La popularité de Maciste est liée au contexte
de la Première Guerre mondiale, l'Italie entrant en guerre contre
les Puissances Centrales le 23 mai 1915. Passé au cirage, grimé
en nègre le docker génois Bartolomeo Pagano avait incarné
l'esclave Maciste, protecteur de l'héroïne dans Cabiria
(1913), une épopée kolossale retraçant la Seconde
Guerre punique. Bon an mal an - les spécialistes contestent le
nationalisme du réalisateur Giovanni Pastrone alias Piero Fosco
-, Cabiria célébrait la mainmise de l'Italie sur
l'Afrique du Nord, elle(2)
qui venait d'annexer la Libye suite à la Guerre italo-turque(3)
de 1912 (traité d'Ouchy, 18 octobre 1912). Une première
aventure de "Maciste", devenu un personnage indépendant, fut
tournée en 1915, avant l'entrée en guerre de l'Italie
(Variety en annonçait la sortie aux Etats-Unis le 20 mai
1915). Le héros noir y retrouvait sa blancheur de peau par un
procédé astucieux : une jeune fille entrait dans un cinéma
où l'on projetait Cabiria. Au vu des exploits de Maciste
à l'écran, elle décidait que seul ce héros
pouvait l'aider contre les gangsters qui la persécutaient. Elle
se rendait alors aux Studios de l'Itala où elle demandait à
rencontrer l'acteur... dégrimé. Tel était le sujet
de Maciste (qui sortit aux Etats-Unis sous le titre Marvelous
Maciste ou Maciste magnificent (4). Ensuite Maciste s'embarqua pour une longue série d'aventures qui ne s'achèveront qu'en 1926 (Pagano tournera encore quelques films jusqu'en 1928, puis arrêtera de tourner pour des raisons de santé - ou à cause de l'avènement du parlant (?)). Rien qu'en 1918, on le vit successivement médium ou somnambule (Maciste medium), athlète affrontant des statues animées et autres vampires (Maciste atleta) ou détective (Maciste polizioto). En janvier 1919, ces trois épisodes ajoutés au Maciste de 1915 furent diffusés aux Etats-Unis par Harry Raver comme un serial en 12 épisodes intitulé The Liberator (ou Maciste in The Liberator), Bartolomeo étant rebaptisé Ernest Pagano et le scénario attribué à une certaine Agnes Fletcher Bain (!) (Variety, 29 novembre 1918).
Quoique sortie militairement victorieuse de la Grande Guerre, l'Italie n'avait trouvé dans la paix revenue que l'effondrement économique. Ce fut alors la montée du fascisme. Tout naturellement, celui-ci trouva dans l'Antiquité romaine des exemples à proposer à l'exaltation du sentiment national... et impérial. Après l'annexion de la Libye et des îles grecques du Dodécannèse (1912), les campagnes en Abyssinie (1937) et l'invasion de l'Albanie (1939), les prétentions de Mussolini à la veille de la Seconde Guerre mondiale ne consistaient rien moins qu'en la revendication de tous les grands ports et îles de la Mare Nostrum : la Corse, Nice, la Tunisie, Chypre, la Croatie, la Grèce tout entière - et au-delà de ce que furent les limites de l'Empire de Rome : Djibouti, Aden, le Soudan, la Somalie. Mussolini avait accédé au pouvoir en 1922. Très vite, il comprit l'impact du cinéma sur les foules. Le cinéma italien des années '10 s'était illustré par l'évocation des gloires de la République (Jules César et Brutus, tous deux de Guazzoni, et bien sûr Cabiria) ou du christianisme (Quo Vadis, 1912), tandis que celui des années '20 s'était efforcé de faire oublier l'hécatombe de la Grande Guerre par des sujets plus légers ou exotiques comme l'évocation des impériales turpitudes (Messaline, 1923; Les derniers jours de Pompéi, 1926). Comprenant, donc, les possibilités de propagande du cinéma, Mussolini créa en 1935 le Centro Sperimentale di Cinematografia qui deviendra plus tard Cinecittà. En 1937, on postsynchronisera dans cette dernière Scipion l'Africain (6) (Carmine Gallone, 1937), film programmé pour soutenir l'action militaire de l'Italie en Afrique et qui sortira sur les écrans pour le premier anniversaire de la prise d'Addis-Abeba. Mais, outre ce film et La Couronne de Fer (7) (Alessandro Blasetti, 1941) - soit deux films épiques(8) en quelque vingt ans de régime -, le cinéma fasciste ne produisit guère que des "bluettes", des histoires sentimentales, quelques films patriotiques ou anticommunistes sur les guerres d'Espagne ou d'Afrique aussi, et... des bandes d'actualités. Mais, contrairement à ce que l'on a souvent affirmé, le cinéma fasciste italien ne cultiva nullement le genre "romano-mammouth" puisqu'il bénéficiait des productions réalisées avant l'instauration du régime et de "l'ordre nouveau"(9), ou durant les premières années de son avènement - ce même si elles n'allaient pas toujours dans le sens désiré, au moins entretenaient-elles l'imaginaire de la romanité
C'est à la veille de la Grande Guerre qu'était sorti en Italie Cabiria de Giovanni Pastrone, qui l'avait réalisé sous le pseudonyme de Piero Fosco. Engagé par la Société turinoise "Carlo Rossi" - qui devait devenir "L'Itala" aux environs de 1907 -, devenu son président en 1908, l'ingénieur G. Pastrone n'était qu'occasionnellement metteur en scène. C'est au début de 1913 qu'il avait pensé à un film intitulé Le roman des flammes, qui se situerait au temps des Guerres puniques. Quelques 20.000 m de pellicule furent impressionnés, et seulement 4.500 m conservés lors du montage. D'une durée originale de 4 heures (10), le film avait coûté 1.250.000 lires. Cette vaste fresque - nous l'avons dit - retraçait la Deuxième Guerre punique, montrait Hannibal franchissant les Alpes avec ses éléphants (-218), Archimède défendant Syracuse avec ses miroirs ardents (-212), l'épisode dramatique de Masinissa et Sophonisbé, le siège de Cirta (-203) et s'achevait avec la victoire de Scipion l'Africain à Zama (automne -202). Seize années de guerre condensées en une narration serrée. Sur cette vaste toile de fond se surimpressionnait une histoire d'amour qui n'était pas sans faire songer au roman d'Emilio Salgari (11), Carthage en Flammes (1908). Cabiria, jeune grecque de Catane en Sicile rescapée d'une éruption de l'Etna, était enlevée par des pirates cathaginois et, grâce à l'intervention de Fulvius Axilla (un jeune patricien romain espion de Rome à Carthage), échappait de fort peu d'être sacrifiée à Moloch. Au cours de ces aventures mouvementées, le rôle de Maciste, l'esclave noir d'Axilla, était déterminant. Après bien des péripéties qui les séparaient momentanément (Maciste restait captif à Carthage plusieurs années, condamné à tourner une meule), les trois héros pouvaient enfin se réunir : Cabiria épousait Fulvius et retrouvait ses parents, qui n'étaient pas morts dans la destruction de Catane. A certains égards, ce film n'était qu'une démarque de Quo Vadis ? (Enrico Guazzoni, 1912), Maciste tenant un rôle de géant protecteur de l'héroïne promise au sacrifice suprême, ce qui le rendait assez semblable à Ursus (12). Son scénario terminé, Pastrone s'était
mis en rapport avec Gabrielle d'Annunzio, alors réfugié
à Paris, afin de le lui soumettre, de lui demander de le parfaire
et de le signer. Poète et dramaturge, mais aussi nationaliste
fervent et héros d'aviation à 53 ans, G. d'Annunzio (l'homme
qui en 1919 à la tête des Arditi - ses partisans
qu'il avait organisés en corps franc - reconquerra Fiume pour
la rendre à la couronne italienne) était harcelé
par ses créanciers. Quoi qu'il en fut, il semble que les noms des héros furent inventés par d'Annunzio : Cabiria, qui voulait dire "Celle-qui-est-née-du-feu" (13), Maciste, etc. et que le poète rédigea des intertitres du film (14). Film capital de l'histoire du cinéma, Cabiria fut un authentique chef d'uvre et son succès partout considérable. Pastrone innova constamment durant le tournage de cette superproduction qui, pour reprendre l'expression des historiens du cinéma, "consacra la conquête de l'espace par le cinéma", en imposant définitivement le décor construit et en bannissant les trompe-l'il, afin que la profondeur - la troisième dimension - fut perceptible par le spectateur. Et il fit breveter un nouveau dispositif dont il a été l'inventeur : le carello, mieux connu aujourd'hui sous le nom de travelling ! Il usa systématiquement de la lumière artificielle des réflecteurs pour créer des effets et non pas tant pour suppléer à la lumière solaire. "Cabiria fut l'apogée du cinéma italien à grand spectacle et son influence sur D.W. Griffith évidente. Il semble établi que le metteur en scène américain (Intolérance, 1916-1919) fit l'acquisition d'une copie du film de Pastrone pour en étudier la technique". (15) "A l'origine, donc, Maciste n'était que l'un des personnages secondaires de cette histoire mélodramatique, grandiloquente et "antique" : celui de l'esclave noir du patricien Fulvio Axilla, un esclave d'une force herculéenne et d'un dévouement absolu à la famille de son maître", écrit Roger Boussinot. L'interprète de Maciste, un débardeur génois passé au cirage pour la circonstance, répondait au nom de Bartolomeo Pagano. Il avait été choisi par Pastrone parmi quarante candidats. On attribue à Vincenzo Leone (père de Sergio Leone) d'avoir été le "talent-scout" qui le remarqua. "Il se trouve que le succès mondial de Cabiria fut aussi celui de Maciste : le personnage avait frappé l'imagination populaire (à tel point qu'une certaine jalousie envers l'ancien docker anima les autres vedettes du film). C'est que Maciste incarnait à la fois la force brute et le courage, la rébellion généreuse et le dévouement, protecteur des faibles et des opprimés, tout en étant un esclave. Maciste ne pouvait que plaire à un peuple auquel était ainsi offert une sorte de symbole hugolien de lui-même. Evidemment toutes ces vertus étaient celles d'un esclave auquel ses inventeurs ne refusaient qu'une certaine intelligence, et qu'une possibilité : celle de remettre en cause sa condition d'esclave. Maciste n'est pas Spartacus". (16)
Né à San Ilario Ligure, près de Nervi (Gênes), le 27 septembre 1878 et y décédé le 24 juin 1947 - marié à Camilla Balduzzi, pourrait-on lire sur sa fiche d'état civil. Bartolomeo Pagano travaillait comme débardeur ("camallo") au port de Gênes pour le compte de la fameuse "Compagnia dei Caravana" quand, à l'instigation de l'organisateur du mouvement portuaire, Gino Murialdi, il se présenta au concours lancé en 1913 par le réalisateur Giovanni Pastrone de l'Itala Film de Turin qui, depuis un certain temps recherchait un homme capable d'incarner l'impressionnant Maciste, l'esclave de couleur du patricien romain Fulvius Axilla dans une superproduction en cours de réalisation : Cabiria. Bartolomeo Pagano, qui avait déjà servi comme modèle à des sculpteurs génois, l'emporta sur quarante autres concurrents à la stature herculéenne. Avec une paie journalière de 20 lires, il commença les premières prises de vue du film. Le succès fut considérable : le film s'imposa par sa grandeur, d'insolites effets artistiques et, comme dit plus haut, certaines trouvailles techniques. La figure de l'esclave de couleur Maciste, attirant la sympathie du public, l'emporta sur celles des autres personnages historiques ou imaginaires du film; sa prestation fut un véritable événement. Cette si fulgurante popularité amena l'Itala à étudier une série de films basés sur le personnage de Maciste, mais moderne. Un premier Maciste sortit en 1915, puis on retrouva notre héros musclé dans un film patriotique, Maciste Alpino (1916). Maciste y était enrôlé dans la "Guerre du droit", sous l'uniforme gris-vert des chasseurs alpins. L'intrigue était infantile, et les effets exagérés et fanfarons, mais le gigantesque ligure consolida son "mythe" d'idole. "D'esclave noir [Maciste était devenu] un soldat italien blanc. Cette mutation fut, elle aussi, symbolique, mais le symbole (d'ailleurs involontaire ou parfaitement cynique) passa inaperçu dans le délire chauvin et belliciste de l'époque. Le Maciste « alpin », fut d'ailleurs suivi d'un Maciste « bersaglier » la même année...", écrira encore R. Boussinot (17). Ensuite, l'Itala Film, passée sous l'autorité de nouveaux propriétaires, mit en chantier un Maciste médium et un Maciste athlète. La guerre terminée, la société s'incorpora à l'UCI, et Pagano interpréta successivement Maciste amoureux, Maciste sauvé des eaux et, enfin, un Maciste en vacances. Maciste amoureux (1919) reprenait l'argument du premier Maciste : une admiratrice, fille de l'industriel dans la villa duquel Maciste tournait un film, priait le bon géant de démasquer les saboteurs qui cherchaient à ruiner son père. L'affaire terminée, Maciste s'apercevait que la jeune fille avait un autre homme dans sa vie et se retirait sur la pointe des pieds. Dans la Trilogie de Maciste (Maciste contre la Mort - Le voyage de Maciste - Le Testament de Maciste) (1920) Maciste démasquait la félonie du Premier Ministre de la Livonie, qui voulait en détrôner le roi et contraindre à l'épouser sa fille, la princesse Luisa : ce scénario est typique des péplums des '60, sauf le contexte qui n'est pas une civilisation antique révolue. Dans Maciste sauvé des eaux (1920) Maciste réchappait au naufrage d'un paquebot au large de la Sardaigne et, sur un îlot perdu, organisait la survie de ses compagnons. (Difficile de ne pas rapprocher ce sujet de celui de L'Admirable Crichton (Male and Female, C.B. DeMille, 1919), tiré de la comédie de sir James Barrie, porté à l'écran l'année précédente.) Dans Maciste en vacances (1921), enfin, il s'initiait aux joies de l'automobile et rencontrait une jeune américaine... tout un programme ! Fin 1920, la crise qui avait frappé l'industrie cinématographique italienne se dirigeait vers sa phase critique. Pagano quitta Turin et se retira dans sa petite ville où il s'était acheté une résidence sur la colline de S. Ilario - baptisée, naturellement, "Villa Maciste". Mais tout de suite contacté par la "Jacob Karol" de Berlin, qui lui proposait un contrat avantageux, il reprit ses activités cinématographiques pour sortir, pour la première fois, du territoire italien. Son nom et sa puissante image envahirent les murs des villes allemandes et ses films - notamment Maciste und die chinesische Truhe, de Carl Boese (1923) - furent reconnus par la publicité et la critique comme des uvres monumentales. Bartolomeo Pagano tourna en Allemagne quatre "Maciste" : Maciste et la Javanaise, Maciste Prince d'un Jour / Maciste et la fille du Roi de l'Argent, Maciste et le prisonnier 51 et le précité Maciste et le coffre chinois (pour plus de précisions : voir filmo). Dans Maciste et la Javanaise (1922) notre héros intervenait en faveur de Frédéric de Vry, persécuté par une secte javanaise qui avait enlevé son fils. En fait, la dirigeante de cette "secte", Amitabha, était la mère répudiée du petit Jean dont le père avait définitivement quitté l'Indonésie pour réintégrer les Pays-Bas. Le bon géant réconciliait le couple. Maciste et le prisonnier 51 (1922) voyait notre héros justicier innocenter son ami Guy Russel, le malheureux fiancé de Lilian, injustement condamné au bagne par le faux témoignage de son cousin Darius. Une scène spectaculaire montrait Maciste repoussant les deux wagons qui allaient le broyer ! Happy end : Guy retrouvait Lilian et Maciste Fanny ! Cette "période allemande" dura à peu près
trois ans (1922-1924), puis Stefano Pittaluga, reprenant les studios
de la Fert, récupéra Maciste pour une nouvelle série
de films. Pagano, d'une certaine manière, se renouvela, non
pas fondamentalement en sa qualité d'acteur, mais par des scénarios
d'un nouveau genre, dans des mises en scène plus soignées.
"Maciste ne fut jamais un acteur dans le sens commun
du terme, écrira Camillo Bruto Bonzi, il fut plutôt
la personnification vivante d'un héros de roman. Mais quelle
vigueur, quel sens artistique en lui faits de simplicité humaine;
il était instinctivement, et jusqu'au bout, primitif; mais
pour donner sa popularité et la conserver, concourut surtout
la beauté plastique de sa figure, et le sourire sympathique
qui illuminait son visage et brillait dans son regard. Il était
un athlète de lignes harmonieuses et sculpturales, qui lui
conféraient un aspect de noblesse, d'élégance
et de pondération. Il n'y avait en lui rien de disgracieux
ou de vulgaire, comme cela se rencontrait souvent chez les acteurs
« colossaux », où prédominent la masse de
chair et la force brutale. Tous ceux qui imitèrent ses gestes
ne réussirent jamais à le surpasser. De fait, sur l'écran,
il sera le seul à durer. Il est important de le reconnaître
: Maciste fut unique en son genre, et on ne saurait lui substituer
autre chose. "Dans le cinéma mondial - constatera Roberto Chiti -, il n'y a qu'un seul type d'aventurier qui ait su l'égaler : c'est Douglas Fairbanks sr. La prestation de Pagano sera exemplaire pour l'épique et le climat. Son personnage, non pas emphatique mais essentiel, se distingue nettement de la voie suivie par certains acteurs de notre cinéma muet. Et même dans la vie privée, il sut rester un homme simple que ne rendait pas orgueilleux le succès et la popularité."
Benito Mussolini, le "Dux", l'homme qui rêvait de reconstituer l'Empire romain, aimait cultiver sa ressemblance physique avec l'acteur le plus populaire d'Italie. Si bien que "Maciste" devint, aux yeux du public français, en quelque sorte son "double", le symbole du régime fasciste. "Lorsque fin octobre 1922 Mussolini était arrivé en wagon-lit pour répondre à l'appel du roi Victor-Emmanuel et se voir nommer président du Conseil - écrit Georges Sadoul -, la marche sur Rome, cette révolution en sleeping-car, était accomplie. Un petit homme gras, la mâchoire en avant, apparut aux actualités comme le successeur de Maciste tandis que le fascisme se referma sur le cinéma italien comme le couvercle d'une tombe. (19)" L'habileté suprême du fascisme avait été de ne pas tomber dans le piège du cinéma de propagande (à une ou deux exceptions près, comme Scipion l'Africain) mais de privilégier des films délassants, sans contenu philosophico-social. La propagande étant assénée, elle, dans les bandes d'actualités projetées conjointement (20). Déçu par son Scipion cinématographique - sur lequel avait planché son propre fils, Vittorio, qui pour sa réalisation avait fait un voyage d'étude à Hollywood -, le conquérant de l'Ethiopie décidera d'être son propre interprète... dans les bandes d'actualités. Torse nu et moissonnant armé d'une faux, ainsi apparut le Duce dans les actualités Movietone (ce qui n'est pas sans faire songer à Maciste tournant la meule dans les minoterie de Carthage). "Ayant pris le pouvoir, Mussolini - remarque Carlo
Piazza - va tenter d'imposer aux Italiens une nouvelle philosophie
de la vie aux antipodes de celles prônée par la vieille
et paresseuse démocratie fin de siècle qu'il a
supplanté. C'est-à-dire, entre autres choses, le culte
de la jeunesse et de la beauté physique. Tous les Italiens sont
obligés de fréquenter la palestre au moins une fois par
semaine. Son objectif est d'effacer l'image de l'Italien maccheroni
e mandolino, pour restaurer le Romain viril de l'époque des
Scipion et des César. L'Italien ne peut plus se permettre de
manger des spaghetti ou d'être las. "Giovinezza, giovinezza
primavera di bellezza", dit la chanson. Il faut être musclé,
jeune et volontaire. Et le Duce doit donner l'exemple : voilà
pourquoi de temps en temps il se promène torse nu. Mussolini,
homme d'extraction prolétaire, connaissait très bien ses
compatriotes. Toujours prêt à critiquer, l'Italien est
méfiant mais passionnel, donc il faut toujours le rassurer et
l'enflammer pour obtenir sa confiance. Le Duce, conscient du matériel
humain à sa disposition, réalisa cette politique en harcelant
ses compatriotes par une infinité d'exemples qu'il leur proposait
d'imiter. (21)"
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