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[ Les Héros du samedi soir ]

8. Emiliano,
la copie conforme

 

8.1. Un nom de transition : Emiliano

8.1.1. La terreur des Barbares

8.2. Querelle de distributeurs

8.2.1. Goliath and the Dragon

FILMOGRAPHIE D'EMILIANO

GALERIE DE PHOTOS

emiliano & landa

Emiliano (Steve Reeves) et Landa, l'Amazone gépide (Chelo Alonso) - La Terreur des Barbares

8.1. Un nom de transition : Emiliano

Initiateur du personnage d'Hercule à l'écran, l'ex-Mister Universe Steve Reeves craignait, après le succès des Travaux d'Hercule (1957) et d'Hercule et la reine de Lydie (1958), de se laisser enfermer dans le personnage du Fils de Zeus. Avec La terreur des Barbares, il fera démarrer en 1959, une nouvelle «série» - sans lendemain -, le cycle d'Emiliano (ou Emilio).

8.1.1. La terreur des Barbares
En 568, un bûcheron vénitien, Emiliano, masqué d'une dépouille de loup, se transforme la nuit en justicier et harcèle l'occupant lombard. Son invincibilité, ses attaques soudaines frappent de terreur les hordes d'Alboïn (Bruce Cabot), qui a mis le siège devant Pavie. Emiliano finira par s'éprendre de Landa (Chelo Alonso), fière amazone barbare, fille du roi des Gépides. Finalement, Gépides et Vénétiens fraterniseront et, sur les voies de l'exil, se chercheront un avenir meilleur, loin des féroces Lombards. Cette démarque «à l'antique» de Zorro était signée par Carlo Campogalliani qui, en 1961, reviendra à Alboïn - à qui, cette fois Jack Palance prêtera ses traits -, avec Le glaive du conquérant (Rosmunda e Alboino).

Emiliano ne se contentait pas d'un simple masque comme le justicier californien. C'est une peau de loup qui le vêtait, lui composant un masque monstrueux où saillaient des crocs impressionnants. C'était, en somme, un lycanthrope - mais en lycanthrope bienfaisant qui protégeait les paysans innocents. La Terreur des Barbares fera ultérieurement l'objet d'un remake résolument fantastique, La Terreur des Kirghizes (Ruggero Deodato & Anthony Dawson, 1964) où l'on verra, victime d'un maléfice, le brave Ursus se dédoubler en créature féroce et malfaisante, cette fois, à la manière du Dr Jekyll et de Mister Hyde.

emiliano - steve reeves

Une des plus surprenantes transposition de «Zorro le Renard» dans le péplum : Emiliano, l'homme-loup, terreur des envahisseurs lombards (La Terreur des Barbares).
L'homme-loup Emiliano est un justicier; dans La Terreur des Kirghizes, l'homme-loup sera une créature malfaisante, un loup-garou, la face sombre d'Ursus/«Mister Hyde».
Plusieurs péplums ont intégré le personnage de Zorro : Le Fils de Spartacus, Les Dix Gladiateurs et La Révolte des Prétoriens, sans oublier, bien sûr, Maciste contre Zorro.

8.2. Querelle de distributeurs

Or, avant que Reeves n'abandonne le personnage, il avait été question pour lui de tourner un troisième «Hercule» : Hercule contre les dieux (titre de travail). Bien avant le premier tour de manivelle, les droits avaient été vendus aux Etats-Unis, à l'A.I.P. - déjà distributeur de La terreur des Barbares rebaptisé Goliath against the Barbarians - qui s'était empressé de l'annoncer dans son catalogue sous le titre bizarre de Goliath and the Dragon avec Steve Reeves (1)...

goliath - dragon

Steve Reeves avait été pressenti pour un troisième «Hercule» : Hercule contre les Dieux/Goliath et le Dragon (annonce dans l'organe professionnel belge Cinépress), qui devint finalement La vengeance d'Hercule.

Las du personnage qui l'avait rendu célèbre, Reeves se désiste et est remplacé par un autre culturiste, Mark Forest. Ce sera l'excellent La vengeance d'Hercule (V. Cottafavi, 1960).

8.2.1. Goliath and the Dragon
Aux Etats-Unis, le film est donc diffusé par l'American International Pictures. Les propriétaires de l'A.I.P., James H. Nicholson et Samuel Z. Arkoff sont, en Amérique, les rivaux directs de Joe Levine (Embassy Picture Corporation) distributeur des deux Hercule originaux de Pietro Francisci, productions Lux-Galatea.
Si en France et en Italie, pays coproducteurs de la Vengeance d'Hercule, le demi-dieu conserve bien son caractère mythologique original, il ne saurait en être de même aux Etats-Unis où de gros intérêts de marché sont en jeu. Ce nouvel Hercule produit par Achille Piazzi (2) qui vient de reprendre le personnage du fils de Zeus à la Lux-Galatea et l'a tourné partiellement dans les mêmes décors, ne peut conserver le label «Hercule». Un nom de rechange est trouvé : Emilius, dit «Goliath» !

goliath - dragon

Le dragon créé par Marcel Delgado n'existe que dans la version USA de La vengeance d'Hercule : Goliath and the Dragon.

goliath - dragon

En traversant l'Atlantique
La version américaine de La vengeance d'Hercule est sensiblement différente de la franco-italienne. Des scènes additionnelles sont ajoutées, où le héros de Thèbes... Emilius-Goliath combat un dragon réalisé par Marcel Delgado, le sculpteur du King-Kong de la version 1935. Déjà pour La terreur des Barbares, la superbe mais sirupeuse musique de Carlo Innocenzi avait, elle aussi, été dans la version américaine remplacée par une composition de Les Baxter (3), plus rythmée et dynamique, censée mieux correspondre aux goûts du public yankee. C'est exactement la même B.O. de Les Baxter qui va remplacer, cette fois, celle d'Alexandre Derevinscky (Alessandro Derevitsky) dans la bande-son des copies américaines de Goliath and the Dragon. Le résultat ne nous semble guère convaincant, mais soit ! Pour ceux qui voudraient vérifier «de leurs propres oreilles entendu», rappelons que la version américaine, Goliath and the Dragon, est disponible en DVD chez Something Weird Video, en double programme avec le remake d'Hercule à la conquête de l'Atlantide (avec Reg Park, 1961) : The Conqueror of Atlantis (Goldocrack à la conquête de l'Atlantide) (avec Kirk Morris dans le rôle d'Héraclès, 1965).

Tout l'aspect mythologique de la version franco-italienne est gommé au profit d'une banale aventure fantastique. Ainsi Illius (Hyllos, ou Illo dans la V.It.) n'est plus le fils d'Hercule, mais son jeune frère; les tripatouillages sont tels que la fiche artistique du press-book A.I.P. n'est qu'un tissu d'erreurs et de confusions. Quant aux Enfers grecs, où Cottafavi (4) avait - il faut bien le dire - négligé de faire figurer la foule des âmes des damnés, ils ne sont plus le séjour des morts, mais la Caverne des Horreurs, «The Cave of Horrors», certes toujours hantées par Cerbère et la Chauve-Souris géante, auxquels est venu s'adjoindre le fameux Dragon auquel fait référence le titre USA.
En quoi consiste le nouveau montage ? Deux séquences nouvelles, tournées avec le concours de Mark Forest et d'Eleonora Ruffo. La première intervient tout au début du film, lors de la descente d'Emilius-Goliath [Hercule] dans le monde souterrain et a pour but de nous présenter le Dragon; la présence de deux soldats mycéniens [œchaliens] déambulant dans un couloir suggère que ce lieu d'horreur était sous le contrôle séculier d'Eurystheus [Eurytos]. La seconde est insérée après la scène du Puits aux Serpents, où est descendue Alcinoé. Apprenant que l'armée thébaine conduite par Antonius [Androclès] approche de sa forteresse, Eurysthée fait livrer Déjanire en pâture à l'immonde reptile. Descendu une seconde fois dans la «Cave of Horrors» en vue de saper les murailles de la ville ennemie (5), Emilius-Goliath écrase la tête du monstre sous un bloc de mousse synthétique, puis - ayant délivré son épouse et liquidé quelques sentinelles qui passaient par là - il se rend dans la partie des grottes censées se trouver sous les murs de Mycènes. Là, fracassant les colonnes stalagmitiques, Emilius provoque leur effondrement, ce qui permet à Antonius et sa cavalerie d'investir la cité.
L'un dans l'autre, le film de Cottafavi a subi moins de dégâts que, par exemple, le japonais Gojira (1954) «américanisé» par le distributeur USA Joe Levine (6). Encore Levine aurait-il quelqu'excuse culturelle de vouloir remplacer le héros «jaune» par un blanc, à une époque où les blessures de la Guerre du Pacifique n'étaient pas tout-à-fait cicatrisées. Et aussi de gommer les allusions à Hiroshima. Mais dans le cas du film italien, la dévaluation d'un film mythologique en film fantastique ne se justifie pas - sauf qu'A.I.P. avait vraisemblablement dû s'associer à la production du film avant que soit donné le premier tour de manivelle, et obtenu le tournage de scènes additionnelles à Rome, avec les acteurs originaux (7).

Quelles qu'en aient été les raisons, Hercule, Outre-Atlantique, ne devint certainement pas Emiliano/Goliath à la seule fin de préserver le caractère mythologique du personnage, comme l'a affirmé l'auteur anonyme de «The Monsters of Hercules» (8). Selon lui, Mark Forest était aussi inexpressif qu'un «bouton de porte en cuivre», d'où que le distributeur aurait voulu préserver le caractère d'Hercule ! Absurde.
Une rivalité commerciale entre deux distributeurs américains est plus vraisemblable.

Le procédé qui consiste à débaptiser les héros de péplums en passant les frontières allait devenir courant.

FILMOGRAPHIE D'EMILIANO

  • Steve Reeves,
    La terreur des Barbares
    Goliath and the Barbarians [EU]
    (Carlo CAMPOGALLIANI, 1959)
    Prod: Standard Film
  • Mark Forest,
    Goliath and the Dragon
    [La vendetta di Ercole]
    (Vittorio COTTAFAVI, 1960)
    Prod: Achille Piazzi Produzione (Rome) — Produzione Gianni Fuchs (Rome)

Galerie de photos

mark forest

Successeur de Steve Reeves dans le rôle d'Hercule, Mark Forest devint aux USA Emiliano, dit «Goliath» - La vengeance d'Hercule.

chelo alonso

L'inoubliable Chelo Alonso, la «bombe cubaine», ex danseuse du Lido - La Terreur des Barbares.

mark forest

Mark Forest lutte contre le dieu cyclopéen de la vengeance - La vengeance d'Hercule.

goliath - dragon

Hercule/Emilius sauvera-t-il son fils (son frère, aux USA) de l'écrasement sous la patte d'un éléphant ? - La vengeance d'Hercule.

vengeance hercule

La vengeance d'Hercule : un des meilleurs épisodes de la saga.


 

NOTES :

(1) Sur l'annonce prématurée de Steve Reeves dans le rôle titulaire de Goliath et le Dragon, cf. «La vengeance d'Hercule», Péplum, n° 5, février 1980, pp. 6-7. - Retour texte

(2) La terreur des Barbares étant, elle, une production Standard Film. - Retour texte

(3) Les Baxter refera également la musique de Samson and the Seven Miracles, autre distribution A.I.P. (Le Géant à la cour de Kublaï Khan, Riccardo Freda, 1961 - dont la musique était également de Carlo Innocenzi). - Retour texte

(4) Au contraire de Freda, dans Maciste en Enfer. - Retour texte

(5) Cette nouvelle section du film est tournée dans les carrières de Salone, alors que les autres scènes des Enfers avaient été filmées en studio. - Retour texte

(6) A la demande de Joe E. Levine (Transworld Pictures), Godzilla, King of the Monsters d'Inoshiro Honda fut remonté, avec de nombreuses scènes supprimées et de nouvelles ajoutées tournées par Terry Morse et filmées par Guy Rose, avec Raymond Burr dans le rôle de Steve Martin et Frank Iwanaga (non crédité au générique) dans celui de l'officier de sécurité Tomo Iwanaga en remplacement des vedettes nippones. C'est ainsi également que Roger Corman, producteur, ne conservant du film SF soviétique Nebo Zovyot (1959) que les plans d'effets spéciaux, en fit tourner un tout autre par Thomas Colchart, Battle beyond the Sun (1962), monté par Francis Ford Coppola débutant. - Retour texte

(7) C'est une pratique fréquente, au cinéma, de tourner des versions différentes de certaines scènes en fonction du pays destinataire. Ainsi dans le Messaline (1951) les ballérines dansent seins nus dans la version destinée à la France; la gorge couverte pour l'Italie. Les scènes de torture du général allemand de La Vierge de Nuremberg sont plus sanglantes dans la version italienne que dans la version française, etc. Plus récemment, Jacques Dorfmann, pour Vercingétorix, filmait la même scène selon des angles différents en fonction de leur destination (version anglaise ou française). - Retour texte

(8) Cf. Movie Monsters, n° 1, décembre 1974. - Retour texte