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Rome
[TV : HBO - BBC]
(Michael Apted, Allen Coulter, Julian Farino, etc. -
EU-GB, 2005)
(page 5/18)
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LES PROTAGONISTES HISTORIQUES
ANTOINE (James Purefoy)
(14 janvier 83-1er août 30)
Marc Antoine est l'amant d'Atia. Beau, courageux, charismatique,
il est adulé par ses soldats et adoré par les femmes.
Mais il peut être arrogant et impatient devant le peuple
et ses représentants. James Purefoy (Vanity Fair) interprète
le rôle de Marc Antoine.
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Antoine |
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Marcus Antonius était
né un 14 janvier de 86, ou 83, ou 81, on ne sait. (Pour
la facilité, nous retiendrons 83.) Il était le fils
de M. Antonius Creticus, préteur en 74; le cognomen
de ce dernier lui avait été attribué par
dérision car sa campagne contre les pirates, en Crète,
avait été un échec. Creticus mourut en 72-71,
quand Antoine devait avoir onze ou douze ans.
Sa mère, qui était une Julia,
se remaria avec le sénateur P. Lentulus Sura, impliqué
dans la conjuration de Catilina, et que le consul Cicéron
fit exécuter sans jugement. De cette époque (c'était
en 63) date la haine d'Antoine pour Cicéron, alors ami
de Jules César. Plus tard, il lui faudra ravaler sa rancur,
Jules César ayant convaincu Cicéron de soutenir
la candidature d'Antoine à l'augurat, qu'il obtint en 50.
Marcus Antonius avait deux frères plus
jeunes : Gaius était le cadet et Lucius le dernier. Il
mena une adolescence dissipée, amant de son aîné
C. Scribonius Curio. Le père de Curion y mit bon
ordre en réglant toutes les dettes d'Antoine (250 talents)
contre promesse de ne plus fréquenter son fils. Plus tard
néanmoins, il se retrouveront tous deux sous les aigles
césariennes. Tandis que César poursuivait les Pompéiens
en Espagne et que Pompée passait en Grèce, le jeune
Curion débarqua en Afrique et s'y fit massacrer par les
Numides de Juba, avec toute sa légion (cf. Steven Saylor,
La dernière
prophétie, une enquête de Gordien le Limier).
C'est une «trouvaille» du scénariste
de Rome (HBO) que de faire de Marc Antoine un plébéien
ambitieux, qui a besoin d'Atia pour mettre son pied dans l'étrier
de l'aristocratie. Il y avait à Rome une gens Antonia
qui se subdivisait en deux branches, l'une patricienne, l'autre
plébéienne. Marc Antoine appartenait évidemment
à la seconde, puisqu'il obtint le tribunat de la plèbe.
Sa famille plébéienne était toutefois des
plus honorables et avait donné à la république
un consul en 99 (et un magister equitum en 332). Sans doute
à cause de sa réputation de soudard ivrogne, le
scénariste de Rome (HBO) va donc nous le présenter
comme un plébéien qui aurait bien besoin de redorer
son blason en y raccrochant les quartiers de noblesse d'Atia.
De fait, c'est la pauvre Atia (1),
dont le père était originaire d'Aricie, non de
Rome, qui aurait bien eu besoin de quelque lustre. Le scénariste
contourne la difficulté - cette simplification était
indispensable, dans une série à la matière
aussi riche - en réélaborant le jeux des sept familles
et en rattachant l'intrigante directement aux Julii : il
y a donc Atia des Julii et Servilia des Junii, qui
l'une comme l'autre se croit socialement supérieure à
sa vieille ennemie, sans qu'il soit nécessaire d'expliquer
pourquoi (2).
Les aristocrates romains levaient-ils le petit doigt en plongeant
leur petite cuiller dans le pot à garum ? Il est
permis d'en douter. «Il avait reçu une excellente
éducation, avait étudié la rhétorique
en Grèce. On ne saurait donc se contenter du portrait du
soudard qui a été brossé plus tard. Grand
et courageux, beau et barbu (3),
il se signalait par un tempérament exceptionnel et ne craignait
d'abuser ni du vin ni des hommes ni des femmes. Le lecteur comprendra
que ces goûts ne répondaient pas seulement à
un choix personnel. Ils exprimaient une vraie religiosité
: si César était protégé par Vénus,
Antoine cherchait l'appui de Dionysos», note Yves Le
Bohec (4).
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Antoine, Musée du Vatican
(ph. Roger-Viollet)
(extr. Benoist-Méchin, Cléopâtre
ou le rêve évanoui,
Clairefontaine, 1964) |
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Antoine (Musée du Vatican
- ph. Rap.)
(extr. A. Weigall, Cléopâtre,
Payot, 1952) |
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Zone d'ombre
Quelques historiens
s'interrogent sur le rôle exact d'Antoine lors de l'assassinat
de César. Son alibi est trop parfait : un des conjurés,
C. Trebonius (5),
l'entraîne à l'écart tandis que l'on assassine
César. L'assassinat de César laisse subsister des
zones d'ombres qu'on n'est pas près d'élucider.
On s'est demandé si Antoine n'était pas le vrai
commanditaire du meurtre de César, Antoine qui se laissait
complaisamment (?) entraîner hors du Sénat pendant
qu'on assassinait son patron ! Et qui ensuite trahissait la faction
sénatoriale...
La romancière Margaret George (Les
mémoires de Cléopâtre [6])
a, elle, soutenu la thèse inverse, prêtant à
Octave le noir dessein d'arracher le pouvoir à son père
adoptif. Bien sûr, dans son optique - qui est celle de la
reine d'Egypte -, c'est Octave l'ennemi à abattre, le responsable
de tout. Dans le téléfilm qui fut tiré de
son roman, Octave tenait des propos odieux à Cléopâtre
et se trouvait à Rome pendant qu'on assassinait César
(7),
tandis qu'Antoine étant proprement assommé à
l'entrée du Sénat. Ce scénario diverge d'avec
les sources anciennes. Octave, comme questeur de César
chargé de superviser les préparatifs de la guerre
contre les Parthes, se trouvait depuis quelques mois déjà
à Apollonia, en Dalmatie, lorsque César
fut assassiné. Magnifique alibi, mais alibi incontournable.
Les femmes de Marc Antoine
Marc Antoine a aimé le changement. Gageons que, passant
d'un film à un autre, le spectateur moyen ne s'y retrouve
plus entre l'exotique Cléopâtre et la vertueuse Octavia,
au temps de sa bigamie Orient/Occident, qui le retrouve encore
affligé d'une revêche Fulvia (dans Empire
(ABC)) ou, ici, d'une amorale Atia. Antoine a sans doute été
l'amant de nombreuses femmes dont l'Histoire n'a pas cru devoir
retenir le nom, et rien ne s'oppose à ce qu'il ait aussi
été celui de la nièce de César...
surtout si cela permet de ficeler un bon scénario de téléfilm
! L'ennui c'est qu'aucun texte ne le confirme; bien au contraire
nous savons qu'au moment du pronunciamiento de César,
Marc Antoine était encore marié avec Antonia - qui
le cocufiait et qu'il s'apprêtait à répudier
- et aussi qu'il était très amoureux d'une actrice
spécialisée dans les pantomimes salaces, répondant
au nom de scène de Cythéris.
La manière éhontée avec laquelle il s'affichait
en la compagnie de Cythéris avait le don de susciter la
plus vive irritation de Cicéron (CIC., Phil., II,
58, 61; Ad Att., XV, 22) comme celle de Voltaire (8),
qui pourtant n'y était pas, et même de Vorenus
(9)
dans la série-TV HBO (cf. aussi Steven Saylor, La
Dernière Prophétie, qui met en scène
Antonia et Cythéris.)
Rome (HBO) a donc remplacé Cythéris par Atia,
dont les scénaristes ont fait une jeune femme passablement
désalée elle aussi... quoique d'un tout autre niveau
social. Dont acte.
Après avoir été l'amant
d'une Fadia, fille de l'affranchi Q. Fadius, dont il eut
des enfants, Marc Antoine songea à se marier «sérieusement».
On imagine mal en effet l'héritier de la gens Antonia
épousant selon la solennelle confarreatio une affranchie
tout au plus digne de servir de concubine. Lorsque Cicéron
utilise à son sujet le mot uxor («épouse»)
il ne faut rien y voir de plus qu'un abus de langage de sa part.
Ainsi Antoine n'épousa jamais Cythéris, que Cicéron
désigne quand-même comme mima uxor («ton
actrice d'épouse») (cf. CIC., IIe Philippique,
3).
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Antonia (British Museum - ph. Mansell)
(extr. A. Weigall, Cléopâtre, Payot,
1952) |
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1. |
Antonia
Il épousa d'abord sa cousine Antonia, fille
de C. Antonius Hybrida, le frère de son père
Creticus. Collègue de Cicéron au consulat de
63, cet Hybrida était un sacré personnage, préfet
de cavalerie en cette Grèce qu'en tant qu'amateur d'art,
il pilla sans vergogne. Le jeune avocat Jules César
lui intenta un procès qu'Hybrida perdit (en 77-76).
Antoine la répudia en 47, la soupçonnant d'être
la maîtresse du gendre de Cicéron, P. Cornelius
Dolabella. |
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2. |
Fulvia
Ayant divorcé d'Antonia, Antoine se retourna vers
Fulvia, fille de M. Fulvius Bambalio, qu'il épousa
en secondes noces, en 45.
Fulvia était la veuve de l'agitateur P. Clodius Pulcher,
tribun de la plèbe, qu'Antoine avait naguère
poursuivi l'arme au poing sur le Forum. Huit mois avant
que ne démarrent les événements traités
par le feuilleton Rome (HBO), ce Clodius
avait été assassiné sur la voie Appienne
par Birria, un des gladiateurs de Milon, autre chef de bande,
au service des conservateurs quant à lui (janvier
52). Cicéron défendit Milon au cours d'un
procès fameux, qu'il perdit. Et Fulvia déclencha
une émeute, au cours le laquelle la Curie s'envola
en fumée. Fulvia en conservera de la haine pour Cicéron.
Après qu'Antoine eut mis son nom sur la liste des
proscriptions, c'est elle qui obtint la tête de l'orateur,
lui fit couper
les mains et lui perça la langue d'un poinçon.
Faut pas l'emm... la
Fulvia !
Fulvia connut décidément une vie matrimoniale
mouvementée. Son second mari, Curion, avait été
massacré par les Numides en 48.
Toutefois, Fulvia n'était pas que rancunière;
elle avait aussi un sacré caractère ! Pendant
qu'en compagnie d'Octavien, son mari Antoine pourchassait
les meurtriers de César, elle faisait la pluie et
le beau-temps à Rome, nommant des préteurs,
distribuant des provinces, faisant même décerner
un «Triomphe» immérité à
son beau-frère Lucius Antonius. Après la bataille
de Philippes, son mari ayant jeté son dévolu
sur Cléopâtre, elle excita Octavien contre
lui. N'ayant pu décider le futur Auguste à
déclarer la guerre à Antoine, elle monta Lucius
contre Octavien. Revêtue d'une cuirasse, elle marchait
à la tête des troupes de son beau-frère
et donnait son avis dans les conseils de guerre. Finalement,
Octavien la bloqua dans Pérouse, qu'il réduisit
par la famine (en 41). Alors Fulvia passa en Grèce
pour retrouver son mari infidèle. Antoine la reçut
avec tant de dédain, qu'elle se laissa mourir de
chagrin et de jalousie à Sicyone... (en 40).
La présence de cette virago dans les derniers
épisodes de la Première Saison de Rome
(HBO) aux côtés de ces franches garces d'Atia
et de Servilia n'eût point constitué une hérésie
historique, loin de là ! Mais sans doute soucieux
de ne pas être taxés de misogynie primaire
par les puissantes ligues féministes américaines,
les scénaristes hésitèrent-ils à
présenter un «triumvirat» féminin
de ce calibre ? Plus vraisemblablement ne jugèrent-ils
pas plutôt qu'il y avait déjà suffisamment
de personnages ? Dans la Seconde Saison (10),
qui traite des mêmes événements que
Empire (ABC), Atia reste auprès d'Antoine et s'approprie
les faits de Fulvia. Economie d'un personnage. |
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3. |
Cléopâtre
Cléopâtre
avait rencontré Antoine à l'occasion de sa
visite à César, à Rome, quelques mois
avant l'assassinat de ce dernier. Peut-être même
s'étaient-ils déjà rencontrés
en Egypte, en 55, lorsque Antoine servait sous les ordres
d'Aulus Gabinius. C'est en 41, à Tarse de Cilicie,
que Cléopâtre vint proposer son alliance
à Marc Antoine. L'histoire est suffisamment connue
pour que nous nous y attardions. Marc Antoine fit cadeau
à sa belle de territoires orientaux appartenant à
l'Empire romain, et entreprit en 36 une expédition
contre les Parthes qui fut vouée à l'échec.
Vaincu à la bataille d'Actium le 2 septembre 31,
le couple se suicida le 1er août 30. Marc Antoine
devait avoir cinquante-six ou cinquante-trois ans au moment
de sa mort et Cléopâtre trente-huit.
Célébré selon le droit égyptien,
le mariage d'Antoine avec Cléopâtre n'avait
aucune valeur au regard du droit romain; ce mariage était
considéré comme nul. Toutefois nous ignorons
la date à laquelle il fut célébré
: en 37, après les retrouvailles d'Antioche ?, en
34, au moment des donations d'Alexandrie ?
Cléopâtre et Marc Antoine
eurent trois enfants : des jumeaux nés en 40 - une
fille Cléopâtre Séléné
et un fils Alexandre Hélios - et un autre
fils, né en 36, Ptolémée Philadelphe.
Antoine et Cléopâtre morts, leurs trois enfants
furent confiés par Octavien à leur belle-mère
Octavia, qui les éleva. Plus tard (en 19), Séléné
fut mariée avec le roi de Maurétanie Juba
II - le fils de ce Juba Ier qui avait embrassé le
parti de Pompée contre César et massacré
le brave Curion.
A noter qu'une coproduction égypto-italienne,
El Kébir, fils de Cléopâtre (prod.
Seven-Tiki - IT-Egypte, 1964), réalisée par
Ferdinando Baldi, a imaginé une variante locale de
Robin-des-Bois interprété par Mark Damon,
qui combat le méchant gouverneur romain et finit
par obtenir de Rome justice pour son peuple. Ce film ne
fait pas mention du nom de Cæsarion, mais seulement
celui de «El Kébir», fils de César
et Cléopâtre. |
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4. |
Octavia
Les relations entre Octavien et Antoine furent chaotiques.
Une première fois, les deux rivaux s'étant
fait la guerre les armes à la main, se réconcilièrent
: ce furent les accords
de Bologne et la fondation du Second Triumvirat (27
novembre 43).
Une seconde fois, les deux rivaux devant faire face à
la guérilla navale que menait contre eux le dernier
fils du Grand Pompée, Sextus
Pompée et ses escadres pirates, les deux se réconcilièrent
en signant les accords de Brindisium (en 40). Ceux-ci furent
scellés par le mariage d'Antoine avec Octavia.
Octavia demeura en Grèce, tandis que Marc Antoine
faisait la fête - ou la guerre - en Egypte, aux côtés
de Cléopâtre.
Une nouvelle entrevue avec Octavien à Tarente permit
aux deux beaux-frères de tant bien que mal réaccorder
leurs violons, tout aussi provisoirement que précédemment
(en 37). Antoine, en effet, finit par répudier Octavia
(en 32), ce qui déclencha de nouvelles hostilités
avec Octave (qui, depuis son adoption par César,
se faisait appeler Octavien), qui allaient le conduire à
sa perte.
(Plus de détails sur Octavia : CLICK) |
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5. |
Les maîtresses d'Antoine
Des nombreuses maîtresses attitrées ou éphémères
d'Antoine, deux seulement sont expressément nommées
par les sources. L'une est Glaphyra, reine de Cappadoce,
dont il plaça sur le trône le fils Sisinas
«parce qu'il avait trouvé belle [sa]
mère, Glaphyra», comme nous le dit délicatement
Appien (APP., V, 1). Mais Martial nous a conservé
une épigramme d'Octavien qui s'en prend à
elle en des termes autrement plus crus (MART.,
XI, 20).
Une autre bonne fortune d'Antoine
fut l'actrice de pantomimes érotiques susévoquée,
connue à la scène sous le pseudonyme de Cythéris.
De son véritable nom, elle se prénommait Volumnia,
car elle était une affranchie d'un certain Volumnius
Eutrapelus. Elle devint la maîtresse d'Antoine en
49, quand celui-ci, tribun de la plèbe, gouvernait
Rome en l'absence de César parti guerroyer en Espagne.
«Il voyageait dans un char gaulois, le tribun de
la plèbe, des licteurs couronnés de laurier
le précédaient, au milieu desquels une actrice
de mime était portée dans une litière
découverte, et des hommes honorables, magistrats
municipaux, contraints de sortir des villes pour aller à
sa rencontre, la saluaient, en lui donnant, non pas son
nom de théâtre, si connu, mais celui de Volumnia.
Suivait un chariot avec des proxénètes, une
escorte de vauriens. Rejetée à l'arrière,
sa mère suivait la maîtresse de ce fils impudique,
comme s'il s'agissait de sa bru» (CICÉRON,
Phil., II, 58).
Il semble qu'Antoine lui était très attaché,
au point que dans une lettre à son ami Atticus datée
de juin 44, cette mauvaise langue de Cicéron surnomme
le lieutenant de César, «Cytherius».
Mais Cicéron lui-même ne semble pas avoir été
insensible au charme de la jeune femme, demeurant toutefois
sur sa faim (Ad fam., IX, 26) (en 46).
Cythéris devait néanmoins être d'une
toute autre envergure que l'insignifiante Cynthia du feuilleton
Rome (HBO) car, délaissée par Antoine qui
entre-temps venait d'épouser la redoutable, la magistrale
Fulvia, elle devient en 46 la maîtresse du vertueux
Brutus, avant de passer vers 44-43 dans la couche de C.
Cornelius Gallus, poète et ami de Virgile - qui dans
la Xe Bucolique nomme sa maîtresse «Lycoris»
- désigné par Octavien comme le premier gouverneur
romain de l'Egypte. On n'entendra plus jamais parler d'elle
à partir de -38.
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Dans la minisérie
Dans Rome (HBO) James Purefoy incarne un Marc Antoine
dévoué et loyal à son chef, qui de prime
abord ne rejette pas les propositions pompéiennes mais,
tout bien réfléchi, ne peut les accepter. Il est
paillard, plein de vie, trousse les bergères qu'il rencontre
sur la route et est l'amant de la pire catin de Rome, la propre
nièce de César, Atia. A la guerre, c'est un fonceur,
qui ne badine pas avec la discipline. Il a besoin de Vorenus mais
supporte de plus en plus mal les réserves de ce «mur
catonien» (catonian stonewall).
Pour les gens de notre génération,
Richard Burton restera l'incarnation absolue de Marc Antoine,
avec Marlon Brando à qui nous décernerions un prix
d'excellence. Charlton Heston a beaucoup donné, incarnant
Antoine à trois reprises. Le prix du Jury ira à
Georges Marchal qui est prêt à mourir pour que vive
l'Egypte, et que vive Cléopâtre qui est l'Egypte.
Marchal campait un Antoine romantique, physiquement très
proche du buste de basalte de l'Ashmolean Museum (Oxford). La
thèse de Cottafavi était assez étonnante.
Selon lui, avec Antoine disparaissait la République - ainsi
que le proclamait son général Vetius, chargeant
devant Alexandrie pour le baroud d'honneur (11).
La chute d'Antoine laissait les mains libres au vainqueur Octavien,
qui allait établir l'Empire (toutefois, ce serait un peu
vite oublier qu'Antoine-Dionysos, marié à Cléopâtre-Isis,
aspirait au modèle de la monarchie hellénistique
théocratique !). Plus pragmatiquement, mais c'est une opinion
personnelle, deux ans après la nationalisation du canal
de Suez et la confiscation des biens de tous les résidents
étrangers - dont une importante colonie italienne à
Alexandrie - nous y verrions plutôt de la part du cinéaste
l'expression de la déchirure et de l'exil, douloureuse
épreuve (12)... |
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On a pu voir à l'écran quantité
d'interprétations de Marc Antoine, notamment parmi celles
dont le nom de l'acteur nous est connu :
— |
Frank Benson, dans Julius Cæsar (prod. Cooperative
Cinematograph C - GB, 1911. Réal. : Sir Francis Robert
Benson); |
— |
Mr. Sindelar, dans Cleopatra (prod. Helen Gardner
Picture Players - EU, 1912. Réal. : Charles L. Gaskill
& J. Stuart Blackton (superv.)); |
— |
Orlando Ricci, dans La Conspiration de Jules César
(prod. Cines, Roma - IT, 1914. Réal. : Enrico Guazzoni); |
— |
Badr Lama, dans Cleopatra (prod. Condor-Film, Le
Caire - Egypte, 1943. Réal. : Ibrahim Lama); |
— |
Raymond Burr, dans Le Serpent du Nil (prod. Sam Katzman,
1953. Réal. : William Castle); |
— |
Leo Genn, dans Julius Cæsar (Theatrecraft («Famous
Scenes from Shakespeare» - GB, 1945. Réal. :
Henry Cass), court métrage; |
— |
Charlton Heston, dans Julius Cæsar (EU, 1950;
Réal. : David Bradley), adaptation de Shakespeare; |
— |
Paul Newman, dans The Assassination of Julius Cæsar
(TV) (Série «You Are There», CBS 08.03.1953
- EU, 1953); |
— |
Ettore Manni, dans Deux
Nuits avec Cléopâtre (IT, 1953. Réal.
: Mario Mattoli); |
— |
Marlon Brando, dans Julius Cæsar (prod. M.G.M.
- EU, 1953. Réal. : Joseph L. Mankiewicz), adaptation
de Shakespeare; |
— |
Georges Marchal, dans Les
légions de Cléopâtre / Las legiones de
Cleopatra (prod. Alexandra - IT-FR-SP, 1959. Réal.
: Vittorio Cottafavi); |
— |
Richard Burton, dans Cleopatra (prod. 20th Century-Fox
- EU, 1960-63. Réal. : Joseph L. Mankiewicz); |
— |
Totò, dans Toto et Cléopâtre
(prod. Liber-Euro Intern. - IT, 1963. Réal. : Fernando
Cerchio), comédie; |
— |
Bruno Tocci, dans Jules César, conquérant
de la Gaule (Giulio Cesare, il conquistatore delle Gallie.
De bello gallico) (prod. Metheus - IT, 1963. Réal.
: Amerigo Anton [= Tanio Boccia]), quasi figuration; |
— |
Sidney James, dans Arrête ton char, Cléo
/ O.K. Cléo ! (Carry on Cleo) (prod. Anglo-Amalgamated
- GB, 1964. Réal. : Gerald Thomas), parodie; |
— |
John Rocco, dans Les Orgies sexuelles de Cléopâtre
(The Notorious Cleopatra) (EU, 1970. Réal. : A.P.
Stootsberry), film X; |
— |
Charlton Heston, dans Julius Cæsar (prod. CUE
- GB, 1970. Réal. : Stuart Burge), adaptation de Shakespeare; |
— |
Charlton Heston, dans Antony and Cleopatra (prod.
Folio-Transac-Izaro-Rank - GB-CH-IT, 1972. Réal. :
Charlton Heston), adaptation de Shakespeare; |
— |
?, dans Les Nuits chaudes de Cléopâtre /
Les Orgies de Cléopâtre (Cleopatra, regina d'Egitto
- Cleopatra, regina dell'amore - Gli) (prod. 2 T [Camillo
Teti & Ugo Tucci] - FR-IT, 1984. Réal. : Cesar
Todd), film X; |
— |
Hakan Serbes, dans Cleopatra (The Love Nights of Anthony
and Cleopatra) (prod. Pico Motion Pictures - IT-EU, 1996.
Réal. : Joe D'Amato), film X hardcore; |
— |
- Billy Zane, dans Cléopâtre (prod.
Hallmark, 1999. Réal. : Franc Roddam), téléfilm
d'après le roman Mémoires de Cléopâtre
de Margaret George; |
— |
Massimo Ghini, dans Augusto,
il Primo Imperatore (Lux Vide [Matilde & Luca
Bernabei] - RAI - A2, 2003. Réal. : Roger Young), téléfilm. |
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(Cette filmographie est celle
de Marc Antoine, pas celle de Cléopâtre. Nous n'avons
cité que les titres où la présence d'Antoine,
même fugace, est attestée et connue de nous.)
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Mark Antony is a coward |
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Chronologie de Marc Antoine
83 |
— |
(14 janvier) Naissance d'Antoine - ou était-ce le
14 janvier 86, ou 81 ? |
57 |
— |
[Antoine a 26 ans] Marc Antoine débute dans la carrière
des armes en suivant en Syrie un ami de Pompée - rencontré
par hasard en Grèce, où il étudiait «l'éloquence
asiatique» -, le proconsul Aulus Gabinius.
Avec le grade de præfectus equitum, il participe
à l'invasion de l'Egypte - s'illustrant à Péluse,
à la tête de la cavalerie - dont le but visait
à établir un protectorat romain à travers
le pharaon fantoche Ptolémée XII Aulète.
Il paraît qu'il aurait alors rencontré Cléopâtre,
alors âgée de 14 ans (en 56). |
54 |
— |
[Antoine a 29 ans] Son «patron» Aulus Gabinius
est rappelé à Rome afin d'y être jugé
pour concussion. Marc Antoine - désormais sans emploi
- fait voile vers la Gaule et se met au service de Jules César,
qu'il rejoint à Samarobriva (Amiens) (printemps). |
53 |
— |
[Antoine a 30 ans] Réconcilié avec Cicéron,
il poursuit l'épée au poing l'agitateur populiste
P. Clodius Pulcher, qui doit se cacher dans la boutique d'un
libraire, près du Forum. |
52 |
— |
[Antoine a 31 ans] (Août-septembre) Il est à
Alésia. Marc Antoine et C. Trebonius repoussent l'armée
de secours gauloise.
(Hiver 52-51) Antoine commande en l'absence de César
son Q.G. du mont Beuvray, près de Bibracte (Autun). |
51 |
— |
[Antoine a 32 ans] (Printemps) Il est questeur (13),
commandant la XIIe légion contre les Eburons, en Belgique.
Puis avec quinze cohortes, il écrase Comm l'Atrébate
dans la région de Beauvais (Picardie). |
50 |
— |
[Antoine a 33 ans] (10 décembre) Il succède
à son ami Curion comme tribun de la plèbe, pour
49. Il a pour collègue Q. Cassius Longinus. |
49 |
— |
[Antoine a 34 ans] Tribun de la plèbe.
(7 janvier) Comme le montre très exactement la série-TV
HBO, sauf que Cassius et Curion sont «oubliés»,
[Curion puis] Antoine proposent au Sénat - de la part
de César - «que les rivaux César et
Pompée résignassent leurs commandements respectifs».
Les partisans de Pompée s'y opposent.
Le Sénat projette de donner à César des
successeurs en Gaule : le proconsulat de la Gaule transalpine
à L. Domitius Ahenobarbus, beau-frère de Caton,
et celui de la Gaule citérieure (la Gaule celtique)
à M. Considius Nonianus. Antoine oppose son veto.
Le consul L. Cornelius Lentulus Crus expulse Antoine du Sénat.
Curion, Cassius et Antoine s'éclipsent discrètement
et courent rejoindre leur patron César, en Gaule cisalpine.
(10 janvier) César franchit le Rubicon. La grande aventure
commence... |
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(...) |
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44 |
— |
[Antoine a 39 ans] Maître de cavalerie du dictateur
César, et consul. |
La chronologie de la première confrontation d'Antoine
et Octave, qui s'achèvera sur les accords de Bologne et
la fondation du second triumvirat (27 novembre 43) : CLICK. |
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ATIA (Polly Walker)
Nièce de César, elle est la mère
d'Octave et d'Octavia. Snob, amorale, habile stratège,
elle attise les haines. Mais elle a réussi à devenir
puissante par son réseau d'amants. Polly Walker, vue dans
Sliver ou encore Emma, est Atia de la famille des
Julii. Née en 1966 en Angleterre, elle se destinait
à une carrière de danseuse mais une blessure la
contraignit à renoncer à la danse. Elle se consacra
alors à la comédie, débutant dans de petits
rôles au théâtre à Londres, avec la
Royal Shakespeare Company. Elle s'essaye ensuite à la télévision,
dans la série Lorna Doone (1990). Son premier rôle
marquant au cinéma fut, aux côtés d'Harrison
Ford, celui d'une terroriste irlandaise dans Patriot Games
(Jeux de Guerre) de Phillip Noyce (1992), d'après le
roman de Tom Clancy. Polly Walker fut, pour son rôle d'Atia
dans Rome (HBO), fut nominée «Meilleure
actrice de série» aux Golden Globes 2006 (le
trophée récompensant, finalement, Geena Davis dans
Commander in Chief).
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Atia, celle que l'on aime haïr..
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Atia Balba Cæsonia
était la fille de M. Atius Balbus d'Aricie (un parent de
Pompée) et de Julia, sur de Jules César. Atia
- ou Attia, ou Accia - fut la seconde épouse de Caius Octavius
Thurinus. Elle lui donna deux enfants : Octavia
Minor (Octavie-la-Jeune) et Octave,
le futur empereur Auguste.
C. Octavius décédé en 58, son fils le jeune
Octave, âgé de quatre ans, eut pour tuteur l'ancien
édile de son père, C. Toranius, et vécut
jusqu'à sa douzième année chez sa grand-mère
Julia. Atia se remaria avec le banquier L. Marcius Philippus,
qui plus tard aidera financièrement la prise du pouvoir
par son beau-fils.
Une première remarque s'impose, il n'est pas exact de montrer
Octave (onze ans en septembre 52, quand tombe Alésia) et
Octavia vivant auprès de leur mère Atia (tous les
détails chronologiques ici [CLICK]).
Tacite, peut-être dans un but hagiographique,
compare Atia à d'autres romaines vertueuses comme Cornelia,
mère des Gracques, et Aurelia, mère de Jules César
(TAC., Dialogues des orateurs, 28). Une autre belle légende
veut qu'Atia endormie dans le Temple d'Apollon Guérisseur
(14)
vit en songe le dieu sous la forme d'un serpent et s'unit à
lui, quelques temps avant de mettre Octave au monde. Plus tard,
devenu empereur, Octavien endossera la prêtrise d'Apollon,
plaçant son règne plus spécialement sous
le signe de ce dieu. Détail curieux : selon Suétone,
sitôt fécondée par Apollon «apparut
sur son corps une tache qui ressemblait à l'image d'un
serpent [qu']elle ne put jamais effacer, si bien que rapidement
elle renonça pour toujours à se rendre dans les
bains publics» (SUÉT., Aug., 94). C'est
un détail que la minisérie HBO a oublié,
elle qui pourtant laisse l'occasion d'examiner sous toutes les
coutures l'académie d'Atia.
Il semble que ce soit à la demande
d'Atia qu'Octave intercéda auprès de César
en faveur du frère de son ami Agrippa, fait prisonnier
avec d'autres partisans de Pompée.
Selon Appien,
c'est avec soulagement qu'Atia apprit de retour de son fils,
revenu de Dalmatie revendiquer l'héritage de son
père adoptif César; soulagement de le voir
toujours vivant. Car loin d'être ambitieuse, elle
aurait déconseillé à ce dernier d'accepter
l'héritage césarien (15).
Et pendant qu'Octavien guerroyait à Modène
contre Marc Antoine, Atia et Octavia-la-Jeune trouvèrent
refuge chez les Vestales. Elle décéda en 43.
Nous voyons donc se dessiner l'image
d'une Romaine vertueuse, suffisamment en tout cas pour être
hébergée par les Vestales dans un moment difficile
de la Guerre Civile, et dénuée d'ambitions
politiques, non seulement pour elle-même, mais aussi
pour son fils. L'image d'Atia que révèle la
minisérie Empire
(ABC) est plus conforme au vrai personnage historique,
même si pour les besoins de la cause on lui a prêté
quelques péripéties, comme d'avoir été
jetée en prison par Cassius pour avoir soustrait
à ses ennemis du Sénat le testament de César).
Rome (HBO) est beaucoup plus romanesque.
Atia est la maîtresse de Marc Antoine, et sans doute
se verrait-elle ravie de devenir celle de son oncle Jules
César qu'elle essaie de détourner de Servilia.
A défaut d'ainsi pouvoir parvenir à ses fins,
elle prostituerait volontiers son fils Octave afin d'avoir
barre sur le proconsul des Gaules. Comploteuse, elle fait
assassiner par son amant Timon l'insignifiant mari de sa
fille Octavia, afin de lui trouver un meilleur parti
(plus tard, en -40, son frère Octave, la donnera
en mariage à son associé Marc Antoine). Pauvre
Octavia !
Atia est délicieusement amorale, méchante,
égoïste et incapable de voir le mal qu'elle
fait autour d'elle. Un tel personnage est un véritable
bonheur, dans un film dramatique !
(La vérité historique nous oblige de
préciser ici qu'au moment où démarre
le feuilleton, c'est-à-dire quand - Alésia
tombée - Antoine rentre à Rome pour prendre
ses fonctions de tribun de la plèbe, le 1er janvier
49, il est toujours marié à Antonia,
et que sa maîtresse de l'époque était
l'actrice Cythéris,
non Atia.)
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Atia is a tramp
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BRUTUS (Tobias Menzies)
(ca 85-42) (ou 78-42 ?)
M. Junius Brutus junior est le fils de Servilia,
la maîtresse de César. Il est partagé entre
loyauté et méfiance à l'égard du dictateur.
Son ancêtre - un héros de la République -
tua Tarquin, ancien despote. Brutus est écartelé
entre sa passion pour la philosophie stoïcienne, l'idée
obsessionnelle de descendre du célèbre tyrannicide,
son amitié pour César (dont on a dit qu'il était
peut-être le fils, mais cela semble peu crédible
chronologiquement parlant) et son filial devoir de venger son
père traîtreusement assassiné par Pompée,
pendant la guerre civile qui opposa marianistes et syllaniens.
«Malmené par la propagande impériale,
voué par Dante, qui en fit un traître, au dernier
Cercle de l'Enfer, détourné par la Révolution
française au nom d'une vertu terrorisante», comme
le résume sa biographe, Anne Bernet, Brutus a suscité
les passions. Une Internaute notera à propos de la série-TV
HBO : «J'ai adoré la «revisitation»
du personnage de Brutus, qui m'a épatée. Au fil
du temps, on a fait de Brutus une sorte de hideuse caricature
du traître. Là le traitement très nuancé
m'a conquise... Sa relation avec César est passionnante
et magnifique...»
Tobias Menzies (Foyle's War, Neverland) campe un gandin
aux poses affectées, partagé entre son rôle
historique et son affection pour celui qui l'avait toujours considéré
comme un fils. |
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Brutus (Rome, Palazzo del Conservatori
- ph. Alinari-Giraudon) (extr. Benoist-Méchin,
Cléopâtre ou le rêve évanoui,
Clairefontaine, 1964) |
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C'est lui le célèbre
Brutus du «Tu quoque, fili me ?», dans les
pages roses du dico, mais Rome (HBO) n'a pas cru devoir
reprendre à son compte ce «bon mot» historique
attesté seulement par Suétone (SUÉT., Cæs.,
LXXXII, 3). C'est par un billet doux qui arriva sous les yeux
de son demi-frère Caton
que la liaison de sa mère Servilia
avec César fut révélée en plein Sénat
débattant de la conjuration de Catilina (décembre
63). Veuve de son premier époux, la maîtresse de
César était alors remariée avec D. Silanus
Junius, le consul désigné pour 62. Ce Silanus, avec
son collègue Murena, avait approuvé Cicéron
et son senatum consultum ultimum condamnant à mort
cinq suspects catiliniens au nombre desquels était Lentulus
Sura, le beau-père de Marc Antoine.
Fils de César ?
Les différentes sources que nous avons consultées
font naître Brutus vers 85, ce qui pose un problème
eu égard à sa filiation césarienne supposée.
Si Brutus est bien né en 85, César (né en
101) aurait seulement eu quinze ans lorsqu'il engendra ce fils
! «Le problème de la date de naissance de Brutus
fait, depuis deux mille ans, l'objet de querelles féroces
entre historiens, selon qu'ils l'aiment ou le détestent,
et veulent ou non qu'il soit le bâtard de César»,
note Anne Bernet (16).
Il y a d'une part la thèse de Carcopino, qui s'appuie sur
un passage de Cicéron - un intime de Brutus - selon qui
le fils de Servilia serait né en octobre 85. C'est ainsi
que l'ex-ministre vichysois révoque en doute la paternité
de César.
Mais la date cicéronienne serait due à une erreur
de copiste, et - invoquant Plutarque, Appien et Velleius Paterculus
-, d'autres historiens déduisent que Brutus serait né
sept ans plus tard, en octobre 78; il se serait donc suicidé
à trente-sept ans, non à quarante-trois. Selon cette
thèse, César aurait donc engendré Brutus
à 22 ans et Servilia à 21, ce qui est nettement
plus plausible. Reste à savoir si Servilia, maîtresse
de César en décembre 63 (puisque la date est attestée),
l'était déjà en 79-78... et l'était
encore en 49. Trente années - voire davantage - d'illégitime
passion, c'est bien sûr toujours possible, même si
cela confine à l'abnégation !
Quoi qu'il en soit de cette zone d'ombre, M. Junius Brutus
est officiellement fils de M. Junius Brutus - dont il porte
les prénom, nom gentilice et surnom. Le père de
notre Brutus était un éminent jurisconsulte, auteur
de trois livres sur la guerre civile (CIC., Orat., II,
12.3). Plébéien, il y avait participé en
embrassant le parti de Marius, mais avait dû se rendre à
Pompée. Après la mort de Sylla, suite à de
nouveaux événements, la guerre reprit et il se retrouva
assiégé par Pompée dans Modène, ville
qu'il défendit assez mollement du reste. Il se rendit une
seconde fois à Pompée, qui le fit assassiner (en
77).
Ce meurtre explique probablement le manque d'enthousiasme de Brutus
à rallier le camp pompéien lorsque César
se déclara l'ennemi du Sénat. |
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Le républicain pur
et dur
Brutus, c'est le psychodrame dans toute sa splendeur ! Sa
position n'était pas facile à assumer. Porter
le nom de M. Junius Brutus, n'était pas une sinécure
! Cinq siècles plus tôt, un L. Junius Brutus
s'était fait passer pour idiot, d'où son cognomen
de «Brutus», afin d'endormir la suspicion du
dernier roi de Rome, le tyrannique Tarquin le Superbe -
pour finalement le renverser et fonder la République.
Ce L. Junius Brutus fut le premier consul de Rome, magistrature
nouvellement créée pour remplacer le roi.
Depuis lors, une bonne vingtaine de générations
de Junii Bruti ont dû défiler dans l'Histoire,
confits dans leur rôle de garants de la République,
le pouce sur la couture de la toge. La République,
c'était le fonds de commerce des Junii, en
quelque sorte.
En fait, il n'est pas du tout certain
que les Junii Bruti appartenaient à la même
illustre famille que l'aïeul tyrannicide revendiqué
et plus ou moins mythique, L. Junius Brutus. Comme celui-ci
passait pour avoir également mis à mort ses
deux fils comploteurs, il ne pouvait avoir eu de descendance,
se gaussaient les Romains. «Nous descendons de
son troisième fils, né après»,
rétorquaient dignement les Junii Bruti, dont
la lignée, en vérité, ne semblait pas
remonter beaucoup plus haut que quatre générations
- jusqu'à un aïeul plébéien qui
aurait exercé le métier de portier (17).
Toutefois Marcus Brutus n'était
pas moralement lié qu'au seul fondateur de la République.
Il pouvait également revendiquer au nombre de ses
ancêtres, côté maternel, Servilius Ahala,
le meurtrier de Spurius Melius, autre aspirant à
la tyrannie.
En outre, philosophe stoïcien, il était non
seulement le neveu de Caton d'Utique mais aussi son gendre,
puisqu'il en avait épousé la fille, Porcia.
C'est, en fait, Caton qui contraignit son neveu a embrasser
le parti de Pompée. Brutus n'était pas chaud
pour faire la guerre à César et, du reste,
Pompée ne lui confia aucun commandement, n'ayant
qu'une confiance limitée par son engagement. |
Brutus is a traitor |
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Il ne participa même pas à
la bataille de Pharsale, étant resté dans une ville
voisine, à enfiler des perles philosophiques «plongé
dans la lecture de son Polybe, pendant qu'à côté
se jouait le sort de son chef et du parti auquel il était
censé appartenir» (G. Walter). Dans une lettre
adressée à César, «le fils de sa
maîtresse Servilia, Brutus, lui disait qu'il se trouvait
également à Larissa, et demandait l'autorisation
de paraître devant lui, rapporte un biographe de César,
Gérard Walter. (...) Plutarque rapporte qu'avant la
bataille, César avait recommandé instamment à
ses officiers de l'épargner, «de ne pas le tuer
dans le combat s'il se rendait volontairement, de le lui amener
s'il se défendait contre ceux qui l'arrêteraient,
de le laisser aller et de ne lui faire aucune violence».
D'où venait cet intérêt particulier que
César portait à Brutus ? Le même Plutarque,
se réfugiant derrière un «on dit» prudent,
suggère qu'«il voulait en cela obliger sa mère,
Servilia». On sait qu'alors le bruit avait couru à
Rome, avec une singulière insistance, que Brutus était
le fils de César. Le problème est délicat
à résoudre. On n'a pu arriver à le trancher
définitivement, et pour cause... Toujours est-il que Plutarque
prétend que César en était convaincu,
«parce que Brutus était venu au monde à l'époque
où sa passion pour Servilia était dans toute sa
force». L'empressement avec lequel il lui répondait
qu'il pouvait venir et qu'on le recevrait avec joie, laisse entrevoir
en tout cas chez César un sentiment qui dépasse
les limites d'un attachement ordinaire. Il n'avait pas vu Brutus
depuis près de vingt ans. Il avait gardé le souvenir
d'un sombre et farouche adolescent. Il vit à présent
devant lui un homme dans la force de l'âge, l'air un peu
gauche mais singulièrement attrayant, au regard ferme et
volontaire. Il causa longuement avec lui, seul à seul,
marchant le long d'un chemin solitaire, hors des oreilles indiscrètes.
Plutarque affirme que César voulait apprendre de Brutus
le trajet emprunté par Pompée et que Brutus le lui
communiqua. Cette question, de la part de César, est possible,
sinon vraisemblable. Il n'en est pas de même de la réponse
de Brutus, qui ne pouvait guère renseigner César
sur ce sujet, étant, personnellement, dans la plus complète
ignorance des projets de son ancien chef, lequel, d'ailleurs,
n'était pas fixé lui-même sur ses propres
intentions. Le fait, du reste, constaté par le même
Plutarque, que l'entrevue en question avait eu lieu en l'absence
de tout témoin, ne permet d'accorder à cette allégation
que la valeur d'une simple hypothèse (18).»
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Brutus (à gauche) et son ami Cicéron
(à droite). Le célèbre orateur le fera
intervenir dans un de ses ouvrages philosophiques, justement
intitulé «Brutus»... |
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Mais sa filiation ultra-républicaine
hanta Brutus au point de finalement se joindre aux assassins de
César. La série-TV montre Brutus, au contraire des
autres officiers de Pompée en Grèce, très
modéré lorsqu'il s'agit de conspuer César,
(CLICK et (CLICK)
de qui il se déclare redevable. Et plus tard, à
Rome - compromis par les intrigues de sa mère avec Cassius
- il exposera très clairement ses
griefs au dictateur. Il faut relire le Jules César
de Shakespeare et l'antienne «car Brutus est irréprochable
!» Serions-nous dans notre jugement plus «Romains»
que ceux qui furent les proches de César ?
Quel drame affreux que de devoir choisir entre les sentiments
et le devoir. Brutus et Cassius se suicidèrent, après
leur défaite à Philippes contre Octavien et Antoine
(Brutus le 23 octobre 42, Cassius quelques jours avant). Mais
Marc Antoine rendit les honneurs au seul Brutus, dont il couvrit
la dépouille de son propre manteau : «C'était
un homme !»
Quand à Octavien - qui s'était fait porter pâle
pendant la bataille - il en fit décapiter le cadavre en
vue d'exposer la tête aux Rostres (19),
et ordonna l'exécution de tous les républicains
prisonniers, leur refusant même la sépulture...
La conjuration
Quelque soixante personnes furent impliquées dans le complot
contre César, dont une vingtaine nous sont nommément
connus : six étaient notoirement des césariens,
dix pompéiens, quatre sans appartenance avouée (SUÉT.,
Cæs., LXXX, 7; LXXXII, 1) et vingt-trois coups de
poignard lui furent portés. Shakespeare a retenu les noms
des sept principaux, outre Brutus : Cassius, Casca, Trebonius,
Ligarius, Deci[m]us Brutus, Metellus Cimber et Cinna. Cicéron
fut tenu à l'écart du complot.
P. Servilius Casca porta le premier coup, au dessus de
la clavicule, Cassius le second - au visage ou à la poitrine,
nos sources se contredisent -, et M. Junius Brutus le dernier.
Un seul aurait été réellement mortel. Le
préteur C. Cassius
Longinus était un survivant du désastre
de Carrhæ. C. Trebonius et Decimus Brutus, étaient
deux anciens légats de César en Gaule. C. Trebonius,
qui avait avec Antoine brillamment repoussé l'armée
de secours gauloise devant Alésia, avait administré
Rome en l'absence de ce dernier parti en Grèce épauler
César. C'était un précurseur du complot,
ayant huit mois auparavant déjà essayé de
circonvenir Antoine. C'est à lui qu'il incomba de retenir
au dehors, sous un prétexte quelconque, son ami Antoine,
pendant que l'on exécutait César. Decimus
Junius Brutus, qui s'était magnifiquement battu
contre les Vénètes, puis avait pris Marseille, s'était
tenu aux côtés de César dans son char, lors
de son triomphe ex Gallica. Comme préteur, il avait,
pour les fêtes d'Anna Perenna, rassemblé une importante
troupe de gladiateurs qui se tenaient prêts... à
épauler les conspirateurs. Tillius Cimber [Metellus
Cimber], dont le frère était proscrit, se chargea
de détourner l'attention de César tandis qu'on l'entourait.
Enfin, le préteur L. Cornelius Cinna, frère
de la première femme de César et un de ses protégés,
complétait l'équipe de choc.
C'est à l'intervention de Brutus qu'Antoine
dut de ne pas être exécuté en même temps
que César. «Presque tous les conjurés,
au temps où ils délibéraient sur leur entreprise,
avaient été d'avis de faire périr Antoine
après César, à cause de ses tendances monarchiques,
de sa violence et de la puissance qu'il s'était acquise
par sa familiarité habituelle avec la soldatesque, et surtout
parce qu'il joignait à un naturel impétueux et entreprenant
l'autorité consulaire, étant alors collègue
de César. Seul, Brutus avait combattu ce projet, en s'appuyant
d'abord sur la justice, puis en conjecturant l'espoir d'un changement
chez Antoine; en effet il ne désespérait pas que,
César une fois disparu, un homme aussi bien doué,
aussi ambitieux et épris de gloire que l'était Antoine,
ne voulût contribuer à la liberté de sa patrie,
entraîné par le noble zèle des conjurés»
(PLUT., Brutus, 18.).
«Cependant,
comme ils redoutaient la force d'Antoine et le prestige de sa
charge, ils placèrent auprès de lui quelques-uns
des conjurés, qui devaient après que César
serait entré dans le Sénat et que viendrait le moment
de passer à l'acte, le retenir au dehors par une conversation
animée» (PLUT., Antoine, 13).
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John Gielgud (Cassius)
et James Mason (Brutus) en couverture d'une édition
de la pièce de Shakespeare imprimée à
l'occasion de la sortie à l'écran du film
de Mankiewicz en 1953 (Julius Cæsar and the Life
of William Shakespeare (Introd. Sir John Gielgud),
Londres, The Gawthorn Press Ltd, 1953, 234 p. - nombreuses
photos du film ou relatives à l'uvre de William
S.).
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Mais Antoine manuvra habilement
pour mettre dans sa poche les assassins de César. C'est
dans le passage de Plutarque, ci-dessous, que Shakespeare trouva
l'argument de son Jules César, où Antoine
prononce un magnifique éloge funèbre, qui lui permettra
de retourner l'opinion de la populace versatile («car
Brutus et ses amis, tous gens irréprochables, ont dit que
César était coupable...»). «Puis, ayant
réuni le Sénat, il [Antoine] parla lui-même
en faveur d'une amnistie et de l'attribution de provinces à
Cassius, à Brutus et à leurs complices. Le Sénat
ratifia ces propositions et décréta que l'on ne
changerait rien à ce qu'avait fait César. Antoine
sortit du Sénat comme le plus glorieux des hommes : il
paraissait avoir évité la guerre civile et traité
avec la prudence d'un politique consommé des affaires difficiles
et qui pouvaient entraîner de grands troubles. Mais la popularité
dont il jouissait auprès de la foule le fit rapidement
changer de projets, et il conçut le ferme espoir de devenir
le premier, s'il abattait Brutus. Lors du convoi funèbre
de César, il eut à prononcer, comme c'était
l'usage, l'éloge du mort au Forum : voyant le peuple singulièrement
ému et attendri, il mêla à ses louanges des
paroles faites pour exciter la pitié et souligner le caractère
révoltant de ce meurtre, et, à la fin de son discours,
il agita les habits du défunt tout ensanglantés
et percés de coups d'épée, en appelant les
auteurs de l'attentat assassins et scélérats. Il
inspira ainsi aux assistants une telle colère qu'après
avoir brûlé le corps de César au Forum en
entassant les bancs et les tables, ils prirent au bûcher
des tisons enflammés et coururent aux maisons des meurtriers
pour leur donner l'assaut» (PLUT., Antoine, 14).
Antoine, toutefois, saura honorer la mémoire
de Brutus mort. «Quelques jours après, une nouvelle
bataille s'engagea, et Brutus vaincu se donna la mort. Antoine
retira de cette victoire la plus grande part de renommée,
car César [c'est-à-dire Octavien] était
alors malade. Mis en présence du cadavre de Brutus, Antoine
lui reprocha en peu de mots la mort de son frère Gaius,
que Brutus avait fait périr en Macédoine pour venger
le meurtre de Cicéron, mais il ajouta qu'il accusait plutôt
Hortensius, que Brutus d'avoir tué son frère, et
il fit égorger Hortensius sur le tombeau de Gaius. Quant
à Brutus, Antoine jeta son manteau de pourpre qui était
d'un grand prix sur son corps, et ordonna à l'un de ses
affranchis de prendre soin de ses funérailles. Plus tard,
ayant appris que cet homme n'avait pas brûlé le manteau
de pourpre avec le cadavre et qu'il avait détourné
une grande partie de la somme destinée aux obsèques,
il le fit périr» (PLUT., Antoine, 22).
Porcia, femme de Brutus
Quelques mots à propos de Porcia (ou Portia), la femme
de Brutus, qui intervient dans la tragédie de Shakespeare
et le film de Mankiewicz - mais que Rome (HBO) a éludée.
«Porcia était, comme je l'ai dit - écrit
Plutarque -, fille de Caton, et Brutus, son cousin, l'avait
épousée, non pas vierge, mais déjà
veuve, bien qu'elle fût toute jeune encore, d'un premier
mari [M. Calpurnius Bibulus, consul en 59 avec César],
dont elle avait eu un petit garçon nommé Bibulus,
qui écrivit un bref ouvrage conservé et intitulé
Mémoires sur Brutus. Femme affectueuse et attachée
à son mari, Porcia était pleine de grandeur d'âme
et d'intelligence. Elle ne voulut pas questionner Brutus sur ses
secrets avant d'avoir fait sur elle-même l'épreuve
que voici. Elle prit un de ces petits couteaux avec lesquels les
barbiers coupent les ongles, et, ayant fait sortir de sa chambre
toutes ses servantes, elle s'entailla si profondément la
cuisse qu'il coula beaucoup de sang et que, peu après elle
fut saisie de violentes douleurs et des frissons de la fièvre
causée par sa blessure. Brutus était dans une inquiétude
insupportable, lorsqu'au plus fort de la souffrance elle lui parla
ainsi : «Brutus, moi qui suis fille de Caton je suis
entrée dans ta maison, non pas comme les concubines, pour
partager seulement ton lit et ta table, mais pour être associée
à tes chagrins comme à tes joies. Ta conduite envers
moi a toujours été celle d'un mari irréprochable;
mais, en ce qui concerne mes propres sentiments, quelle preuve
ou quelle marque de reconnaissance puis-je t'en donner, s'il ne
me revient pas de supporter avec toi un malheur caché ou
un souci qui exige de la confiance ? Je sais que la nature féminine
paraît trop faible pour porter un secret, mais, Brutus,
une bonne éducation et la fréquentation des gens
vertueux influent beaucoup sur les murs. Moi, de plus, j'ai
l'avantage d'être fille de Caton et femme de Brutus. Je
m'y fiais assez peu jusqu'à ce jour, mais maintenant je
me connais moi-même comme étant supérieure
même à la douleur.» Cela dit, elle lui montre
sa blessure et lui raconte l'épreuve qu'elle s'est infligée.
Brutus, stupéfait, leva les bras vers le ciel et pria les
dieux de lui accorder le succès de son entreprise pour
se montrer le digne époux de Porcia. Après quoi
il fit donner des soins à sa femme» (PLUT., Brutus,
13). |
|
«Porcia, qui devait de
là, retourner à Rome, s'efforçait de
cacher l'extrême douleur qu'elle ressentait, mais, en
dépit de tout son courage, un tableau l'amena à
se trahir : le sujet était tiré de la littérature
grecque; Hector était reconduit par Andromaque, qui
recevait de ses mains leur petit enfant et avait les yeux
fixés sur son mari. La vue de cette peinture, qui rappelait
à Porcia son malheur, la fit fondre en larmes; elle
alla la regarder à plusieurs reprises dans la journée,
et chaque fois elle pleurait. Acilius, un des amis de Brutus,
récita les vers qu'Andromaque adresse à Hector
: |
«Hector, tu es pour moi tout à la fois un
père, une mère chérie,
Un frère, en même temps qu'un fort et jeune
époux.»
|
Quant à moi, répliqua
Brutus en souriant, il ne me viendra pas à l'idée
de dire à Porcia les paroles d'Hector : |
«A tes servantes dis de filer et tisser»,
|
car si sa faiblesse physique
ne lui permet pas les mêmes exploits qu'à nous,
elle a autant que nous la résolution de se distinguer
au service de la patrie. Voilà ce que rapporte Bibulus,
le fils de Porcia» (PLUT., Brutus, 23). |
|
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Decimus Brutus (Decimus Junius
Brutus Albinus)
Des photos de pré-production publiées notamment
dans Paris-Match présentent Benoît Poelvoorde
et Alain Delon respectivement dans les rôles de Brutus et
Jules César pour Astérix
aux Jeux Olympiques. Dans la BD, on voyait un officier
de César, répondant au nom de Brutus, qui n'arrêtait
pas de tripoter des couteaux. Légat de César pendant
la guerre des Gaule, Decimus Brutus dirigea la campagne contre
les Vénètes, dans le Morbihan, et, au siège
d'Alésia, commandait une des deux légions de réserve.
Pour les besoins de la cause, Goscinny confondit Decimus Junius
Brutus avec notre «parricide» Marcus Junius Brutus,
dont il était un cousin.
Il était le fils de Decimus Junius
Brutus, consul en 77, et de Sempronia, qui joua un rôle
si célèbre dans la conjuration de Catilina.
Toutefois, adopté par A. Postumius Albinus, le consul de
99, il endossa le cognomen d'Albinus, par lequel on le
trouve quelquefois désigné. «Quand César
l'emmena dans les Gaules, note Napoléon III, il
était encore fort jeune : les Commentaires lui donnent
l'épithète d'adulescens. Il devait être
de retour à Rome en janvier 50, puisqu'une lettre de Cicéron
y signale sa présence à cette époque (Lettres
familières, VIII, 7). L'année suivante il commandait
la flotte de César devant Marseille (CÆS., Guerre
civile, I, 36. - DION CASSIUS, XLI, 19). Il remporta, bien
qu'avec des forces inégales, une victoire navale sur L.
Domitius Ahenobarbus (CÆS., Guerre civile, 51).»
Comme vainqueur de Marseille, Decimus Junius Brutus Albinus fut,
avec Antoine et Octave, associé au triomphe que César,
à son retour d'Espagne, célébra en 48. Il
monta avec eux sur le char du consul (PLUT., Antoine, 13).
Ayant reçu de ce dernier le gouvernement
de la Gaule transalpine (48), il réprima ensuite une insurrection
des Bellovaques (46) (TITE LIVE, Epitomé, 64). Et
Napoléon III d'ajouter : «Il fut l'objet des faveurs
les plus particulières de son ancien général,
qui éprouvait pour lui une vive affection.» César,
en effet, l'avait couché sur son testament, au second rang
de ses héritiers, et désigné comme co-tuteur
d'Octave. Cela ne l'empêcha point de se laisser entraîner
dans la conspiration contre César : c'est à lui
qu'échut la mission d'aller quérir le dictateur
à son domicile et de l'accompagner au Sénat, où
l'attendaient ses meurtriers.
En 42, il voulut prendre possession du gouvernement de la Gaule
cisalpine, que César lui avait assignée, mais que
Marc Antoine convoitait. Celui-ci vint l'y assiéger dans
Modène, où les consuls Hirtius et Pansa, accompagnés
du propréteur Octavien, vinrent le délivrer. Mis
sur la liste des proscriptions par les triumvirs, abandonné
par ses troupes, trahi par son hôte le chef celte Camillus,
Decimus Brutus fut exécuté par des hommes envoyés
par Antoine. |
Suite… |
NOTES :
(1) ... qui avait épousé
des banquiers, soit successivement C. Octavius Thurinus puis L.
Marcius Philippus. En matière de noblesse, il y a mieux
que ces gens d'argent ! - Retour texte
(2) Atia est une provinciale par son
père, mais sa mère Julia - une Julii Cæsares
-, appartenait à la plus ancienne noblesse patricienne.
Comme fille d'un Servilii Cæpionis, Servilia pouvait
elle aussi se prévaloir de ses origines patriciennes, quoique
ayant épousé un plébéien des Junii
Bruti elle soit, ipso facto, devenue plébéienne
comme son mari. En fait, les scénaristes, partagés
entre la lettre et l'esprit, doivent jouer aux funambules pour
se faire comprendre des téléspectateurs. C'est ainsi
que dès le premier épisode, Octave se présente
comme Octavius Julii, ce qui est une anticipation aberrante,
mais qui a le mérite de le situer dans son réseau
d'alliances... - Retour texte
(3) Marc Antoine porte la barbe dans
la Seconde Saison de Rome (HBO). - Retour
texte
(4) Y. LE BOHEC, César Chef
de guerre, Editions du Rocher, coll. «L'Art de la Guerre»,
2001, p. 371. - Retour texte
(5) Légat de César, Trebonius
avait, devant Alésia et de concert avec Antoine, repoussé
l'assaut de l'armée de secours gauloise. Lorsque Antoine
quitta Rome pour aller renforcer César en Grèce,
ce fut Trebonius qui le remplaça comme gouverneur de la
ville. Antoine et Trebonius étaient de solides compagnons
de débauche. - Retour texte
(6) M. GEORGE, Les mémoires
de Cléopâtre - 1. La Fille d'Isis; 2. Sous le signe
d'Aphrodite; 3. La morsure du serpent, Albin Michel, 3 vols,
1999. Ce roman a fait l'objet d'un téléfilm Hallmark
Cléopâtre (Franc Roddam, 1999), avec Leonor
Varela dans le rôle de Cléopâtre et Timothy
Dalton dans celui de César. - Retour
texte
(7) Dans la série-TV HBO Rome,
comme dans celle ABC Empire, Octave se trouve également
à Rome au moment des Ides de Mars. Raccourci commode. -
Retour texte
(8) Voltaire,
à propos des appétits génésiques d'Antoine,
se couvre des voiles de la pudeur et verse volontiers dans le
ragôt : «Antoine n'était pas moins connu
par ses débordements effrénés. On le
vit parcourir toute l'Apulie dans un char superbe traîné
par des lions, avec la courtisane Cithéris, qu'il caressait
publiquement en insultant au peuple romain. Cicéron
lui reproche encore un pareil voyage fait aux dépens des
peuples, avec une baladine nommée Hippias et des farceurs.
C'était un soldat grossier, qui jamais, dans ses débauches,
n'avait eu de respect pour la bienséance; il s'abandonnait
à la plus honteuse ivrognerie et aux plus infâmes
excès. Le détail de toutes ces horreurs passera
à la dernière postérité, dans les
Philippiques de Cicéron : «Sed jam stupra
et flagitia omittam; sunt quædam quæ honeste non possum
dicere», etc. (Philip., 2). Voilà Cicéron
qui n'ose dire devant le Sénat ce qu'Antoine a osé
faire; preuve bien évidente que la dépravation des
murs n'était point autorisée à Rome,
comme on l'a prétendu. Il y avait même des lois contre
les gitons, qui ne furent jamais abrogées. Il est vrai
que ces lois ne punissaient point par le feu un vice qu'il faut
tâcher de prévenir, et qu'il faut souvent ignorer.
Antoine et Octave, le grand César et Sylla, furent atteints
de ce vice; mais on ne le reprocha jamais aux Scipion, aux Métellus,
aux Caton, aux Brutus, aux Cicéron : tous étaient
des gens de bien; tous périrent cruellement.
Leurs vainqueurs furent des brigands plongés dans la débauche.
On ne peut pardonner aux historiens flatteurs ou séduits
qui ont mis de pareils monstres au rang des grands hommes.»
(C'est nous qui mettons en évidence.) - Retour
texte
(9) Dans Rome (HBO), Antoine
s'affiche avec une prostituée nommée non pas Cythéris,
mais Cynthia (CLICK
et CLICK). - Retour
texte
(10) Dans l'état actuel de nos
informations, il semble que ce ne sera pas le cas. - Retour
texte
(11) De fait, après la dissolution
de leur cause, de nombreux républicains choisirent de rallier
le parti d'Antoine afin de marquer leur opposition à Octavien.
- Retour texte
(12) Cottafavi était un Italien
de la péninsule. Notre hypothèse aurait certainement
été plus probante si le réalisateur des Légions
de Cléopâtre avait été son confrère
es-péplum Riccardo Freda, natif, lui, d'Alexandrie. - Retour
texte
(13) En juillet 52, il a été
élu questeur à Rome pour l'année 51. Marc
Antoine, comme César et les autres officiers supérieurs
font de fréquents aller-retours de Gaule en Italie, pour
leur carrière politique. - Retour
texte
(14) Au sud du Champ de Mars, à
côté du Théâtre de Marcellus (pas encore
construit à l'époque) et à proximité
du Cirque Flaminius. - Retour texte
(15) P. COSME, Auguste, p.
52. - Retour texte
(16) A. BERNET, Brutus, op. cit.,
p. 17, n. 13. - Retour texte
(17) A. BERNET, Brutus, op. cit.,
p. 12. En fait, on s'est interrogé sur l'origine de ces
grandes familles plébéiennes,
en particulier celles qui comptaient aussi une branche patricienne.
Il est vraisemblable que, les affranchis reprenant le nom gentilice
de leurs anciens maîtres, les branches plébéiennes
decendaient desdits clients affranchis. - Retour
texte
(18) Gérard WALTER, César,
Marabout Université, n 49, 1964, pp. 329-330. - Retour
texte
(19) Elle n'arriva jamais à
Rome, le bâteau qui la rapportait ayant été
pris dans une tempête. - Retour texte
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