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Spartacus : Blood and Sand
(13 ép. TV - prod. Starz)
(R. Jacobson, M. Hurst, J. Warn etc.,
EU - 2010)

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Spartacus : Blood and Sand

1. En guise d'introduction...

2. Starz Entertainement : le retour de Spartacus

3. Sexe et violence

3.1. Sexe

3.2. Femmes «en péplums»

Sur cette page :

3.3. Violence

3.3.1. De la retenue...
3.3.2. ... à la complaisance assumée
3.3.3. «Histoire d'O» chez les gay ?

Pages suivantes :

3.4. Gladiateurs

4. Conclusions

5. Internet

6. Filmographie

 

3.3. Violence

Ce serait un euphémisme de dire que Spartacus : Blood and Sand est un opéra de sexe et de violence. Comme il est généralement d'usage dans les séries, différents réalisateurs et scénaristes se sont relayés d'un épisode à l'autre, auxquels ils ont imprimé leur personnalité propre. On note cependant une grande différence entre le premier et le second épisode, bien qu'ils soient tous deux signés par le même tandem (Rick Jacobson, réalisateur, et Steven S. DeKnight, scénariste). Or le premier épisode, en manière de prologue et avant que de plonger le téléspectateur dans l'univers romain du ludus et de l'amphithéâtre, est aux deux tiers consacré à la Thrace et réfère explicitement à l'univers de 300.

spartacus en thrace

Comme dans un millefeuille, les scènes coquines alternent avec de nombreuses séquences de combat où, en effets appuyés, gicle en longs jets le sang numérique avec des ralentis systématiques qui ont agacé plus d'un spectateur (heureusement, Rick Jacobson se calmera un peu dans l'épisode suivant !). A un certain moment, Spartacus reçoit un coup de manche de hache dans le dos : éclate alors une gerbe de sang qui envahit tout l'écran, tel un fondu au noir (au rouge, en l'occurrence). Voilà un close-up qui fait irrésistiblement songer à certains effets graphiques de la bande-dessinée. Figée sur le papier, l'image est en quelque sorte devenue cinétique, à la croisée de deux langages - celui des septième et neuvième arts, la série se réclamant esthétiquement et techniquement de 300. 300 qui était, rappelons-le, une transposition cinématographique par Zack Snyder d'un «roman graphique» (bref d'un comic book) de Frank Miller. On reverra des close-up de ce genre dans divers autres épisodes.

spartacus

Fondu «au rouge» (ép. 1)

 
spartacus arenes
 
spartacus arenes
 
spartacus peristyle

Tourné en studio devant des écrans bleus et à grand renfort d'effets virtuels, les décors sont minimalistes : une maquette d'amphithéâtre vue du ciel, une autre d'une villa à impluvium (censée être la caserne des gladiateurs). Et, question décors, un atrium et quelques cachots ou ergastules, et bien sûr des thermes où nos gladiateurs peuvent tomber le pagne. Enfin la cour du ludus.
Qu'il fasse la guerre quasi nu dans la neige du mont Hæmus (clin d'œil à la scène avec le loup, dans 300), ou qu'il subisse le rude entraînement des gladiateurs, Spartacus - bâti à sable et à chaux - semble témoigner d'une solide constitution. Et aussi d'une solide dentition, car il n'arrête pas de se prendre des coups sur la bouche et de cracher de longs jets de sang virtuel - sans que celle-ci soit altérée.

ilithyia au ludus

Initiée par la femme de Batiatus, son amie la jeune Ilithyia (un nom grec, celui de la déesse de l'enfantement, inusuel pour une patricienne romaine) contemple le ludus et le vivier de mâles à sa disposition... Au passage, notons le décor minimaliste

3.3.1. De la retenue...
Cette esthétisation de la violence visuelle est d'autant plus intéressante que cet hiver 2009-2010 s'est signalé à l'attention des cinéphiles par la sortie presque simultanée de la série TV Spartacus (USA, 22 janvier) avec Agora d'Alejandro Amenabar (France, 6 janvier).
Rien de plus différentes dans leur propos et dans leur esthétique que ces deux productions, même si leur objectif à toutes les deux semble être de vouloir démontrer la barbarie de l'Humanité - l'une avec complaisance, l'autre avec retenue. Voici une quinzaine d'années, Alejandro Amenabar sortait son premier film de réalisateur, Thesis (Tesis, 1996). La «thèse» en question était celle que préparait une étudiante en communication, Angela (Ana Torrent), sur la représentation de la violence dans les médias audio-visuels. Pour se documenter, elle rencontrait un condisciple fan de vidéos gore ou pornographiques, Chema (Fele Martinez). Elle allait ainsi débusquer dans sa propre université un réseau de criminels tournant des snuff-movies.

L'un de ceux-ci, un professeur, n'hésitait point de proclamer devant son amphi : «Le cinéma est avant tout une industrie. Pour contrer l'hégémonie d'Hollywood, l'Espagne doit tourner des films correspondant à l'attente du public, lui offrir ce qu'il désire voir...» (On croirait entendre un fan de Jess Franco, lequel affirmait volontiers : «Je préfère filmer n'importe quoi, plutôt que de ne rien filmer du tout !»). Tesis était la réflexion d'un cinéaste sur son métier, sur la carrière qui s'offrait à lui, jeune diplômé. C'est donc ainsi qu'Angela, tournant la tête avec dégoût, et Chema, fasciné et horrifié en même temps, découvraient dans une cassette snuff les derniers instants d'une ancienne condisciple mystérieusement disparue deux ans auparavant. La jeune fille se faisait tabasser, puis exécuter d'une balle dans la tête, et ensuite découper telle une vulgaire pièce de boucherie au terme d'un long plan-séquence. Toutefois, Amenabar préférait filmer les réactions des spectateurs plutôt que de nous faire profiter des images que ceux-ci regardaient - seulement suggérées dans la bande-son, par les cris et supplications de la victime implorant son bourreau. Treize ans plus tard, dans Agora, Amenabar éludait pareillement les abominations contenues dans son scénario : le moine Ammonios torturé à mort pour avoir attenté à la vie du préfet romain (1), le lynchage de la philosophe Hypatie dépecée vivante (2).

3.3.2. ... à la complaisance assumée
Il est clair que les producteurs de Spartacus ne partagent pas cet avis et seraient plutôt d'accord avec le précité professeur de fac interprété par Xabier Elorriaga, qui enseignait à ses élèves qu'il leur fallait donner du spectacle aux spectateurs ! Après tout, n'était-ce pas là le but même des affrontements entre gladiateurs : donner au public le spectacle de la mise à mort violente d'êtres humains ? Du sang jaillissant à gros bouillon d'une jugulaire tranchée ! Le cinéma, et c'est sa spécificité, est là pour nous donner à voir. Et les spectateurs ou téléspectateurs sont des voyeurs. Ceci étant confessé, ne boudons pas notre plaisir - délectons-nous plutôt !

execution prisonnier

D'un revers de son glaive, un gladiateur égorge ce prisonnier de guerre thrace, camarade de Spartacus, dont l'exécution est offerte aux regards des habitants de Capoue par le légat Claudius Glaber, un bien brave homme toujours soucieux de donner à ses compatriotes des spectacles amusants. A moins que ce ne fusse tout simplement un sacrifice humain pour remercier les dieux de lui avoir donné la victoire, ou plus prosaïquement encore obtenir de la pluie (ép. 1) ?

 

gladiateurs morts

De cette poignée de prisonniers thraces exécutés, seul Spartacus a survécu, et contre toute attente ! Images sinistres évoquant les charniers du IIIe Reich et quelques autres tout autant réjouissants. A noter que, prédisposée bien sûr aux détails sordides, la série respecte parfaitement la technique romaine de l'évacuation des déchets humains : le croc du boucher fiché dans les corps traînés sur le sable... (ép. 1 & ép. 4)

On l'a compris, le Spartacus TV de chez Starz est porté à la complaisance, voire à la surenchère. Mais une complaisance fort heureusement nuancée par une totale maîtrise de la syntaxe cinématographique. Dans un téléfilm de 52', on ne peut se permettre de s'attarder plus qu'il n'est utile : nous ne sommes plus dans les languissants Feux de l'Amour, mais dans l'hyperactif Spartacus ! Le montage est serré.

Les vertus cathartiques de la violence à l'écran ne sont plus à démontrer. Certes, elle peut être malsaine comme dans Orange mécanique; mais elle est particulièrement réjouissante quand - à la fin d'un film - Maciste, Bruce Lee ou Robin-des-Bois règle son compte au tyran de service. Loin d'être stupide, la violence est, parfois, rafraîchissante. Par exemple, l'idée chère à nos grands-parents d'une «bonne guerre, fraîche et joyeuse» méritait d'être écornée par des images bien glauques des tranchées de 14-18 comme l'a fait le réalisateur d'Un long dimanche de fiançailles... La violence-bonbon-rose a quelque chose de bien plus révoltant que - par exemple - celle de La Passion du Christ filmée par Mel Gibson. Les petits cartons enluminés d'images aussi pieuses que pastel, glissées dans vos missels de communiants, exaltent l'image rassurante d'un Christ en Gloire. Un Agneau de Dieu, redondant du dessert pascal en crème glacée garnie de Chantilly; pas un méchoui, pas de la chair écorchée, mise à vif !
Dans sa chair suppliciée, son ascension vers le septième ciel le Crucifié, pourtant, a dû la vivre plutôt comme un méchoui... «Père, éloigne de moi ce calice», indique assez qu'Il savait à quoi s'attendre. Aussi n'est-ce pas un hasard si les premiers chrétiens attendirent près de trois siècles - soit de temps que s'impose le christianisme - avant d'oser adopter la Croix pour signe de ralliement. Cette Croix, symbole de torture et de honte, de sang et de larmes. Cette Croix sur laquelle, d'ailleurs, finiront Spartacus et 6.000 de ses camarades.
Sans partager les convictions intégristes de Mel Gibson, nous le féliciterions à double titre - philosophique et archéologique. Philosophiquement parlant, pour avoir appelé un chat, «un chat» quand la plupart des innombrables versions de la Passion du Christ glissent rapidement sur les sévices quand ils ne sont carrément éludés. Archéologiquement parlant, pour avoir rappelé au bon peuple baba-cool ce qu'était exactement une crucifixion romaine (avec un poil d'exagération sur l'hémoglobine, c'est probable [3], mais soit !).

spartacus - andy whitfield

Non, ce n'est pas le Christ gibsonien Jim Caviezel sous ses croûtes de sang coagulé, mais Spartacus-Andy Whitfield au sortir de l'amphithéâtre...

3.3.3. «Histoire d'O» chez les gay ?
A part le fait qu'il était «involontaire», le séjour de Spartacus dans le ludus de Batiatus n'est pas sans rappeler celui de l'héroïne de Pauline Réage dans ce couvent-bordel (4) sado-maso de Roissy.

Je veux des hommes qui ne connaissent que l'enfer
Que la peur fait rire, que les coups font rugir
(...)
Des hommes qui s'entêtent à seulement subsister
Je veux des hommes qui relèvent la tête quand on les fait ramper

Maxime LE FORESTIER (Chant de Batiatus) (5)

D'humiliations en tortures, Spartacus finit par offrir sa soumission au dominus, à la suite de quoi il sera, sur l'avant-bras, marqué au fer rouge du «B» de Batiatus. Une vraie récompense, une marque qualifiante (ép. 2. Sacramentum Gladiatorum [6]) !

spartacus - thermes

Aux thermes, le Gaulois Crixus fait monter l'adrénaline aux téléspectateurs invertis. Cette scène de l'épisode 2 a pas mal fait fantasmer sur la Toile...
Autrement mieux monté que son compatriote Crixus, Ségovax - qui le montrait partout - se le fera couper avant d'être crucifié. On t'avait prévenu Ségovax, que si tu montrais ton zizi à tout le monde... (ép. 8)

Diversement segmenté, le public des péplums n'attire pas que des cinéphiles ou des amateurs d'Antiquité : la vision d'athlètes ou de body-builders au torse dénudé a de tout temps séduit le lobby des gay. Certain site gay s'est délecté des images de Spartacus : Blood and Sand, notamment de la nudité intégrale de Manu Bennett, dans le rôle de Crixus (photo ci-dessus). Rob Tapert évoquera des jalousies sur le plateau, lors du tournage de ce genre de scène : «Certains garçons n'étant pas aussi bien membrés que d'autres, il a fallu créer ce qu'on a appelé le Kirk Douglas, une prothèse que certains acteurs ont portée pour se sentir plus à l'aise.» Icône gay notoire, Spartacus se prêtait à ce genre de sous-entendu comme le rappelait incidemment Leslie Nielsen, dans une de ses comédies (7). S'étant égaré dans une banque du sperme, le flic gaffeur se voyait offrir une cassette X pour... l'inspiration. Puis, remettant son petit dépôt à l'infirmière, déclarait effrontément : «J'ai aimé la scène à la mitraillette... Vous n'auriez pas Spartacus, des fois ?»

spartacus gay spartacus gay

«Spartacus», une icône gay

Je veux des hommes lavés à l'eau de source
Des étalons de course
Désirables, excitants jusqu'au bout de la mort
Du piment dans le lit des clientes

Maxime LE FORESTIER (Ibidem)

... les paroles de Maxime Le Forestier pour le spectacle d'Elie Chouraqui auraient parfaitement convenu à la version Starz, qui a le mérite - par rapport aux précédentes versions filmiques (8) -, de rétablir la proximité sémantique du lanista et du leno, l'un et l'autre trafiquants de chair humaine : l'un en tant que pourvoyeur de gladiateurs, l'autre comme pourvoyeur de femmes (marchand d'esclaves ou proxénète). Au cours d'une petite sauterie organisée pour ses amis, les patriciennes peuvent sans vergogne palper la musculature, toucher les cicatrices des brutes; et même admirer leur virile vigueur lorsque Varro est désigné pour - devant elles - besogner une esclave parfaitement indifférente (ép. 3). Aussi bien la matrone Lucretia ne se privera pas de recourir aux talents de Crixus, le champion de son mari.

ilithyia et crixus

«Des mains bestiales se posent sur moi», roucoule la patricienne Ilithyia... (ép. 10)

Au juste, il nous semble que la série contentera les dames aussi bien que les messieurs, toutes orientations confondues. Il y en a pour tous les goûts car tout le monde se retrouve à poil à l'un ou l'autre moment; ce qui nous permet de découvrir les charmes privés de Lucy Lawless, que celle-ci s'était bien gardée de dévoiler dans Xena.

Suite…
 

NOTES :

(1) L'anecdote est, dans le film, résumée par un simple plan où l'on voit ses correligionnaires emporter sur une charrette son corps ensanglanté. Plus tard, le massacre des Juifs d'Alexandrie se résumera à l'image de quelques cadavres empilés, dont un est décapité. - Retour texte

(2) Petite entorse à nos sources historiques : pendant que les parabalanai cherchent des pierres pour la lapider, un de ses bourreaux - l'esclave Davus, secrètement amoureux de son ancienne maîtresse - charitablement la poignarde afin de lui éviter la longue agonie qu'on lui prépare. Les sévices qu'endure ensuite le corps d'Hypatie sont évoqués en voix off. - Retour texte

(3) Rien que pour la flagellation, Jim Caviezel a perdu plus de sang que son corps n'aurait pu en contenir; suffisamment pour faire du boudin (prévoyant sans doute d'en faire des scapulaires, sa mère Marie et Marie-Madeleine l'épongent comme elles peuvent avec leur manteau qui n'y suffisent pas). - Retour texte

(4) En fait, Pauline Réage [= Dominique Aury] décrivait en l'accentuant sans doute, l'univers des maisons closes avant leur interdiction par la Loi Marthe Richard, en 1946. - Retour texte

(5) Gladiateur. Il rêvait d'être libre (Elie Chouraqui, 2004). - Retour texte

(6) Contrairement à ce que nous avons pu lire sur un forum, il n'y a pas de faute dans le latin du titre : le sacramentum est le serment prêté par les militaires à leur chef. Bien que les gladiateurs soient des êtres vils, nous ne voyons rien a priori qui puisse empêcher un sacramentum gladiatorum («serment des gladiateurs»). - Retour texte

(7) Y a-t-il un flic pour sauver Hollywood / Naked Gun 33 1/3 (Peter Segal, 1994). - Retour texte

(8) Dans Gladiator toutefois, Lucilla vient retrouver Maximus dans son cachot, telle une de ces patriciennes désireuses de s'encanailler entre les bras d'une vedette de l'amphithéâtre. Très différent était le Spartacus de Kubrick (dont s'inspire la comédie musicale de Chouraqui), où le laniste soucieux de préserver le moral de ses troupes livrait ses servantes à la concupiscence de ses gladiateurs. Ce qui est très différent de ce qui se passe avec des patriciennes encanaillées, dans le genre de cette Eppia dont nous parle Juvénal (JUV., Sat., VI, 82-112). - Retour texte