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De Saint-Sulpice aux saints supplices
The Passion of the
Christ
(Mel Gibson, 2004)
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«A été
crucifié» répètent les Chrétiens
chaque jour, dans leur Credo. Mais pensent-ils à
l'affreuse réalité de la pointe [du clou]
qui se fraye un chemin à travers les muscles, du
sang qui jaillit par la déchirure, des tressaillements
incoercibles de l'homme torturé ?
DANIEL-ROPS, Jésus en son temps |
Elle
a déchaîné les passions religieuses.
La dernière mouture en date de la vie du Christ,
signée par Mel Gibson, est sortie sur les écrans
américains mercredi 25 février 2004 - Mercredi
des Cendres - «boosté» tant par les néo-évangélistes
du Sud profond que par les cathos traditionalistes et avec
les encouragements de George W. Bush. Quatre mille salles
au lieu des deux mille initialement prévues : dans
certaines paroisses, les fidèles furent invités
à aller voir le film en lieu et place de l'office
religieux !
Aux States, la promo du film de Mel Gibson
est assurée par une société spécialisée
dans le marketing religieux, Outreach, qui a poussé
le bon goût jusqu'à proposer dans son merchandising
sulpicien les clous de la crucifixion montés en pendentif.
Entre autres gadgets ! Quoique après tout... pourquoi
pas ? La plupart des chrétiens portent bien au cou
l'instrument du supplice, cette croix que naguère
le droit romain qualifiait de «bois d'infamie».
***
A l'heure où nous écrivons
ces lignes, nous n'avons pas encore vu le film, que nous
ne connaissons que par la presse et que de toute façon
nous ne découvrirons que dans une version mutilée,
expurgée. Les gardes-fous de la société
bien pensante feront leur travail... tout en assurant une
belle publicité à Mel Gibson (125,2 millions
de dollars de recette, les cinq premiers jours d'exploitation)
!
(Sa sortie est annoncée en Belgique
pour le 7 avril 2004; quant à la France, elle le
verra dès le 31 mars.) |
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Après L'Arme fatale 3 (Lethal Weapon 3,
1992), la carrière de l'acteur passé à
la réalisation s'était infléchie vers des
films plus personnels comme L'homme sans visage (The
Man without a face, 1993). Au cours d'un de ces passages
à vide que l'existence nous réserve, celui qui
fut à l'écran Mad Max venait de trouver
son Chemin de Damas... Tournant le dos à cette vie de
bâtons-de-chaise qui est plus ou moins le lot de toute
vedette du show bizz, il renouait avec les valeurs d'un
catholicisme ultra-conservateur, celui de son père qui
émigra en Australie pour éviter que ses fils n'aillent
se faire tuer au Viêt-nam. Douze années durant,
Mel cogitera La Passion du Christ. Ce qui ne l'empêchera
pas de continuer à tourner des films d'action(1)
comme BraveHeart (1995), qu'il réalisa et interprèta,
et dans lequel il incarnait le rebelle écossais Wallace,
très fier d'avoir appris le latin et d'avoir accompagné
son oncle à Rome (détails qui ne sont pas anodins,
comme on le verra). Ou d'endosser l'uniforme du lieutenant-colonel
Harold G. Moore, «père» de son bataillon,
qui, en novembre 1965, engagea dans la vallée de la Drang
ce qui fut le premier affrontement de l'US Army au Viêt-nam
(Nous étions soldats, Randall Wallace, 2001).
Un film de guerre prenant en compte la détresse de ces
familles dont les fils ou les maris ne reviendront peut-être
pas.
Quinze ans auparavant, Martin Scorsese dans La
dernière tentation du Christ s'était intéressé
aux doutes du martyr, à la sensualité de son corps.
L'homme privé Jésus rêvait de posséder
Marie-Madeleine et de lui faire des enfants, alors que l'homme
public se devait de mourir pour témoigner. De ce même
Jésus-Christ, Gibson, quant à lui, a choisi de filmer
la chair mortifiée. Au long de deux heures de projection,
il retrace avec une précision de pathologiste les douze
dernières de la vie du Christ, traçant une carte
non pas «du tendre» mais... du gore au 1/6e.
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Mangez-en, ceci est
mon gore
Le film est basé sur les visions d'une mystique
allemande, Anne-Catherine Emmerich, consignées dans un livre
intitulé La douloureuse Passion de N.S. Jésus-Christ
- Internet : http://www.livres-mystiques.com
(2).
Stigmatisée et grabataire, Anne-Catherine Emmerich (1774-1824)
portait au front, aux mains, aux pieds et sur le flanc droit les
plaies faites par la couronne d'épine, les clous et le coup
de lance.
Appelant sur son propre corps tous les maux et maladies
de la terre, A.-C. Emmerich était spécialement obsédée
par la mortification de la chair. «Dès mon enfance
- écrivit-elle - j'ai demandé pour moi les maladies
des autres. J'avais la pensée que Dieu n'envoie pas des souffrances
sans une cause particulière, et qu'il y a toujours quelque
chose à payer par là.» A l'écran,
le résultat est assez gore et n'épargne aucun
détail des sévices et supplices endurés par
le Christ pour la rédemption de l'Humanité pécheresse.
«Jour après jour, on m'a craché dessus, battu,
flagellé et obligé à porter une lourde croix
sur mon dos dans un froid glacial. C'était une expérience
brutale, au-delà de toute description. [Mais] si je
n'avais pas subi tout ça, la souffrance n'aurait pas été
authentique», expliquera Jim Caviezel, interprète
du Christ et catholique fervent, qui fut d'ailleurs blessé
au cours du tournage de ces scènes. Ce n'est pas pour rien
que La Passion a été classée «R»
par le MPAA, c'est-à-dire interdit aux moins de 17 ans non
accompagnés («for sequences of graphic violence»)...
Rien que la flagellation dure vingt minutes à l'écran
(3),
et c'est un Jésus aux chairs tuméfiées, éclatées
qui est cloué sur la croix, un il poché. Jamais
on n'avait si loin poussé le réalisme... ou la complaisance
sadique; mais s'il s'agissait d'enfoncer dans le crâne des
spectateurs que le Christ n'avait pas rigolé sur sa croix,
le message est très clair et reçu 5 sur 5. «...
A souffert sous Ponce Pilate» n'est plus une simple figure
de rhétorique du Credo, mais prend ici toute son acre
saveur.
Ce culte de la douleur, Gibson le martèle sur
tous les registres, à commencer par la citation de la prophétie
d'Isaïe du générique : «Transpercé
à cause de nos crimes, écrasé à cause
de nos fautes» (Isaïe, 53 : 5). C'est pour
nous que le Christ a souffert dans sa chair, et il est impossible
au spectateur rivé à son fauteuil de ne pas intimement
ressentir cette souffrance. Malheureusement, en fin de course, le
divin souffle s'essouffle : après avoir minutieusement retracé
la Passion, Mel Gibson élude quasiment le message de la Résurrection
: nombre de critiques le lui reprocheront. «Ce film montre
la mort sans l'itinéraire du Christ et sans, non plus, la
Résurrection. Celle-ci n'est suggérée qu'à
la fin (4)
(...) Un prêtre a même dit qu'il ne voulait pas voir
le film, mais la suite, la Résurrection. La Passion,
c'est vendredi sans dimanche, c'est juste la mort (5).»
Que signifient alors ces souffrances endurées jusqu'à
la nausée, si ce n'est d'opposer un déni à
Satan, qui lui a dit : «Aucun homme ne peut porter tous
les péchés du monde» ?
Pour l'actrice juive roumaine Maia Morgenstern, qui incarne Marie,
mère de Jésus, «le film traite de ce que
c'est que de laisser les gens dire ouvertement de ce qu'ils pensent
et croient. Il dénonce la folie de la violence et de la cruauté».
«Transposer au cinéma l'affirmation selon laquelle
Jésus sauve l'humanité par ses souffrances et sa mort
est donc tout un défi», écrit le Père
Bertrand Ouellet. Mel Gibson «n'a aucunement l'intention
de représenter une Passion à l'eau de rose du piétisme
ou d'une fausse spiritualité», note le Père
Thomas Rosica (6),
un Canadien qui ne craint pas les émotions violentes, ni
d'enfoncer les doigts dans les plaies comme l'illustre apôtre
dont il tient son prénom. Au Vatican même, le porte-parole
de la faction conservatrice, le cardinal colombien Dario Castrillón-Hoyos,
préfet de la Congrégation pour le Clergé, voit
dans ce film «un triomphe de l'art et de la foi».
Et d'ajouter : «La vision de ce film engendre amour et
compassion. Il donne au spectateur envie d'aimer plus, de pardonner,
d'être bon et fort, coûte que coûte, car c'est
ainsi que s'est comporté le Christ y compris face à
des souffrances terribles comme celles-là.»
Il y a pire, toutefois, que tout ce grand guignol sanglant. Il
y a aussi ces étranges obsessions antisémites à
connoter la descendance d'Abraham «peuple déicide».
A la décharge de Mel Gibson, observons tout de même
ce souci de restituer Jésus à sa judéité
en filmant en version araméenne (et latine pour les personnages
Romains) : vrai défi aux plus élémentaires
règles du business (7)...
ou extrême habileté ? En attendant, Marie/Myriam appelle
son fils Yeshoua, et celui-ci prie son Père : «Abba».
Il nous semblait que Zeffirelli avait été le premier
à se soucier de cette dimension juive (8).
Mais chez Gibson, Jésus - par exemple - à plusieurs
reprises, «répond par un psaume à ce qu'il
doit subir, et Marie, apprenant l'arrestation de son fils, en cherche
le sens avec les mots de la Haggadah, le rituel de la Pâque
juive» (9).
Comme disait Monica Bellucci (Marie-Madeleine, dans le film), «on
a beaucoup parlé de l'éthique de ce long métrage
et pas beaucoup du travail du réalisateur, Mel Gibson»
(10).
Le Père Rosica remarque que le film restitue «la
nature ambiguë du procès de Jésus»,
tandis que le précité cardinal Castrillón-Hoyos
déclare, patelin, que Mel Gibson «capte avec la
caméra les subtilités et l'horreur du péché
tout comme la délicate puissance de l'amour et du pardon,
sans lancer ou insinuer des condamnations cachées contre
un groupe concret». Mais alors, comment alors justifier
le plan ahurissant où l'on voit les charpentiers du Temple
confectionner l'instrument du supplice romain... sur les indications
des prêtres juifs (11)
! Scène dépourvue de valeur historique, car si les
chefs du Sanhédrin avaient eu le pouvoir légal de
mettre eux-mêmes à mort celui qu'ils accusaient de
blasphème, ils l'eussent bien entendu lapidé. Pour
eux, point besoin de croix, ce supplice qui est celui qu'aime à
infliger l'occupant étranger. Nous y reviendrons.
Contre le film se sont dressés, côté
juif, Abraham Foxman de la Ligue anti-diffamation (A.D.L.), tandis
que David Elcott, responsable des relations entre religions au comité
juif américain, manifestait son scepticisme. Ils sont rejoints,
chez les chrétiens américains, par le révérend
John Pawlikonski (catholique).
Par contre, se déclarèrent favorables : le cardinal
de Chicago, Francis Georges, et Luis Giovano, le porte-parole de
la Ligue catholique; James Dobson et Jerry Falwell, leaders de puissantes
associations évangélistes; et le pasteur Billy Graham
(son fils, Franklin Graham se montrant pour sa part plutôt
dubitatif). A leurs voix se joignent celles de quelques personnalités
juives comme le rabbin Daniel Lapin, le conservateur Michael Medved,
critique de cinéma, et l'écrivain juif orthodoxe David
Klinghoffer.
Au Vatican, le porte parole de la salle de presse, Joaquin Navarro-Valls
(12) (Opus Dei) après
avoir donné à entendre que le pape - ayant visionné
en avant-première un DVD les 5 et 6 décembre dans
ses appartements privés - aurait déclaré «c'est
comme ça que ça c'est passé», fit
monter au créneau diverses personnalités romaines
pour cautionner la qualité de l'uvre, dont le cardinal
Castrillón-Hoyos, Mgr Foley, président du Conseil
pontifical pour les communications sociales, et l'Américain
Augustin de Noia, dominicain, membre de la Commission théologique
internationale. Moins malléable et plus prudent, le cardinal
Walter Kasper, responsable notamment du dialogue avec le judaïsme,
préféra s'abstenir... Toutefois, mardi 20 janvier
2004, le secrétaire personnel du pape, l'archevêque
Stanislaw Dziwisz démentira que ce dernier ait donné
un quelconque satisfecit au film. Cindy Wooden, correspondante de
l'agence C.N.S. (Catholic News Service, organe de la Conférence
épiscopale américaine), transmettra à l'A.F.P.
que ce dernier lui avait déclaré personnellement que
le pape «n'avait jamais fait part à personne de
son opinion», se refusant à prononcer un jugement
à titre personnel «sur une oeuvre artistique».
Tel père, tel fils ?
Le fait que le père de Mel Gibson ait tenu au
New York Times des propos niant ou minimisant l'Holocauste
- déclarations passablement embarrassantes pour son fils -
n'est pas pour rassurer quant aux intentions du (des) promoteur(s)
du film. Connu pour son antisémitisme, Hutton Gibson (85 ans)
est un autodidacte qui avait envisagé la prêtrise. Il
a fondé en Californie une secte catholique fondamentaliste
et anticonciliaire regroupant 100.000 adeptes
(13) dans la mouvance de la
Fraternité Saint Pie X. Son fils, qui lui a construit à
Malibu une chapelle de 2,8 millions de dollars, «La Sainte Famille»,
déclarera dans un entretien exclusif à la journaliste-vedette
d'ABC News, Diane Sawyer : «Je ne veux pas manquer de respect
à mon père. Il n'a pas nié l'Holocauste, il a
juste dit qu'il y avait moins de six millions de Juifs tués
dans les camps. (...) Je crois effectivement que des camps
de concentration ont existé dans lesquels des Juifs innocents
et sans défense sont morts cruellement sous le régime
nazi.» Et au Los Angeles Times : «Je suis
l'objet d'une persécution religieuse, une persécution
comme artiste, une persécution comme Américain et une
persécution comme homme.» Mel Gibson, qui apparemment
ne s'attendait pas à toute cette agitation, se récrie
: «Je ne suis pas antisémite. C'est totalement contraire
aux principes de ma foi.» Pas question donc, pour lui, d'imputer
la responsabilité de la mort du Christ aux juifs : «Nous
l'avons tous tué. Je suis en tête de la liste des coupables.
(...) Mon espoir est que ce film soit un message de courage et
de sacrifice qui affectera profondément les gens, et les changera.»
To be historic or to be religious ?
Porter à l'écran la vie du Christ est
donc, on le voit, un exercice périlleux. Il importe au cinéaste
de regarder où il met les pieds, de savoir quel film il entend
tourner. Un film historique ou un film religieux ? Cherchera-t-il
à appréhender les faits «historiques» (14)
ou à cerner des «vérités» théologiques
(15)
? S'en tiendra-t-il aux énoncés des Evangiles de Matthieu
et consorts, éclairés par deux mille ans de tradition
antisémite (16),
ou préférera-t-il leur décantation par Vatican
II (17)
? Si les textes sont restés les mêmes, leur angle d'éclairage
a changé. Ainsi, au regard de Vatican II, la quantité
de foule approuvant les grands-prêtres a sa signifiance : une
foule abondante équivaudrait à désigner le peuple
juif dans son ensemble, alors qu'un très petit nombre (18)
seulement corroborerait les Evangiles de Jean («A sa vue,
les grands-prêtres et leurs agents de s'écrier
: «Crucifiez-le, crucifiez-le !» (Jn, 19 :
6)) et de Marc («Les grands-prêtres excitèrent
la foule» (Mc, 15 : 11)). C'est donc une minorité
agissante qui cherche à perdre le Christ. La volonté
de le condamner ne serait le fait que de quelques meneurs, non le
sentiment populaire : la foule venue l'acclamer quelque jours auparavant,
lors de son entrée dans Jérusalem, témoigne de
ce que Jésus comptait de nombreux partisans ou sympathisants.
De son côté, Luc laisse entendre que nombre de gens présents
déplorèrent le supplice du rabbi et, «voyant
ce qui était arrivé, s'en retourn[èr]ent en se
frappant la poitrine» (Lc, 23 : 48). Tout ceci invite
à une lecture nuancée du procès et de l'exécution
du Messie.
Le problème de la représentation de l'Evangile
à l'écran tient dans un subtil distinguo grammatical
: Jésus a été traîné devant le tribunal
de Pilate par «des» Juifs, et non par «les»
Juifs. Mais essayez de faire passer cette nuance sur un écran
large, quand le Christ est traîné devant Pilate par les
chefs religieux de son peuple et leurs partisans, vociférant
«Crucifigatur !» («Qu'il soit crucifié
!»), tandis que ses propres disciples se sont volatilisés
dans la nature, Pierre le premier.
Au long de l'histoire du cinéma, de précédentes
versions de l'histoire du Christ hantèrent les écrans
sans faire trop de vagues. Signalons tout de même le beau dérapage
de C.B. DeMille - épiscopalien, mais né de mère
juive - avec le Roi des Rois (1927), en son temps violemment
critiqué par le rabbin Lissaner de la synagogue de Commonwealth,
à Los Angeles. Le clou du film était le Golgotha s'entrouvrant
sur un gouffre infernal qui engloutissait les «Juifs»
déicides ! Il serait intéressant de vérifier
si certaines phrases litigieuses comme ce «Que son sang soit
sur nous et sur nos enfants» (Mt., 27 : 25) (19)
figuraient ou non dans ces précédentes versions, en
distinguant celles qui furent tournées avant la Shoah, celles
après Vatican II (1962-1965)... et celles entre les deux.
Et si, en fait, le
problème ne tenait pas tout simplement à la personnalité
de Mel Gibson et, surtout, de son père. L'activité
prosélytique fondamentaliste du producteur-réalisateur
ne laisse, bien entendu, subsister aucun doute quant à
savoir si La Passion gibsonienne puise sa sève
dans une lecture traditionaliste des Ecritures. Mais cela suffit-il
pour ipso facto l'assimiler à un antisémite
à tous crins ? Il faut dire que l'idée - aberrante
historiquement parlant - de montrer les Juifs confectionnant
eux-même la croix, dans leur Temple, constituait une véritable
provocation. Même si Mel Gibson l'a supprimée dans
un geste d'apaisement... il n'en demeure pas moins qu'il l'a
bel et bien imaginée et filmée cette scène,
et que des photos ont été publiées dans
la presse.
Voilà ce qui est choquant. Bien plus choquant
que les interminables scènes de flagellation gore
(20)
qui ont le mérite de nous changer d'un certain christianisme
à la guimauve, plein de bons sentiments, d'agnelets bouclés
et de roses angelots. Le christianisme soft du cours
de catéchisme, qui n'insiste pas plus qu'il ne faut sur
le mythe fondateur (21),
l'incroyable atrocité (refoulée) du Meurtre du
Fils, cannibalisé dans l'Eucharistie. Un religieux canadien,
Bertrand Ouellet (22)
s'est étonné du simplisme de l'affiche qui porte
le sous-titre Dying was his reason for living (Mourir
était sa raison de vivre). «Hors contexte
- écrit-il -, on pourrait croire qu'il est question
d'une personne suicidaire ou psychologiquement dérangée.
Que comprendront les passants qui verront l'affiche dans le
hall d'une salle de cinéma ?» |
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En tout cas, elle n'arrivera jamais à convaincre
l'auteur (agnostique) de ces lignes de ce que la torture et le meurtre
de Jésus-Christ étaient utiles, nécessaires au
rachat (rachat à qui ?) d'on ne sait quel péché
originel !
L'idée était toute païenne, du reste, empruntée
au rythme des saisons. Le «Dieu qui meurt et ressuscite»
: Osiris, Tamnuz, Adonis, Balder... les mythologies comparées,
vous connaissez ?
Une photographie soignée
Le R.P. Jean Charles-Roux - qui chaque matin, sur le plateau du
tournage à Cinecittà, disait la messe en latin selon
le rite tridentin (23)
- compare à du Rembrandt la scène du Sanhédrin,
tandis que le Père Rosica renvoie au Caravage le visage torturé
de Ponce Pilate, tout d'ombre et de lumière. De même
les images de Marie (Maia Morgenstern) et de Marie-Madeleine (Monica
Bellucci) comme les scènes du martyre, nous restituent les
Christ souffrant, pietà et autres mater dolorosa
de la peinture italienne. Quoique dénotant un réel
souci de recherche formelle, et en dépit de certains détails
soignés, comme le faux nez dont Jim Caviezel avait été
affublé pour adhérer à l'image de Jésus
tel que nous l'a conservée le saint suaire de Turin, Mel
Gibson ne donne pas l'impression d'avoir voulu faire un film archéologiquement
acceptable, comme on va voir.
A gauche.
Dans Jésus de Nazareth (1977) le patibulum
se présente comme une sorte de vaste échafaudage
où l'on peut venir accrocher le contingent de condamnés
du jour.
A droite. Dans L'Inchiesta (Damiano Damiani, 1986),
passablement sanglant, Jésus est cloué à
la croix dans la position exacte de Yohanan Ben Ha'galgol.
Les versions filmiques plus anciennes s'inspirent plutôt
de la peinture. Dans Le Roi des Rois (1927), seul
Jésus bénéficie d'une croix bien
rectiligne; autour de lui, sur des troncs d'arbres tors,
à peine émondés, les larrons sont
garrottés - et non cloués - dans de fantastiques
contorsions - inspiré d'une gravure de Bernard
Salomon (1559). |
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La Croix
En effet, en bon fondamentaliste, Mel Gibson a préféré
négliger les enseignements tirés de la tombe du
crucifié de Givat
Hamitvar (24)
pour nous délivrer une image de la crucifixion du Christ
conforme à l'imagerie pieuse traditionnelle de la croix
latine. De fait, les «bois d'infâmie» consistaient
plutôt en un «T», plus fonctionnel, dont la
poutre transversale était détachable.
Le poids énorme d'une croix complète - environ
150 kg - est en effet impossible à faire porter par un
homme qui, de surcroît, vient d'être copieusement
battu. Le condamné ne portait que la poutre transversale,
qui devait être accrochée au patibulum, le
gibet ou poteau fixe qui demeurait sur le lieu des exécutions.
Selon Jim Caviezel, la croix factice qu'il portait sur le chemin
du Calvaire pesait 75 kg, c'est-à-dire la moitié
de ce qu'aurait pesé la vraie si elle avait été
complète. En outre, on a depuis longtemps observé
que les clous étaient enfoncés dans les poignets,
entre le radius et le cubitus (25),
et non dans la paume de la main - qui se serait déchirée
sous le poids - comme on le voit faire en gros plan... par les
mains de Mel Gibson lui-même, lequel fait ainsi une on ne
peut plus discrète apparition dans son film (26).
Mais pourquoi donc s'obstiner dans une représentation archéologiquement
fausse ?
Croix «latine» ou «tau», la forme de
la croix n'est toutefois qu'un détail technique. Autrement
plus préoccupant est le fait qu'une des scènes qui
a fait scandale lors de la première présentation
du film en cours de montage, en montre la fabrication sous l'il
des prêtres juifs... à l'intérieur du Temple.
Outre l'invraisemblance historique, il y a l'allusion en filigrane
à l'accusation du crime rituel juif qui a fait les choux
gras des antisémites, déjà bien avant le
christianisme puisqu'il remonte à l'établissement
des Grecs en Syrie et en Egypte suite aux conquêtes d'Alexandre,
et à la persécution du judaïsme par les Séleucides
qui profanèrent le Second Temple pour le consacrer à
Zeus Olympien.
L'antisémitisme, tradition séculaire
Né de la difficile cohabitation des Grecs avec les Juifs,
l'antisémitisme s'est nourri du particularisme juif qui
considérait comme une souillure tout contact avec les païens
(27),
ce qui n'empêcha pas ses élites collaborationnistes
de s'helléniser. Ces ragots, Flavius Josèphe les
a analysés et réfutés dans son Contre
Apion (II, VIII, 89-102), notamment la légende de l'idole
à tête d'âne qui serait adorée dans
le Temple de Jérusalem et la croyance qu'on y engraissait
un prisonnier grec voué à être rituellement
sacrifié et dévoré au cours d'agapes anthropophagiques.
De là l'accusation de meurtre rituel d'un enfant chrétien,
au cours d'une parodie des Pâques, qui sévit tout
au long de notre moyen âge. Les Romains en avaient d'abord
accusé les chrétiens à cause d'un certain
«mangez, ceci est mon corps; buvez, ceci est mon sang»,
l'Eucharistie mal comprise; l'Empire romain devenu chrétien,
ceux-ci la retourneront contre les juifs.
A gauche. Les cheveux
clairs et des yeux très bleus de ce Christ
sont la négation de sa judéité.
Couverture du roman de Fulton Oursler, «The
Greatest Story ever Told» (1949) - édition
américaine Permabooks de 1953 («La plus
grande histoire jamais contée», George
Stevens, 1965).
A droite. Couverture de la novelisation de Philip
Yordan, d'après son propre scénario,
de «King of Kings» («Le Roi des
Rois», Nicholas Ray, 1961) (Permabooks, New
York, 1961).
Dans le prologue du film, on voyait Pompée,
le glaive au poing, pénétrer dans le
Saint des Saints du Temple de Jérusalem, et
s'étonner de ne point y découvrir l'idole
à tête d'âne dont l'imagination
des Grecs avait décrété l'existence
(28)
!
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Rien n'est innocent...
Porter à l'écran la vie du Christ est un exercice
périlleux, disions nous. Ceux qui s'y risquent, s'entourent
d'ordinaire d'une batterie de consultants toutes confessions
confondues, y compris les deux autres religions du Livre, sans
toujours totalement réussir à éviter les
protestations des parties intéressées, voire des
extrémistes de tout bord. C'est qu'il n'est pas indifférent
que le Christ soit blond, brun, barbu ou glabre etc. Le fait
même que son visage apparaisse à l'écran
peut-être diversement apprécié - d'aucuns
jugeront sacrilège le principe de son incarnation par
un acteur (29).
Dans la version 1927 du Roi des Rois, tourné en
pleine prohibition aux Etats-Unis, Cecil B. DeMille eut à
se justifier des... Noces de Cana, où l'on voyait, ô
scandale, Jésus changer l'eau en vin. Comme si le bon
public bigot des ligues de tempérance ignorait ses Evangiles
( Jn, 2 : 1-11 et 4 : 46) (30)
! Plus tard, l'Etat franquiste sanctionna durement l'étudiant
catalan Enrique Irazoqui qui avait interprété
un Christ «marxiste» dans l'intéressant Evangile
selon Saint Matthieu (1966) de Pier Paolo Pasolini, qui
pourtant recueillit l'approbation du Vatican. A propos du Jésus
(1999) de Claude Moati, d'après le livre de Jacques Duquesne,
ancien journaliste à La Croix, certains catholiques
se formalisèrent du fait que Jésus avait des frères
et des surs (le même terme araméen désignant
aussi les cousins et les cousines, sens retenu par l'exégèse).
Une Marie prolifique jetait une légitime suspicion sur
le dogme de sa virginité et de l'immaculée conception.
Rappelons à ce propos que, décédé
peu après sa seconde mouture des Dix Commandements,
C.B. DeMille travaillait au scénario d'une Reine des
Reines, consacré à Marie, mère de plusieurs
enfants, ce qui heurtait le puissant lobby catholique
hollywoodien.
Il nous faut enfin évoquer le provocateur La dernière
tentation du Christ (1988) de Martin Scorsese ? Publié
à Athènes en 1954 (31),
le roman de Nikos Kazantzakis avait été mis à
l'index par le pape dès avril de la même année.
Il se trouva des gens pour affirmer que l'ancien séminariste
Scorsese s'était laissé manipuler par les producteurs
juifs d'Hollywood pour nous délivrer un film assez peu...
catholique. Pourtant, Kazantzakis et Scorsese ne posaient-ils
pas une question existentielle intéressante, touchant
à la consubstantialité du Christ ?
Pour les catholiques comme pour les orthodoxes, Jésus-Christ
est Dieu et Homme en même temps. S'il est Homme, qu'en
fut-il de ses désirs humains, charnels ? La question
peut paraître triviale, mais puisque Jésus est
aussi Homme, on ne peut sérieusement l'éluder...
En son temps, l'Eglise catholique orthodoxe - c'était
avant le Grand Schisme - eut à combattre l'hérésie
monophysite qui professait que le Christ était uniquement
Dieu, et son contraire, l'hérésie arienne,
pour qui Jésus était seulement homme, un prophète
- l'une et l'autre nées dans ce creuset de spiritualité
qu'était Alexandrie.
Les extraordinaires destins de Judas et de Ponce Pilate
Judas. - «Que son sang
soit sur nous et sur nos enfants» (Mt, 27
: 25). «Ces mots furent-ils réellement prononcés
? On n'est pas obligé de le croire», commentait,
sceptique, Renan, un siècle avant Vatican II. On peut
en effet tenir cette formule rituelle de la rhétorique
orientale pour un effet de style de Matthieu, qui ne fut pas
un témoin direct de la scène qu'il décrit.
Cette phrase néanmoins, et quelques autres du même
tonneau, a longtemps nourri l'antisémitisme des Eglises
chrétiennes - catholiques, orthodoxes et protestantes
confondues -, notamment le passage de Luc qui attribue la
responsabilité de la mort du Christ au seul Judas :
ce n'est pas d'un Simon, d'un Samuel ou d'un Mardochée
qu'il s'agit, non : c'est Judas, celui qui porte le
nom éponyme de la Judée (32).
Mais on a beau dire, sans le nécessaire Judas il n'y
aurait pas eu de Christ. Judas fut, en quelque sorte, le premier
martyr de la cause chrétienne et le plus utile, celui
qui réalisa les prophéties (Psaumes, Isaïe).
Certes Jésus était Juif, et son crime fut d'énoncer
des principes nouveaux, qui allaient à l'encontre de
la stricte orthodoxie juive - par exemple l'idée que
Dieu ait pu engendrer un Fils selon la chair. C'est ainsi
qu'il dressa contre lui la hiérarchie religieuse de
son propre peuple, laquelle bien évidemment le condamna
comme la Sainte Inquisition condamna Galilée ou Copernic.
Ponce Pilate. - Marc, qui peut-être assista
à l'arrestation de Jésus (33)
(Mc, 14 : 51-52), dans son Evangile composé
à l'intention des judéo-chrétiens de
Rome, minimisait la responsabilité des Romains, et
en particulier celle de Ponce
Pilate qui ne consentit à condamner Jésus
que sous la menace d'une émeute. Sans doute était-il
politique, pendant les persécutions néroniennes
- on estime que l'ouvrage fut écrit entre 60 et 70
-, de ménager les autorités impériales
en chargeant le Sanhédrin. «A sa vue, les
grands-prêtres et leurs agents de s'écrier :
Crucifiez-le, crucifiez-le ! Pilate leur dit : «Chargez-vous
en vous-mêmes, car pour moi, je ne trouve pas de quoi
le condamner» (Jn, 19 : 6).
Au contraire, l'auteur du IVe Evangile, Jean - qui n'était
peut-être pas ce Jean, le «disciple préféré»
- rédigea sa version après les persécutions
de Domitien (mort en 96). Les rapports entre chrétiens
et Romains étant alors apaisés, Jean ne cherche
plus à innocenter le préfet de Judée...
Qu'importe, c'est le portrait dressé par Marc qui prévaudra
dans l'imaginaire chrétien. N'avait-il pas, ce cher
Pilate, une femme compatissante, Procla ou Claudia Procula,
à laquelle fait allusion Matthieu sans la nommer (Mt,
27 : 9) ? La tradition la présente comme crypto-chrétienne,
et les Eglises grecque et éthiopienne la vénèrent
comme une sainte. Finalement Ponce Pilate, qui fut autant
nécessaire à Jésus-Christ que Judas,
fut lui-même sanctifié par les Grecs, les Coptes
et les Ethiopiens vers le IVe ou Ve s..
Ce Pilate, pourtant, avait d'ordinaire la main lourde lorsque
les Juifs s'agitaient pour des histoires d'impôts (le
financement de l'aqueduc) ou de représentation (les
imagines impériales). Une épître
d'Agrippa Ier citée par Philon le décrit vénal
et brutal. Assurément, Pilate savait être intransigeant
lorsque l'ordre romain était mis en cause. Intransigeant,
mais pas stupide. Crut-il devoir lâcher du lest lorsque
le Sanhédrin, en principe à sa botte, lui envoya
- sous un vague chef d'inculpation politique - un gourou nommé
Jésus, que prêtres et pharisiens souhaitaient
faire disparaître, c'est-à-dire condamner à
mort ? Pilate eut tout aussi bien pu refuser de condamner
Jésus, histoire de démontrer au Sanhédrin
qu'on ne l'influençait pas ainsi. Tout comme il lui
était loisible de donner raison aux chefs religieux
- ces auxiliaires du pouvoir - dans cette affaire qui ne concernait
pas les intérêts romains, sauf à éviter
de nouvelles émeutes.
David Elcott, déjà cité, a ironisé
à propos d'un Pilate-Hamlet shakespearien imaginé
par Gibson. Mais telle est bien la représentation que
les chrétiens se font du préfet de Judée,
et tel apparaît-il dans la plupart des vies du Christ
portées à l'écran (mais certes pas dans
la version de Zeffirelli - la première à donner
un look juif à Jésus faut-il le souligner
? -, où Rod Steiger incarnait un préfet brutal
et pressé). En 1961, le Ponce Pilate d'Irving
Rapper et Giampaolo Callegari, avec Jean Marais dans le rôle
du préfet rongé par le doute et Jeanne Crain
dans celui de Claudia Procula, ne devait guère faire
de vagues, soit parce que le film ne visait pas le battage
médiatique, soit aussi parce que le scénario
était plus nuancé ou astucieux : c'était
le même acteur, John Drew Barrymore jr qui incarnait
et Jésus, et Judas. Et surtout, c'était avant
Vatican II.
Le temps de tous les intégrismes...
2003-2004. Cecil B. et la prohibition sont maintenant bien
loin, et plus personne, par ailleurs, ne se choque de voir
un acteur prêter ses traits aux Christ - fut-il un
agnostique notoire comme Robert Le Vigan (Golgotha,
1935) ou Robert Powell (Jésus de Nazareth,
1977).
Entre-temps, il y a eu l'Holocauste. Avec Vatican II et
la déclaration Nostra Ætate («A
notre époque»), le catholicisme ému
a revu ses positions. On a relu les textes et admis que
la faute de quelques personnes ne saurait rejaillir sur
l'ensemble du peuple juif et en poursuivre la postérité
des siècles durant.
On s'est souvenu - par exemple - que, parmi ses disciples,
Jésus distinguait Pierre pour l'inespérée
divine révélation qu'il avait eue, laquelle
ne devait pas être évidente pour l'ensemble
de ses pieux coreligionnaires : «Sois heureux,
fils de Jonas, car cette révélation t'est
venue non de la chair et du sang, mais de mon Père
qui est dans les Cieux» (Mt, 16 : 17).
Et aussi que, devant acheter notre rédemption, le
supplice du Christ était - de toute façon
- inscrit dans un plan divin conçu de toute éternité.
Depuis Vatican
II, près de quarante années sont passées.
Quarante est un nombre mystique dans la Bible. Entre-temps
les conflits Est-Ouest, Nord-Sud ont généré
la Croisade de George W. Bush contre l'«Axe
du Mal» du terrorisme arabo-musulman. En tenue
de pilote de course, Bush peut parader au Daytona
500, dans la Bible belt qui vit naître
le K.K.K., où Bobby Labonte pilote un bolide
Chevrolet portant le logo de The Passion of the
Christ. Outreach Inc. a bien fait son boulot de
marketing
(34) !
Si la politique américaine avait
toujours consisté en un appui quasi-inconditionnel
à Israël, Bush soutenu autant par les
pétroliers et marchands de canons que par les
lobbies fondamentalistes des néo-évangélistes
américains et d'une extrême-droite catholique,
accuse un bémol en ce domaine. Le film de Mel
Gibson - ouvertement soutenu par Bush, qui a déclaré
son intention de voir le film (35)
- et la polémique qu'il suscite vient en quelque
sorte entériner ce nouvel état de fait
: le malaise américain vis-à-vis de
l'allié sioniste (36).
Comment dès lors s'étonner de l'inquiétude
de tous ceux qui uvrent au rapprochement judéo-chrétien
?
Info
ou intox ?
En date du 18 mars, Mel Gibson, mis en appétit
par le péplum biblique, a déclaré
dans une émission de radio américaine
caresser le projet de porter à l'écran
l'histoire des frères Maccabées. Il
s'agit de la révolte juive de -167 contre les
Séleucides gréco-syriens qui voulaient
convertir les Juifs à l'hellénisme et
recycler en Temple de Zeus celui de Iahvé.
Au terme d'une guerre de trois ans, Judas Maccabée
et ses frères Jean, Simon et Jonathan, fils
du grand-prêtre Mattathias, chassèrent
de Jérusalem la garnison du roi Antiochus IV
Epiphane, et rendirent son Temple au dieu d'Israël
(-164) : c'est l'origine de la fête juive de
la Hanukka (Dédicace), qui se célèbre
le 25 Kisleu (novembre-décembre).
A notre connaissance, le sujet n'avait été
porté à l'écran que deux fois
: la première au temps du muet (I Maccabei,
Enrico Guazzoni, 1911); la seconde dans les
Golden Sixties (Cinq hommes contre un empire/Il
Vecchio Testamento, Gianfranco Parolini, 1962),
avec le culturiste Brad Harris dans le rôle
de Simon Maccabée. Howard Fast, l'auteur de
Spartacus - porté à l'écran
par Kirk Douglas et S. Kubrick (1960), et par Robert
Dornhelm (2004) -, en tira un roman, My Glorious
Brothers (1950). |
|
Suite…
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Procula (?) était-elle apparentée aux "Césars" ? : Clic !
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convaincu ? : Clic !
- La libération de Barabbas à la place de
Jésus : réalité ou mythe ? : Clic !
|
NOTES :
(1)Il est du reste en train de préparer
la production d'un cinquième «Mad Max», Fury
Road, annoncé pour 2005 - Retour
texte
(2) Le Chapitre XXII, soit 13.000
signes, est tout entier consacré à la description
du supplice de la flagellation où l'on voit les tortionnaires
mettre tout leur cur à lacérer les chairs
de leur victime, l'insulter, se relayer, boire un coup, recommencer,
etc.
Dans sa Vie de Jésus, Ernest Renan l'expédiait
en deux lignes, tandis que Daniel-Rops (Jésus en son
Temps) se répandait en considérations juridico-techniques
(les flagella, les flagra, etc.). C'est dire si,
de l'expiation par le sang et la souffrance, Gibson s'est montré
un observateur attentif ! - Retour texte
(3)David Elcott (comité juif
américain) compta 270 coups de verge dans la première
demi-heure - Retour texte
(4) «Trois secondes à
peine. Un écran noir. Un faisceau de lumière qui
le déchire. Le bruit du tombeau qui s'ouvre. La lumière
s'intensifie. Le corps apparaît. II n'a plus de sang.
Juste les marques des clous sur la paume des mains. Puis, plus
rien. Entre les deux, on assiste à la mise à mort
d'un homme pendant deux heures, entrecoupée de quelques
flash-bac.» - Retour texte
(5) R. LE SOMMIER, in La Libre-Match.
- Retour texte
(6) Président-directeur général
de la première télévision nationale catholique
canadienne et de la Fondation catholique «Sel et Lumière
média». - Retour texte
(7) Il y avait eut, tout de même,
un précédent avec The Genesis Project (1976-1979),
une série de dix-huit vidéo-cassettes de 25'/30'
chacune, diffusées conjointement avec le texte de La
Bible de Jérusalem en 152 fascicules édités
par les Editions du Signe/Bible 2000 et diffusés par
la Société des Périodiques Larousse (S.P.L.)
en 1982 et reprises en 1997. Conçues sous l'égide
de l'Alliance Biblique Universelle, les neuf premières
concernent l'A.T., les neuf autres le N.T. et parlent araméen,
grec et latin; le nom des acteurs ne figurent pas au générique.
Il semble toutefois que les épisodes relatifs au Christ
aient été compilés et synthétisés
dans une VHS de 117' intitulée Jésus (The
Public Life of Jesus, Peter Sykes & John Kirsh, prod.
John Heyman, Warner Bros-Genesis - EU, 1979), avec Brian Deacon
dans le rôle-titre. - Retour texte
(8) Ainsi, d'habitude, Barabbas nous
est présenté d'après les Evangiles comme
un brigand, un assassin. Dans le film de Zeffirelli, il était
clairement un sicaire - un résistant, un patriote. Rien
de tel auparavant. - Retour texte
(9) Michel KUBLER, in Religion,
26 février 2004. - Retour texte
(10) Ciné-TéléRevue,
nŒ 13, 25 mars 2004, p. 17. - Retour texte
(11) Scène figurant dans la
version projetée en juillet 2003 devant un public religieux
soigneusement sélectionné (les journalistes de
cinéma étant exclus). Il semble qu'elle ait été
retanchée depuis, suite aux protestations...
Détail amusant : dans La dernière tentation...,
c'est le charpentier Jésus de Nazareth qui dans son atelier
confectionnait des croix pour le compte des Romains (!). - Retour
texte
(12) Lire à ce sujet : Caroline
PIGOZZI, «Au Vatican, du pain bénit pour l'Opus
Dei», Paris-Match, 25 février 2004.
- Retour texte
(13) Il y a aux Etat-Unis 63 millions
de catholiques. - Retour texte
(14) On ne possède pas les
pièces du procès, et les témoignages des
Evangiles, de seconde main, ne sont pas absolument fiables.
- Retour texte
(15) Le paramètre «Jésus
est [Fils de] Dieu», par exemple. - Retour
texte
(16) Sous l'alibi du «peuple
déicide», cette tradition antisémite reflète
surtout l'inimitié historique entre le judaïsme
et de sa secte dissidente et hérétique, le christianisme.-
Retour texte
(17) Le travail de réconciliation
entre juifs et chrétiens avait été initié
par la conférence de Seelisberg (1948). Réuni
à l'initiative du pape Jean XXIII - qui en confia l'organisation
au cardinal Agostino Bea s.j. - le Concile Vatican II (1962-1965)
réévalua la position de l'Eglise catholique, apostolique
et romaine et non seulement vis-à-vis des autres courants
du christianisme, mais aussi à l'égard des juifs
: les expressions relatives à la «perfidie»
[id. est «infidélité»] des
juifs «déicides» furent gommées du
rituel. Après l'Holocauste nazi, cette remise des pendules
à l'heure s'imposait.
Par ailleurs la mise en cause du latin comme langue de la messe
amena un froid avec les catholiques conservateurs qui,
en 1988, aboutit à l'excommunication de leur chef de
file, Mgr Lefèvre.- Retour texte
(18) On ne sait où exactement
Pilate tenait son prétoire (le palais asmonéen
? la forteresse Antonia ?), mais dans l'un et l'autre cas il
devait s'agir d'un lieu assez exigu.- Retour
texte
(19) Rectifiant le tir, Mel Gibson
l'a, paraît-il, retirée... des sous-titres de traduction.
Mais en la conservant dans le dialogue latino-araméen.
En tout cas cette phrase litigieuse parce que mal comrise (il
faut la replacer dans le contexte de la théâtralité
rhétorique orientale) ne figure ni dans La plus grande
histoire jamais contée (George Stevens, 1965), ni
dans la version longue (TV) de Jésus de Nazareth
(F. Zeffirelli, 1977), où la scène du lavement
des mains est éludée ou contournée. Mais
cette scène était incontournable dans Ponce
Pilate (I. Rapper & G.P. Callegari, 1961), plaidoyer
en faveur du préfet incarné par Jean Marais, où
la Passion est filmée de très loin. Notons tout
de même qu'elle était prononcée sous une
forme extrêment mal choisie «Que son sang retombe
sur nous. Sur nous et sur Israël !», VF) par
un personnage nommé Aaron, chef des marchands du Temple
que Jésus avait malmenés; et que c'étaient
ces marchands qui s'y montraient les plus ardents défenseurs
de Barabbas, le brigand qui les dépouillait ! Dans cette
version, au Sanhédrin, autant Caïphe se montrait
bienveillant vis-à-vis de Jésus (!), autant Anne
était déterminé à le perdre : manière
de signifier que tous les Juifs n'étaient pas hostiles
à Jésus. - Retour texte
(20) On trouve sur un «Forum
de discussion» la remarque d'un visiteur qui trouve
hypocrite le reproche de violence fait à La Passion,
alors que ladite violence éclate de partout dans n'importe
quel film. Il faudrait distinguer la violence cathartique des
films d'actions (et pan ! je te dégomme un salopard)
de celle, glauque, qui consiste à torturer un innocent
pendant deux heures, surtout dans le contexte d'une religion
connue pour son mépris de la chair, sa délectation
dans la mortification. - Retour texte
(21) En fait, les Evangiles ne s'attardent
guère à décrire les mauvais traitements
subis par Jésus : elles se bornent à mentionner
qu'il fut flagellé et insulté. Point. Puis crucifié.
Point.
C'est à partir du Moyen Age que l'art religieux chercha
à restituer visuellement le martyre du Christ, à
vouloir saisir sur son visage les affres de l'agonie mêlées
à l'extase mystique. - Retour texte
(22) Directeur général
de Communications et Société (Canada).
- Retour texte
(23) Ainsi nommé d'après
le Concile de Trente; on dit aussi : «Messe de Saint Pie
V». - Retour texte
(24) Il s'agit d'un sarcophage contenant
les restes d'un notable juif, Yohanan Ben Ha'galgol, mort par
crucifixion au Ier s. de n.E., retrouvé près d'une
porte de Jérusalem à l'été 1968.
Le clou unique encore fiché dans les os des deux talons,
les traces d'usure sur les os des poignets nous renseignent
sur sa position assise, les jambes tordues, sur un gibet qui,
par ailleurs, devait être assez différent de celui
qu'imaginent traditionnellement les chrétiens (la croix
latine). - Retour texte
(25) Détail confirmé
par les traces d'usure relevées sur le squelette du crucifié
de Givat Hamitvar.- Retour texte
(26) On connaît ce genre de
coquetterie dont Alfred Hitchcok s'était fait une spécialité.
Mais ici, il ne faut sans doute rien voir d'autre que la revendication
de l'acteur, empreinte de spiritualité et proclamée
haut et fort :«C'est nous [tous] qui l'avons crucifié;
JE suis le premier coupable.» - Retour
texte
(27) Ainsi Caïphe et ses amis
négocièrent avec Pilate sur le lithostrôtos,
le parvis de son prétoire car en ce jour saint c'aurait
été une souillure que de pénétrer
dans la demeure d'un païen («Mais les juifs n'entrèrent
pas eux-mêmes dans le prétoire, pour ne pas contracter
souillure et pouvoir ainsi manger la Pâque»
(Jn, 18 : 28)).- Retour texte
(28) A la différence des Temples
gréco-romains, qui n'étaient pas des lieux de
réunion des fidèles mais où il était
loisible de pénétrer, celui des Juifs était
rigoureusement interdit aux non-juifs, et même - partiellement
- aux femmes juives. Les Grecs ne pouvaient donc que fantasmer
sur ce qui s'y trouvait. Dans leur volonté politique
d'opérer un syncrétisme religieux entre les différents
panthéons des peuples soumis à l'oikouméné,
les mythographes avaient fait une seule divinité du Sabazios
thrace - Typhon grec - Seth égyptien - Iahvé juif.
Le dieu égyptien du désert, Seth, étant
représenté avec une tête d'âne ou
d'okapi, ce Iahvé dont on ne voyait aucune représentation
ne devait pas être différent. Mieux, le sentiment
de honte lié à la nature asine d'un tel dieu expliquait
justement sa discrétion ! - Retour
texte
(29) Le documentaire de Martin Goodsmith,
Jésus-Christ à l'écran (1992) juxtapose
le certificat du British Board of Films Censors d'un Barabbas
1935 - film inconnu de nous -, avec une séquence qui
nous est présentée comme la version britannique
du Golgotha de Duvivier, où le décor est
néanmoins différent de celui du film français,
le rôle de Ponce Pilate n'étant du reste plus tenu
par Jean Gabin (chose logique s'il s'agit d'une multiversion).
Et le commentaire de préciser : «Pour le public
britannique, Jésus est resté absent de la majeure
partie du film. Mis à part quelques plans très
éloignés, la censure s'est chargée de le
faire disparaître. La commission de censure a été
créée en 1913. Elle brandissait deux interdits
: la nudité et la description du Christ. Les réalisateurs
rivalisent alors d'ingéniosité pour citer Jésus
sans jamais le montrer. (...) La restriction était
toujours de mise dans l'Angleterre des années '30.»
Dans la version 1959 de Ben Hur, William Wyler s'interdit
de filmer de visage de l'acteur Claude Heater qui interprétait
le rôle du Christ.- Retour texte
(30) C.B. DeMille dut insérer
un carton expliquant que «le vin jouait un rôle
dans la religion hébraïque». Et le vin de
la messe chrétienne, alors ?
H.B. Warner, qui dans le film incarnait le Christ, était
un alcoolique notoire qui faisait la fortune des bootlegers...
Mais, selon les services de presse, il resta sobre durant le
tournage. Voilà qui rassure.- Retour
texte
(31) Il avait déjà
été publié en Suède et en Norvège
dès 1951. Bien sûr, Kazantzakis s'attira aussi
la colère de l'Eglise orthodoxe. - Retour
texte
(32) Cf. Claude AZIZA (texte
rassemblés par -), Jésus, Omnibus, 1998,
pp. 787-788. - Retour texte
(33) Mais n'assista certainement
pas aux délibérations du Sanhédrin, ni
sans doute au jugement de Pilate (aucun disciple du Christ,
tous en fuite, n'étant alors signalé par les Evangiles
- sauf quelques femmes au pied de la croix, et peut-être
Jean à ce moment).
On appréciera la valeur historique des «témoignages»
sur lesquels nous basons notre connaissance du procès
de Jésus et de ce qui s'y est dit exactement ! - Retour
texte
(34)R. LE SOMMIER, Paris-Match,
28 février 2004. - Retour texte
(35) N. MATTHEHEIM, Le Soir,
25 février 2004. - Retour texte
(36) Cf. contra l'opinion
de David Elcott (responsable des relations entre religions au
comité juif américain) : «Je ne crois
pas qu'un seul chrétien, même au fin fond de l'Amérique
latine, deviendra antisémite en voyant ce film (...).
Le but du marketing était de présenter Mel
Gibson en victime d'une kabbale des juifs de Hollywood. Bravo,
c'est réussi. Les vraies victimes de ce film ne sont
pas les juifs. Ce sont les Eglises, méthodiste, épiscopalienne,
catholique et les confessions juive et musulmane qui, dans ce
pays, ont passé quarante ans à construire un dialogue.
Je reproche à Mel Gibson de professer son évangile
à lui, un évangile qui n'a pas varié depuis
le massacre de la Saint-Barthélemy.»
Elcott explique que, dans le contexte actuel, «ce
film fait partie d'une croisade plus large, très dangereuse
qui divise le monde en deux camps, eux et nous, eux les musulmans,
nous le monde judéo-chrétien». Mais
que viennent faire ici les musulmans ? Elcott s'explique
: «L'attitude de Gibson est de même nature que
celle des fondamentalistes de l'islam. Il s'agit de riposter.
Mais ce n'est pas en prenant des positions extrêmes qu'on
répondra à des attitudes extrêmes»
(R. LE SOMMIER, Paris-Match, 25 février 2004).
- Retour texte |
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