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Die Hermannsschlacht
(La bataille d'Arminius)
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Arminius en BD. Gagnez un album
des Aigles de
Rome (Enrico Marini) en participant au concours. |
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5. Le massacre du Teutoburger Wald
Fort des démonstrations d'amitié que lui prodiguaient
ses administrés germaniques, le naïf propréteur
Varus avait quitté ses bases de Xanten
(Castra Vetera) sur le Rhin et d'Aliso
sur la Lippe,
pour s'enfoncer dans le territoire chérusque. Il y avait
construit un camp d'été, à Tulifurdum (Minden),
sur la rive occidentale de la Weser. Là le magistrat romain
tenait son tribunal et - au mépris de la iurisdictio
peregrina la plus élémentaire - s'efforçait
de régler les conflits germaniques selon le droit romain,
et bien sûr en latin. Ces pratiques irritaient le justiciable
jugé dans une langue qu'il connaissait mal et selon des
lois qu'il ne connaissait pas, pour être ensuite livré
aux verges des licteurs qu'il ne connaissait que trop.
Il y a deux versions à l'histoire de la révolte.
Florus paraît
entendre que, introduits dans son camp-forum, les Germains exaspérés
envahirent son tribunal et se mirent à massacrer les Romains
(1).
L'autre version, communément admise aujourd'hui, veut qu'à
l'annonce de l'automne, Varus décida de ramener ses troupes
dans leurs quartiers d'hiver sur le Rhin. En vain Ségeste,
le roi des Chérusques, chercha à le mettre en garde
contre son frère Ségimer et le fils de celui-ci,
Arminius, qui - prétendait-il - préparaient un mauvais
coup contre les Romains. Varus, qui n'ignorait pas qu'un différend
opposait l'oncle et son neveu, refusa de l'écouter et au
contraire accepta l'offre du jeune prince de l'accompagner sur
le chemin du retour, avec sa milice chérusque. Ne bénéficiait-il
pas de la meilleure des recommandations du fait qu'il avait lui-même
vaillamment combattu dans les rangs de l'armée romaine,
en Pannonie ?
5.1. L'armée de Varus
Pour contrôler la Germanie,
le propréteur Varus disposait de cinq légions, ou
plus probablement de six. Deux d'entre elles, la XIII Gemina
et la XVI Gallica se trouvaient à Mogontiacum (Mayence),
sous les ordres de son neveu L. Nonius Asprenas.
A Xanten
(Castra Vetera) sur le Rhin devait certainement veiller
la V Alaudæ. Vingt-cinq ans auparavant, sous M. Lollius,
elle y avait été durement étrillée
par les Sicambres, perdant son aigle (-16). Et six ans après
le désastre de Varus, elle s'y trouvait encore, cette fois
sous le commandement de L. Apronius, ainsi que le signale Tacite
à propos de la mutinerie des légions (+14). Pour
autant qu'elle n'ait entre-temps été appelée
en renfort en Pannonie, elle devait y être tenue en réserve
par Varus.
Le propréteur Varus passa l'été au cur
du territoire chérusque avec trois légions, la XVII,
la XVIII
et la XIX,
dont nous ne savons pas grand-chose : avant le désastre
de l'an 9, on ne les avait jamais mentionnées - après
on n'en reparlera plus jamais, car elles ne seront pas reconstituées.
Sans doute avaient-elles été récemment créées,
trois ans plus tôt (+6), pour remplacer celles des cinq
légions de Germanie envoyées avec Tibère
combattre en Pannonie (de +6 à +9). Une armée de
«bleus» ? Pas sûr : beaucoup de vétérans
avaient rempilé face au péril des Pannoniens-Dalmates-Illyriens
révoltés, qui étaient «à
dix jours de marche de Rome», comme le rappelait Auguste
au sénat. Velleius
Paterculus, qui fut officier de cavalerie de Tibère
en Germanie vers la même époque ou juste après,
écrivit : «Cette armée [de Varus] était
de toutes la plus courageuse et parmi les troupes romaines elle
se distinguait par sa discipline, sa vigueur et son expérience
de la guerre.»
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Types de légionnaires
d'époque augustéenne, d'après l'autel
de Domitius Ahenobarbus (Louvre) et l'Arc d'Orange
(datant de Tibère). On notera, notamment, la coexistence
du casque de type «C» Montefortino
et de divers Coolus (types «C», «E»
et «F») plus modernes. La cotte de maille
ou d'écailles est d'emploi généralisé
dans ces planches dessinées par Ron Embleton, illustrant
l'ouvrage de Michael Simkins, The Roman Army from Cæsar
to Trajan (Osprey, coll. Men-At-Arms, nĘ 46, 1984),
publié avant les découvertes de Kalkriese.
On croyait alors que la cuirasse à bandes métalliques
articulées n'était apparue que sous le règne
de Tibère. Nous savons maintenant que cette cuirasse
segmentée équipait déjà
une partie des légionnaires de Varus. Deux remarques
encore : le signifer (à gauche, planche
centrale) porte un casque à visière pointue
et masque facial; une des plus belles pièces retrouvées
à un Kalkriese consiste précisément
en un de ces masques. Enfin, on voit apparaître
les premiers modèles du scutum, qui n'est
pas encore rigoureusement quadrangulaire : il s'agit d'un
dérivé du clipeus, le haut bouclier
ovale, qu'on a raccourci en sciant les arrondis supérieur
et intérieur, et qui de plat est devenu bombé
(planches de gauche et centrale)
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Nous pouvons évaluer l'effectif
des trois légions de Varus à 15.000 h (trois fois
cinq mille) et nous savons qu'il avait encore avec lui trois ailes
de cavalerie, soit 1.500 h (trois fois cinq cents) et six cohortes
d'auxiliaires gaulois et germains (2),
soit 3.000 h (six fois cinq cents), les cohortes auxiliaires comme
les ailes étant quingénaires. Théoriquement,
donc, 19.500 h, que suivent entre 5 et 10.000 civils, femmes,
enfants, esclaves. Mais c'est bien connu dans toutes les armées
du monde, les effectifs sont rarement complets. En outre, nous
savons qu'à la demande des Germains - soucieux d'affaiblir
ses forces -, Varus avait détaché de nombreuses
vexillations pour faire la police du pays. Selon Dion Cassius,
ces troupes dont on ne connaît pas l'effectif exact furent
massacrées les premières, à commencer par
les postes les plus éloignés, avant que ne soit
attaquée la colonne principale. Varus aurait donc prit
la route de son camp d'hiver sans s'en inquiéter ni attendre
le retour des vexillations dispatchées ? Ou devaient-elles
le rejoindre en chemin ? L'une d'entre elles au moins tenait le
camp d'Aliso, sur la Lippe. Après le désastre de
Varus, elle réussit à tenir tête à
ceux des Germains qui vinrent l'attaquer, et à rejoindre
la ligne défensive du Rhin. Ici aussi, nous ignorons de
combien d'hommes cette troupe se composait. Le fait qu'elle ait
tenu le coup, et aussi qu'Aliso était un camp prévu
pour deux légions complètes, suggère qu'il
s'agissait une troupe relativement forte, peut-être trois
cohortes, une de chaque légion.
Quoi qu'il en soit, les historiens sont très partagés
sur l'ampleur exacte du désastre qui frappa l'armée
du propréteur. Sa colonne est donc réévaluée
entre 6 et 18.000 fantassins (légionnaires et auxiliaires
confondus) et 4 à 800 cavaliers. Mais les évaluations
minimalistes doivent être nuancées : qu'ils aient
été massacrés ou capturés avec le
gros des forces ou isolément, bien peu de légionnaires
en revinrent.
5.2. Le traquenard
Les trois légions et leurs auxiliaires se mettent donc
en route, direction S.-O., pour rejoindre la vallée de
la Lippe,
affluent du Rhin
et axe de pénétration romain en Germanie.
Les Romains n'ont pas encore atteint Bielefeld, qu'Arminius informe
Varus de la rébellion d'une tribu voisine [les Bructères].
Sans doute Varus s'inquiète-t-il aussi des petites garnisons
isolées qui n'ont pas encore rejoint le gros de ses forces...
Résolu à régler cela immédiatement
sans attendre que la situation ne pourrisse, le propréteur
romain bifurque N.-O., en direction des Wiehengebirge
et de la Forêt de Teutberg - le saltus Teutoburgiensis.
Dans son esprit, ce ne devrait être qu'une simple promenade
militaire, la seule vue des plumets rouges devant ramener les
Germains à la raison.
... In saltus teutoburgiensis
En latin, saltus désigne aussi bien une région
de bois et de pacages (silvestres saltus, VARRON, Res
rusticæ, III, 3, 6) qu'une gorge ou un défilé
(saltus Thermopylarum, T. LIV., XXXVI, 15. 6).
«Les montagnes étaient coupées de vallées
nombreuses et inégales, les arbres serrés et d'une
hauteur prodigieuse», note Dion
Cassius (DIO, LVI, 20). Le terme convient admirablement bien
pour décrire la plaine germano-polonaise, silvis horreda
aut paliudibus (3),
et dans le cas présent celui de la Basse-Saxe, fait de
landes marécageuses et de collines basses couvertes de
forêts de hêtres ou de conifères. Les Wiehengebirge
ne dépassent pas 468 mètres en leur point culminant.
«Le pays était si plat que sa vue portait immensément
loin malgré la hauteur médiocre de son observatoire.
C'était une succession de champs de seigle mûr, presque
blancs, coupés par la ligne sombre d'une forêt de
sapins, d'étangs brillants comme des plaques d'acier qu'entouraient
des plages de sable clair, de tourbières charbonneuses
où éclataient les troncs argentés des bouleaux,
de marécages où se reflétaient les nuages
laiteux, entourés par la sombre toison d'une aulnaie»
(4)
.
5.2.1. Premier jour de l'embuscade
On peut sans peine imaginer
les trois légions et ses impedimenta, les chariots,
les mulets bâtés, les calones ou valets d'armes,
les esclaves, les femmes - prostituées et concubines (5)
confondues - et leur marmaille, les commerçants et trafiquants
de tous ordres habituellement attachés aux armées
en campagne. Les trois légions cheminent par des sentiers
sablonneux serpentant au travers de tapis de bruyère, traversent
des prairies de graminées, longent des petits bois de sapins,
se frayent un passage à travers les lacis de ronces et
d'aubépines. Elles longent des forêts de bouleaux
doucement vallonnées que parsèment des taillis de
bourdaine, dans la cacophonie des individus qui se hèlent,
des sous-officiers qui glapissent des ordres, des chevaux qui
renâclent, des essieux qui grincent, des armes qui cliquettent.
Autour d'elles, la forêt s'est tue. Seul le frisson des
feuillages dérangés réagit au passage des
hommes et de leurs cohortes interminables. Le frouement de la
dame blanche en chasse, le chevrotement de la hase en rut, le
tapement de pattes d'un lapin donnant l'alerte qu'évoquait
Le Roi des Aulnes, le brame lointain et triste du dix-cors
se sont dissous dans le silence piétiné. Il ne reste
que des yeux craintifs ou hostiles, guettant de sous les frondaisons.
Craintifs les animaux. Hostiles les barbares aux aguets...
Le temps est maussade, et laisse présager un rude hiver.
Trop sûrs d'eux, les Romains avancent en ordre dispersé,
comme en temps de paix. Ils sont, en effet, loin d'imaginer la
perfide machination de leur «ami» Arminius.
C'est alors que les barbares, surgis du plus profond de la forêt
par des sentiers connus d'eux seuls, enveloppèrent les
troupes de Varus de tous côtés. L'avant-garde romaine
se heurte aux premiers assaillants. Des éclaireurs - ces
yeux et oreilles de la légion en marche - qui n'ont rien
vu venir, déjà se retrouvent encerclés et
isolés dans un bosquet. La lutte est brève : ils
sont proprement égorgés. Pris, leur décurion
est cloué vif au tronc d'un frêne...
L'arrière-garde est, elle, enveloppée par les «alliés»
chérusques qui viennent de jeter bas les masques. Se retournant
subitement sur les retardataires, les auxiliaires félons
entreprennent de les délester de leur bagage, tuant qui
leur résiste. Un combat s'ensuit avec leurs camarades légionnaires
accourus à la rescousse. «Une centaine de sauvages
parurent tout d'un coup comme par miracle dans un endroit où
l'on en aurait à peine compté une douzaine quelques
minutes auparavant», écrit un célèbre
romancier américain (6),
décrivant le massacre d'une colonne britannique semblablement
engagée dans la forêt. Convoitant le châle
coloré d'une femme portant un enfant, l'un des agresseurs
hurons le lui arrache des bras et lui brise le crâne contre
un arbre. Les barbares reportent leur haine sur tout ce qui est
romain, indistinctement - légionnaires, civils, esclaves,
femmes, enfants, bêtes de somme - en commençant par
l'arrière-garde.
Les Romains sont trop dispersés pour avoir une vue d'ensemble
de leur tragique situation. A l'avant de la colonne qui s'étire
sur plusieurs kilomètres, Varus et ses officiers entendent
la rumeur, mais n'imaginent même pas qu'ils sont attaqués
par leurs propres alliés : une patrouille romaine aura
sans doute accroché quelque parti de ces rebelles qu'ils
sont venus réprimander. C'est tout-à-fait normal.
Comment croire qu'ils oseraient s'attaquer à l'armée
tout entière ? C'est alors que remontant la colonne, la
vague de terreur finit par atteindre le propréteur et son
état-major.
«Environ deux mille sauvages sortirent de la forêt,
et s'élancèrent avec fureur sur l'arrière-garde
de l'armée anglaise encore dans la plaine, et sur les différents
groupes qui la suivaient de distance en distance. Nous n'appuierons
pas sur la scène d'horreur qui s'ensuivit; elle est trop
révoltante. Les Indiens étaient complètement
armés; les Anglais ne s'attendaient pas à être
attaqués, leurs armes n'étaient pas chargées,
et la plupart de ceux qui composaient les derniers groupes étaient
même dépourvus de tous moyens de défense.
La mort était donc partout, et elle se montrait sous son
aspect le plus hideux. La résistance ne servait qu'à
irriter la fureur des meurtriers, qui frappaient encore, même
quand leur victime ne pouvait plus sentir leurs coups. Le sang
coulait par torrents, et ce spectacle enflammant la rage de ces
barbares, on en vit s'agenouiller par terre pour le boire avec
un plaisir infernal (7).»
Sur ces entrefaites, la pluie et le vent qui soufflaient en
rafales vinrent encore les isoler par petits groupes, tandis que
le sol devenu glissant entre les racines et les bûches dont
il était jonché, rendait la marche périlleuse,
et que de grands arbres abattus par les soldats jetaient partout
la confusion. Les Germains, toutefois, n'avaient fait que tester
la capacité de riposte de la colonne romaine. Le soir,
à l'étape, les Romains construisirent le Grand
Camp «pour trois légions» (TAC.,
An., I, 61).
Pendant la nuit, les légionnaires brûlent ou abandonnent
la plupart de leurs chariots et tout ce qui n'était pas
absolument nécessaire pour eux. Varus refuse toutefois
de se défaire de sa splendide vaisselle d'or et l'argent.
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Parmi d'autres, trois
pièces provenant du «Trésor d'Hildesheim»,
ainsi nommé d'après la ville où,
le 17 octobre 1868, des soldats prussiens creusant une
tranchée exhumèrent un butin enterré
là on ne sait par qui. Cet important mobilier ménager
romain composé de douzaines de pièces d'orfèvrerie
- vaisselle, vases, calices, trépieds d'or et d'argent
d'époque augustéenne -, se trouve actuellement
conservé à Berlin (Altes Museum). Par hypothèse,
on a suggéré que cette précieuse
vaisselle d'argent aurait pu appartenir à un officier
supérieur romain disparu dans le clades variana
: butin saisi par les Germains, ou trésor caché
par les Romains (Hildesheim aurait peut-être été
un camp romain [CLICK
et CLICK],
sur le territoire des anciens Fosses, une tribu vassale
des Chérusques ?). Pour plus de détails
sur le «Trésor d'Hildesheim», cf.
Dossiers Histoire et Archéologie, nĘ 54, juin
1981. Voir aussi sur la Toile : CLICK
et CLICK
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5.2.2. Deuxième
jour de l'embuscade
Le jour suivant, les légionnaires se remirent en marche
dans un meilleur ordre. Non sans essuyer de nouvelles pertes,
ils atteignirent le pays ouvert.
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Puis ils s'engagèrent dans
les Wiehengebirge qu'ils franchirent à la hauteur de Krebsburg-Ostercappeln.
Les barbares commencèrent d'abord par lancer leurs flèches
à distance. Puis, après avoir fait beaucoup de blessés,
comme il n'y avait pas de riposte, ils resserrèrent leur
cercle et combattirent de près. Du flanc des collines dévalèrent
Marses et Chérusques. Les Romains, pêle-mêle
au milieu des chariots et désarmés, sont dans l'incapacité
d'opposer où que ce soit une formation cohérente,
et se trouvent partout inférieurs en nombre à leurs
assaillants; ils ne peuvent offrir aucune résistance. Durement
harcelés, ils érigent le Petit Camp sur la colline
boisée de Schwagstorf (TAC., An., I, 61).
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Dessin : Lee Montgomery / Illustration
Ltd (National Geographic, éd. allemande, mars
2002) |
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5.2.3. Troisième
jour de l'embuscade
C'est dans les bois, le troisième
jour, que les Romains subirent leurs pertes les plus lourdes
en tentant de se défendre contre leurs assaillants : ils
ne disposent que d'un espace étroit pour former leurs lignes,
afin que la cavalerie et l'infanterie puissent ensemble réduire
l'ennemi, se gênant mutuellement ou entrant en collision
avec les arbres.
Les voici s'engageant dans la dépression de Fisse-Niewedde,
au pied du mont Kalkriese, une excroissance des Wiehengebirge.
Entre la montagne boisée et le grand marais s'ouvre un
passage long de six kilomètres et large de mille mètres
en son endroit le plus resserré. Tout au long, à
flanc de montagne, les Germains ont édifié un mur
en mottes de gazon, d'où ils lancent des attaques incessantes
visant à repousser les Romains vers le marais. Les derniers
chariots s'embourbent. Les archers germains les harcèlent
et, ayant l'avantage de la position dominante, repoussent toutes
les contre-attaques romaines. Même les éléments
sont contre eux. Pluie glaciale, vent de tempête qui les
empêche d'avancer et même de se tenir solidement debout,
et leur interdit d'utiliser leurs armes. Les Romains, qui ne peuvent
manier efficacement leurs arcs ou leurs javelots, n'ont pas même
la place pour se reformer. Et leurs boucliers sont détrempés.
C'est la cohue sur plusieurs kilomètres.
Etant pour la plupart légèrement équipé
et capables de s'approcher et se retirer librement, les Germains
ont moins souffert de la tempête. En outre, leurs forces
ont sensiblement augmenté car - au vu de leurs succès
- les hésitants les ont rejoints dans l'espoir de participer
au pillage. Les barbares n'ont aucun mal désormais à
encercler les Romains, dont les rangs ont été considérablement
réduits, par les combats des jours précédents.
Déjà blessé, Varus sent la fin venir. Drusus
naguère, plus tard Aulus Cæcina se sortirent de situations
au moins aussi difficiles que la sienne. Mais si le propréteur
n'était pas un foudre de guerre, c'était néanmoins
un vrai Romain.
Quand on a tout perdu, quand on n'a plus d'espoir,
La vie est un opprobre et la mort un devoir (8).
Imitant l'exemple de son père et de son aïeul qui
se percèrent de leur épée - celui-ci à
Pharsale, celui-là à Philippes -, P. Quintilius
Varus tourne contre son sein un fer assassin. Plusieurs de ses
officiers, dont le préfet du camp Lucius Eggius, imitent
son exemple. A la hâte, les légionnaires rassemblent
de quoi construire un bûcher pour leur général.
Le corps est placé sur un chariot, et tout ce qu'on peut
trouver comme combustible est entassé dessus. Mais dans
l'atmosphère surchargée d'humidité, le bois
brûle mal...
Toutefois le préfet Ceionus préfère déposer
les armes, tandis que le commandant de la cavalerie tournait bride
avec ses escadrons. Mal lui en prendra, ni lui ni ses cavaliers
n'atteindront le Rhin. Les commandants qui faisaient à
leurs troupes des dons en numéraire poinçonnaient
la monnaie à leur nom. On a ainsi retrouvé à
Kalkriese des IMP (imperator), AUC (Auguste), VAR
(Varus), mais aussi les C.VAL. de ce préfet de cavalerie
dont Velleius Paterculus nous a conservé le nom : C. Numonius
Vala.
Le légionnaire Marcus Aius (dont le major Tony Clunn
retrouvera les attaches de cotte de mailles portant son nom incisé,
avec celui de sa centurie - celle du centurion Fabricius, de la
première cohorte [9])
est tué au bord du lac Feldungel, à l'extrême
ouest de la dépression de Niewedde. Il sera donc parmi
les derniers à périr...
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Pointe et collets
de pilum retrouvés à Kalkriese et
conservés au Varusschlacht im Osnabrücker
Land, Museum und Park Kalkriese (Extr. Ross COWAN
& Angus McBRIDE, Le légionnaire romain
de 58 av. J.-C. à 69 apr. J.-C., Osprey
Publishing-del Prado éditeurs, coll. «Armées
et Batailles», nĘ 7, 2003)
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Une dolabre - l'outil-arme multifonction
du légionnaire, à la fois hache et pioche
- et, à droite, un umbo de bouclier |
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5.2.4. Imaginons...
Le jour tombe. Imaginons maintenant le champ de bataille étiré
sur plusieurs kilomètres, jonché de cadavres, d'agonisants
et de blessés. Les mourants que l'on achève, et
ceux qu'on laisse mourir lentement. Les râles des hommes
à terre, les cris joyeux des vainqueurs pataugeant dans
la boue et le sang, les hurlements des femmes que l'on viole,
des enfants qu'on écrase et le hennissement des chevaux
blessés. Les morts que l'on dépouille, les vivants
que l'on spolie, le butin que l'on rassemble - armes, vivres,
vêtements récupérés. Frissonnants sous
le crachin glacial des derniers jours d'octobre, des groupes de
prisonniers entièrement nus, tête basse, que l'on
enchaîne. L'un d'eux, Caldus Cælius se suicide en
se fracassant le crâne avec ses fers. Pas encore rassasiés
de sang, quelques énergumènes se divertissent, torturant
par jeu ou caprice l'un ou l'autre Romain dont la tête ne
leur revient pas, ou croyant reconnaître un tel qui leur
a naguère marché sur les pieds. Les avocats, ces
arrogants bavards qui faisaient la loi, font l'objet d'attentions
toutes spéciales : on leur arrache la langue, leur coud
les lèvres, leur crève les yeux, leur tranche les
mains. Deux mille ans plus tard, les Allemands ne les auront toujours
pas digérés, ces avocaillons : une carte
postale de 1929 montre Arminius armé d'un énorme
marteau, clouant un légionnaire à cheval sur la
reliure d'un ouvrage intitulé Corpus Iuris !
On sépare les légionnaires romains des auxiliaires
prisonniers. Aux Celtes, on reproche de s'être mis au service
de ceux qui oppriment leur pays : que ne se révoltent-ils
pas eux aussi ! Les Romains ne sont pas invincibles. Les Germains
demeurés fidèles sont des Chauques et des Ubiens,
des cavaliers Bataves et aussi quelques Chattes ennemis héréditaires
des Sicambres et des Chérusques : on les emmène
plus loin, solidement entravés. On les soufflette, on leur
arrache les cheveux par poignées. Les insultes fusent.
On les frappe avec les poings d'abord, puis on les taillade avec
des dagues. Enfin on sort les gourdins. Une éternité
durant, les vainqueurs vont s'acharner sur eux, visant d'abord
les jambes, puis le tronc. Lorsqu'ils sont à terre, les
genoux rompus, les bourreaux hilares leur éclatent le crâne,
bientôt réduit à l'état de bouillie
sanglante.
Les voici hébétés, hagards, honteux. Et
las, tout d'un coup. Très las. Les légionnaires
avaient combattu bravement. Jusqu'au bout de leurs forces. Jusqu'à
ce que leurs membres douloureux devinssent de plomb. Maintenant
leurs ressorts sont brisés, l'inconcevable est arrivé.
Résignés, vaincus, ils défilent devant les
forgerons qui leur passent les fers et d'un coup précis
les rivettent. Et ce coup de marteau scelle leur destin d'hommes,
anéantit ce qui leur reste de dignité. Ils ne sont
plus désormais que des esclaves, des moins que rien que
Rome - déjà - ne reconnaît plus pour siens.
Des rescapés raconteront plus tard à Germanicus
«par quelles insultes l'orgueil d'Arminius outragea les
enseignes et les aigles» (TAC., An., I, 61).
Sous les quolibets et les vociférations, les Romains sont
traînés devant les aigles jetées à
terre, sont contraints de passer sous le joug et de fouler au
pied les orgueilleux symboles d'argent. Plus d'un réfractaire
paie de sa vie son refus d'obéir. «Ils furent
tués jusqu'au dernier par ces mêmes ennemis qu'ils
avaient toujours égorgés comme un bétail
et dont la vie et la mort dépendaient de leur colère
ou de leur pitié» (10). |
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«... Des ossements
blanchissants, épars ou amoncelés, suivant
qu'on avait fui ou combattu. A côté, par
terre, des morceaux d'armes et des membres de chevaux...»,
note Tacite. Ici un archéologue dégage un
squelette de mulet. Photo Thomas Ernsting. A droite :
crâne de guerrier germain. Notez le «nud
suève», qui retient sa chevelure. Photo :
Archäologisches Landesmuseum Schloss Gottorf. (National
Geographic, éd. allemande, mars 2002)
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Les Germains dédaignent l'usage
des armures et des casques qui seront donc jetés dans le
marais, en offrande aux dieux, ou peut-être récupérés
pour être fondus. Vainqueurs des Romains à Arausio,
les Cimbres et les Teutons avaient ainsi dédié le
butin à leurs dieux : «Les vêtements [des
morts romains] furent déchirés et jetés par
terre - rapporte Orose -, les objets d'or et d'argent jetés
dans le fleuve, les armures des hommes brisées, les harnais
des chevaux détruits, les chevaux eux-mêmes noyés
dans le fleuve et les hommes pendus aux arbres.» Les
officiers romains constituent des victimes de choix, qui ne doivent
espérer aucune pitié : ils seront crucifiés
aux arbres ou pendus (11).
D'autres seront enterrés vifs ou noyés dans les
tourbières (12).
Quand six ans plus tard les Romains repasseront dans la forêt
de Teutberg, ils découvriront «au milieu de la
plaine, des ossements blanchissants, épars ou amoncelés,
suivant qu'on avait fui ou combattu. A côté, par
terre, des morceaux d'armes et des membres de chevaux. Des têtes
humaines pendaient au tronc des arbres. Dans les bois voisins,
les autels barbares où furent immolés les tribuns
et les centurions primipiles» (TAC.,
An., I, 60). Ce n'est pas par cruauté gratuite que
l'on supplicie ces officiers; en fait on les sacrifie aux dieux
qui ont accordé la victoire. Ils sont leur part du butin.
Ceux qui sont cloués aux arbres sont pour Wotan (Odin)
(13).
C'est dans une semblable forêt consacrée à
Hercule, mais de l'autre côté de la Weser, qu'Arminius
rassembla ses partisans avant de les lancer contre les légions
de Germanicus (TAC., An., II, 12)). Dominant la sinistre
forêt de Teutberg, un bosquet sacré sur la colline
de Borgwedde est, de nos jours encore, connu comme le «Pétrin
du Diable» (Teufels Back Trog). C'est peut-être
là que les officiers romains furent entraînés
pour être suppliciés.
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Parmi les modes sacrificiels favoris des
Germains, il y avait la noyade. (Extr. La conquête
de l'Europe au temps des Romains, Chantecler, 1979) |
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On déterra le corps à
demi-calciné de Varus et on lui trancha la tête qui
fut envoyée à Marbod le Marcoman, qui lui-même
la fit suivre à Auguste.
Sur la Lippe, la petite garnison d'Aliso se défendit énergiquement
sous la conduite du préfet du camp Lucius Cædicius,
et résista plusieurs jours à un adversaire supérieur
en nombre. Le tir nourri des archers romains, autant que l'incompétence
des Germains à mener des travaux de siège furent
pour beaucoup dans ce succès. Finalement, L. Cædicius
réussit à décrocher avec femmes et enfants
et conduisit ses légionnaires à la rencontre du
neveu de Varus, L. Nonius Asprenas qui accourait de Mogontiacum
(Mayence) avec la XIII Gemina et la XVI Gallica.
Des simples légionnaires survivants de la bataille, très
peu réussirent à s'échapper, mais de leur
nombre était un aquilifer qui réussit à
ramener son aigle intacte.
Ceux qui furent faits prisonniers furent emmenés en esclavage
dans les fermes marses, chérusques ou bructères.
Dans une lettre à son ami Lucilius, Sénèque
évoquera en stoïcien la question de l'esclavage. Les
esclaves ne sont pas nécessairement des brutes stupides
: des gens de qualité peuvent s'y trouver réduits
par un sort malheureux : «Lors du désastre de
Varus, de nombreux fils de grande famille, qui entraient dans
l'ordre sénatorial en faisant leur service militaire, furent
terrassés par le destin : l'un devint berger, l'autre gardien
d'une simple cabane...» (SÉN., Ep., XLVII,
10. 4). Quelques années plus tard, des citoyens romains
réussiront à racheter leurs parents prisonniers
des Germains, mais Auguste leur interdit de remettre les pieds
en Italie. Et les légions XVII, XVIII et XIX ne seront
jamais reconstituées, leurs numéros jamais plus
attribués - ce qui atteste du traumatisme.
***
Entre 10 et 11, Tibère rétablit la discipline,
nettement relâchée sous Varus ! Il traversa le Rhin
avec huit légions et sema la terreur en deux campagnes
(villages incendiés, populations déportées).
Son fils adoptif Germanicus le rejoignit en 11 et guerroya six
ans durant, reconquérant deux des aigles perdues par Varus.
Quand Octave-Auguste décéda en 14 (19 août),
Tibère monta sur le trône (17 septembre). Profitant
du changement de règne, les légions de Germanie
se mutinèrent, espérant obtenir l'alignement de
leur statut sur celui des prétoriens : 16 ans de service
au lieu de 20 (14),
doublement de la solde - un denier par jour au lieu de dix as.
En Pannonie, les légions VIII Augusta, IX Hispania
et XV Apollinaris du légat Junius Blæsus entreprirent
un bras de fer contre Drusus
II, fils de Tibère, qui s'était entouré
des prétoriens. Les légions de la Germanie inférieure
(la I Germanica et la XX Valeria Victrix à
Cologne, et les V Alaudæ et XXI Rapax du légat
Aulus Cæcina à Castra Vetera) montrèrent
leurs crocs à Germanicus et voulurent le contraindre à
prendre la tête de leur mouvement (15).
L'épouse de Germanicus, Agrippine, ne craignait pas de
partager avec son mari les fatigues et l'inconfort des camps militaires.
Avec son fils Caligula, âgé de deux ans, elle venait
d'y rejoindre son époux occupé aux travaux de Mars.
La vue de «Petites Bottes», le fils de leur général,
leur mascotte que l'on éloignait d'eux, fit regretter ces
prétentions aux rudes légionnaires. Germanicus n'eut
plus qu'à inviter les soldats loyaux à faire le
ménage chez eux; les meneurs furent passés par les
armes. Ensuite, il organisa un «happening expiatoire»
pour restaurer le moral des mutins repentants ! Ayant traversé
le Rhin, il extermina tout - femmes et enfants compris - à
soixante-quatorze kilomètres à la ronde... notamment
le sanctuaire fédéral de la déesse germaine
Tanfana. Ce furent les Bructères, les Tubantes et les Usipètes
qui firent surtout les frais de cet «exercice» de
remise en condition; mais repues de violence les légions
purent hiverner en paix !
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Arminius est interprété par
Hans von Borsody, star très populaire en Allemagne.
(Il Massacro della Foresta Nera / Hermann der Cherusker) |
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15 de n.E. Le printemps revenu,
Germanicus reprit les hostilités... Arminius avait emprisonné
son beau-père pro-romain Ségeste. A l'Ara Ubiorum
(Cologne), le grand-prêtre d'Auguste, Segimundus fils de
Ségeste - qui avait un temps rejoint le parti d'Arminius
- réintégra le camp romain (16).
Germanicus tira Ségeste de sa prison et s'assura de la
personne de sa fille Thusnelda, l'épouse d'Arminius. Elle
mettra au monde, en captivité, Thumelicus, le fils d'Arminius
qui sera envoyé à Ravenne pour y être élevé.
Un autre allié de choix était Flavus, «le
Blond», le propre frère d'Arminius, demeuré
loyal aux Romains; en revanche, son oncle pro-romain Inguiomère
finit par rallier la rébellion et resta aux côtes
de son neveu au moment de sa «défaite» à
Idistaviso (TAC., An., II, 16).
Ensuite Germanicus se tourna contre les Chattes, Bructères
et Chérusques - redoutables quand ils sont unis, mais,
présentement désunis. Il affronta d'abord les Bructères,
qu'il écrasa, les empêchant de joindre leurs forces
à celles d'Arminius. A cette occasion, son légat
L. Stertinius récupéra une des aigles de Varus,
celle de la XIXe légion, enterrée dans un de leurs
sanctuaires. Traversant le Teutoburger Wald, Germanicus fit inhumer
les débris humains abandonnés sur le champ de bataille
six ans plus tôt.
Enfin, il engagea une bataille contre les Chérusques, à
l'issue douteuse. Germanicus fit retraite sur l'Ems, et y embarqua
une partie de ses troupes pour regagner le Rhin par voie fluviale
puis maritime. Ce qui, avec les marées d'équinoxe,
n'alla pas sans problèmes pour Germanicus : les légions
II et XIV, sous les ordres de Vitellius, furent débarquées
sur le littoral et rentrèrent à pied (TAC., An.,
I, 70).
Quant à son légat Aulus Cæcina, il ramena
par voie de terre ses quatre légions. Harcelé par
les Chérusques qui, rompant des digues, inondaient le terrain
pour le rendre impraticable, il passa par les «Longs-Ponts»,
construits dix-sept ans plus tôt par L. Domitius Ahenobarbus.
Ceux-ci permettaient de traverser un marécage entre l'Ems
et le Rhin. Cæcina était encerclé et, la nuit,
dans un cauchemar, il vit apparaître le spectre de Varus,
couvert de sang. Néanmoins, et contre toute attente, Cæcina
remporta une victoire inespérée, en piégeant
Arminius qu'il enferma dans son propre camp (17)
(TAC., An., I, 68).
Mais à Castra Vetera (Xanten [18]),
la rumeur d'une défaite romaine était parvenue.
On voulait détruire le pont sur le Rhin; mais en l'absence
de son époux la femme de Germanicus, Agrippine, s'y opposa
et organisa l'accueil des légions de Cæcina (TAC.,
An., I, 69).
Les légats de Germanicus, A. Cæcina, L. Apronius
et C. Silius obtinrent cette année-là les honneurs
du triomphe à Rome (TAC., An., I, 72). Parmi ses
officiers, signalons la présence du nouveau préfet
de la garde prétorienne, Séjan (L. Ælius Sejanus)
de sinistre mémoire, que plus tard Tibère fera exécuter.
En +16, jaloux des succès de son fils adoptif, Tibère
rappela Germanicus à Rome, laissant inachevée son
uvre «pacificatrice» de Germanie. Germanicus
obéit, mais lentement. Il entra à nouveau en Germanie
et, à Idistaviso, remporta une maigre victoire sur les
Chérusques et sur Arminius. Après une navigation
périlleuse, il répara ce demi-échec par le
succès d'une autre expédition contre les Marses,
au cours de laquelle un de ses légats récupéra
la seconde aigle perdue. Drusus II le remplace et profite des
dissensions entre Germains. Après quoi plus jamais les
Romains ne s'aviseront à retraverser le Rhin.
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Reconstitutions par
G.A. Embleton de guerriers Chérusques (à
gauche) et Marcomans (planche de droite). Les Marcomans
semblent nettement plus sophistiqués, ouverts aux
influences daces et romaines. (Extrait de Peter WILCOX,
Rome's Enemies : Germanics and Dacians, Osprey,
Men-At-Arms Series, nĘ 129, 1982)
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Quant à Marbod qui, en +10,
avait fondé un Etat marcoman solide, doté d'une
armée équipée et entraînée à
la romaine, sa puissance paraissait affermie par un long règne.
Il se vit néanmoins infliger par Arminius et ses Chérusques
une sanglante défaite (TAC., An., II, 45-46). Habilement,
Drusus II semait la division parmi les Germains. Contesté
par ses nobles, Marbod se vit bientôt chassé de son
royaume par l'un d'eux, Catualda. Il se réfugia en Italie
et Tibère lui assigna une résidence à Ravenne,
où il passa les dix-huit dernières années
de sa vie. Son rival Catualda éprouva bientôt le
même sort et fut envoyé à Fréjus (TAC.,
An., II, 42 sqq.). Quant au successeur d'Auguste,
Tibère, il se «consola» de la perte de la Germania
Magna (la Grande Germanie) en s'inventant deux nouvelles provinces
germaniques cisrhénanes qu'il constitua avec des territoires
arrachés à la Belgique : la Germania inferior
et la Germania superior.
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Le Teutoburger Wald vu
de l'Hermannsdenkmal. A gauche : Tel un spectre maléfique,
Arminius semble flotter au-dessus de la forêt de
Teutberg embrumée.
A six kilomètres de Detmold, au sommet du Grotenburg,
l'Hermannsdenkmal
commémore la victoire d'Arminius sur les légions
de Varus. Une galerie permet au visiteur d'embrasser du
regard les cimes chevelues de la vaste forêt noyée
de brume qu'elle domine. Le monument a une hauteur totale
de cinquante-cinq mètres. Il est sommé d'une
statue de cuivre du héros, uvre de Joseph
Ernst von Bandel (1800-1876). Préfiguration
de Siegfried, Hermann brandit une épée longue
de sept mètres, portant la devise «Deutsche
Einigkeit, Meine Starke Deutschlands Macht»
(«L'unité allemande est ma force, ma force
est la puissance de l'Allemagne») et s'appuie sur
un bouclier sur lequel on peut lire «Treufest»
(«Loyauté»). Il foule au pied une aigle
romaine et un faisceau de licteur. Photo : Detlef Wittig
(National Geographic (Deutschland), mars 2002)
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Importé par des immigrants allemands,
Arminius défend les Etats-Unis d'Amérique
(Hermann's
Monument, New Ulm (USA) |
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Suite… |
NOTES :
(1) Ce n'est peut-être qu'une
ellipse dans une phrase qui passe de la comparution au tribunal
à l'attaque finale du camp des légions (qui s'étaient
déplacées entre-temps). - Retour
texte
(2) Dion Cassius insiste sur les difficultés
qu'éprouvèrent les archers romains à combattre
sous la pluie et dans le vent. Les Romains n'étant pas
des archers, il doit donc s'agir d'auxiliaires, peut-être
germains, peut-être arabes. - Retour
texte
(3) «Le pays est en général
hérissé de forêts ou noyé de marécages,
plus humides vers les Gaules, plus battu des vents du côté
de la Norique et de la Pannonie» (TAC., Germanie,
V). - Retour texte
(4) Michel TOURNIER, Le Roi des
Aulnes, 1970. - Retour texte
(5) Au temps d'Auguste, le légionnaire
romain n'avait pas le droit de se marier. - Retour
texte
(6) Fenimore COOPER, Le dernier
des Mohicans. - Retour texte
(7) F. COOPER, op. cit., in
Le roman de Bas-de-Cuir, Presses de la Cité, coll.
Omnibus, 1989, p. 545.- Retour texte
(8) VOLTAIRE, Mérope,
Act. 2, sc. VII, 599-600. - Retour texte
(9) Mais on ignore si c'était
la légion XVII, XVIII ou XIX. - Retour
texte
(10) VELLEIUS PATERCULUS, II, 119.
- Retour texte
(11) En -13, les Sicambres - par
défi - crucifièrent vingt centurions romains,
probablement des membres de la Ve légion Alaudæ
de Marcus Lollius, vaincu deux ans plus tôt. La V Alaudæ
perdit son aigle mais réussit néanmoins à
sauver la moitié de son effectif (-16). - Retour
texte
(12) Comme le fut l'«homme
de Tollund». Il s'agit d'un homme d'un quarantaine d'années
dont le corps fut retrouvé dans une tourbière
à Tollund, près de Silkeborg (Jutland), dans un
état de conservation remarquable; il avait été
préalablement pendu ou étranglé et portait
encore la corde autour du cou. - Retour
texte
(13) «Les Germains vénèrent
en premier lieu Mercure [Wotan], à qui ils font des sacrifices
humains; Hercule [Donar (Thor)] et Mars [Tius ou Mars Thingsus
(Tyr)] ne reçoivent que des offrandes d'animaux»
(TAC., Germ., IX). - Retour texte
(14) On y donnera satisfaction. Mais
un an plus tard, sous prétexte que le Trésor militaire
ne pouvait supporter les frais entraînés par la
réduction de la durée du service, le temps d'engagement
sera de nouveau porté à vingt ans. - Retour
texte
(15) Irrésolues, les quatre
légions de la Germanie supérieure de C. Silius
(les II et XIV de Vitellius, et les XIII et XVI) ne prirent
point part au mouvement. - Retour texte
(16) Le frère de Ségeste,
Sigimer et son fils [pas Arminius le traître, ni
Flavus le fidèle ! Alors un autre dont nous ne connaissons
pas le nom ? Ou bien Segimundus, le fils de Ségeste ?]
se rendirent à Stertinius, dans la Cité des Ubiens
[Cologne]. Sigimer obtint facilement son pardon. Pour «son
fils», ce fut plus difficile, «car il avait insulté
le cadavre de Varus» (TAC., An., I, 71). -
Retour texte
(17) Cet exploit a inspiré
l'épisode du camp de Divitia dans le film Il Massacro
della Foresta Nera. - Retour texte
(18) Pour être tout-à-fait
précis, Castra Vetera est, en fait, Fürstenberg,
près de Birten, aux environs de Xanten. - Retour
texte.
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