

Parallèlement à Piazzi un autre producteur, Alberto Manca, misant sur un des grands sex symbols de l'époque, Jayne Mansfield (flanquée de son prince consort de mari, le culturiste Mickey Hargitay) produit Les amours d'Hercule (Carlo Ludovico Bragaglia, 1960).
Dans Les amours d'Hercule, profitant de l'absence du fils de Zeus descendu aux Enfers, le fourbe Lycos, officier d'Œnée roi de Calydon / Œchalie (?), cherche à opposer Hercule et Déjanire en faisant secrètement assassiner Mégarea, femme d'Hercule, et Œnée, père de Déjanire. Venu à Œchalie réclamer justice, Hercule oublie ses projets de vengeance en rencontrant Déjanire, dont le visage lui rappelle Mégarea (interprétée par Barbara Florian). Il faut voir apparaître "la" Mansfield entourée de ses "boys" musclés, majestueuse dans le cadre de la superbe esplanade du Museo della Civiltà Romana à l'E.U.R. (Rome) ! Les deux jeunes gens vont s'aimer (10), au désespoir de Lycos qui comptait faire épouser la riche héritière à une de ses créatures, Achéloos de Mycènes (sic). Hercule est accusé du meurtre d'Achéloos et ne se justifiera qu'au terme d'une série de péripéties au cours desquelles il tue l'Hydre de Lerne (à trois têtes), vainc un taureau puis une grande créature simiesque, et rencontre Hippolyte reine des Amazones, qui change ses amants en arbres. Les Métamorphoses d'Ovide rencontrent le mythe d'Antinéa, archétype absolu de la reine cruelle et sexuelle dans le cinéma historico-mythologique. Le titre de travail était "Les trois amours d'Hercule", car Jayne Mansfield, changeant de perruques, incarnait successivement Déjanire et Hippolyte. C'est la seule réalisation cinématographique où Iolaos est le compagnon d'Hercule, mais il est montré comme un vieillard alors qu'en fait, étant fils du jumeau d'Héraclès, Iphiclès, il aurait dû être sensiblement plus jeune. Il avait été question pour Mickey Hargitay et Jayne Mansfield de tourner ensemble un Antoine et Cléopâtre, en 1963. Le physique bovin d'Hargitay aurait peut-être convenu à Marc Antoine. Mais le film ne se fit pas, le couple s'étant séparé. On reverra Hargitay dans un autre péplum en 1964, La vengeance des gladiateurs, dont l'action conte les intrigues de Genséric contre Valentinien III. Pour la publicité du film, la production eut l'idée saugrenue de convoquer les paparazzi pour photographier dans l'arène du Colisée - lieu consacré aux saints martyrs par Benoît XIV -, un combat pour rire opposant Hargitay-gladiateur au boxeur Ray Sugar Robinson, entourés de pin-up en bikini. Ray Sugar Robinson qui venait de remporter un nouveau titre et s'apprêtait à rencontrer le Pape vit son entretien décommandé par le Vatican scandalisé. Quand à Hargitay, il continuera une carrière incertaine dans des giallo ou des westerns transalpins.

Au lieu de rechercher du neuf dans la saga d'Héraclès proprement dite, les films vont ressasser les idées des deux premiers Hercule. Avec une trouvaille toutefois : l'exhumation par les scénaristes d'Hercule contre les Vampires de l'Héraclès furieux d'Euripide, d'où est empruntée la figure de Lycos... incarné par Christopher Lee, venu s'encanailler en Italie entre deux productions Hammer. Sans vergogne, le scénario de Mario Bava louchait en direction du rôle fétiche de Lee, Dracula ! Il y a toujours une descente aux Enfers et un "méchant roi", télescopage d'Eurysthée, d'Eurytos et de Lycos dont ils porteront indifféremment l'un ou l'autre nom (11). Cette deuxième période se caractérise également par le fait qu'Hercule - rectification du tir - n'est plus marié à Iole, mais à Déjanire (Leonora Ruffo, Luciana Angiolillo, Jayne Mansfield).

2.2.1. Construit comme une tragédie classique, La vengeance d'Hercule s'inspire principalement (plus de cartons au générique !) de l'Hercule furieux de Sénèque, des Héraclides d'Euripide et peut-être bien des Trachiniennes de Sophocle. On y voit Hercule vaincre Cerbère et tuer le centaure Nessus, appelé "Polymorphe" dans le film, car pour des raisons techniques - budgétaires - il est à la fois centaure et satyre. Le méchant Eurytos / Eurysthée (la documentation indique tantôt l'un et tantôt l'autre nom; dans la VF, c'est Éeurytos (!)) a, comme dans Les Héraclides, juré d'exterminer la postérité d'Hercule à travers son fils Hyllos. Et Hercule est soupçonné (comme dans Les Trachiniennes) d'aimer secrètement la fille d'Eurytos, ici appelée Théa (Iole, dans le mythe (12)); finalement c'est Hyllos qui l'épousera, conformément à Sophocle.

2.2.2. Hercule contre les Vampires est ainsi nommé à cause du "méchant" Lycos, incarné par Christopher "Dracula" Lee. Le titre de tournage était "Hercule contre le roi des Ténèbres", mais le titre définitif sera Ercole al centro della Terra.(13) Accompagné de Thésée, Hercule (notez la manipulation du mythe ! (14)) descend aux Enfers chercher un talisman qui guérira Déjanire envoûtée par Lycos, une "créature de Pluton". Appréciez également le démarquage de l'eschatologie judéo-chrétienne : les Enfers (confondus avec le Tartare), séjour des méchants, donc du démon (15). La plupart des attitudes de Lycos-Christopher Lee sont décalquées sur le vampire hammérien, certaines photos laissent même découvrir des incisives proéminentes de Nosferat. Chemin faisant, nos deux héros rencontreront Sunis l'Ecarteleur, les Hespérides à la Pomme d'or, et un autre écarteleur, Procuste (devenu une singulière créature de pierre). Thésée enlèvera Proserpine à Hadès, mais sera finalement contraint de la lui restituer.

2.2.3. Dans Hercule à la conquête de l'Atlantide, l'Atlantide platonicienne est en quelque sorte assimilée aux nymphes Atlantides ou Hespérides, objet d'une des quêtes d'Hercule. Le rapport s'arrêtant d'ailleurs à cette remarque généalogique, qui n'apparaît pas dans le film. Récupérant au passage l'Antinéa de Pierre Benoit, cette fois sans en dissimuler le nom, Cottafavi a opéré une habile synthèse de la SF avec la cosmogonie hésiodique. Comment ne pas songer - parmi d'autres - à La couleur tombée du ciel d'H.P. Lovecraft ? Le caillot de sang coulant de la mutilation d'Uranus (le Ciel) (16) du mythe grec est devenu dans le film un aérolithe radio-actif (l'uranium, bien sûr). Ses radiations détruisent par la lèpre certains hommes, transformant les autres en surhommes robotisés (les Géants nés d'Uranus, chez Hésiode, que l'hubris portera à défier les dieux), astucieuse métaphore politique. Cette fois Antinéa ne transforme plus ses amants en arbres ou en statues inutiles, mais en guerriers d'élite décérébrés, qu'elle compte lancer à la conquête du monde. Rien dans tout ceci qui soit en formelle contradiction avec le Critias ou le Timée, puisque Platon y précise que l'Atlantide s'effondra dans la mer alors qu'un corps expéditionnaire grec (athénien) venait d'y débarquer. Pour trouver l'Atlantide, Hercule affronte Protée (Nérée [17], dans le mythe !), tour à tour lion, vautour, serpent, flammes ou dragon.

2.3. Et encore, et encore...

Citons encore pour mémoire quelques productions passables.

2.3.1. Le triomphe d'Hercule (Alberto De Martino, 1964). Le fils de Zeus (Dan Vadis), affronte sept géants de bronze, les "Centimains" (= les Hécatonchires, qui étaient trois) et perd momentanément sa force pour en avoir abusé en assassinant son ami Iphitos.
Sous le mythe grec, une allusion biblique à Samson : pour avoir assassiné Iphitos, Héraclès avait seulement été condamné à servir Omphale, près de qui il mena une existence efféminée, du moins dans les versions alexandrines [tardives]. Selon les sources classiques, le héros-esclave, pour Omphale, triompha des Cercopes, de Sylée, des Itones et de Lithyersès - beau palmarès, tout de même, pour un Hercule "ramolli" !

2.3.2. Hercule, Samson et Ulysse (Pietro Francisci, 1964). Francisci, dont ce sera l'un des derniers films, revient à Hercule, récupérant une partie de son équipe des '50. Hercule (Kirk Morris) et le jeune Ulysse font naufrage en Palestine et aident Samson à déjouer les plans des Philistins (coiffés... de casques nazis, pérennité de l'antisémitisme !). Ayant fait s'écrouler le temple à eux deux, ils sont sauvés par l'intervention de Laèrte et de l'Argo armé de batteries d'arcs mécaniques.

2.3.3. Le grand défi : Hercule, Maciste, Samson et Ursus (Giorgio Capitani, 1964 - supervision de la régie : Vittorio Cottafavi). Où l'on retrouve Lycos dans le rôle du méchant, et Eurysthée dans celui du conseiller de la Reine. Hercule et Samson s'opposent pour la main d'Omphale, fille de Néméa reine de Lydie (eh oui). Leurs amis Maciste et Ursus vont-ils réussir à les départager ?

2.3.4. Les Trois Stooges contre Hercule (Edward Bernds, 1961) et Les Deux Corniauds contre Hercule (Mario Mattoli, 1961-1962) : une parodie, et une parodie de parodie. Des voyageurs du temps accidentels, héros minables, aident Hercule à punir Ulysse, lequel a offensé les dieux en éborgnant Polyphème (dans le second film, ils aident Maciste à neutraliser Hercule, dont les exploits portent ombrage à Eurysthée qui l'a envoyé combattre... le Cyclope).

2.3.5. Ulysse contre Hercule (Mario Caiano, 1962). Quoique reprenant l'idée des deux bandes précédentes - les Trois Stooges / les Deux Corniauds en moins - ce film-ci, sans que l'on sache très bien qui copie qui, n'est pas une parodie.
Ces aventures d'Ulysse et Hercule n'ont plus rien à voir avec la légende grecque - sauf la séquence prégénérique où Mercure reproche à Prométhée cloué au Caucase, d'avoir donné aux hommes le feu qui les rend si insolents (scène empruntée au Prométhée enchaîné d'Eschyle). Dans une île océane (le film a été tourné à Ténériffe, sur les pentes volcaniques du Teide et parmi les banians des Jardins de La Orotava) vivent les Messantiens et leurs voisins, le peuple impie des oiseaux et celui des lubriques troglodytes. Pistes pédagogiques : des réminiscences - involontaires ? - d'Aristophane (Les oiseaux) et un clin d'œil aux Guanches des Canaries que Pausanias (I, 23. 5-6) connaissait sous le nom de Satyres, des îles Satyrides. Délire de l'auteur de ces lignes ? En tout cas, malgré son caractère hautement fantaisiste, ce film a un charme certain.

2.3.6. Hercule et la princesse de Troie ("Hercules and the princess of Troy" / "Hercules vs. the Sea monster") (Albert Band [= Alfredo Antonini], 1965). Ce "pilote" d'une série-TV américaine est demeuré inédit en France. Il s'agit de l'épisode des chevaux de Trôs qu'Hercule avait obtenu de Laomédon en arrachant à la fureur d'un monstre marin sa fille Hésione. On en revient à ce que nous énoncions plus haut à propos de la relative incapacité des producteurs / scénaristes à adapter sérieusement la mythologie à l'écran. Laomédon père d'Hésione, est devenu Pétra oncle de Diana. Dans le fond, il valait peut-être mieux changer les noms ! Hercule (Gordon "Tarzan" Scott) est à nouveau flanqué du jeune Ulysse - et, à défaut d'Esculape, d'un certain Diogène -, ce qui inscrit cette production dans la lignée du triptyque de Pietro Francisci.
A noter que ce téléfilm a fait l'objet d'un remake en 1994 : Hercule et le Royaume oublié (Hercules and the Lost Kingdom, Harley Cokeliss), produit par Sam Raimi. La déesse Héra a fait disparaître la ville de Troie. Obligés de se réfugier dans la forêt, les Troyens du roi Ilus font appel à Hercule. Celui-ci doit d'abord s'emparer d'une boussole appartenant à Omphale, reine de Lydie, grâce à laquelle il trouvera le chemin qui mène à Troie (!). En route il délivre une jeune fille, Déjanire, qu'une tribu voulait sacrifier à Héra. Frustrée, la déesse envoie contre eux un monstre marin qui les avale, et dont le héros doit crever la panse pour en sortir. Le monstre vômit sur le rivage de Troie Hercule et Déjanire. Cette dernière est, en fait, la fille du roi Ilus qui la cachait à l'étranger pour ne pas être obligé de la sacrifier à la cruelle reine des dieux. De l'insoumission du vieux roi viennent tous les ennuis des Troyens. Mais Hercule fera d'eux des guerriers capables de reprendre leur ville aux séides du Prêtre Bleu, serviteur d'Héra. Mise devant le fait accompli par les Troyens, Héra exigera néanmoins d'eux la satisfaction de sa volonté. Le demi-dieu Hercule se sacrifiera à la place de Déjanire et montera dans l'Olympe où Héra ne peut rien contre lui...
Bizarres interpolations que la boussole d'Omphale et ce Prêtre Bleu, prétexte à des démonstrations d'arts martiaux. Mais pourquoi avoir confondu Déjanire avec Hésione, et fait de son soupirant Télamon un Troyen plutôt que le compagnon d'Hercule ? Dans le mythe grec, le roi de Troie Laomédon avait lui aussi été durement puni de sa désobéissance aux dieux (18), avant de consentir à leur offrir Hésione en pâture à un monstre marin. L'anecdote était-elle à ce point inintéressante pour justifier un scénario plus fidèle ? En fait, le mythe ne sert que de cadre flou à une histoire pleine de bons sentiments à l'américaine comme ces Troyens, peuple hors norme puisque pacifiste et s'indignant des pratiques esclavagistes.

2.3.7. D'autres films encore auront Hercule pour héros dans les '60. Certains comme Hercule se déchaîne, La fureur d'Hercule (en réalité "Ursus"), Hercule contre Moloch, Hercule et les Fils du Soleil, Hercule contre les tyrans de Babylone, Samson contre Hercule, Hercule l'Invincible et Goldocrack (!) à la conquête de l'Atlantide n'ont guère de rapports avec l'Antiquité gréco-romaine. Dans d'autres films - Le magnifique gladiateur, Hercule contre les mercenaires, Ercole contro Roma (= "Samson contre tous") - Hercule n'est que le nom d'un gladiateur dace, celte (saxon, dans la V. Angl.) ou pannonien, sous le règne de Gallien, Caligula & Claude, ou Philippe l'Arabe. Dans Hercule défie Spartacus, Hercule est le fameux sosie de Néron, Terentius Maximus.
Aux U.S.A., où le nom de Maciste est inconnu, de nombreux films seront rebaptisés "Hercules" ou "Son of Hercules" (p. ex. Maciste contre les Hommes de Pierre = Hercules against the Moon-Men).
Dans Hercules in New York (Arthur A. Seidelman, 1969), Hercule est incarné par un jeune débutant, un culturiste autrichien disciple de Park et de Reeves fraîchement débarqué aux States : Arnold Strong alias Arnold "Conan" Schwarzenegger qui va devoir attendre une douzaine d'années avant de crever les écrans ! Débarqué en plein XXe s., Hercule lutte contre les maffiosi des bas-fonds newyorkais. Le succès de "Schwarzie" vaudra à cette modeste bande d'être rééditée en vidéo sous le titre Hercules - The Movie, au début des années '80. Dans le sillage des deux Hercules avec Lou Ferrigno (cf. infra 2.4), plusieurs projets de remake seront annoncés, dont aucun ne verra le jour : Anno 2000 : Ercole a New York d'Enzo G. Castellari en 1982, et, en 1984, Hercules in New York (N.Y.-L.A.) de Sergio Corbucci.  

2.3.8. Parallèlement aux "Ercole" italiens des années '60, le cinéma indien tourna trois ou quatre films exploitant le nom du fils de Zeus. Walt Lee en recense trois : Hercules, réalisé par Shree Ram (prod. Bohra Bros - Inde, 1964) avec Dara Singh; Son of Hercules (prod. Firdaus Films - Inde, 1964) et Sheba and Hercules, de B.S. Choudhry (prod. Meena Films - Inde, 1967).

Pour notre part, nous avons eu l'occasion d'en voir un autre, Tarzan aur Hercules ("Tarzan contre Hercule" ?) (Inde, 1965 (?)), réalisé et scénarisé par un certain Mahmood et produit par les Jyoti Studios (Bombay). Un méchant magicien veut se venger d'Hercule en suscitant contre lui Tarzan. L'homme de la jungle est réticent à cette tâche, car il est très occupé, étant amoureux de Zingara (?). Hercule arrive, accompagné de son écuyer poltron, qui joue à se croire "Hercule" lui-aussi. Après une rixe dans une taverne, causée par la vantardise de son écuyer, Hercule, au bord de la mer, arrache aux griffes d'un homme-marin la princesse Sapoli, fille du "roi aux cobras (19)". Après de nombreuses bagarres et autant de chansons (entre autres, Hercule tue le champion du magicien, un chevalier du moyen âge occidental, avec une colombe sur son écu et un scorpion sur son justaucorps. Hercule est, par magie, privé de sa force et retrouve son écuyer en prison en compagnie de la suivante de Sapoli dont le vantard s'est épris (tel maître, tel valet !). Finalement Tarzan apparaît devant le magicien et lui révèle que lui et Hercule ne sont en réalité une seule et même personne ! Tarzan-Hercule plante son épée dans le cœur du magicien (cœur qui n'était pas dans le poitrine de celui-ci, mais enchassé dans un reliquaire).

Tarzan hypostase, avatara d'Hercule… l'idée est typiquement hindouiste ! La fin du magicien "immortel" fait songer à celle du même dans Capitaine Sindbad de Byron Haskin. On notera également le clin d'œil à La Créature du Lagon Noir (l'ichtyanthrope). Hercule barbu oscille entre Steve Reeves - il porte les mêmes tunique et ceinturon - et Reg Park, mais contrairement à son homologue italien il manie volontiers le glaive. La bagarre dans la taverne (un snack-bar tout ce qu'il y a de contemporain, mobilier british, lampes électriques) fait évidemment référence au début d'Hercule à la conquête de l'Atlantide). La princesse se ballade en calèche, et les décors et costumes - hors ceux de quelques comparses en tuniques à rayures verticales ou en maillot de catcheur - sont indiens. Il est manifeste que la production n'a cure d'évoquer même approximativement une pseudo-Grèce antique. Comme le héros mythologique aux pieds d'Omphale ou Samson piégé par Dalila, Hercule perd momentanément sa force puisqu'il tombe au pouvoir du magicien. Hercule, la princesse, le magicien, ses espions et espionnes se dématérialisent et rematérialisent à volonté. Ne parlant pas la langue (hindi ?, version non sous-titrée), il nous serait difficile d'en dire davantage.

Faute de connaître le nom des interprètes de Tarzan et d'Hercule, il ne nous est pas possible d'indentifier ce film avec l'un des trois "Hercule" indiens précités. Pour le peu que nous sachions il paraît même tout à fait distinct, mais nous n'en avons pas trouvé trace dans notre documentation sur le cinéma indien, vaste sujet s'il en est ! Nous n'avons pas trouvé plus de précisions en fouillant du côté de Tarzan. Francis Lacassin mentionne une série de dix "Tarzan" indiens produits par Sargaam Chittra Ltd (New Delhi) en 1963/1965. En voici la liste, qui fait parfois référence à l'Antiquité (Dalila, Cléopâtre) :
1. Rocket Tarzan
2. Tarzan and Delilah
3. Tarzan and King-Kong
4. Tarzan comes to Delhi
[Dara Singh (Tarzan) - Chitra (Jane)]
5. Tarzan and Cleopatra
6. Tarzan and the Gorilla
7. Tarzan's Beloved
8. Tarzan and Magician
9. Tarzan and Captain Kishore
10. Tarzan and Circus
[Azad (Tarzan) - Chitra (Jane)]

"Avant son interdiction cette série avait été diffusée dans le Tiers-Monde, en particulier au Nigeria", précise encore Lacassin (20). Sur IMDb, on peut lire que l'interprête de la version 1964 Hercules, l'acteur Dara Singh, alias Dara Singh Randhawa, né à Dharmchuk, Amritsar (Pendjab) un 19 novembre 1928, démarra à l'écran en 1955, joua dans un King Kong hindi en 1962 et, en 1964, interpréta successivement Samson, Hercule et son propre personnage dans Samson (de Nanabhai Bhatt), Hercules (de Shriram) et Dara Singh (de Kedar Kapoor) puis deux "Tarzan" en 1965 : Tarzan and King-Kong et Tarzan comes to Delhi ainsi qu'Alexandre le Grand dans Sikandar-e-Azam. Dans les années '70-'80, il passera à la réalisation. Assez bizarrement, cette filmo IMDb ne mentionne pas Sherdil.

hercule l'olympien

Hercule héros de space opéra ?
Un comics de la Marvel (1982) ;
Hercule l'Olympien (Lyon, Lug éd., 1984)

2.4. L'astronomie poétique

Dans les années '80, Lewis Coates (alias Luigi "Star Crash" Cozzi) réalise un curieux Hercule (1983) avec Lou "Hulk" Ferrigno. Œuvre d'un ancien critique cinéphile, fan de SF et de péplum, le film est bourré de citations renvoyant au péplum de l'âge d'or tout en sacrifiant à la vogue du moment pour le space opera (La Guerre des Etoiles, George Lucas, 1977; Galactica, la Bataille de l'Espace, Richard A. Colla, 1978; Buck Rogers au XXVe Siècle, Daniel Haller, 1979; L'Empire contre-attaque, Irwin Kershner, 1979; Le Trou Noir, Gary Nelson, 1979; Star Trek, Robert Wise, 1979; Flash Gordon, Mike Hodges, 1980; Star Trek II - La colère de Khan, Nicholas Meyer, 1982).
De L'astronomie poétique d'Hyginus et autres Phénomènes d'Aratos aux travaux de Max Müller, en passant par l'Histoire vraie de Lucien de Samosate, les justifications et alibis ne manquaient pas et cette mythologie astrale aurait pu être une tentative intéressante; le résultat sera hélas assez décevant. Un second volet, Les Aventures d'Hercule est alors mis en chantier par le même Cozzi qui remplace aux effets spéciaux Armando Valcauda par le Français Jean-Manuel Costa - mais sans rencontrer davantage de succès. Ce second titre ne sera exploité qu'en vidéo. Née dans le sillage de Conan et de Mad Max, de La Guerre du Feu et de Star Wars, la vogue hybride de l'heroic fantasy à l'italienne s'essoufflera rapidement et divers projets de ressusciter Hercule (plus ou moins inspirés des comics de la Marvel et de la D.C.) resteront sans suite...

 

2.5. Les Voyages légendaires d'Hercule (Hercules - The Legendary Journeys)

Au départ, il ne s'agissait que de deux téléfilms initiés par Sam Raimi. Il y en eu finalement cinq de 84' et cent onze épisodes de 42' répartis sur six saisons - de 1994 à 1999 -, qui généreront au passage une série parallèle, Xena Warrior Princess laquelle connut plus de succès encore (la 2e saison de Xena battit même d'un dixième de point le record d'audience de Star Trek !). Après Hercules - The Legendary Journeys, les producteurs concoctent cinquante épisodes supplémentaires de 26', narrant cette fois les aventures du Young Hercules (Hercule contre Arès). Ryan Gossling / Hercule, Dean O'Gorman / Iolas et Chris Conrad / Jason y reprennent teenagers les rôles respectifs de Kevin Sorbo, Michael Hurst et Jeffrey Thomas.

Etonnante série qui lorgnait vers Conan le Barbare (voyez le look de Kevin "Hercule" Sorbo) et avait pris le parti de, justement, ne pas "faire du péplum" ! L'action se passe en des temps immémoriaux et est filmée dans les paysages grandioses de la Nouvelle-Zélande. Mais le mélange de civilisations médiévale, orientale et... maorie ne signifie nullement que la série était sans intérêt sur le plan de la mythologie grecque. Une bonne moitié des épisodes tournés est en prise directe avec elle et fait intervenir dieux et héros tels Hadès et Aphrodite, Arès, Echidna la mère de tous les monstres et Némésis, Autolycos, Ulysse, Jason, Médée, les Centaures, le Cyclope et le Minotaure en une joyeuse fantaisie. Vieux crooner sur le retour mais toujours impénitent coureur de jupons, Zeus (Anthony Quinn, guest star) vient visiter Alcmène en cachette de son épouse Héra, la tyrannique reine des dieux. Il est permis d'être irrité par les aspersions de bons sentiments à l'américaine : le Cyclope n'est méchant que parce qu'il a manqué d'affection de la part des humains qui ont refusé de comprendre sa différence, etc. Agaçants aussi, certains accessoires qui ne fleurent même pas l'honnête carton-pâte mais carrément le plastique-mégakitsch comme la coquille saint-jacques dans laquelle navigue Aphrodite / Alexandra Tyddings, une blondasse particulièrement caricaturale. Bon, admettons que ce soit un parti-pris esthétique de cette série qui ne se prend absolument pas au sérieux et combine les épisodes grotesques avec les intermèdes musicaux : l'interprête d'Iolas, Michael Hurst, qui parfois passe derrière la caméra, est un danseur et quelques moments de gloire lui sont ménagés. Mais dans les '60, aucun cinéaste italien - pas même le pire tâcheron - se serait allé aussi loin dans la, euh ! distanciation... En revanche, les effets spéciaux sont de premier ordre et, à voir hydres et centaures en action, l'on se demande comment on a jadis pu s'éprendre des films de Cottafavi et de Bragaglia aux plus que douteux trucages.

hercule serie

Kevin Sorbo incarne le fils de Zeus
dans "Hercules - The Legendary
Journeys", populaire série TV qui eut
six saisons (1994-1998)

A noter que comme dans les comics de la DC et de la Marvel (où Héra n'a pas un rôle prépondérant), c'est surtout Arès, le dieu de la Guerre qui est l'antagoniste attitré d'Hercule : il est le bras vengeur de sa mère Héra qui, pourtant omniprésente, se tient physiquement en retrait de l'action. Ce ne sera que sur le tard (et encore : dans un épisode de Xena, la série parallèle) qu'on la verra incarnée par une actrice.

2.6. Cartoons

En 1997, Hercule entre au panthéon des personnages disneyens sous la houlette de Ron Clements et John Musker (Tarzan n'allait pas tarder à l'y suivre). Quelque part, ça lorgne vers la Belle-au-Bois-Dormant (on ne se refait plus, hein ?), mais c'est Hadès et non plus Héra qui jalouse la naissance d'un héritier à Zeus, dont il convoite le trône. La fiancée d'Hercule, Mégara est une créature envoyée par Hadès pour perdre le jeune héros. Monté sur Pégase et accompagné de son coach, un petit satyre nommé Phil (Philoctète !), on verra notre héros accomplir trois de ses travaux : l'Hydre de Lerne, le Lion de Némée et le Sanglier d'Erymanthe. Lorsque Hadès et les Titans assailliront l'Olympe, ils trouveront à qui parler !
Le film de Disney a mis en émoi tous les cartoonists de la planète, et dans son sillage l'on vit quantité de vidéos d'animation atterrir sur le comptoir. Ainsi un Hercule et Xena : La bataille du mont Olympe (1997), dessin animé inspiré de la série life, dont le scénario traite le même sujet que le film de Clements et Musker : la révolte des Titans contre les Dieux, que sauvera l'intervention d'Hercule. Aussi un Hercule l'Invincible (Italie, 1997) (voir notre Filmographie) où le héros fait l'éducation du jeune Centaure Clopette et conquiert l'amour d'Hélène; un autre Hercule (UAV Entertainement, 1997), style manga, où en compagnie de la martre Falina, sa petite compagne, Hercule est banni de l'Olympe pour avoir abusé de sa force. Un Hercules (Golden Film, s.d.) montre Alcmène, simple servante du roi de Castalie, dont le mari est mort à la guerre. Pour la consoler Zeus lui donne un fils qui naît en même temps que la princesse Ariane, tandis que dans l'Olympe Héra met au monde Iphiclès. Pour l'empêcher de supplanter Iphiclès (21) et de monter sur le trône en épousant Ariane, Héra imposera au héros douze travaux. Plus fidèles à la légende, citons encore un Hercule (Goodtimes, 1996), sans grand génie et, enfin, Les Douze Travaux d'Hercule de Peter Choi (Italie 1998) au graphisme consternant, qui néanmoins propose une relation très scrupuleuse du mythe grec.

En Europe, peu de BD ont mis en scène Hercule : le phénomène est plutôt américain et, on l'a vu, antérieur à l'engouement yankee pour le péplum italien. Le Français Pierre Nicolas avait bien dessiné sur scénario de Pierre Fallot et pour le compte des Studios Disney un Avance Hercule ! (série "Mickey à travers les siècles", in Le Journal de Mickey, juillet 1960 (22)) où le souriceau Mickey Mouse prenait la place d'Iolas comme écuyer du héros. Mais depuis lors, on n'avait plus guère été gâté. Tout au plus le Fils de Zeus apparaissait-il brièvement dans Epoxy de Cuvelier. Et aussi dans un condensé érotique inspiré d'Ercole e la Regina di Lidia en trois planches dessiné par Lucio Filippucci pour Diva Cinema 1951-1965 (Glittering Images, Florence, 1989). Ce fut donc pour le public un cadeau royal que La Gloire d'Héra, dessiné par Christian Rossi sur un scénario de Serge Le Tendre. D'abord publié dans (A Suivre) en 1995, puis en album chez Casterman (1995, 1 vol.) il vient d'être réédité (2002), dans une version plus complète, en 2 volumes. Un graphisme semi-réaliste pour les personnages, au service d'une histoire qui ne manque pas de psychologie. On appréciera avec quel talent Rossi a su capter la beauté du paysage grec, ses ombres et ses lumières. Moins subtil graphiquement, mais dans un genre à la mode, nous conclurons avec Socrate le Demi-Chien : Héraclès (demi-chien car il est celui d'Hercule, le demi-dieu. Alors...) de Joann Sfar, scénariste, et Christophe Blain, dessinateur, paru chez Dargaud dans la collection "Poisson Pilote" (2002). Le quotidien de la vie d'un chien, sa relation avec son maître. Alors dame, quant c'est un héros grec un peu borné du ciboulot.

Hercule - la gloire d'Hera

Chr. Rossi & S. Le Tendre,
La gloire d'Héra, Casterman: 1996

Suite...

 


 

NOTES :

(1) Héraclès furieux, Alceste. - Retour texte

(2) Les Trachiniennes; il apparaît aussi à la fin du Philoctète. - Retour texte

(3) Hercule furieux. II apparaît aussi dans des comédies d'Aristophane (Les grenouilles, Les oiseaux). - Retour texte

(4). Le second étant Alessandro Continenza (Les amours d'Hercule, Hercule à la conquête de l'Atlantide, Hercule contre les Vampires, Le grand défi).
Sur la personnalité controversée d'Ennio de Concinni (né en 1923), cf. J.-M. SABATIER, Les classiques du cinéma fantastique, Balland, 1973, s.v. "De Concini", pp. 129-130; contra, cf. Noël SIMSOLO, Conversations avec Sergio Leone, Stock, coll. Cinéma, 1987. - Retour texte

(5) Dans Les amours d'Hercule, Iolas est déjà très âgé, mais ici c'est un anachronisme. - Retour texte

(6) Troquée contre une exomide en peau d'ours. - Retour texte

(7) La scène où Hercule consulte la Sibylle. - Retour texte

(8) Kirk Morris, Alan Steel (qui fut la doublure de Steve Reeves), Samson Burke, Dan Vadis, l'excellent Gordon Scott, Frank Gordon, Michael Lane, Rock Stevens, Ed Fury. Du lot émergent Reg Park et Mark Forest. - Retour texte

(9) Steve Reeves avait remporté le même titre l'année précédente. - Retour texte

(10) Mickey Hargitay a alors 33 ans et J. Mansfield 27, mais nous nous comprenons n'est pas ? - Retour texte

(11) Eurytos dans La vengeance d'Hercule; Lycos dans Hercule contre les Vampires. - Retour texte

(12) Difficile de lui conserver le nom d'Iole, qui était présentée comme l'épouse d'Hercule dans les deux premiers volets de la saga, signés par P. Francisci. - Retour texte

(13) Hercule contre les Vampires est la traduction du titre allemand (le film était coproduit avec la Omnia de Munich, distributeur). - Retour texte

(14) Dans la légende grecque Hercule descend aux Enfers pour délivrer Thésée /ou/ pour capturer Cerbère en délivrant Thésée au passage. - Retour texte

(15) Quelque part dans les profondeurs de la terre, sous nos pieds, les Enfers (lieux d'En-Bas) de la mythologie romaine - l'Hadès des Grecs - sont le séjour des âmes de tous les défunts qu'ils fussent mauvais (Tartare) ou bons (Champs-Elyséens). Au contraire, dans la conception chrétienne, seuls les méchants vont aux Enfers, les justes allant au Ciel ou Paradis. - Retour texte

(16) HÉSIODE, Théogonie, v. 167-210. - Retour texte

(17) C'est Ménélas, dans L'Odyssée, qui au sujet de son voyage interroge Protée aux formes changeantes. Nérée - qui lui appartient au mythe d'Hercule - est devenu Protée dans le film sans doute parce que de ce deux divinités marines qui font doublet, c'est Protée qui est passé dans le langage courant avec le mot "protéiforme". - Retour texte

(18) En fait, il avait refusé de payer le salaire convenu à Apollon et Poséidon bâtisseurs des murs de Troie, qui avaient été ses esclaves en punition de quelque rébellion contre Zeus. Et ceux-ci, en représailles, avient innondé le pays et suscité la peste. - Retour texte  

(19) Ces cobras sont brodés sur son gilet. - Retour texte

(20) F. Lacassin, Tarzan ou le Chevalier crispé, H. Veyrier, 1982, p. 209. - Retour texte

(21) En fait il s'agissait, dans le mythe, d'empêcher Hercule de régner sur Tirynthe à la place d'Eurysthée. Iphiclès était le jumeau d'Hercule, fils d'Alcmène et du mortel Amphitryon. L'intérêt de ce traficotage ne paraît pas évident, si c'est pour aboutir au même résultat. - Retour texte

(22) On va retrouver le calembour ("Pars en avant, Hercule") dans La Hercule contre les Vampires de Bava. - Retour texte