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Le Chevalier Blanc
Sigfrido - La Leggenda dei Nibelunghi

(Giacomo Gentilomo, IT - 1958)

 

Sur cette page :

«Nacht und Nebel, niemand gleich»

I. Encyclopédie

II. Les sources

A. L'Ancienne Edda islandaise

B. La Chanson des Nibelungs

C. La Tétralogie de Richard Wagner (Der Ring des Nibelungen)

1. Résumé

L'Or du Rhin
La Walkyrie
Siegfried
Crépuscule des Dieux

2. Chronologie

D. Autres sources

Pages suivantes :

III. D'une version à l'autre... les personnages

IV. Filmographie

V. Bibliographie

VI. Le Chevalier Blanc - Fiche technique

chevalier blanc
 

«Nacht und Nebel, niemand gleich»(1)

En 1957, Giacomo Gentilomo compte déjà à son actif quelques films axés sur le réalisme social. Ayant fait une partie de ses études en Allemagne, il décide de porter à l'écran une nouvelle version - en couleur et sonore - d'un film qui l'a particulièrement impressionné, Les Nibelungen, double hommage à Fritz Lang et à Richard Wagner. Ce dernier alimente la bande son par de larges extraits de sa tétralogie tandis que l'autre se voit fréquemment cité par de nombreux clins d'œil cinématographiques. Nombre de scènes comme le combat contre le dragon ou celle de la source où Siegfried est assassiné ont été reconstituées en studio, avec des racines et des pierres moussues qui composent autant de petits tableaux maniéristes, véritables chromos contrastant avec la froide sobriété du château de Worms et ses édifices, dont le dépouillement et la géométrie lorgne vers la version de 1924.

Résumant en une heure et demie une matière que d'autres réalisateurs traitèrent en quatre, Gentilomo élague largement son sujet : point de prologue sur la responsabilité des dieux et la malédiction originale de l'Anneau, ni les déboires de Siegmund et Sieglinde, ici réduits à l'essentiel. Comme Wagner, Gentilomo laisse également de côté «La Vengeance de Krimhilde» dont Fritz Lang puis Harald Reinl avaient fait le sujet du second volet de leur diptyque. Il évite également les détails scabreux comme le déroulement de la nuit de noces, où l'époux Gunther se fait «aider» pour posséder sa femme. Et en une seule réplique, Gentilomo élude la préalable rencontre de Siegfried et Brunhilde dans le cercle de flammes : rien d'ambigu chez Siegfried, qui est l'homme d'une seule femme, pour laquelle il a occis le dragon et s'est emparé du trésor, ainsi qu'Albéric le lui a conseillé : «Et ainsi tu conquerra Krimhilde, la femme que tout le monde voudrait avoir.» Quoique courtisée par le sinistre Hagen, qui la laisse indifférente, Krimhilde ne désire pas se marier, jusqu'à ce que le blond héros apparaisse : «Il faut lui pardonner. C'est un rusé fripon, libre comme un poulain, et qui ne craint ni brides ni fouet.» Ce n'est que plus tard qu'elle aura la révélation de son amour, quand Siegfried demandera sa main à son frère.
Après les hors-d'œuvre obligés que constituent les épisodes du dragon, du tournois à Worms et de l'expédition en Islande, Le Chevalier Blanc se recentre sur l'intrigue de palais. Un héros innocent manipulé par un roi incapable, lequel trop facilement s'en remet aux conseils d'un «dévoué» ministre : un félon pour qui la raison d'Etat est la meilleure, surtout s'il y trouve son compte. Et la réaction d'une femme bafouée, blessée dans son amour propre de reine, comme dans ses sentiments de femme. Au premier coup d'œil, Brunhilde a jaugé Gunther et Siegfried et su qui elle aimait. Qui aimerait s'entendre distiller à l'oreille, comme le fait Hagen : «Tu as été (pour Siegfried) la monnaie qui lui a procuré Krimhilde» ? Krimhilde, une petite oie blanche qui a le front de se rebiffer; la sœur d'un roi méprisable. Et l'épouse jalousée de ce héros trop pur et trop naïf qui l'a doublement déshonorée, d'abord par sa trouble complaisance de vassal, ensuite par son «indiscrétion»...
Venu du théâtre, le blond Sebastian Fischer campe le héros demi-nu, de blanc vêtu - candide dans tous les sens du terme - opposé au noir Hagen, qui pas un seul instant ne se départit de sa cotte de mailles. Les couleurs définissent les personnages : les tons pastels pour Krimhilde, le rouge vif ou le violet pour Brunhilde, le bleu pour l'indécis et faible roi Gunther («Et à présent je suis à tes pieds. Non pas un roi, mais un esclave»). Il faut saluer l'éditeur DVD Artus Film d'avoir ressuscité ce film oublié - oublié et largement enterré depuis la majestueuse version de 1966 signée par Harald Reinl, plus connue des amateurs de cinéma épique.

Le Chevalier Blanc, visa de censure n­ 1.891 (1958), s'inscrit aux origines du cinéma historico-mythologique italien de l'après-guerre. Il a été tourné directement dans la foulée des Fatiche di Ercole, visa de censure n­ 1.855 (2) (1958), dans les mêmes extérieurs comme les cascades de Monte Gelato et aussi, notamment, la fameuse grotte où Antéa, reine des Amazones (Le Fatiche di Ercole) puis Omphale reine de Lydie (Ercole e la Regina di Lidia) avaient leur palais troglodyte. Quant au drakkar qui conduit les Burgondes en Islande, c'est le même bateau remaquillé que la nef Argo dans les deux «Hercule» de P. Francisci.

Après un démarrage très kitsch filmé dans une forêt de Lombardie par Piero Pierotti et où l'on voit le blond héros germanique gambader dans les fougères puis, émule du bon sauvage Tarzan, jouer avec un ours (3), le film de Gentilomo vire au tragico-lyrique lorsqu'il aborde le domaine burgonde et les thèmes folklorico-populaires autour de la reine d'Islande Brunehilde, cette vierge guerrière que - sauf Siegfried, bien sûr - nul mortel, fut-il le puissant roi des Burgondes lui-même, ne peut soumettre tant qu'elle conservera sa virginité. Mais comment la lui ravir ? C'est ce à quoi va s'employer le naïf et serviable héros de la forêt, mettant sans le vouloir le doigt dans un engrenage qui va le conduire à sa perte.
C'est qu'on l'oublie trop souvent : la Chanson des Nibelungs est l'histoire d'une malédiction. «Siegfried a commis par traîtrise un double assassinat crapuleux (4) - note Jean Amsler (5). Il le paie à la longue par un enchaînement de vengeances et de contre-vengeances échelonné sur quelque trente-cinq ans et qui s'étend à tous les siens. Restent en vie Etzel, païen éclairé, et Dietrich, chef désobéi mais chrétien.»

Le film de Gentilomo emprunte surtout à Wagner lequel, sauf les noms, avait davantage puisé dans l'Ancienne Edda païenne que dans la courtoise épopée bavaroise (Nibelungenlied)(6), sans pour autant que le cinéaste suive la tétralogie dans tous ses développements. Comme pour la mythologie grecque, il existe plusieurs versions différentes - ne citons que l'Ancienne Edda islandaise, le Nibelungenlied bavarois et la réécriture par Richard Wagner, mais on trouve des détails dans d'autres textes comme la Völsungasaga islandaise, la Saga de Théodoric de Vérone (7) norvégienne ou le Waltharius -, qui ne sont pas toujours concordantes sur les faits, les motivations et même les noms des personnages. Ainsi, les Siegfried, Brunhilde, Krimhilde et Gunther du poème allemand se nomment respectivement Sigurd, Brynhild, Gudrun et Gunnar dans l'Ancienne Edda, tandis que les Burgondes y deviennent les Giukungs (ou les Gibichungen dans Le Crépuscule des Dieux de Wagner).
Et si le poème du XIIe s. ne voit dans l'aversion de Brunhilde pour Siegfried qu'un préjugé féodal, le sentiment amoureux refoulé dont Gentilomo a fait un des principaux ressorts de son film était bien présent dans la version islandaise, reprise par Richard Wagner. Avant que d'aller en Islande en compagnie de son ami Gunther/Gunnar pour conquérir Brunhilde/Gudrun, Siegfried/Sigurd avait déjà rencontré la belle au cours d'un premier voyage; et traversant le cercle de feu qui entourait la couche de la Walkyrie endormie, l'avait réveillée d'un chaste baiser. Avant de la quitter, il lui avait promis de revenir la chercher, et elle lui avait passé au doigt une bague engageant sa foi.
Hélas, une drogue administrée par Griemhild, mère de Gudrun (8), effaça cette promesse de sa mémoire, ce pourquoi dans son ignorance il livra à son ami celle qui l'aimait et l'attendait.

I. Encyclopédie

Le poème des Nibelungen a été fixé par écrit au XIIe s., et la civilisation qu'il décrit était de toute évidence celle que connaissaient ses auditeurs, les contemporains du poète : le Moyen Age allemand.
Pourtant, en dépit de sa coloration chrétienne - mariage dans une cathédrale - et ses références au monde féodal comme la relation suzerain-vassal, le poème brasse de nombreux éléments empruntés au vieux fond du paganisme germanique. Siegfried est de toute évidence un héros de cette mythologie, tout comme Brunhilde dont les Eddas islandaises font une Walkyrie fille d'Odin, ou encore Hagen de Tronège, l'homme de l'ancienne loi.

Même si le réalisateur a choisi de camper l'action de son film dans un Moyen Age syncrétique plutôt que le Bas-Empire romain, un protagoniste comme Etzel (Attila, roi des Huns, qui intervient dans la seconde partie du poème, non traitée par Gentilomo) ancre bien la légende dans les dernières décennies de l'Empire romain d'Occident.

Le roi des Burgondes Gunther, Gunnar dans la version nordique, correspond au personnage historique de Gundikar ou Guntiarius, qui se fit massacrer par les Huns avec toute sa famille et une partie de son peuple en 436. Guntiarius et son royaume burgonde avaient dominé une partie de la vallée rhénane; mais, par ses velléités d'expansion vers la Belgique, ce fœderati avait irrité le Patrice romain Ætius, Maître de la Milice. Ætius les fit liquider par ses alliés huns, sur lesquels, fin 434, son ami Attila venait de prendre le pouvoir. Les Burgondes survivants émigrèrent dans la vallée du Rhône, la future Bourgogne. La Chanson des Nibelungs situe sa capitale rhénane à Worms - l'antique Borbetomagus celtique, capitale des Vangions -, mais ce rôle semble historiquement assez peu probable (9).

Douze ans après la mort du héros, sa veuve Krimhilde poussa le roi des Huns, son second mari, à inviter en sa capitale sur le Danube les Burgondes, assassins de son premier époux. Son but était de les y faire exterminer avec la complicité de certains chevaliers Huns à sa dévotion. Le personnage légendaire de Krimhilde a peut-être été inspiré par celui, historique, de la Germaine Hildiko qui fit périr son mari Attila lors de sa nuit de noces en 453 (15 mars ?). Hildiko était issue d'un peuple soumis par les Huns. Or si, dans la version bavaroise du XIIe s., Krimhilde - sa vengeance accomplie - n'assassine nullement son barbare empereur hun de mari, qui est présenté comme un souverain pacifique, dans la version islandaise, par contre, Attila attirait bien à sa cour son beau-frère Gunther afin de l'assassiner et le dépouiller du trésor des Nibelungen. Et Krimhild vengeait ses frères en immolant les deux fils qu'elle avait eu d'Attila, puis - ayant confectionné des pâtés avec leur chair - les servait à manger à leur père. Quoi qu'il en soit, même dans la version bavaroise qui leur est favorable, il semble que le potentiel militaire des Huns ait été réduit à néant lorsqu'enfin le vassal d'Attila, l'Ostrogoth Dietrich de Bern (10) et son maître d'armes Hildebrand, vinrent à bout de Gunther.

II. Les sources

«S'il est donc relativement aisé de déceler les origines de cette légende, il est plus difficile de dire comment se sont formées celles dont Siegfried est le héros. Etait-il à l'origine un être mythique dont le destin symboliserait successivement la victoire de la lumière sur les ténèbres (combat avec le dragon), puis la revanche des forces du mal (mort de Siegfried) ? S'agit-il d'un personnage de contes populaires qui serait devenu héros de légende ? Ou bien ces récits - comme celui de la mort des rois burgondes - remontent-ils en dernière analyse à des événements historiques ? Faut-il y voir l'écho des démêlés sanglants entre Brunehaut (Brünhild), l'épouse du roi d'Austrasie Sigebert, et Frédégonde ? Siegfried est-il le chef chérusque Arminius, dont la victoire sur les légions romaines de Varus aurait été présentée sous la forme mythique d'un combat avec un dragon, alors que le récit de sa mort se serait maintenu sur le plan purement humain ? De toutes ces thèses, aucune n'a réussi à s'imposer» (11) .

Les trois sources principales sont :

l'Ancienne Edda islandaise
la Chanson des Nibelungs
la Tétralogie de Richard Wagner : L'Anneau du Nibelung

A. L'Ancienne Edda islandaise

L'Ancienne Edda (ou Edda poétique) est un recueil de poèmes du IX-XIIIe s., en langue norroise, la plupart composés en Islande, quelques-uns au Grœnland, attribué à Sœmund-le-Sage et découvert en 1642. La seconde partie est entièrement consacrée aux Vœlsungs et à Sigurd.

Recueil de pièces diverses, l'Ancienne Edda nous révèle l'histoire de Sigurd, ses exploits, ses amours, sa mort et la vengeance de sa veuve... mais par petites touches, comme dans un tableau tachiste. Les différents poèmes, souvent fort courts, sans cesse reviennent sur les mêmes faits, ou certains aspects de ceux-ci, apportant de nouvelles précisions, non exemptes de contradictions. On a un peu l'impression de lire les différents procès-verbaux constituant un dossier criminel.

(Composée en prose, la Nouvelle Edda (ou Edda prosaïque) a, quant à elle, été composée par Snorri Sturluson vers 1220, mais nous est parvenue avec des ajouts ultérieurs.)

chanson des nibelungs

La Chanson des Nibelungs (trad. moyen haut allemand Jean Amsler - manuscrit B dit de «Saint Gall»), Fayard, 1992

 

B. La Chanson des Nibelungs

Il s'agit d'un poème compilé par un rédacteur inconnu au XIIe s., vraisemblablement en Basse-Autriche ou en Allemagne méridionale (Bavière ?) sous le titre Chanson des Nibelungs (Das Nibelungenlied) ou Détresse des Nibelungs (Der Nibelungen Not). On en a attribué la paternité d'abord au Sire de Kürenberg, puis à un problématique Henri d'Ofterdingen.

L'œuvre se compose de 3.379 strophes de quatre vers chacune, réparties en trente-neuf «aventures». Les dix-neuf premières relatent ce qu'il est convenu d'appeler «La mort de Siegfried»; les vingt autres «La vengeance de Krimhilde». Elle nous a été transmise par trois manuscrits conservés respectivement à Donaueschingen, à Saint-Gall et à Münich.

Sa principale caractéristique est d'insérer dans un monde médiéval courtois, chrétien et chevaleresque une matière venue des temps païens d'Odin-Wotan et des autres dieux du Walhalla. Les exploits mythologiques de Siegfried, son combat contre le dragon Fafner, la conquête du Trésor maudit des Nibelungs, la chape d'invisibilité (Tarnkappe ou Tarnhelm) et l'anneau, son invulnérabilité et sa compréhension du langage des oiseaux sont brièvement rapportés par Hagen en quinze strophes de la Troisième Aventure, sans aucun développement (Chanson, III, 86 à 100).
La relation du héros avec le nain forgeron Mime est complètement ignorée de la chanson, comme du reste les origines du trésor et le crime des dieux. Est également passé sous silence la tragique histoire de ses parents Siegmund et Sieglinde : pour le «poète bavarois» (appelons ainsi l'auteur de la Chanson des Nibelungs), Siegfried a connu une enfance princière auprès de ses père et mère à Xanten, sur le Rhin; d'ailleurs ils lui survivront, au lieu de l'avoir laissé orphelin ainsi qu'il est dit dans les versions islandaises et wagnérienne. Et contrairement à ce que rapporte l'Ancienne Edda - suivie par Wagner -, Siegfried, en route pour Worms, n'a jamais rencontré pour la réveiller d'un chaste baiser Brunhilde, la «Belle-au-Bois-Dormant».

La rédaction de la Chanson des Nibelungs a eu pour toile de fond les temps tourmentés, s'il en fut, des cinquième et sixième croisades qui virent, en Allemagne, l'affrontement entre les Gibelins (Waiblingen), partisans de la Maison de Souabe représentée par l'empereur Frédéric II et les Guelfes (Welfes), soutenant en la matière le point de vue du Pape. A telle enseigne que, dans un premier temps, Wagner, qui ne s'était pas encore lancé dans la composition de sa tétralogie, s'était d'abord attelé à la rédaction d'un petit essai, les Wibelungen (1848) où il assimilait les Nibelungen aux Waiblingen/Gibelins, avant de bifurquer pour s'attaquer la même année à une Mort de Siegfried, premier jet de ce qui deviendra vingt-sept ans plus tard le quatrième volet de la Tétralogie : Le Crépuscule des Dieux (1874).

Le Saint Empire romain germanique n'avait de «romain» que la légitimité qu'il tirait de sa sanction par le Pape de Rome. Benoist-Méchin a consacré une superbe biographie à Frédéric II de Hohenstauffen (12), le fils de l'éphémère empereur germanique Henri VI et le la reine de Sicile, la Normande Constance d'Hauteville. Né après le décès de son père, le jeune prince souabe avait non sans difficultés - avec l'aide du Pape (Honorius III) ou malgré son opposition (Innocent III, Grégoire IX et Innocent IV) - récupéré ses trônes de Sicile, puis d'Allemagne occupés par ses tuteurs-usurpateurs. Son mariage avec Yolande de Brienne l'avait fait en titre «roi» de Jérusalem (13), alors entre les mains des musulmans. Mais le peu d'empressement à partir en croisade de cet humaniste et diplomate, fervent admirateur de la culture arabe et qui se déclarait «vice-roi sur la Terre d'Alexandre-le-Grand et du Christ», lui valut d'être excommunié à trois reprises, d'abord par Honorius III (29 septembre 1227), ensuite par Grégoire IX (20 mars 1239), puis enfin par Innocent IV (17 juillet 1245). S'immisçant dans le pouvoir temporel, ce dernier avait même voulut le déposer en tant qu'empereur germanique, ce à quoi s'opposa le roi de France.
Il est bon de se souvenir de ce contexte.

das rheingold die walkyrie siefried gotterdammerung

La tétralogie de Richard Wagner, L'Anneau du Nibelung (Der Ring des Nibelungen) : un peu moins de seize heures de spectacle musical sous-titré en français, est notamment disponible dans la version du Metropolitan Opera de New-York sous la direction de James Levine et mis en scène par Otto Schenk (1990) (DVD : Deutsche Grammophon, 2002).
Prologue - L'Or du Rhin (Das Rheingold, 1854) (163'). Premier jour - La Walkyrie (Die Walküre, 1856) (241'). Deuxième jour - Siegfried (Siegfried, 1869) (253'). Troisième jour - Crépuscule des Dieux (Götterdämmerung, 1874) (281').
Le texte des livrets en «juxta» allemand-français, traduction Jean d'Arièges, préfaces de Marcel Doisy, chez Aubier-Flammarion (4 vols, 1968-1972).

 

C. La Tétralogie de Richard Wagner (Der Ring des Nibelungen)

Personne n'en disconviendra, Wagner a révolutionné l'opéra par son concept de spectacle total inspiré de la tragédie grecque, où la musique, le texte et la mise en scène s'interpénètrent profondément, et la Tétralogie en fut l'aboutissement le plus achevé. «... Cette œuvre marquait justement ma rupture définitive avec les théâtres modernes d'opéra, et (...) mon aversion pour eux n'avait pas peu contribué à m'inspirer cette excentrique conception, (mais) personne ne voulait prendre cette raison au sérieux» (14). Son ami Edouard Schuré - le seul Alsacien que ne détestât point le Maître de Bayreuth, par ailleurs antisémite - écrira de lui : «Comme poète et comme musicien, Wagner fut le plus universel des artistes; comme homme et comme penseur ce fut un Teuton obstiné» (15).

1. Résumé

  • L'Or du Rhin (Das Reingold, 1854) (163')

Sc. 1

- Le nain Alberic tente de séduire les Filles du Rhin, gardiennes de l'or. Comme elles se moquent de lui, il maudit l'amour, condition sine qua non pour s'approprier le précieux métal d'où il forgera un anneau qui lui donnera l'empire sur le monde.

Sc. 2

- Le roi des dieux, Wotan a fait construire par les géants Fasolt et Fafner un inexpugnable château : le Walhalla. Mais il lui faut maintenant régler le salaire convenu, c'est-à-dire leur livrer Freia, la déesse de la Jeunesse et du Printemps, épouse de Froh. Les dieux - Froh, Donner, Fricka l'épouse de Wotan, et Loge le génie du feu - cherchent une solution pour soustraire la belle déesse à cette obligation. L'or puissant du Nibelung Alberic est avancé comme contre-proposition; mais déjà il suscite la convoitise de Wotan.

Sc. 3

- Dans le Nibelheim, Alberic règne sur les nains-forgerons, les Nibelungen, qu'il traite en esclaves - en particulier son frère Mime, son souffre-douleur. Loge et Wotan descendent dans le souterrain royaume, s'emparent de l'or, du heaume magique et de l'anneau. Et enchaînent Alberic qui les maudits.

Sc. 4

- Les dieux échangent Freia contre l'or. Mais Fasolt et Fafner exigent également le heaume magique et l'anneau du pouvoir. En vain cependant solliciteront-ils l'arbitrage des dieux dans un équitable partage du trésor ! Fafner tue son frère Fasolt et emporte le tout. Les dieux prennent possession du Walhalla, pendant que se lamentent les Filles du Rhin grugées.

  • La Walkyrie (Die Walküre, 1854-1856) (241')
Acte 1, Sc. 1, 2 et 3

- Siegmund le proscrit trouve refuge dans la maison de Hunding le Neidingen, son persécuteur. Celui-ci lui accorde l'hospitalité pour la nuit, mais à l'aube les deux hommes se livreront à un duel à mort. Mariée de force, l'épouse de Hunding Sieglinde reconnaît en Siegmund son frère jumeau dont elle a été séparée. Elle révèle à son frère et amant l'existence de l'épée Notung (l'«épée de Détresse»), fichée par leur père «Wolfe» (16) - Wotan, lors d'une de ses frasques terrestres - dans le tronc du frêne autour duquel est bâtie la demeure d'Hunding.

Acte 2, Sc. 1 à 5

- N'étant pas libre d'agir à sa guise, Wotan confie à sa fille Brünnhilde, la Walkyrie, la tâche de soutenir Siegmund dans son duel contre Hunding. Survient son épouse Fricka, la reine des dieux, déesse du mariage, qui dénie à son mari le droit de protéger le couple adultère et incestueux (17) («ce couple criminel de jumeaux, fruit indiscipliné de ton inconstance...») qui vit en marge des lois divines et humaines les plus sacrées. Ainsi se venge-t-elle des infidélités de son époux. Le roi des dieux lui répond avec bonhommie :

Fais aussi l'expérience
de ce qui arrive de soi-même,
même si cela ne s'est encore jamais produit !...
Ces êtres s'aiment :
c'est pour toi d'une clarté aveuglante.
Dès lors, écoute un conseil loyal :
si tu veux qu'une douce joie
récompense ta bénédiction,
bénis en souriant à l'amour
le lien de Siegmund et Sieglinde !

(...)
... tu es incapable de comprendre
avant que l'événement ne se produise
Seule l'expérience vécue
peut t'éclairer,
alors que toute ma pensée tend
vers ce qui ne s'est encore jamais produit !

(La Walkyrie, Acte 2, sc. 1 - trad. Jean d'Arièges)

Wotan - qui sent venir le déclin de la puissance des dieux - est contraint de renoncer à son projet d'un homme libéré des divinités (18), le seul qui pourrait pour lui reconquérir le fameux anneau maudit. Brünnhilde, toutefois, refuse d'abandonner Siegmund et s'opposera à son propre père lors du duel où s'affrontent Hunding et Siegmund. Wotan tue donc son fils - et, plein de mépris, occit également l'«instrument» Hunding -, tandis que Brünnhilde met en sécurité Sieglinde, qui porte en son sein le fruit de leur amour maudit : Siegfried.

Acte 3, Sc. 1, 2 et 3

- Brünnhilde, s'est réfugiée chez ses sœurs, les Walkyries, filles de Wotan et d'Erda, la déesse de la Terre, et remet à Sieglinde les tronçons de l'épée brisée Notung. Puis elle comparaît devant son père, ulcéré par sa désobéissance. Elle plaide n'avoir rien fait d'autre que d'accomplir la vraie volonté de son père. Celui-ci, ému, la prive de sa divinité, et la plonge dans un long sommeil d'où seul un héros poussé par l'amour véritable pourra l'en tirer par un baiser. A la demande de sa fille, il entoure sa couche d'un mur de feu.

 

siegfried - fafner

Siegfried affronte le dragon Fafner. Illustration de J. Kühn-Régnier pour H. WEILLER, Epopées et légendes d'Outre-Rhin, Paris, F. Nathan, s.d.

  • Siegfried (Siegfried, 1856, 1864-1869) (253')
Acte 1, Sc. 1

- Pendant que le jeune Siegfried terrasse des ours dans la forêt, le forgeron Mime - qui l'a éduqué - désespère d'être capable de forger une épée digne du jeune homme. Siegfried, conscient que le nain ne peut pas être son père, lui extorque la vérité : c'est sa mère Sieglinde, mourante, qui l'a confié au forgeron en même temps que les fragments de l'épée Notung.

Sc. 2

- Wotan ne règne plus dans le Walhalla; il erre sur la terre. Sous l'aspect d'un voyageur à la robe bleue, au large chapeau rabattu sur son visage dissimulant la cavité de l'œil qu'il a perdu, une lance en guise de bâton de marche. Le voici dans la forge de Mime, lui posant trois énigmes. Mime répond aux deux premières : «Qui sont les Nibelungen ? Quel fut le destin des Wälsungs - que le dieu aima, mais ne put défendre - et de l'épée Notung ?»
Mais il ne peut répondre à la troisième : «Quel adroit forgeron pourra ressouder l'épée ?» La réponse est pourtant évidente : seul Siegfried le peut, lui qui ignore la crainte, lui qui est destiné à vaincre Fafner.

Sc. 3

- Retour à la forge, Siegfried réclame son épée. Mime tente de lui enseigner la peur en lui parlant de Fafner, mais le héros le prie au contraire de le conduire à son antre. Au préalable, il reforge lui-même Notung, la trempe dans l'eau, brise l'enclume avec... tandis que Mime, espérant récupérer le trésor à son seul profit une fois le dragon occis, lui prépare du poison.

Acte 2, Sc. 1

- Wotan rencontre Alberic, et pour détourner son attention de Siegfried, le met en garde contre son frère Mime, invitant même Fafner à restituer le trésor à Alberic.

Sc. 2

- Arrivent en discutant Mime et Siegfried. Puis le héros, s'allongeant sous un tilleul, tente de s'initier au langage des oiseaux. Pendant ce temps, Mime va tirer Fafner de son antre. Alors le duel s'engage; Siegfried lui perce le cœur, et le saurien agonisant met en garde le héros contre la perfidie de Mime. Léchant ses doigts couverts du sang du dragon, Siegfried s'aperçoit qu'il comprend le langage des oiseaux et se précipite dans la caverne pour récupérer l'anneau et le heaume d'invisibilité.

Sc. 3

- Là il trouve Mime et Alberic se disputant la propriété du trésor; Mime menace son frère de s'en remettre à l'arbitrage de Siegfried. C'est alors que survient le héros; mais lorsque Mime lui tend le breuvage empoisonné qu'il lui a préparé, Siegfried le tue. Avec le corps du dragon, le héros obstrue l'entrée de la caverne, puis se recouche sous le tilleul, où le chant de l'oiseau l'informe de ce que, endormie sur son rocher entouré de flammes, la belle Brünnhilde attend le héros sans peur qui la réveillera. L'oiseau accepte de guider le héros jusqu'à elle.

Acte 3, Sc. 1

- Wotan consulte Erda, déesse de la Terre, pour connaître l'avenir. Mais la déesse, mère de Brünnhilde, reste évasive. Wotan, qui attend sans crainte le déclin des dieux et l'élévation d'une nouvelle race, n'insiste pas.

Sc. 2

- Wotan impose une ultime épreuve au «héros ignorant» en se mettant en travers de sa route. Siegfried balaye l'importun et de son épée Notung brise la lance du dieu (19). Alors Siegfried sonne du cor et plonge dans les flammes.

Sc. 3

- Sur le rocher, Siegfried découvre le corps d'un guerrier et près de lui son cheval, Grane, endormis. Il lui ôte son armure et, pour la première fois, éprouve un sentiment qu'il croit être la peur. D'un baiser, il réveille la jeune fille, Brünnhilde. Les deux jeunes gens renoncent au Walhalla pour ne plus penser qu'aux humaines valeurs de «la flamme d'amour, joie de la mort».

  • Crépuscule des Dieux (Götterdämmerung, 1869-1874) (281')
    (Une première version fut rédigée en 1848, La mort de Siegfried (Siegfrieds Tod).)
Acte 1, Sc. 1

- Chez les Gibichungen, au bord du Rhin. Fils d'Alberic et de la reine Grimhilde, le perfide Hagen - demi-frère du roi Gunther et de la princesse Gutrune - fait ces derniers bénéficier de sa «sagesse», tissant patiemment la trame de la vengeance du roi des nains. On annonce l'arrivée de Siegfried et déjà il a un plan : que l'on donne Gutrune en mariage à Siegfried «le fort entre les forts», à condition qu'il aide Gunther à conquérir Brünnhilde «la belle entre les belles».
Un breuvage magique, offert en bienvenue par Gutrune, sèmera la confusion dans l'esprit de Siegfried, détournant sur celle-ci la passion du héros.

Sc. 2

- Et ce qui a été dit est fait. Siegfried tombe amoureux de Gutrune, et se lie par le sang à Gunther, à qui il se fait fort de livrer Brünnhilde avec l'aide de son heaume magique.

Sc. 3

- Sur son rocher, Brünnhilde résiste aux supplications de sa sœur, la Walkyrie Waltraute, venue l'inviter à restituer aux Filles du Rhin l'anneau que Siegfried lui a remis en gage de son amour. Dans le lointain sonne un cor, que Brünnhilde reconnaît comme étant celui de Siegfried. Et celui-ci est bientôt devant elle... mais sous l'apparence de Gunther ! Elle montre à «Gunther» l'anneau qui signifie que sa foi est déjà engagée, mais le Gibichungen se jette sur elle, la contraint, et lui arrache l'anneau. Loyalement, Siegfried-Gunther passe la nuit avec Brünnhilde en plaçant entre eux deux l'épée Notung.

Acte 2, Sc. 1

- Au bord du Rhin, Hagen est en sentinelle, et confère avec son père Alberic, qui lui enjoint de récupérer l'anneau tant convoité par Wotan.

Sc. 2

- Transporté par son heaume magique, Siegfried apparaît au palais du roi Gunther, pour annoncer l'imminence de l'arrivée de celui-ci en compagnie de sa reine Brünnhilde.

Sc. 3

- Hagen convoque les guerriers gibichungen en armes, pour accueillir leur roi, Gunther.

Sc. 4

- Siegfried et Gutrune accueillent Gunther et Brünnhilde. Siegfried (complètement sous l'emprise magique) confirme à Brünnhilde que Gunther est bien son promis. Mais celle-ci a remarqué l'anneau du Nibelung à son doigt. Elle comprend qu'on s'est joué d'elle. Elle proteste : c'est Siegfried son époux. Mais Siegfried jure sur la lance de Hagen qu'il n'en est rien. Et Brünnhilde, l'accusant de parjure, voue à sa vengeance la lance de Hagen.

Sc. 5

- A Hagen qui s'offre à la venger, Brünnhilde révèle le point vulnérable de Siegfried, entre ses omoplates - là où ses charmes n'ont point agi (20). Le complot se trame.

Acte 3, Sc. 1

- Au cours d'une partie de chasse, Siegfried apparaît sur le bord du Rhin. Les Ondines le prient de leur restituer l'anneau fatal, et le héros au cœur pur serait prêt à leur rendre ce plaisir car l'anneau n'est rien pour lui. Mais une parole malheureuse l'interpelle : on lui prédit que conserver l'anneau lui vaudrait de mourir ce jour même. Or Siegfried se moque de mourir.

Sc. 2

- La partie de chasse s'achève. Tandis qu'il se désaltère, Hagen lui plonge son épieu dans le dos. Son agonie déchire le voile qui obscurcissait sa mémoire : ses dernières paroles seront pour... Brünnhilde, sa «sainte épouse». Consternation des guerriers. Hagen se justifie.

Sc. 3

- Au palais des Gibichungen, Hagen se vante de sa «victoire». Gutrune accuse son frère de meurtre; celui-ci répond qu'Hagen, leur demi-frère, a agi d'initiative. Le meurtrier revendique l'anneau, que le roi lui conteste; alors Hagen tue Gunther. Le héros défunt se redresse sur sa couche, lorsque le félon veut lui ôter l'anneau. Tandis que Gutrune se penche sur le corps de son frère, Brünnhilde comprend que la prétendue trahison de son fiancé a été suscitée par un philtre dont il fut la victime. La Walkyrie déchue mesure la culpabilité des dieux en cette affaire. La restitution de l'anneau aux Ondines, Filles du Rhin, seule aurait pu contrer la malédiction. Mais il est trop tard. Elle passe l'anneau à son doigt puis allume le bûcher du héros, érigé au bord du Rhin. Alors, montée sur le cheval Grane, elle s'élance dans les flammes et rejoint Siegfried dans la mort. Soudain, le Rhin déborde et balaye le bûcher. Les Ondines récupèrent l'anneau et entraînent Hagen dans les profondeurs - tandis qu'à l'horizon s'embrase le Walhalla.

2. Chronologie
 
1848 : Prélude à ce qui allait être l'œuvre de sa vie, Wagner compose un essai, les Wibelungen (1848) - interprétation historico-sociale de la saga - et trois esquisses dramatiques, Jésus de Nazareth [Jesus von Nazareth], Le forgeron Wieland [Wieland der Schmied] et Le mythe des Nibelungen [Der Nibelungen Mythus], dans lequels le poète ébauche «les exigences éthico-religieuses de l'âme moderne, partagée entre l'amour et la charité, entre la volonté de jouissance et de domination et la volonté de renoncement, se concrétisent dans le mythe de l'amour, qui s'oppose à la fascination fatale de l'or» (Laffont-Bompiani) qui allaient structurer sa Tétralogie.
En novembre de la même année, Wagner entame une Siegfrieds Tod («La Mort de Siegfried») qui, remaniée, deviendra le quatrième volet de la Tétralogie, Le Crépuscule des Dieux.
1852 : Wagner compose les poèmes de L'anneau du Nibelung.
1854 : Il compose L'or du Rhin (Das Rheingold), prologue de la Tétralogie, et entame la première partie : La Walkyrie (Die Walküre), qu'il achève en 1856.
1856 : La partition de La Walkyrie achevée, il s'attaque à celle de Siegfried (Siegfried).
1864 : Encouragé par Louis II de Bavière, il se remet à la composition de Siegfried.
1869 : Se remet aux actes II et III de Siegfried. Naissance de son fils Siegfried. Création de l'Or du Rhin à Munich, mais contre sa volonté. Wagner entame la composition du quatrième volet de la Tétralogie, le Crépuscule des Dieux (Götterdämmerung).
1870 : La Walkyrie est créée à Munich, sans son consentement. Il écrit la Siegfried-Idyll.
1871 : A Bayreuth, Wagner décide d'y édifier son Festspielhaus (pose de la première pierre en 1872).
1874 : Wagner achève la partition du Crépuscule des Dieux.
1876 : Le Festpielhaus est inauguré par trois représentations intégrales de la Tétralogie.
 
richard wagner wagner - oeuvres

Richard Wagner (Leipzig, 22 mai 1813-Venise, 13 février 1883) comptait 35 printemps lorsqu'il s'attaqua à l'écriture de sa Tétralogie; il ne devait l'achever qu'à 61 ans. L'œuvre de toute une vie, que l'artiste avait voulu être un «spectacle total», et qui fut une véritable révolution du théâtre lyrique. (Bologne Liceo Musicale - photo : Scala). A droite : traduction française des commentaires de ses opéras par leur auteur : Richard Wagner, Mes Œuvres, Corréa éd., 1941

D. Autres sources

Un document du début du Ve siècle, la loi Gombette, a conservé les noms des anciens rois burgondes : ce sont, à peu de chose près, ceux qu'on trouve dans la Chanson des Nibelungen et dans les textes scandinaves.

Outre l'Ancienne Edda et la Chanson des Nibelungs précités, la principale source est, assurément, la Völsungasaga - que, n'étant pas spécialiste, l'auteur de ce dossier ne connaît que par des «sources obliques (21)» et n'a pas eu l'occasion de la consulter en traduction (22).

La Thidrekssaga (ou Saga de Théodoric de Vérone) est une compilation norvégienne, composée circa 1260, dont l'auteur, selon ses propres dires, s'est ingénié à grouper autour d'un personnage central historique, Dietrich von Bern (23) différents héros dont Sigurd, Iron et Gautier d'Aquitaine.

On en trouvera les références bibliographiques en fin de dossier.


NOTES :

(1) «Nuit et brouillard, / semblable à personne», formule magique murmurée par Alberich se coiffant du heaume qui le rend invisible (R. WAGNER, L'Or du Rhin, sc. 3). - Retour texte

(2) Sa séquelle Ercole e la Regina di Lidia (1959), recevra le numéro de visa de censure 2.001. - Retour texte

(3) Au 1er Acte, sc. 1 du Siegfried de Wagner, il les étrangle. - Retour texte

(4) Siegfried a tué les frères Schilbung et Nibelung. Chez Wagner et dans le film de Gentilomo, il tue seulement le fourbe Mime, qui ne l'a élevé que pour le trahir. - Retour texte

(5) La Chanson des Nibelungs (traduite du moyen haut allemand, présentée et annotée par Jean AMSLER), Fayard, 1992, p. 8. - Retour texte

(6) R. Wagner s'est également inspiré d'œuvres telles que la tragédie en sept actes d'Hans SACHS, Siegfried à la peau de corne (1557). - Retour texte

(7) La Saga de Théodoric de Vérone (traduite du norrois par Claude Lecouteux), Paris, Honoré Champion éd., 2001. - Retour texte

(8) Dans les Eddas islandaises, la princesse des Giukungs (Burgondes) se nomme Gudrun (Kriemhilde) et sa mère est Griemhild (Ute, dans la version allemande du XIIe s.).
Dans la Tétralogie de Wagner, c'est Hagen qui remet le philtre à Krimhilde. - Retour texte

(9) Lucien MUSSET, Les invasions. Les vagues germaniques, P.U.F., coll. «Nouvelle Clio», 1965, p. 112, note 1. - Retour texte

(10) Dietrich de Bern, c'est-à-dire le roi Ostrogoth Théodoric de Vérone, Théodoric le Grand «exilé à la cour d'Attila», qui règnera sur l'Italie de 474 à 526 - syncrétisme des poètes... - Retour texte

(11) Encyclopædia Universalis (c) 1995. - Retour texte

(12) Jacques BENOIST-MÉCHIN, Frédéric de Hohenstauffen ou le rêve excommunié (1194-1250). - Retour texte

(13) ... qu'il récupéra sans effusion de sang en signant avec le sultan Al-Khamil le traité de Jaffa (18 février 1229). - Retour texte

(14) R. WAGNER, Mes Œeuvres, Corréa éd., 1941, p. 234. - Retour texte

(15) E. Schuré, Souvenirs sur Richard Wagner, cité par A. CŒUROY, Wagner et l'esprit romantique, Gallimard-NRF, 1965, pp. 243-244. - Retour texte

(16) Wölfing. Jeu de mot avec Wälse; Siegmund est un Wälsung (Vœlsung). - Retour texte

(17) Ce passage a suscité les commentaires de K. Marx et F. Engels. Selon Engels (1884), le premier stade d'organisation familiale est la «famille consanguine», où «les groupes conjugaux sont séparés suivant les générations : dans les limites de la famille, tous les grands-pères et les grand-mères sont entre eux maris et femmes; de même leurs enfants, autrement dit les pères et les mères dont les enfants, à leur tour, formeront un troisième cercle d'époux communs, et les enfants des enfants, autrement dit les arrière-petits-enfants des premiers, formeront le quatrième cercle. Dans cette forme de famille, les droits et les devoirs (dirions-nous) du mariage sont donc exclus seulement entre ascendants et descendants, parents et enfants. Les frères et les sœurs, les cousins et les cousines du premier, du second et des autres degrés sont tous entre eux frères et sœurs, et c'est justement pourquoi ils sont tous maris et femmes les uns des autres. Le rapport de frère et sœur inclut tout naturellement, à cette période, l'exercice du commerce sexuel entre eux.» Et de préciser en note :
«Dans une lettre écrite au début de 1882, Marx s'exprime dans les termes les plus virulents au sujet du texte des Nibelungen de Wagner, qui falsifie complètement les temps primitifs. «A-t-on jamais ouï que le frère embrassât la sœur comme son épousée ?» A ces dieux de luxure wagnériens qui, d'une façon toute moderne, donnent par un brin d'inceste plus de piquant à leurs intrigues amoureuses, Marx répond : «Dans les temps primitifs, la sœur était la femme, et c'était moral.» [...] Un de mes amis français, admirateur de Wagner, n'est pas d'accord avec cette note et fait observer que déjà dans l'antique Edda sur laquelle s'appuie Wagner, Loki, dans Œgisdrecka, fait à Freia ce reproche : «Devant les dieux, tu embrassas ton propre frère.» Le mariage entre frère et sœur aurait donc été déjà proscrit à cette époque. L'Œgitdrecka est l'expression d'une période où la foi dans les anciens mythes était complètement brisée; c'est une pure satire contre les dieux, à la manière de Lucien. Si Loki, jouant le rôle d'un Méphisto, y fait à Freia semblable reproche, c'est plutôt un argument contre Wagner. Quelques vers plus loin, Loki, s'adressant à Niördhr, dit encore : «C'est avec ta sœur que tu as engendré un (tel) fils (vidh systur thinni gastu slikan môg).» Niördhr n'est pas un Ase, mais un Vane, et dit dans la Ynglinga Saga que les mariages entre frères et sœurs étaient d'usage en Vanaland, ce qui n'était pas le cas chez les Ases. Ceci indiquerait que les Vanes seraient des dieux plus anciens que les Ases. En tout cas, Niördhr vit parmi les Ases, sur un pied d'égalité, et l'Œgisdrecka est plutôt une preuve qu'au temps de la formation des légendes norvégiennes sur les dieux, le mariage entre frère et sœur, du moins chez les dieux, ne provoquait encore nulle horreur.» (Source : Bibliothèque de sciences sociales de l'Université de Québec.) - Retour texte

(18) Il le sera par le christianisme. - Retour texte

(19) Dans La Walkyrie c'était l'inverse : la lance de Wotan brisait Notung. - Retour texte

(20) Rappelons que dans la version wagnérienne, Siegfried ne s'est point baigné dans le sang de Fafner, mais a reçu les enchantements de Brünnhilde. - Retour texte

(21)Cf. H. JEANMAIRE, Couroï et Courète, Univ. Lille, 1939, pp. 556-558; E. HAMILTON, Mythologie, Marabout Université, pp. 379-380; Cl. LECOUTEUX, Dict. Mythol. germanique, p. 211, s.v. «Svanhildr». - Retour texte

(22) Il en existe une traduction française dans Regis BOYER, La saga de Sigurd ou la parole donnée, Paris, 1989, pp. 187-280. - Retour texte

(23) A l'origine : le personnage de Théodoric le Grand (ca 455-526; roi d'Italie en 474), le grand roi ostrogoth. La Chanson des Nibelungs en a fait un vassal d'Attila, quoiqu'il lui soit nettement postérieur... - Retour texte