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Rome
[TV : HBO - BBC]
(Michael Apted, Allen Coulter, Julian Farino, etc. -
EU-GB, 2005)

(page 8/18)

 

Pages précédentes :

Rome, unique objet de mon assentiment...

INTRODUCTION

I. PAVÉS MOUILLÉS, RUELLES INTERLOPES...

II. QUELQUES THÈMES À LA LOUPE

III. NAISSANCE D'UN EMPIRE

IV. LE TRIOMPHE

V. LA LÉGION

VI. UN PEU D'EXOTISME : L'ÉGYPTE GRECQUE

Ô ROME ET CÆTERA...
LES PERSONNAGES

DEUX DE LA XIIIe LÉGION

LUCIUS VORENUS - TITUS PULLO

AUTRES PERSONNAGES DE FICTION

ERASTES FULMEN - GLABIUS - NIOBÉ
POSCA - QUINTUS POMPÉE - TIMON le JUIF

LES PROTAGONISTES HISTORIQUES

ANTOINE (James Purefoy)
ATIA (Polly Walker)
BRUTUS (Tobias Menzies)
CASSIUS (Guy Henri)
CATON D'UTIQUE (Karl Johnson)
CÉSAR (Ciaran Hinds)
CICÉRON (David Bamber)
CLÉOPÂTRE VII (Lyndsey Marshall)
METELLUS SCIPIO (Paul Jesson)
OCTAVE (Max Pirkis)
OCTAVIA (Kerry Condon)

Sur cette page :

POMPÉE (Kenneth Cranham)

Le père Cn. Pompeius Strabo
Le fils Cn. Pompeius Magnus
Eclipsé par le soleil de César
La mort de Pompée
Chronologie de Pompée

PTOLÉMÉE XIII DIONYSIOS (Scott Chisholm)

Le père, Ptolémée XII
Le fils, Ptolémée XIII

SERVILIA (Lindsay Duncan)

A propos de Caton et Servilia
La Servilia de Rome

Pages suivantes :

APPENDICES : CLODIA & CLODIUS

Fiche technique

Résumés de la première saison

BIBLIOGRAPHIE

 

Forum consacré à la série Rome

POMPÉE (Kenneth Cranham)
(106-48)
Cn. Pompée est membre du Sénat et consul. Père de Quintus Pompée (dans le feuilleton) ou, dans l'Histoire, de Cneius et Sextus Pompeius. Conquérant de nombreux pays, général de Sylla pendant la guerre civile et la guerre sociale. Vainqueur de Sertorius, des pirates, de Mithridate, et même de Spartacus... Conquérant de Jérusalem. Pompée jouit d'un immense prestige auprès des soldats et de la population romaine. Kenneth Cranham (Gangster No. 1) interprète Pompée le Grand.

 

pompeius magnus - kenneth cranham

Pompée

 

Général et homme politique romain, Cneius Pompeius Magnus («le Grand») était issu d'une illustre famille plébéienne connue par deux branches : les Rufus (et leur subdivision les Bithynicus), et les Strabo. Les Pompei Rufi et Bithynici descendaient de Q. Pompeius, consul en 141, qui assiégea vainement Numance (140), et qui fut le premier de la famille à avoir exercé une magistrature curule.

Le père, Cn. Pompeius Strabo
Originaire du Picenum - une terre étrusque autour de Rimini, largement mélangée de Celtes - Pompée le Grand était un Strabo. Il était le fils de Cn. Pompeius Strabo (lui-même fils de Sextus Pompeius, propréteur de Macédoine en 117, où il périt en combattant les Celtes) et appartenait à la tribu Clustumina. Sa mère Lucilia était une fille du sénateur Manius Lucilius, et il semble qu'une autre Lucilia - une de ses sœurs - ait épousé un M. Atius Balbus, ce qui ferait de celle-ci l'arrière-grand-mère d'Octave, fils d'Atia.

Cn. Pompeius Strabo était un grand propriétaire du Picenum, cependant que son épouse Lucilia possédait d'autres terres dans la région de Tarente. Strabo fut questeur en Sardaigne (105), propréteur en Macédoine (date ?), puis légat du consul P. Rutilius Lupus (90) pendant la Guerre sociale. Enfin, il devint lui-même consul avec L. Porcius Cato (le père de Caton d'Utique), en 89.
Cette année-là, Strabo vainquit les Italiques à Firmum et à Asculum, dont il fit exécuter les chefs et officiers avant de raser la ville après en avoir vendu les habitants à l'encan. Dans son armée devant Asculum, il y avait les fameux Catilina (CLICK et CLICK), Cicéron et Gellius (Gellius, le consul de 72 qui se laissera battre par Spartacus !). Toutefois Strabo eut surtout la joie de s'y voir rejoint par son fils de 17 ans, Cneius - notre Pompée -, qui venait de prendre la toge virile !

Pompeius Strabo eut droit au Triomphe, à Rome, le 25 décembre 89. L'année suivante, le proconsul Strabo espérait être désigné pour aller combattre Mithridate en Asie mineure, mais ce fut Sylla qui fut choisi, et il eut en outre l'amertume de voir le commandement de ses troupes conféré à son cousin éloigné Q. Pompeius Rufus. A son instigation, les légionnaires massacrèrent leur nouveau général le jour-même de sa prise de commandement. Alors, le Sénat se vit bien dans l'obligation de le confirmer dans son commandement lorsque le marianiste Cinna marcha sur Rome. Un moment, Strabo balança - hésitant entre son ressentiment contre le Sénat et sa haine des populares. Les deux Pompée affrontèrent finalement Sertorius (le lieutenant de Cinna) devant la Porte Colline; puis Strabo entreprit des négociations avec Cinna... qui venait d'échouer à le faire assassiner. C'est à ce moment que la peste l'emporta (ou une autre tentative d'assassinat réussit-elle ?).
Le peuple romain ulcéré - il le tenait pour responsable des rigueurs du siège et de l'épidémie - mit en pièces son cadavre. Marius et Cinna étaient désormais maîtres de la ville.

Le fils, Cn. Pompeius Magnus
Se défiant de Marius, le jeune Pompée se retira dans son fief du Picenum. Marius décéda d'une pleurésie en 86 (17 janvier), dans son septième consulat.
Quand au printemps 83, le conservateur Sylla - retour d'Orient - débarqua à Brindisium avec 34.000 hommes, Cn. Pompée prit l'initiative de lever trois légions parmi ses clients picentins - la tribu Velina - et se porta au-devant de Sylla, à qui il offrit son aide. Il n'était pas le seul à en avoir eu l'idée, mais en tout cas il était à la tête du contingent le plus important. L'aventure de Pompée le Grand commençait...
La Chronologie ci-dessous reprend les principales étapes de la carrière de cet ancien lieutenant de Sylla, qui n'était pas Romain de souche et - par conséquent - suscitait la méfiance, voire le mépris des Républicains conservateurs du Sénat. Sa carrière de soudard est atypique, car Pompée parvint au consulat sans passer par le cursus honorum, mais exerça en 77 - dans la guerre contre Sertorius, en Espagne - la fonction de proconsul... sans l'être (non pro consule, sed pro consulibus), forçant ensuite la main du Sénat pour qu'il lui confère le consulat, conjointement avec Crassus, au lendemain de leur commune victoire sur Spartacus.

Comme César et avant lui, Pompée brigua le pouvoir personnel - au dam de Caton-le-Jeune - et joua la carte du populisme en s'associant avec Crassus et César. Mais lorsque se disloqua leur triumvirat, il rallia la cause de ses adversaires politiques d'hier et le «Seigneur de la Guerre» du Picenum qu'il était se fit le champion des conservateurs, entraînant dans son sillage des gens qui avaient eu les meilleures bonnes raisons de se méfier de lui comme Caton, ou de le haïr comme Brutus (dont il avait fait assassiner le père marianiste, pendant la précédente guerre civile).

 

pompee - louvre

Pompée le Grand, au Musée du Louvre (ph. Giraudon - extr. Benoist-Méchin, Cléopâtre ou le rêve évanoui, Clairefontaine, 1964)..

pompee - capitole

... et au Musée du Capitole (ph. Anderson - extr. A. Weigall, Cléopâtre, Payot, 1952)

 

Dans sa saga Les Maîtres de Rome, Colleen McCullough raconte l'ascension de Jules César, mais démarre en fait bien avant sa naissance avec le conflit qui opposa Marius et Sylla. Elle trace un étonnant portrait de celui-ci qu'elle surnomme «le Petit Boucher». Quel personnage que cet «homme nouveau», génie militaire mais nullité politique. Ce fut une des créatures de Sylla, le conservateur.

Adoncque, Pompée obtint en 55 l'Espagne (où il a déjà guerroyé contre Sertorius) pour province, mais préfère rester à Rome tandis que ses légats l'administrent à sa place. Il ne bougera plus de Rome jusqu'en 49, quand César ayant franchi le Rubicon, l'en chassera. Il administre la ville tandis que ses associés César et Crassus font campagne qui en Gaule, qui en Syrie. La mort de Julia en 54, puis de Crassus en 53, vont changer la donne. En 52, l'année où tombe Alésia, il est consul unique (sine collega). Un avant-goût du pouvoir absolu ?

Eclipsé par le soleil de César
Romanciers et scénaristes vont s'en donner à cœur joie pour imaginer les complots ourdis dans l'ombre par Pompée. Dans Rome (HBO), un agent de Pompée vole une des aigles de César, espérant par ce sacrilège démoraliser ses légionnaires.
Jacques «Alix» Martin, dans sa bande dessinée fameuse, a brodé pas mal de romans autour du «malfaisant» Pompée : il embauche des «soldats perdus» mais prêts à tout, des survivants de l'armée de Crassus (Alix l'Intrépide, 1948); tandis que César assiège Alésia, il fabrique des armes secrètes en Egypte impliquant de la poudre noire explosive (Le Sphinx d'Or, 1951). Dans Les Légions Perdues (1962), c'est l'épée de Brennus - conservée dans le Capitole - que Pompée fait voler par ses sbires, pour livrer ce talisman fédérateur aux barbares germaniques et celtes qui veulent bouter César hors de Gaule. Et dans Vercingétorix (1985), il évade de la Mamertine le roi Arverne pour le renvoyer en Gaule dans l'espoir de priver César de son trophée lors de son Triomphe. Dans la série Væ Victis de Mitton et Ramaïoli, ce sont par contre des agents de Crassus qui remettent des fonds aux barbares pour qu'ils exterminent César et ses légions. L'idée du «rififi» chez les triumvirs n'est pas donc nouvelle.
Aucune aigle de César n'a été volée, historiquement parlant. Mais César met en évidence la valeur de l'aigle au moins à deux reprises (CLICK & CLICK). Comme l'histoire des quinze cohortes des XIIIe et XIVe légions de Sabinus et Cotta, massacrées à l'Atuatuca en essayant de sauver leur aigle, tombe un peu à plat - César ne disant pas ce qu'il en advint -, les scénaristes de Rome (HBO) ont rapproché l'épisode de celui de Pullo et Vorenus, quelques paragraphes plus loin. Les scénaristes ont donc brodé en situant en 52 des événements survenus en 54, remplaçant Quintus Cicéron par Marc Antoine. Et en montrant Pompée dans le rôle du gros méchant - C.Q.F.D.

«Malgré le caractère révolutionnaire des débuts de sa carrière, Pompée était au fond, par opposition à la plupart de ses contemporains nobles, un homme honnête qui respectait les lois, note Jean H. Croon en guise de bilan de la carrière de Pompée. Dans sa vie privée également, il appliqua des normes inconnues des autres personnages importants. Il passait pour le plus grand général de son époque. Ses opinions politiques ont souvent été comparées à celles d'Auguste. Certes, il dut finalement céder à César, plus génial, mais aussi plus impitoyable et plus cynique; ce qui reste d'ailleurs tout à son honneur» (1).

La mort de Pompée
Telles qu'elles sont rapportées dans Rome (HBO), les circonstances de la mort de Pompée, en Egypte, sont globalement exactes, mais avec des nuances.

Essayons de reconstituer les faits avérés.
Après avoir fui le champ de bataille de Pharsale, Pompée navigua vers Mytilène (Lesbos), où il récupéra son épouse Cornelia et ses enfants. A Chypre, il réussit à rassembler quelque 2.000 hommes et fit voile vers l'Egypte. Des vents contraires l'empêchèrent d'aborder directement à Alexandrie. Il jeta donc l'ancre devant Péluse - non loin du cap Kasion -, où l'armée de Ptolémée XIII guettait l'arrivée de celle de sa sœur Cléopâtre qui lui contestait le pouvoir. Pompée lui envoya un messager, pour l'informer de ses difficultés. Les Egyptiens étaient très ennuyés, se doutant bien que César vainqueur viendrait leur demander des comptes s'ils aidaient Pompée. C'est Théodote qui eut l'idée : tuons Pompée, et offrons sa tête à César en signe d'amitié. Ainsi, il nous laissera tranquilles !
Ptolémée envoya son général Achillas et deux centurions romains, Septimius et Salvius - des officiers des deux légions qu'Aulus Gabinius, ancien légat de Pompée, avait laissées à Alexandrie. Achillas s'approcha en barque de la trirème de Pompée, s'excusant de ne pouvoir venir sur un plus digne navire à cause des bancs de sable. Il assura Pompée des bonnes intentions de son souverain et l'invita à passer à son bord. Rassuré par la présence des deux vétérans, Pompée embarqua, seulement accompagné de son affranchi Philippos. Il se plongea dans la lecture de ses notes, celles du discours qu'il prononcerait lorsqu'il serait devant Ptolémée. La barque atteignit au rivage, et Pompée, à la proue, se redressa pour patauger les derniers mètres dans l'eau. C'est alors que Septimius lui plongea son glaive dans le dos, tandis que Salvius neutralisait Philippos. Les hommes d'Achillas tirèrent le corps de Pompée jusqu'à la grève, le décapitèrent, et abandonnèrent le cadavre qu'ils avaient dénudé. Tout cela sous les yeux de Cornelia, qui de la trirème voyait tout. Personne ne s'intéressant à sa dépouille, Philippos, avec l'aide d'un autre ancien vétéran de Pompée qui habitait-là, fit la toilette du mort, le revêtit de sa propre tunique, le brûla sur la plage et l'y inhuma. La nuit s'écoula. Alors, le navire conduit par Lentulus, qui amenait les 2.000 gardes du corps de Pompée, arriva sur les lieux. Et Lentulus s'inquièta : «De qui est ce bûcher ?»

Dans son poème épique La Pharsale, Lucain fait une relation assez trash de la décapitation de Pompée. «Cependant Magnus, sous les coups sonores frappant son dos et sa poitrine, avait conservé la noble dignité de sa beauté auguste; son visage ne marquait que de l'irritation contre les dieux; les derniers instants n'avaient rien altéré de l'expression ni des traits du héros; c'est le témoignage de ceux qui virent sa tête tranchée. Car le cruel Septimius invente, dans l'accomplissement même du crime, un crime plus grand encore : il arrache le voile qui couvrait la face auguste de Magnus expirant, il saisit la tête qui palpite encore et place en travers sur un banc de rameur le cou qui s'affaisse. Alors il tranche muscles et veines, il brise les vertèbres, longuement; ce n'était pas encore un art de couper une tête d'un coup circulaire de l'épée. Mais dès que la tête tombe séparée du tronc, le satellite du roi de Pharos revendique le droit de la porter de sa main. Romain dégénéré, soldat bon pour les seconds rôles, ton épée sacrilège tranche l'auguste tête d'un Pompée, pour qu'un autre la porte ? Ô destin de la dernière ignominie! Pour qu'un enfant impie reconnaisse Magnus, cette chevelure hérissée, objet de la vénération des rois, ornement d'un front généreux, une main la saisit et, sur une lance de Pharos, tandis que la face vit encore et que des râles agitent la bouche en un dernier murmure, tandis que les yeux encore dévoilés se figent, on plante cette tête qui, commandant la guerre, chassait la paix du monde; c'est elle qui agitait les tribunaux, le Champ de Mars, la tribune; c'est sur ces traits, ô Fortune de Rome, que tu te plaisais à te contempler. Ce n'est même pas assez pour l'infâme tyran d'avoir vu ce spectacle, il veut qu'il reste un témoignage du crime. Alors, par un art maudit, on enlève le pus de la tête, on vide la cervelle, on sèche la peau, et, quand on en a épuisé toute l'humeur corrompue, on y verse un suc qui raffermit la face» (LUCAIN, La Pharsale, VIII, 663-691).

L'anneau et la tête de Pompée seront remis à César, qui fera rechercher sa sépulture. Selon les uns, César renvoya à son épouse Cornelia la tête embaumée de son mari; selon d'autres ce furent ses cendres qu'il envoya, la tête étant inhumée en Egypte.

César pleura l'assassinat de son ancien gendre. Regret familial ? Conviction que seul un Romain, non un barbare, avait de droit de disposer de la vie d'un autre citoyen romain, a fortiori un (pro-)consul romain ? Ou déception politique de n'avoir pu négocier avec le vaincu le dépôt des armes par ses partisans... ? Un peu des trois, sans doute. Car César n'en avait clairement pas fini avec la guerre civile, qu'il allait devoir continuer en Afrique et en Espagne...

Chronologie de Pompée
 

106

(29 septembre [calendrier préjulien]) Naissance de Cn. Pompeius.
89 [Pompée a 17 ans] Venant de prendre la toge virile, il participe au siège d'Asculum, aux côtés de son père Pompeius Strabo.
88 [Pompée a 18 ans] Le choix d'un commandant en chef pour la guerre contre Mithridate oppose Marius et Sylla (ce dernier l'emporte), et déclenche une nouvelle guerre civile.
88-86 En Grèce, Sylla assiège et pille Athènes. Il vainc Mithridate à deux reprises, et les deux parties signent le «Traité de Dardanos».
Le vainqueur ramène de Grèce le butin de ses pillages, dont un des transports - la «galère de Madhia», sur la côte tunisienne - sera fouillée par le Cdt Cousteau dans les années 1950'.
87 [Pompée a 19 ans] Marius profite de l'absence de Sylla pour proscrire tous ses partisans.
86 [Pompée a 20 ans] (17 janvier) Caius Marius décède d'une pleurésie.
83 [Pompée a 23 ans] (Printemps) Sylla - retour de la Guerre de Mithridate - débarque à Brindisium avec 34.000 hommes. Pompée le rejoint avec trois légions.
82 [Pompée a 24 ans] (1er novembre) Bataille de la Porte Colline, à Rome. Le jeune Pompée est toujours aux côtés de son père.
(Décembre) Sylla dictateur. Pompée en Sicile, où il vainc et tue Papirius Carbo.
81 [Pompée a 25 ans] On lui (il se) décerne le surnom de Magnus - «Le Grand». Il passe en Afrique pour exterminer les derniers partisans de Marius.
78 [Pompée a 28 ans] Mort de Sylla.
77 [Pompée a 29 ans] Pompée en Espagne - proconsul faisant fonction (non pro consule, sed pro consulibus) car il n'avait jamais suivi les étapes du cursus honorum - pour combattre Sertorius.
71 [Pompée a 35 ans] Sertorius mort, Pompée est rappelé pour mettre fin à la guerre contre Spartacus.
70 [Pompée a 36 ans] Consuls : Cn. Pompeius Magnus I & M. Licinius Crassus I. Pompée et Crassus, dont les armées campent devant Rome, sont tous deux élevés au consulat malgré l'opposition du Sénat. Des rangs des optimates, ils passent alors à ceux des populares et abolissent la plupart des lois de Sylla.
67 [Pompée a 39 ans] Pompée reçoit un imperium absolu pour mettre fin à la piraterie; il y réussit en 3 mois.
66 [Pompée a 40 ans] Sur la proposition de Manilius, il obtient ce même imperium illimité contre Mithridate.
Après une expédition victorieuse contre ce roi, il soumet à peu près tout le Proche-Orient (En 63, il assiège et conquiert Jérusalem).
62 [Pompée a 44 ans] Retour à Rome, il démobilise son armée, ce qui est conforme aux lois, mais, en agissant ainsi il laisse échapper son plus important instrument de puissance. Dès lors, le Sénat ose lui tenir tête, refuse la ratification de sa politique en Orient et s'oppose également à ce que des terres soient données à ses vétérans, ce qui incite Pompée à rechercher l'appui de Crassus et de César.
60 [Pompée a 46 ans] Pompée, Crassus et César forment le premier triumvirat - une entente secrète.
59 [Pompée a 47 ans] Le consul César approuve la demande de Pompée, à l'insu du Sénat.
58 [Pompée a 48 ans] César proconsul d'Illyrie et des Gaules cisalpine et transalpine. Pompée reste à Rome.
56 [Pompée a 50 ans] Accords de Lucques. Pompée épouse Julia, fille de Jules César (cf. téléfilm d'Uli Edel, Jules César, avec Jeremy Sisto).
55 [Pompée a 51 ans] Consuls : Cn. Pompeius Magnus II & M. Licinius Crassus II. Il soutient de plus en plus les optimates.
54 [Pompée a 52 ans] (septembre) Son épouse Julia, fille de César, meurt en couches.
(Dans le téléfilm d'Uli Edel, Jules César, comme dans la série HBO, pour des raisons dramatiques César est informé du décès de sa fille alors qu'il vient de réduire Alésia (automne 52), mais en réalité elle avait rendu l'âme deux ans plus tôt, consommant à ce moment déjà la rupture entre Pompée et son père.)
53 [Pompée a 53 ans] Ayant décliné une union avec Octavia, Pompée convole pour la cinquième fois avec Cornelia Metella, fille de Metellus Scipion.
52 [Pompée a 54 ans] Consul : Cn. Pompeius Magnus III. (Les optimates l'ont fait nommer consul sine collega et il le restera pendant huit mois, puis s'associera comme coconsul son beau-père C. Cæcilius Metellus Scipio.)
51 [Pompée a 55 ans] Pompée a obtenu l'Espagne comme province proconsulaire, mais préfère demeurer à Rome, la laissant gouverner par ses légats (Varron en Hispania Ulterior, Afranius et Petreius en Hispania Citerior).
49 [Pompée a 57 ans] (Pour la guerre civile de 49 v. «César»).
48 [Pompée a 58 ans] (9 août [calendrier julien : 29 juin ou 7 juin]) Bataille de Pharsale. Après la bataille, il s'enfuit vers l'Egypte...
(28 septembre [calendrier julien : 16 août ou 25 juillet]) ... où il est assassiné dès son débarquement.
(Steven Saylor, Le jugement de César.)

PTOLÉMÉE XIII DIONYSIOS (Scott Chisholm)
(63-47)

Il devait avoir quinze ans lorsque Pompée, puis César sur ses traces, débarquèrent en Egypte. Rome (HBO) le présente comme un sale gamin caractériel, idiot, obèse et maquillé comme un Comanche sur le sentier de la guerre.
Son père, Ptolémée XII Aulète («le joueur de flûte») avait connu une existence mouvementée. Né en 110, l'Aulète était monté sur le trône d'Egypte en 65, après l'expulsion de Ptolémée Alexandre II qui, en mourant, avait par testament légué l'Egypte aux Romains.

 

ptolemee xiii dionysos - scott chisholm

Ptolémée XIII Dionysios (ou, en français, «Denys») était encore un enfant lorsqu'il rencontra César, mais savait déjà bien lever le coude, d'où son surnom. On a rarement tracé de lui un portrait flatteur. Steven Saylor, dans Le jugement de César, est une agréable exception

Le père, Ptolémée XII
Rome suspecta sa légitimité, mais Aulète - qui était un homme «généreux» - sut s'assurer des appuis au Sénat. Sa cruauté, ses débauches, son incurie (il laissa les Romains annexer Chypre sans réagir) firent se révolter les Alexandrins qui placèrent sur le trône sa fille aînée Bérénice, laquelle régna de 58 à 55. Pendant ce temps, Aulète vivait réfugié à Rome, où il gagna la sympathie intéressée de César et Pompée. Ayant déjoué la tentative d'une ambassade alexandrine de cent notables venus exposer au Sénat leurs raisons (il en corrompit une partie, fit égorger les autres [2]), et finit par se faire rétablir sur son trône par une armée romaine conduite par Aulus Gabinius (et Marc Antoine, préfet de cavalerie). Sitôt reprises les rênes du pouvoir, il fit mettre à mort sa fille usurpatrice, Bérénice.
Quand il mourut en 51, il laissait quatre enfants, dont deux (Cléopâtre VII et Ptolémée XIII) s'épouseraient et se partageraient la couronne :
Cléopâtre VII Philopator (68-30) (dix-huit ans*);
Arsinoé, sa sœur cadette et détestée;
Ptolémée XIII Dionysios (63-47) (onze ou dix ans*);
Ptolémée XIV le Jeune (59-44/43) (sept ans*).
   
  * En 50 av. n.E.

Le fils, Ptolémée XIII
Cléopâtre épousa donc à dix-huit ans son frère Ptolémée - surnommé «Dionysios», à cause de sa propension pour le contenu des amphores. Agé d'une dizaine d'années, celui-ci était totalement dominé par ses eunuques Pothin, Théodote et Achillas. En total désaccord politique avec les objectifs de ces derniers - qui voulaient être pharaons à la place de la pharaonne -, Cléopâtre se réfugia en Syrie où elle leva des troupes pour reconquérir son trône.
César étant entre-temps débarqué à Alexandrie, la petite futée eut l'idée de s'introduire dans la ville et de s'adresser directement à lui : elle avait alors vingt ans accomplis.

Ptolémée XIII, jeune général de quinze ans, se trouvait avec son armée à Péluse, en vue de barrer la route à sa sœur, quand, non loin de là, aborda Pompée (28 septembre 48).
Quatre jours plus tard, César accosta à... Alexandrie (2 octobre 48). Ce n'est donc pas lui, mais son cadet que rencontra César ? Le Romain n'y alla pas par quatre chemins, expulsant notamment Arsinoé de ses appartements... sur la suggestion de Cléopâtre.
Ptolémée XIII ne noya dans le Nil pendant la «guerre d'Alexandrie», au cours de laquelle son armée égyptienne tenta vainement de déloger César du palais royal.

Plus tard, sur le conseil de César, Cléopâtre épousa son second frère, Ptolémée XIV, que le dictateur romain avait d'abord établi «roi de Chypre». Ptolémée XIV régna aux côtés de sa sœur de 47 à 43. Finalement, celle-ci le fit empoisonner : il n'avait même pas quinze ans.

Steven Saylor, dans son roman Le jugement de César, a fait une peinture de Ptolémée XIII diamétralement opposée à celle proposée par Rome (HBO).

Nota Bene : Selon les décomptes des historiens modernes - certains Ptolémées ayant été rois de Cyrénaïque ou de Chypre - on trouvera, d'un auteur à l'autre, certaines discordances. Ptolémée Aulète, le papa, peut selon les auteurs être XI, XII ou XIII (!). Donc, le frère et premier époux de Cléopâtre sera Ptolémée XII-XIII-XIV, et son second mari et frère lui aussi, Ptolémée XIII-XIV-XV.

SERVILIA (Lindsay Duncan)
(née en 100 (?)-...
[3])
Mère de Brutus. Ancienne maîtresse de César. Une aristocrate républicaine à la fois sophistiquée, élégante et subtile. Elle considère la plébéienne Atia comme socialement inférieure, au grand dam de cette dernière ! Lindsay Duncan (Under the Tuscan Sun, Traffik) incarne «Servilia des Junii».

 

servilia - lindsay duncan

Servilia

Fille de Q. Servilius Cæpio, Servilia Cæpionis était la sœur - ou plus exactement la demi-sœur - de Caton d'Utique, l'opposant à César le plus acharné. Malgré la haine viscérale que ce farouche républicain nourrissait à l'égard de l'ambitieux, ou peut-être à cause d'elle, elle aima César avec passion.
Elle avait épousé en premières noces le marianiste M. Junius Brutus, que Pompée - qui roulait pour Sylla - contraignit à la reddition, puis fit assassiner (son fils Brutus nourrit longtemps de la haine pour Pompée, avant de rallier le camp de ce dernier).
En secondes noces, elle se maria avec le consul de 62, D. Junius Silanus, un homme dénué d'énergie, qui décéda peu de temps après.

Lors de la conjuration de Catilina, alors qu'au Sénat on délibérait du châtiment à réserver à ses complices, elle envoya un billet doux à son amant, qui lui fut remis en pleine Curie. Croyant que ce message contenait des révélations sur les conjurés, Caton apostropha César l'invitant à en faire une lecture publique. Sarcastique, César le lui donna aussitôt. Et le grave stoïcien ne l'eut pas plus tôt lu, qu'il le lui rendit aussitôt en maugréant, dépité : «Tiens, ivrogne !» (4).

Cette liaison de 63 a fait croire que César était le père de Brutus, mais la chronologie semble s'y opposer.

Après la saignée des guerres puniques, les guerres civiles avaient elles aussi amplement moissonné les grandes familles patriciennes, achevant de décimer l'oligarchie sénatoriale. Les principaux conservateurs opposants à César (qui, lui, était bien patricien) appartenaient tous à la noblesse plébéienne, voire aux «hommes nouveaux». Mieux née (5) que son demi-frère utérin, Servilia vouait à Caton - dont elle redoutait l'influence sur son fils Brutus - un mépris d'aristocrate. Elle nourrissait pour son fils Brutus une dévotion fanatique doublé de grandes ambitions politiques.
On connaît rarement les pensées profondes, les motivations intimes des personnages historiques, particulièrement ceux de second ordre comme Servilia. En bonne romancière, Colleen McCullough fait son lit dans ces zones d'ombre, imaginant un montage patrimonial : Brutus hériterait de son oncle Caton, si son oncle Cæpio disparaissait. C'est pourquoi Servilia fait assassiner ce dernier, son propre frère, lors d'un voyage en Grèce (en réalité, on sait seulement qu'il y mourut).

De son premier mariage avec M. Junius Brutus (mort en 77), elle eut donc ce fils nommé lui aussi M. Junius Brutus (85-42 av. n.E.) - «notre» Brutus !
Remariée avec Decimus Junius Silanus, elle eut trois filles : trois Junia qui épousèrent respectivement P. Servilius Vatia Isauricus, le consul de 48 qui offrit la dictature à César, M. Æmilius Lepidus, le triumvir qui avait été le maître de cavalerie du dictateur, et C. Cassius Longinus, un de ses assassins.
On prête à César la manie de systématiquement cocufier ses ennemis politiques, manière peut-être d'obtenir leurs confidences sur l'oreiller... Pourtant le consul de 62, D. Junius Silanus, le mari de Servilia, n'en était pas un. Le coup de foudre, alors ? En tout cas son fils né d'un premier lit (6), M. Junius Silanus fut légat de César en Gaule : c'est lui qui avec C. Antistius Reginus et T. Sextius, fin 54, recrute deux nouvelles légions (XIV et XV) pour remplacer des quinze cohortes perdues de Sabinus et Cotta.

Lors de son premier consulat (en 59), César offrit à Servilia une perle d'une valeur de six millions de sesterces (SUÉT., Cæs., L). Guère regardante, Servilia profita de la débâcle de ses amis politiques, les optimates qui avaient embrassé le parti de Pompée. «Sous ce rapport : ramasser le plus d'argent possible, César se montra inexorable, ne faisant pas grâce même à ses collaborateurs les plus proches. Antoine ne fut pas dispensé de verser dans les caisses de l'Etat le prix de ses acquisitions, note Gérard Walter, qui ajoute : Il est vrai que Servilia put se faire adjuger, au plus bas prix, des immenses et magnifiques propriétés, mais Cicéron insinue que c'était une compensation offerte par César à sa vieille maîtresse, qui avait entrepris de lui procurer les faveurs de sa propre fille (7).»
Comprenne les femmes qui pourra, mais bien naïf qui s'y fie dit la sagesse populaire. Tout semble bien fonctionner entre César et Servilia, dont Rome (HBO) nous révèle ici une facette inattendue.

Au moment de la bataille de Pharsale, Servilia semble encore suffisamment en bons termes avec César - qui l'a considérablement enrichie, nous venons de le voir - pour avoir avec lui les échanges épistolaires. Bien sûr, elle en profite pour plaider l'indulgence pour son fils Brutus. Avec succès.
Mais il est vrai qu'«après l'assassinat de César, elle reste en contact avec Brutus et Cassius. Nous ne savons plus rien d'elle après Philippes», conclut Luciano Canfora (8).

A propos de Caton et Servilia
Au temps de la guerre contre les Cimbres (109-101) vivaient à Rome Q. Servilius Cæpio et M. Livius Drusus.
Q. Servilius Cæpio était le fils du consul 106 qui, ayant pillé l'or d'un Temple à Tolosa (Toulouse), n'éprouva ensuite que des revers contre Cimbres et Teutons. Aussi, au sortir de sa charge, fut-il traîné en justice et condamné à l'exil par ses pairs du Sénat.

M. Livius Drusus était, lui, le fils du consul de 112 qui au forum avait combattu les Gracques en neutralisant leur programme de réformes par un autre programme de réformes approuvées - elles - par le Sénat.
Tribun de la plèbe, Drusus junior fut assassiné en 91, après avoir proposé une nouvelle loi agraire.

Q. Servilius Cæpio avait une sœur, Servilia Cæpionis, et M. Livius Drusus en avait également une, nommée comme il se doit Livia Drusa. Les deux hommes épousèrent chacun la sœur de l'autre. Petite-fille de consuls, Servilia naquit donc des œuvres de Servilius et Livia Drusa, laquelle Livia, devenue veuve, plus tard se remaria avec M. Porcius Cato Salonianus (petit-fils de Caton le Censeur), et lui donna deux enfants : un fils, Caton le Jeune (Caton d'Utique) et une fille, Porcia.
Servilia et Caton étaient donc frère et sœur utérins.

Par parenthèses, Caton le Jeune eut lui aussi une fille nommée, cela va sans dire, Porcia (ou Portia), qui épousa son cousin Brutus, le fils «tyrannicide» de Servilia. Apprenant la mort de son mari à Philippes, Porcia se suicida - dit-on - en avalant... des charbons ardents.

 

servilia et octavia - octavie

Rome (HBO) rajoute quelques épices au ragoût en imaginant une idylle lesbienne entre Servilia (à gauche) et Octavia (à droite)

La Servilia de Rome
La minisérie Rome (HBO) fait d'elle un de ses ressorts dramatiques majeurs. C'est la femme amoureuse, la maîtresse vieillissante (9), blessée dans son amour propre, ses sentiments, sa chair qui se fane... Et peut-être aussi dans ses convictions politiques encore qu'à notre avis, ses convictions elle les avait surtout entre ses jambes, comme la môme Piaf de l'Hymne à l'Amour («Je renierais ma Patrie, je renierais mes amis... si tu me le demandais !»). La Servilia historique ne semble pas avoir joué le rôle politique que lui attribue la minisérie HBO, ce qui devait la mettre peu ou prou à l'abri des médisances et des calomnies. Sans doute cette matrone aussi effacée que peu farouche aurait-elle pu accorder ses faveurs à la moitié du Sénat sans que quiconque y eut trouvé à redire (sauf son mari, ça va de soi). Tandis qu'il suffisait à Clodia [le modèle de son ennemie Atia, dans la minisérie HBO] de jeter un regard complice à son frère qui, lui, avait beaucoup d'ennemis, pour que jaillisse l'injurieuse insinuation d'entretenir avec sa sœur des relations incestueuses.
Un personnage comme Servilia dont, finalement, on sait si peu de choses, est évidemment une réelle bénédiction pour des scénaristes. Servilia est le parfait contrepoids d'Atia, égocentrique et méchante.

 

servilia is a murderer

«Servilia est une meurtrière»

Servilia est pathétique. Au cours d'un impressionnant rituel de defixio (CLICK & CLICK) elle recourt d'abord à la magie noire pour détruire et son amant infidèle, et sa maudite armée conquérante. Ensuite, elle offre son corps à la malheureuse Octavie pour mieux la manipuler, puis elle la pousse à une relation incestueuse avec son propre frère. Finalement, elle rassemble autour d'elle les derniers survivants du clan de Pompée et de Caton, et organise le complot visant à assassiner César. Et elle met la pression sur son fils Brutus - qui est tout, sauf un politique fanatique - qu'elle réussira à compromettre grâce à toute une campagne médiatique (graffiti, libelles circulant sous le manteau...). C'est une femme amoureuse, et qui se venge. Quelque part, il y a en elle de l'héroïne de tragédie qui peut rivaliser avec les héroïnes germaniques des Nibelungen, comme Brünnhilde laquelle après avoir fait périr l'homme qu'elle aime - Siegfried -, se précipite dans son bûcher.

Dans ses Maîtres de Rome, la romancière Colleen McCullough a fait de Servilia le type de l'aristocrate romaine dure et intelligente, maîtresse de sa vie et de son corps. «Elle a porté un jugement parfaitement exact sur les rumeurs propagées par Bibulus», dit César. «(...) De toutes les femmes que je connais [c'est] celle qui [a] la plus forte tête politique», et d'ajouter quelques lignes plus loin, par l'organe d'Aurelia, mère de César : «Ne te laisse pas emporter par tes sentiments. Il n'y a rien de commun entre Servilia et feu ton épouse [Cinnilla], qui était la femme la plus douce du monde. Ce qui n'est pas le cas de Servilia, qui est aussi froide et dure que du marbre.» Servilia rabroue son demi-frère Caton le Jeune, dont le père avait dans les veines quelques gouttes de sang d'une esclave affranchie, et dont elle redoute l'influence sur son fils Brutus : «Va-t'en Caton. (...) Nous n'avons pas le même père - ce dont je remercie les dieux ! - mais nous avons au moins la même obstination. Et je suis plus intelligente que toi, ajouta-t-elle en ronronnant. En fait, je le suis plus que n'importe lequel de mes demi-frères.» Petite et brune, le cheveux lisse, physiquement - dans le roman de McCullough - elle ne ressemble pas vraiment à la châtain et bouclée Lindsay Duncan de la minisérie HBO; pourtant on a un peu l'impression que les pages de la romancière néo-zélandaise ont dû arriver sous les yeux du scénariste HBO, car à défaut de chercher la perte de César par tous les moyens magiques ou politiques, elle est capable de la plus grande cruauté : «Elle est dure avec ses esclaves. (...) Elle ne dédaigne pas les crucifier quand elle pense qu'ils ont besoin d'une bonne leçon. Dans le jardin, sous les yeux de tous. Enfin, elle les fait fouetter avant, ce qu'il fait qu'ils ne tiennent pas trop longtemps (10).» Et d'insister : «Une femme complexe, dissimulée, un empilement de fer, de marbre, de basalte, d'adamas. Guère sympathique, ni très féminine, en dépit de son opulente poitrine. Il pourrait s'avérer désastreux de lui tourner le dos, car elle lui semblait avoir deux visages, comme Janus : un pour voir où elle allait, l'autre pour découvrir qui la suivait. Un monstre parfait» (11).

En ce qui concerne Brutus, la chronologie admise semblant s'opposer à la paternité de César, la romancière Colleen McCullough s'en tire par une pirouette : Brutus (17 ans) aurait été fiancé à Julia (8 ans), qui plus tard épousera Pompée. En outre, César - amant de Servilia - aurait été le père de la troisième fille qu'elle donna à son second mari Silanus. Ce qui justifierait le sentiment «paternel» que nourrit César vis-à-vis de son futur gendre, par ailleurs orphelin de père. Astucieux. Astucieux, mais peu probable si l'on ajoute foi au ragot colporté par Suétone (SUÉT., Cæs., L) selon lequel Servilia, en digne mère-maquerelle aurait poussé dans le lit de César sa fille Tertia, ce qui aurait constitué - dans le raisonnement de McCullough - un inceste délibéré. Mais ici, nous entrons dans la logique de Rome (HBO) qui en remet une couche en montrant Servilia poussant Octavie dans les bras de son frère Octave, afin d'obtenir certaines confidences. Mais il n'y a pas de fumée sans feu, non ?

En ce qui concerne la minisérie HBO, où Servilia semble affranchie de toute puissance maritale, il est impossible de déterminer si elle avait encore un mari dans sa vie en 52 ou en 45-44...

Suite…

NOTES :

(1) J. H. CROON, Encyclopédie de l'Antiquité classique, Sequoia, 1962, s.v. «Pompée». - Retour texte

(2) Cet épisode a inspiré Steven SAYLOR, Un Egyptien dans la ville. - Retour texte

(3) On n'entend plus parler d'elle après -42. - Retour texte

(4) Bel exemple d'invective politique, car César était justement connu pour sa sobriété. Mais le principe même de l'injure n'est-il pas - précisément - de gratifier autrui de compliments aussi choisis qu'immérités (inverti, cocu, ivrogne, adultère, incestueux...) ? - Retour texte

(5) Deux familles romaines portèrent le nom de gens Servilia; l'une était patricienne et l'autre plébéienne. Les Priscus et les Cæpio étaient les principales branches de la patricienne (quelques-uns d'entre eux portèrent le surnom d'Ahala ou d'Axilla). Toutefois, de par son mariage avec un Junius Brutus plébéien, Servilia était devenue elle-même plébéienne. Pour autant, en perdit-elle sa morgue aristocratique ?
Les branches des Servilii plébéiens se nommaient Casca, Rullus et Vatia. - Retour texte

(6) Napoléon le dit fils de Servilia et frère utérin de Brutus (NAPOLÉON III, La Guerre des Gaules de César, rééd. Errance, p. 281). Mais Servilia a épousé Silanus entre 77 et 63; donc le légat de César aurait eu, fin 54, entre 17 et 22 ans. Un peu jeune, tout de même, pour être légat. Nous pensons donc que M. Silanus est, forcément, né d'un lit antérieur, et Brutus seulement son beau-frère. - Retour texte

(7) G. WALTER, César, Marabout Université, n­ 49, 1964, p. 364. - Retour texte

(8) L. CANFORA, César, le dictateur démocrate (1998), Flammarion, coll. «Grandes Biographies», 2001, p. 446. - Retour texte

(9) Elle a le même âge que César, étant née la même année (?). - Retour texte

(10) Dans le précédent tome, elle est jalouse du trop grand attachement que la nourrice gauloise voue à son fils, Brutus. Alors Servilia se saisit de la première peccadille (l'esclave a par mégarde laissé tomber le bébé - pour la faire mettre à mort dans les cruels tourments ci-dessus décrits. - Retour texte

(11) C. McCULLOUGH, Jules César, la Violence et la Passion, «Les Maîtres de Rome»/5, pp. 29, 30, 35, 40, 53. - Retour texte