7.1. Roger Corman et
l'A.I.P.
Atlas est l'unique «Eracleide» que nous ait donné
le cinéma américain - où, du reste, les
péplums de série B ou Z se comptent sur les doigts
de la main. Il est aussi le seul a avoir été tourné
in situ, en Grèce.
Nous en sommes redevables à un talentueux artisan, Roger
Corman, lequel n'avait pas son pareil pour «bricoler»
avec des bouts de ficelle.
Producteur et réalisateur travaillant pour l'American
International Pictures (A.I.P.), fondée en 1954 par Samuel
Z. Arkoff et James H. Nicholson, il créera en 1970 sa
propre compagnie, la New World Pictures, qui deviendra dans
les années 80 la plus importante compagnie indépendante
des Etats-Unis.
Outre ses propres productions qu'elle finance (1),
la N.W.P. distribue aux U.S.A. les films de Fellini, Bergman,
Truffaut et Kurosawa... Roger Corman ne restera certainement
pas dans la mémoire des cinéphiles grâce
à Atlas, mais bien en tant qu'auteur d'un superbe
cycle tiré d'Edgar Allan Poe (2),
et aussi pour avoir découvert et lancé des gens
comme les réalisateurs Francis Ford Coppola et Martin
Scorsese, ou des acteurs comme Robert De Niro, Peter Fonda et
Jack Nicholson... (3).
7.1.1. Atlas
Aux Ve-IVe s., la démocratique cité de Thénis
est assiégée par le cruel tyran de Séronikos,
Praximède. Les deux parties finissent par convenir d'un
duel qui réglera l'issue de la guerre : le champion de
Thénis (sic) sera Indros, fils du roi. Praximède
profite de la trêve pour se rendre aux Jeux olympiques,
recruter un champion. Son choix tombera sur Atlas. D'abord convaincu
de soutenir une cause juste, Atlas accepte d'aider Praximède.
Mais bien vite il constatera la duplicité du tyran, qu'il
tuera.
7.1.2. Aléas de la série B
Son coproducteur grec ayant fait faillite une semaine avant
le début du tournage, Corman, pour sauver sa mise de
fonds (20.000 $), dut «bâcler» le tournage,
parallèlement à celui d'un autre film (I Flew
a U-2 over Russia, non abouti ?) qu'il était en train
de réaliser en Angleterre. Ayant réuni 50.000
$ supplémentaires, il assumera lui même la mise
en scène, et le résultat de 15 jours de tournage
sera ce film ringard, Atlas, ficelé de dialogues
philosophiques de quatre sous («Il n'y a pas de différence
entre ceux qui détruisent et ceux qui construisent :
les deux sont complémentaires»), avec ses grandes
batailles rangées de moins de trente figurants - dont
les techniciens réquisitionnés et le réalisateur
en personne - armés... de boucliers-couvercles de poubelle
recouverts de papier d'aluminium, et autres accessoires de même
nature.
Les dialogues en clin d'il expliquent cette pauvreté
avec beaucoup d'ironie. Par exemple la maigre figuration : «Mes
tactiques de combat prévoient qu'un petit groupe d'hommes
bien entraînés et très mobiles peuvent combattre
avec succès une armée plus nombreuse.»
Pourtant, on aurait pu espérer une production de quelqu'envergure.
De nombreuses scènes ont été filmées,
nous l'avons dit, in situ, notamment dans le temple de
Poséidon, au cap Sounion. Ce qui nous vaut une savoureuse
réplique : «Pourquoi votre pays semble-t-il
en ruines ?», demande Atlas. «Nous avons
constamment connu des guerres depuis 600 ans. Le temps nous
a manqué pour reconstruire», répond
Praximède. Le film, hélas, n'est qu'un petit western
à l'antique, et comporte quelques grossières erreurs
(une femme assiste aux Jeux olympiques, et dans la loge d'honneur
encore bien !). Une allusion à l'orateur Isocrate et
à son maître Socrate permet de situer cette action
imaginaire pendant la guerre du Péloponnèse.
Atlas, le Titan qui portait le ciel sur ses épaules,
est ici réduit à un personnage de champion musclé
interchangeable avec Maciste, Goliath, etc. Ce sera d'ailleurs
sous le titre de Samson que le film sortira au Liban
- cependant que plusieurs Maciste feront carrière aux
Etats-Unis sous le nom d'Atlas (Atlas vs. the Cyclops,
e.a.).
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