Francis Moury a testé le DVD Zone 1 de THE
ARENA (LA REVOLTE DES GLADIATRICES ou LA REVOLTE DES VIERGES),
également connu en Italie sous le titre Livia, una vergine
per l'Impero. Sortie en salle à Bruxelles en mars 1977,
cette petite production fut une agréable surprise en ces
temps où le cinéma boudait le péplum. La V.It
et la VF étaient signées "Michael Wotruba", pseudonyme
d'Aristide Massacessi [Wotruba était le nom de sa société],
alias Joe D'Amato, alias David Hill etc. le roi du film d'aventure
fauché mais juteux, et du hardcore historique. En réalité,
il n'en fut que le directeur de la photographie, la réalisation
revenant à l'américain Steve Carver. Toutefois, coproduction
oblige, il fallait légalement un coréalisateur italien...
Donc, The Arena fut tourné à Rome : les séquences
des "catacombes" furent réalisées dans les Thermes
de Caracalla. Primitivement, le film devait être mis en scène
en Israël; il fut ensuite question de l'Espagne.
Il y eut bien, à Rome, des gladiatrices
: elles apparurent sous le règne de Néron - c'étaient
généralement de jeunes patriciennes à la recherche
de sensations fortes. Elles combattaient entre elles, ou contre
des fauves - jamais contre des hommes. Septime Sévère
finit par interdire ce genre de prestations, à cause d'émeutes
que leurs participations avaient suscitées. Toutefois on
ignore quel genre de tenues elle arboraient (étaient-elles
demi-nues comme leurs collègues masculins, ou portaient-elles
tunique ? C'est qu'ils étaient pudiques, les Romains. Pas
comme ces Grecs lascifs !), de même que nous ne connaissons
pas les conditions exactes de leur engagement. D'après les
synopsis, The Arena se passe en 45 av. n.E., mais les dialogues
font référence à la révolte de Spartacus
encore récente (elle eut lieu en 73-71) et l'une des quatre
héroïnes - il y a une Irlandaise, une Bretonne, une
Africaine et une Romaine -, la Romaine Livia a été
vendue comme esclave après que son père Scipion, partisan
de Pompée, soit tombé victime des proscriptions (?)
de César. Prête à toute les promiscuités
pour survivre, Livia proteste de sa citoyenneté qui lui interdit
de se commettre dans ces jeux dégradants. Aussi sera-ce une
novice, Lucillia, une fille de cuisine qui devra combattre à
sa place. Et se faire égorger par une de ses amies, sous
la menace des archers. Très belle scène - soulignée
par la musique de Francesco De Masi - où les gladiatrices
arment leur infortunée compagne pour ce combat dont l'issue
fatale ne fait aucun doute, et qui fait un peu songer à l'adoubement
d'un chevalier au Moyen Age. Au départ, Livia (Marie-Louise
Zetha) est donc un élément important du scénario
- d'où le titre alternatif Livia... -, l'élément
perturbateur de la patricienne qui pour réintégrer
sa caste trahit ses compagnes de misère. Mais, finalement,
c'est le tandem Pam Grier/Margaret Markov qui accaparera tout l'intérêt
des spectateurs : on sent bien que le film cherche sa voie entre
violence et érotisme soft, péplum et "film de prison
de femmes".
Pamela Grier, qui incarne Mamawi, fut dans les
années '70 la reine du "black cinema" américain (Coffy,
Foxy Brown,Friday Foster, etc.). Margaret Markov (Bodicia)
est l'épouse du producteur du film, Mark Damon, que l'on
avait pu voir en jeune premier dans La chute de la Maison Usher
(Roger Corman, 1960) et dans le rôle titualire d'El Kébir,
le Fils de Cléopâtre.
Michel ELOY
The Arena
(Steve Carver, EU - 1973)
Bodicia et Mamawi vivaient sans se connaître
dans deux provinces romaines bien éloignées l'une
de l'autre. Elles sont capturées puis vendues comme esclaves
à Timarchus, un organisateur de combats de gladiateurs. Elles
sont, avec d'autres captives des quatre coins de l'Empire, les maîtresses
contraintes de ces derniers la veille des combats et sont aussi
employées pour diverses tâches domestiques. Mais Timarchus,
désireux d'épicer le spectacle, décide de les
faire combattre à leur tour dans l'arène. Le premier
combat s'avère sanglant. Les novices gladiatrices comprennent
vite qu'elles vont toutes mourir à moins d'organiser une
évasion à travers les catacombes : ce qu'elles tentent
avec l'aide de Septimus, un gladiateur navré de la mort de
leur compagne Lucinia dont il était amoureux.
Roger Corman avait tout d'abord pensé confier
la réalisation du film au jeune Martin Scorsese qui venait
de terminer Boxcar Bertha. C'est finalement Steve Carver (auteur
du remarquable Capone, de l'estimable Drum [L'enfer
des Mandingo] - séquelle du film de Richard Fleischer
- et d'autres films produits ou distribués par la société
de Corman, New World Pictures) qui assura la réalisation. Joe
D'Amato n'est que réalisateur de la seconde équipe :
la divine actrice Rosalba Neri (créditée sous son pseudonyme
américain) est formelle sur ce point. Il signe en revanche
la direction de la photographie du film sous son véritable
nom. La production du film est signée Mark Damon - le jeune
premier du film inaugural de la classique série Edgar Allan
Poe, réalisé par Corman en 1960 : House of Usher
- qui s'était en effet reconverti dans ce métier vers
1970. Joe Dante monte la version américaine, considérée
paraît-il comme bien meilleure par D'Amato lui-même lorsqu'il
la visionna par hasard un soir à la télévision.
Le casting est intéressant : Paul Müller (l'acteur bien
connu des cinéphiles-bis depuis Amanti d'Oltre-Tomba)
croise Pam Grier et Margaret Markov réunies dans une variation
antique de la noble espèce "W.I.P." (Women In Prison)
du non moins noble genre "violence". Mimmo Palmara se souvient qu'il
fut un des plus grand acteur du second âge d'or du peplum italien
(1953-1965) et Lucretia Love est alors au sommet de sa carrière
érotico-bis.
À noter que le DVD zone 1 réédité
aux USA avec une interview de Corman en bonus est scandaleusement
recadré en 1.33 alors que le film est tourné d'origine
en format "Cinémascope" 2.35 comme en témoignent de
plus anciennes éditions VHS.
À noter enfin que Corman a produit en Russie
en 2001 un remake tourné "direct-to-vidéo" par Timur
Bekmambetoy et intitulé Gladiatrix sur le marché
russe. Il reprend le scénario de l'original en espérant
profiter du renouveau d'intérêt pour le peplum suscité
par le film de Ridley Scott et confie les rôles vedettes à
deux playmates : Lisa Dergan et Karen Mc Dougal. Aux dires
de ceux qui l'ont vu, il est honorable.
Steve Carver est né le 5 avril 1945 à,
Brooklyn (New York, U.S.A.). Il étudie à l'American
Film Institute's Center for Advancec Studies : il est assistant de
Dalton Trumbo en 1970 pour Johnny Got His Gun. Repéré
par Roger Corman, cet excellent technicien devient un des réalisateurs
fétiches de la New World Pictures et signe pour cette société
les réalisations de The Arena (1973), Big Bad Mama
(1974) qui est un remake de Bloody Mama avec Angie Dickinson
remplaçant Shelley Winter. Il accède à la série
A tout en gardant le punch de la "B" grâce à son chef-d'oeuvre
Capone (1975) avec Ben Gazzara, John Cassavetes, Harry Guardino,
Sylvester Stallone. Il continue en roue libre sans Corman avec Drum
[L'enfer des Mandingo] (1976), son second grand film avec
Warren Oates, Isola Vega et Fiona Lewis tandis que l'intéressant
Steel [Des nerfs d'acier] (1979) est produit par l'acteur
Lee Majors. Steel fait indéniablement retomber Carver d'un
cran dans l'échelle bugdétaire et esthétique.
Carver, décidé à uvrer dans ce qui lui
convient le mieux, c'est à dire la violence, contribue ensuite
à installer Chuck Norris en vedette avec Lone Wolf Mc Quade
[il pour il] (1982). Il tournera aussi avec
Michael Dudikoff (River of Death), mais sa grande époque
est désormais derrière lui. Il a réalisé
en tout 16 films.
La rivolta delle gladiatrice / La révolte
des vierges / Naked Warriors. Avec Pamela Grier, Margaret Markov,
Rosalba Neri [sous son pseudonyme US : Sara Bay], Lucretia
Love, Paul Müller, Daniele Vargas, Dick Palmer [Mimmo Palmara],
Salvatore Baccaro. Prod. : Roger Corman [non crédité]
et Mark Damon. Scn : John William Corrington & Joyce Hooper Corrington.
Photo : Aristide Massaccesi [véritable nom de Joe d'Amato].
Mont. : Joe Dante. Mus. : Francesco de Masi. Durée : 83' [version
originale] ou 78' [version USA] Cinemascope 2.35 couleurs.
Francis MOURY
(Reproduit avec l'aimable autorisation de www.cineastes.net
[copyright L'étrange Festival] - site consacré
au cinéma expérimental.)