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Tarek & Vincent Pompetti
La Guerre des Gaules
(Tartamudo éd., février 2012)

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CONCOURS - 10 albums à gagner

date de clôture du concours : 5 septembre 2012
 

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L'adaptation

La documentation archéologique

Le scénario historique

Quelques personnages

Sur cette page :

INTERVIEW DE TAREK & VINCENT POMPETTI

APPENDICE : À PROPOS DE MARC ANTOINE

LE CONCOURS : DIX ALBUMS À GAGNER


Ce concours a été clôturé le 5 Sptembre 2012

 

INTERVIEW DE TAREK & VINCENT POMPETTI

DOCUFICTION

Je suis émerveillé par le sérieux de votre documentation, parfaitement restituée.
VINCENT POMPETTI : Je suis depuis très longtemps - en tant que passionné - les progrès et mise à niveau de ce qu'on appelle l'«archéologie expérimentale» ou les «troupes de reconstitution», qui essayent de rentrer et de comprendre la logique des armes ou du vécu de l'époque. Les débats parfois houleux sur la couleur des tuniques ou l'utilisation de types de casques durant la Guerre des Gaules ou la Guerre civile ne m'ont pas échappé. Certains parlent de «Coolus» sans protèges-joues pour les légionnaires, d'autres placent les «Montefortino» jusque durant la Guerre civile.

Sincèrement, j'aurais pu rester au plus près de la norme officielle, mais je ne l'ai pas fait à la lettre, et voici pourquoi : nous parlons d'une époque très reculée, dont on ne découvre que des bribes, et même si il faut louer le travail des archéologues et historiens, nous ne sommes qu'à un temps de l'Histoire.
Je trouve quelque peu aliénant, voire d'un orgueil timide, que de s'empêcher ou de brider la création artistique pour obéir à des points de vues parfois contradictoires et momentanés. Il suffit de voir la «guerre» entre les deux sites se réclamant d'Alésia.

Ce qui compte pour moi c'est le fond, le parfum donné aux gens, et pour rester dans ce vaste sujet des costumes, cela a déjà été tout un problème que de faire accepter l'idée que les Gaulois n'étaient pas des demi-sauvages, et que les Romains n'étaient pas non plus des braves philosophes coloniaux avec des casques gréco-romains de fantaisie. Les clichés ont la vie dure, et même si la réhabilitation des Gaulois et Celtes me semble gagnée d'avance, j'ai donc parfois fait abstraction de «l'authenticité» de certains casques ou costumes, pour que les non-initiés puissent effectivement voir quelque chose de nouveau, dépaysant et réaliste à la fois.

legionnaires romains

Types de cimiers de casques des légionnaires romains. Les casques sommés de trois plumes noires (ou rouges) sont décrits par Polybe (POL., Hist. gén., VI, 6. 23). Le type «queue de cheval» est attesté sur l'Autel d'Ahenobarbus etc. (V. POMPETTI, La Guerre des Gaules)

J'ai donc pris «large», en prenant parfois des casques d'avant, et même d'un peu après la Guerre des Gaules. On sait qu'il y avait de la récupération, que c'était hétéroclite, ou que les Germains devaient forcément avoir un équipement au niveau. J'ai donc pris et assumé une liberté artistique, comme un musicien folk mélangerait des arrangements modernes, anciens, avec mon feeling d'Italien passionné et de «Celte» d'esprit. Je ne saurais expliquer pourquoi je me sens très proche des Vikings, Celtes, fjords et autres forêts de sapins, et c'est d'ailleurs - depuis longtemps - l'objet de plaisanterie avec Tarek. J'ai dû être Nordique dans une autre incarnation !

Où vous situez-vous par rapport au film décrié de Jacques Dorfmann, Vercingétorix. J'ai aimé les habitations gauloises dessinées par Vincent; et elles me rappellent le film. Il y avait au moins ceci de bon dans Vercingétorix : la restitution de l'habitat gaulois, loin du cliché des huttes d'Astérix..
TAREK : Concernant ce film, je dirais tout simplement : «Dommage !»... Pourtant, à cette époque, des films historiques ont été tournés avec les mêmes moyens et un résultat bien meilleur à tous les niveaux. Malheureusement, les bonnes choses dans ce film sont passées aux oubliettes à cause du reste «très moyen». Et en plus je suis bon public pour tout ce qui est Peplum...

tarek, vincent pompetti

Tarek et Vincent Pompetti en dédicaces à «Archéo-culte», au Forum de Bavay, samedi 30 juin 2012 (phot. MCW)

VINCENT POMPETTI : Pour être honnête, je n'ai pas pu voir jusqu'au bout le film Vercingétorix de Dorfmann; je ne suis pas un taliban de l'archéologie, mais cela ne passe pas : les coiffures, les Romains avec les armures ne sont pas très... comment dire ?
Je marche plus dans Rome ou même Gladiator qui ont des choses inexactes, des «américanismes», mais sont fédérateurs et vulgarisateurs dans le noble sens du terme.

habitations gauloises, fermes gauloises

De la reconstitution des maisons gauloise (à droite de l'image, à colombages). Et pour les aménagements intérieurs, c'est plus problématique encore. «Les postulats des différents archéologues sur des mêmes données sont parfois contradictoires. Il a fallu trancher, prendre une option par rapport à une autre. Pour reprendre l'exemple de la maison gauloise, je sais que notre choix de mettre des poutres horizontales entre les poteaux verticaux a généré quelques débats.
Pour l'organisation intérieure, c'est vrai que l'archéologie ne donne aucun élément. L'inspiration peut alors venir d'ailleurs. Pour dessiner l'intérieur de la maison, je suis parti d'une maison japonaise aperçue dans les
Sept Samouraïs de Kurosawa. D'autres parallèles peuvent palier le manque d'informations archéologiques, comme des joutes équestres d'Indonésie ou des détails de la société tribale yéménite. Effectivement, je suis parfois contraint de compléter les informations manquantes, j'essaie alors de le faire par des choses qui ne contredisent pas les sources et qui restent 'archéo-compatibles'», déclarera L. Libessart à Christophe Hugot en mars 2011

On ne peut pas aller plus vite que la musique : la connaissance sert à être partagée et donnée, non imposée sans être demandée. Nous nous situons donc dans cette veine, un peu comme Homo sapiens dans un autre genre. Nous ne sommes qu'à un moment de l'Histoire : en 2060, l'archéologie critiquera peut-être l'approche des années 2000, on est les témoins et les messagers de notre temps, en cherchant à donner un parfum de passionnés, libre et parfois subjectif.
Et puis l'Antiquité, c'est le paganisme, c'est-à-dire une vision différente de la nôtre qui est jusqu'à présent très compartimentée, alors que les païens célébraient la vie sous toutes ses formes et sans trop de jugement. Nous avons voulu restituer un peu ce ton-là.

Pour ce qui est de l'architecture gauloise, j'ai surtout amassé la documentation depuis longtemps, que ce soit les Osprey de Angus McBride, Peter Connolly, les documentaires de la BBC entre autres, et puis suivi le travail de reconstitution sur Internet et sur le terrain en tant que spectateur. Cela ne vient donc pas du film Vercingétorix.

Vous connaissez sûrement Le Casque d'Agris et ses auteurs, Silvio Luccisano et Laurent Libessart...
VINCENT POMPETTI : Oui, nous connaissons bien Silvio et Laurent : on a beaucoup échangé sur le feeling et la liberté d'interprétation avec Laurent, qui est quelqu'un de chouette et hyperactif.
Nous avions depuis longtemps le projet de faire La Guerre des Gaules de cette façon, c'est-à-dire une sorte de «docu-fiction» avec un message qui se dégage par la portée géopolitique, universelle et moderne. De même, il nous tenait à cœur d'investir dans la réinterprétation des costumes et des équipements et, enfin, de suggérer un monde celtique évolué pour éveiller la curiosité des lecteurs et contribuer un peu à dépasser les clichés «péplum».

TAREK : Oui et oui ! J'ai même failli bosser avec Laurent, il y a des années déjà... Pour tout dire, j'apprécie beaucoup Laurent, Silvio (que je connais moins) et Laurent Sieurac (19) qui ont choisi comme nous de s'attaquer à la BD historique d'une manière plus moderne en tenant compte des avancées archéologiques et historiques...
J'ai visité une grande partie du monde romain (Tunisie, Algérie, Syrie, Jordanie, Turquie, Liban, Crète, Italie, Angleterre, France, Espagne, Suisse...) - et ce depuis l'âge de 7 ans ! Cet album est, me semble-t-il, mon soixantième mais c'est le seul que je porte depuis des années.
Vincent a bien expliqué l'envie de faire un docu-fiction et une non une adaptation littérale qui aurait peut-être plu à quelques puristes et éloigné la grande masse des lecteurs que nous voulions toucher : il est temps de faire évoluer la BD dans une dynamique positive et d'excellence. D'autres auteurs participent à cet élan et j'en suis comblé !

Concernant le graphisme, je suis peintre et photographe depuis plus de 25 ans (j'ai commencé jeune) et j'ai toujours été attiré par des dessins proches de la peinture, avec une âme et une personnalité, plus que par des dessins qui de prime abord peuvent plaire parce que «beau» mais maniérés, sans âme et avec des fioritures pour faire beau.
Enfin, je pense que le 9e art doit «grandir» un peu et affirmer plus que jamais sa part artistique. C'est encore loin d'être le cas mais, avec la crise actuelle, de nombreux auteurs se disent à quoi bon subir des politiques éditoriales et graphiques qui les empêchent de s'épanouir en tant qu'artiste/artisan du dessin. Donc c'est une complicité artistique et un choix qui correspond à ma manière de voir ce récit.

MARC ANTOINE

Pourquoi avoir fait d'Éponine l'«espionne de Marc Antoine» plutôt que de Labienus, un officier plein de talent et de ressources lui aussi...

TAREK : Je suis d'accord avec vous, mais là encore c'est une adaptation libre et Marc Antoine a le profil psychologique pour être cet homme tandis que Labienus - malgré ses qualités indéniables - ne me paraissait pas assez connu du grand public pour créer une tension dramatique...
Marc Antoine est certainement, avec César et Vercingétorix, le personnage le plus marquant de cette période (dans l'imaginaire des gens)...

Je vous concède que personne ne s'est jamais offusqué des libertés prises avec l'Histoire par les librettistes d'opéra. Pourquoi la BD et le cinéma ne bénéficieraient-ils pas de la même licence ?
D'un autre côté, je ne risque pas de gagner un quiz si je vais répéter - après avoir lu votre album -, que Marc Antoine était aux côtés de César dès les premiers combats de la Guerre des Gaules...

VINCENT POMPETTI : Nous avons fait une entorse, un peu comme Gladiator qui invente la relation entre Commode et Marc Aurèle (20). Sincèrement, je ne suis pas choqué par ce genre de chose. Il faut voir une œuvre pour ce qu'elle vise, toujours, quelle que soit sa portée. Gladiator visait à populariser de façon vigoureuse, puissante et épique un genre moribond, et je trouve cela réussi, de même que la petite réflexion, peut-être légère ou anachronique, mais qui a sa pertinence pour le plus grand nombre.
Je trouve toujours un peu triste de penser qu'une erreur historique est une sorte de tragédie irréversible, surtout s'il s'agit d'une volonté suggestive. Les gens qui ont écrit Gladiator savaient la fantaisie de leur point de vue. C'est un roman libre.

Nous avons conscience d'avoir pris quelques risques en faisant un exercice d'équilibriste, et que le lecteur classique BD peut être déconcerté de prime abord, et que le milieu archéologique peut tiquer également sur certaines choses. Mais pour nous, la clé de voûte, c'est la vie, la souplesse, la magie et l'intuition. Personnellement je vibre plus à dessiner un «Montefortino» à trois plumes, et à extraire une vision, que d'obéir scolairement à des théories qui sont toujours remises en cause de toute façon. Nous n'en sortons pas. Si le lecteur accepte et prend le temps de rentrer dans notre logique, il ne sera peut-être pas déçu, car c'est le centre et la voie du milieu que nous cherchons, pas la tiédeur ni les extrêmes. A ce titre, il y a hélas des excès quant à une vision exaltée voire très à droite des Gaulois, tout comme à une époque, la fascination de la culture romaine. Il y a du vrai et du bon dans tout, et un des avantages des époques lointaines, c'est de pouvoir prendre du recul, laisser mûrir et revenir sur les faits.

LA FICTION DANS L'HISTOIRE

La présentation des personnages en fin d'album anticipe souvent des événements qui sans doute n'arriveront que dans le tome 2. Des personnages comme Gutuater ne sont pas toujours clairement introduits.
TAREK : Un ami auteur franco-irlandais m'a dit un jour que j'avais une écriture et une manière d'aborder mes histoires très anglo-saxonnes. Je pense que cela répond en partie à vos questionnements. Ce sont des choix d'auteur que j'assume depuis mon premier album BD historique (Sir Arthur Benton) et surtout je considère que je dois être honnête avec moi-même et donc aller au bout de ma pensée.
En disant cela, je ne dénigre pas les autres manières de raconter une histoire, mais j'ai souvent remarqué qu'en sortant des sentiers battus on était plus attaqué (même avec un excellent album qui finit par devenir une référence en la matière comme c'est le cas de Sir Arthur Benton)...

J'ai deux cultures très différentes, qui font ce que je suis, et si j'en suis arrivé à voir et retranscrire le monde comme peut le faire un anglo-saxon, c'est peut-être le résultat de cette cohabitation entre ma culture française et arabe...
Je suis devenu pragmatique par la force des choses. Pour l'anecdote, j'ai écrit un scénario pour la TV aux Etats-Unis, plus précisément le «pilote» de la série, parce qu'un producteur francophone ayant lu Sir Arthur Benton pensait que j'étais l'homme de la situation... Tout cela pour dire, que cette collaboration outre-Atlantique a confirmé les propos de mon ami.
J'espère avoir répondu à vos questionnements. Pour finir, la partie fictive est partout présente et n'est à aucun moment au centre du récit. Dans le second volet, les personnages fictifs (la plupart sont Gaulois) seront en effet plus présents car nous aurons le plus souvent le point de vue de Vercingétorix.

Vincent Pompetti, vous avez précédemment assuré le «second cycle» de Sir Arthur Benton, sombre histoire d'espionnage et de manipulations dans le contexte de la Guerre Froide. Comment avez-vous vu ces trois albums qui sont très éloignés de la présente Guerre des Gaules et de votre intérêt pour le monde celtique...
VINCENT POMPETTI : Pour Sir Arthur Benton, j'ai participé sur le second cycle parce qu'il y avait de la géopolitique bien traitée par Tarek, et sur une période clé et pas si développée en BD : la guerre froide, ses dessous et ses conséquences jusqu'à aujourd'hui. Le coté «1984» ressort je pense, car nous l'avons vécu : des blocs qui ont besoin l'un de l'autre pour simuler un ennemi justifiant un discours apeurant pour les masses, avec tout de même de vraies tensions, de la paranoïa, et des drames personnels.
C'est comme cela que je l'ai vu, avec en plus l'intérêt de mettre en scène des personnages avec une psychologie très spéciale, je parle des espions et leur cas de conscience : la fin justifie-t-elle les moyens ? quid des émotions ? et à qui se fier ?

Après ce n'est pas mon univers graphique de prédilection; mais là aussi ma porte d'entrée a été les films de Hitchcock ou les films noirs, et puis restituer l'ambiance d'une époque plutôt élégante et codifiée, que ce soit la mode, les coiffures ou les carrosseries de voiture, tout cela m'a procuré de la satisfaction. Enfin il faut surtout rendre honneur au premier dessinateur, Stéphane Perger, qui a créé les personnages principaux et imposé son graphisme personnel. Il y avait une belle osmose entre lui et Tarek. J'ai juste été moi-même et me suis glissé dans une forme de logique intuitive pour faire à la fois un nouveau cycle propre, et dans la continuité du premier. De toute manière, dessiner est une manière d'être, et quand je suis devant la table à dessin, je me dis juste : «Quel bon moment je vais passer aujourd'hui ? Quel parfum vais-je mettre ?»

atrium, caton d'utique
 
lawrence alma-tadema

En réponse à la question : «Quels peintres ou dessinateurs vous inspirent ?», Vincent Pompetti cite pêle-mêle : en BD Harold Foster et Alex Raymond, mais aussi Vink, Sergio Toppi, Hugo Pratt, Comès et Caza; en peinture, les Japonais Hokusaï et Hiroshige, mais encore Michel-Ange, Vermeer, Rembrandt... et Alma-Tadema.
Pour cet intérieur romain, l'atrium de Caton d'Utique, c'est sir Lawrence Alma-Tadema qui s'y colle; mais c'est sans doute par ironie que le dessinateur s'est inspiré d'Un Romain amateur d'art (Alma-Tadema, opus LVII, 1868 - Yale University Art Gallery (click)) pour camper l'intimité du frugal et farouche petit-fils de Caton le Censeur - qu'il admirait jusqu'à la caricature - en bon contempteur de l'art grec dégénéré qu'il était...

Revenons à la Guerre des Gaules. On peut ressentir une espèce de cassure entre le matériau historique et la partie fictionnelle (même sentiment avec l'Alésia de Luccisano & Ansar)...
VINCENT POMPETTI : Cela peut paraître étonnant, mais je dirais que nous avons une approche plus souple et «féminine» dans la façon d'aborder le récit ou le graphisme : on vient d'un monde qui n'est pas seulement judéo-chrétien, mais qui est aussi très romain donc patriarcal et masculin, où le mérite par la souffrance est une sorte de «Graal».
Pour le coup, concernant le récit, il faut souvent tout expliquer de façon mentale, prendre le lecteur par la main du début à la fin.
Pour le graphisme, c'est pareil, on avait une vision très masculine et mentale encore une fois. C'est l'histoire du laborieux dessin d'un chat, que l'on admire parce que tout les poils ont été réalisés à la sueur, tandis que le chat dessiné de façon vive et avec du mouvement sera parfois snobé ou mal compris.

Ma rigueur est de donner vie et expressivité aux personnages, aux scènes et aux décors, c'est celui-là le «code» de lecture. C'est pour cela que je dis féminin, car depuis mes précédents albums, beaucoup de femmes, et souvent des lectrices exigeantes, sont très vite attirées par notre façon de faire, car dans une logique intuitive... Ce n'est plus le détail ou l'analyse lisse qui prime, mais l'impression intérieure.

On vit un peu des temps comparables au conflit néoclassique/impressionnisme, en espérant que cette fois, il n'y aura pas de mouvement de balancier extrême, mais un équilibre, une synthèse entre construction et sensibilité. C'est pareil pour la façon d'aborder le récit. On passe d'une partie expliquée à une plongée en immersion. La première lecture peut surprendre par manque de «repères», mais après on voit que ce n'est pas si compliqué. Aujourd'hui, nous arrivons à la fin d'une façon de faire, et dans ces cas-là, l'histoire nous montre qu'il n'y a pas de chaînon manquant, mais un «saut quantique» vers l'inconnu.
C'est une des fonctions de l'art ou de l'artisanat que de nourrir l'imaginaire, et peut-être d'autres façons d'aborder les choses.

casque-cygne gaulois casque-cygne gaulois

Haut de 43 cm, ce curieux casque en forme de cygne a été découvert en 2004 sur le site de Tintignac, près de Naves (Corrèze) (ph. extr. de Télérama, HS octobre 2011, p. 54 © Patrick Ernaux/INRAP). Le col du cygne évoquant la poupe des vaisseaux antiques, il ne pouvait qu'inspirer Vincent Pompetti pour coiffer un des chefs de la redoutable flotte des Vénètes (Guerre des Gaules/1, p. 49)

Comment évaluez vous l'action conquérante de César ? A l'issue du tome 1, on ne sent aucun parti-pris particulier. Neutre et objectif ?
TAREK : Je me sens bien plus proche des Romains que des Gaulois d'un point de vue culturel, et je pense que pour Vincent cela doit être le contraire. Pour le coup, nous avons une vision mesurée et avec le moins de subjectivité possible...
Concernant le rôle et la place de César, je pense qu'il a modifié le cours de l'Histoire par son action et que sans lui il n'y aurait certainement pas Octave/Auguste...

VINCENT POMPETTI : Notre propos est justement de rester neutre, non pas par facilité, mais au contraire pour encourager de façon naturelle les parallèles avec notre époque. Les jeux de pouvoirs, la psychologie, pour nous rapprocher tant des Romains que des Gaulois, car ceux-ci étaient proches, et mieux les connaître, mieux les accepter, c'est mieux vivre au présent, car le passé nous façonne et c'est la réalité qui libère.
Il ne sert à rien de se servir du passé d'un coté ou de l'autre, cela aussi l'Histoire nous enseigne que réinterpréter le passé de façon idéologique, que ce soit avec les habits religieux, politiques ou scientifiques, est souvent le terreau de dictature ou d'extrémisme.
C'est valable pour les Romains, qui rabaissaient les Gaulois par propagande, mais c'est valable également pour nous : l'Histoire du XXe siècle le montre assez. Mais prendre la température du passé et le reconnaître pour ce qu'il est, cela me paraît être une belle clé.

massacre de cenabum, orleans

Organisé par Vercingétorix, le pogrom des commerçants romains de Cenabum (Orléans) fut l'élément déclencheur de la révolte gauloise de l'hiver 53-52 (février 52). De la partition des populations gréco-turques (21) - sans oublier le génocide arménien - jusqu'à la guerre de Bosnie, et sans non plus oublier le génocide rwandais, ces «Mort aux Romains ! Libérons la Gaule ! Les Romains chez eux !», laissent en filigrane se profiler d'autres tristes événements du XXe s. actant le divorce d'avec le multiculturalisme (Victor de La Fuente [sur scénario de V. Mora], Histoire de France en bande dessinée, Larousse, 1979)

-----Oo-----

APPENDICE : À PROPOS DE MARC ANTOINE

Lorsque César et Labienus écrasent Arioviste (septembre 58), Marc Antoine est à Rome où il cultive l'amitié de Clodius Pulcher (22) tout en s'apprêtant à se rendre en Grèce pour y étudier l'éloquence. Là, à Athènes, il interrompt une studieuse existence (qui ne dut pas excéder quelques mois !) pour se joindre au proconsul de Syrie Aulus Gabinius, en route pour sa province. Celui-ci en fait son præfectus equitum (préfet de cavalerie). Antoine a 26 ans quant à Jérusalem, avec des troupes inférieures en nombre, il vainc et capture le prince juif Aristobule II et son fils Alexandre, qui ont voulu renverser l'ethnarque Hyrcan II (23) - autorité sur les Juifs désignée par Pompée en 63.
En 55, Antoine suit Gabinius à la «conquête» de l'Egypte : il s'agit en fait de replacer sur le trône le pharaon fantoche Ptolémée Aulète, qu'accompagne son sponsor et banquier romain Rabirius Postumus. Une fois encore, Antoine se distingue sur le champ de bataille à Péluse, où il charge à la tête de sa cavalerie. Aux dires de Plutarque, c'était l'ambitieux Antoine lui-même qui aurait persuadé Gabinius de s'engager dans cette aventure égyptienne. Antoine ne pourra hélas empêcher Ptolémée de faire exécuter sa sœur Bérénice, mais magnanimement saura s'opposer au massacre de ses partisans prisonniers - gagnant ainsi définitivement l'affection du peuple d'Alexandrie. C'est dans ces circonstances qu'il rencontra - treize ans avant César - pour la première fois Cléopâtre, alors âgée de 13-14 ans !

Sur ces entrefaites, Gabinius étant rappelé à Rome afin d'y être jugé pour concussion, Antoine ne semble pas désireux de prendre du service auprès de son remplaçant, le nouveau proconsul de Syrie, le triumvir Marcus Crassus. On se bat en Gaule, aussi décide-t-il de mettre ses talents militaires au service de César, comme nous l'apprend Cicéron dans sa IIe Philippique (CIC., Phil., II, 19). Il saute donc dans le premier bateau pour Marseille et, au printemps 54, rejoint César dans son Q.G. de Samarobriva (Amiens). Celui-ci s'apprête, d'une part à lancer un pont sur le Rhin afin de châtier les Germains et, d'autre part, à tenter un second débarquement dans l'île de Bretagne. Comme César ne mentionne pas son nom avant le siège d'Alésia, nous ignorons à quelles expéditions Antoine participa en 54, 53 et début 52. Nous savons seulement qu'en 53 il rentra à Rome, briguer la questure et l'augurat (mais c'est Cicéron - provisoirement réconcilié avec César - qui obtint l'augurat), participant la même année à une rixe au Forum au cours de laquelle, glaive au poing, il poursuivit son ancien ami l'agitateur populiste et adversaire de Cicéron, P. Clodius Pulcher, lequel se réfugia dans la boutique d'un libraire.

En juillet 52, sa seconde tentative est couronnée de succès : Antoine est élu questeur pour 51. Sans doute rentre-t-il ensuite dare-dare en Gaule, car il est présent à Alésia au moins à la fin du siège (septembre 52 ?) pour contrer l'armée de secours gauloise dans la plaine des Laumes (G.G., VII, 81).
Et c'est donc comme questeur de César qu'Antoine commande, en 51, les quartiers d'hiver de Bibracte (Autun) (G.G., VIII, 2), puis la XIIe légion contre les Éburons (G.G., VIII, 24). Ensuite, il hiverne chez les Bellovaques (G.G., VIII, 38) avant d'écraser en Picardie, près de Beauvais, l'Atrébate Commios - qui s'exile en Bretagne (G.G., VIII, 46-48) (24).

En 50, César le propose une deuxième fois à l'augurat, à sa satisfaction cette fois (G.G., VIII, 50). La même année encore, Antoine est désigné comme tribun de la plèbe pour 49, en remplacement de son vieux camarade (et ancien amant ?) Curion. Il prend ses fonctions le 10 décembre 50; un mois plus tard, le 7 janvier 49, il se fait expulser du Sénat pour avoir opposé son veto à une loi destituant César. Ce dernier n'a plus qu'à franchir le Rubicon...
Pour Antoine, c'est la grande aventure qui continue !

(Complément sur Antoine : click)

 

LE CONCOURS : DIX ALBUMS À GAGNER

La Guerre des Gaules
Tarek & Vincent Pompetti

Après Murena et Les Aigles de Rome c'est aujourd'hui les Editions Tartamudo qui proposent à nos visiteurs un petit quiz qui leur permettra - peut-être - de gagner un exemplaire de La Guerre des Gaules de Tarek et Pompetti. Comme précédemment, toutes les réponses se trouvent sur notre site, dans la page consacrée à l'album dont question, ou dans notre dossier «Vercingétorix» (click).

Pour participer, il suffit de répondre aux questions dans la grille ci-dessous, de la copier-coller et de l'adresser par mail à notre site PEPLVM-IMAGES DE L'ANTIQUITÉ en n'oubliant pas de préciser votre adresse postale.

Le concours sera bouclé à la date du 5 septembre (date prolongée, en raison des vacances).

 
Question
Réponse
1. En 58 av. n.E., l'empereur romain Jules César appelé à l'aide par certaine tribu gauloise, envahit la Gaule avec quatre légions, et en entame la conquête qu'il achèvera au bout de huit ans (à ce moment-là, il disposera de onze ou douze légions).
Quelle grossière erreur contient cette phrase ?
...
     
2. Quel peuple gaulois appela à la rescousse les Romains, afin de repousser un envahisseur étranger qui occupait une partie de son territoire ? ...
     
3.

Avant d'être une guerre impérialiste des Romains, la «Guerre des Gaules» fut d'abord une guerre civile entre Gaulois, opposant deux sensibilités politiques : les aristocrates imbus de leurs prérogatives, tenants du système républicain, et les populistes/démocrates, tenants du système monarchique.

A quel type de régime le jeune Vercingétorix, fils de Celtill, aspirait-il - ce qui peut sans doute expliquer pourquoi dans un premier temps il se rallia à César avant de, finalement, le combattre ?

républicain ?
monarchique ?
     
4. Dans la république des Arvernes, un vergobret nommé Celtill aspirait à rétablir en faveur de son peuple la gloire de son ancien grand roi Bituit. A cette fin, il incita un roi barbare d'outre-Rhin à venir s'installer dans le territoire de ses rivaux, les Éduens et les Séquanes.
Qui était ce roi barbare ?
...., roi des ....
     
5. Nous savons que, contrairement à l'imagerie populaire du Second Empire et de la IIIe République, Vercingétorix arborait ni cheveux longs ni moustaches - mais était glabre et coiffé court.
Sur la base de quels documents le savons-nous ?
...
     
6.

De la protohistoire celtique à l'Age du Fer, sans oublier d'y inclure la période préceltique (dolmens, menhirs), l'imagerie «romantique» des Gaulois mélange allégrement les époques. C'est ainsi qu'Abraracourcix porte constamment un casque de l'Age du Bronze... et que dans le film Vercingétorix, à côté de toutes sortes de casques à cornes carnavalesques, un obscur chef gaulois se pavane avec un casque surmonté d'un corbeau de bronze aux ailes mobiles, copié de celui de Ciume_ti (Roumanie, fin IVe s.).

En réalité, hors ses pantalons, son épée longue sans pointe et son bouclier plat spécifiques, l'ambact gaulois ressemble beaucoup au légionnaire romain... qui lui a du reste emprunté sa chemise de mailles et son casque (sauf les officiers, qui affectionnent les modèles étrusco-attiques plus coûteux).

A l'époque de César, les manufactures romaines produisent en grandes séries un certain type de casque bon marché car dépourvu de fioritures (pas de porte cimier, souvent même pas de couvres-joues). Ce simple bol est parfois appelé «toque de jockey». Quel est le nom que lui donnent couramment les archéologues ?

Le C.....
     
7. Marc Antoine fut un combattant brillant, particulièrement dans une certaine arme, laquelle ? Infanterie
Cavalerie
Marine
     
8.

Tu quoque fili me ? M. Junius Brutus, qui participa à l'assassinat de César aux Ides de mars 44, passe pour avoir été le fils de César (ce qui est improbable, pour des raisons de chronologie).

Le Brutus qui, à la tête de la flotte de César, écrasa dans le Morbihan celle des Vénètes était-il ce supposé fils que César aurait-eu de Servilia ?

OUI - NON
     
9. A Rome, quel fut le politicien le plus enragé contre César en Gaule ?
(Nous ne parlons pas du versatile Cicéron, mais d'un autre qui par ailleurs était aussi le demi-frère de Servilia, la maîtresse de César.)
...
     
10. Quatre auteurs nous ont raconté la reddition de Vercingétorix. Le premier est, bien entendu, Jules César lui-même. Qui sont les 3 autres ?

...
...
....


Ce concours a été clôturé le 5 Sptembre 2012

 

Les réponses au concours

1) Jules César n'a jamais été «empereur».
Il a exercé les diverses magistratures du cursus honorum (édile, questeur, préteur etc.), mais en Gaule il était proconsul. Et, à son retour à Rome, il se fera nommer dictateur... à vie.
Son titre d'imperator était purement honorifique, ayant ainsi été acclamé par ses soldats sur le champ de bataille comme tout général romain vainqueur (un peu comme «maréchal», qui n'est pas un grade militaire mais un titre honorifique). La notion d'«empereur» n'existait pas à la fin de la République et n'apparaîtra qu'à partir de Tibère, successeur d'Auguste.

Nous avons aussi reçu une réponse qui ne manquait pas d'intérêt : c'est, en effet, avec la seule Xe Légion que César se porte au devant des Helvètes; toutefois comme proconsul des Gaules cisalpine et transalpine ainsi que d'Illyrie, il a déjà à ce moment 4 légions sous ses ordres.
Mais bien entendu, ce subtil distinguo pâlit devant la bourde «Jules César, Empereur romain» !

2) Les Éduens.
«Amis et Alliés du Peuple romain.»

3) Monarchie.
Comme son père Celtill, Vercingétorix aspirait à la monarchie. Le vergobret Gobanicio, frère de Celtill, avait fait périr ce dernier parce qu'il rêvait d'abattre la république et de rétablir la monarchie à son profit. Le premier geste de Vercingétorix, lorsqu'il acquit un certain poids politique, fut de tuer son oncle républicain.

4) Arioviste, roi des Suèves.

5) Des profils sur des monnaies à son nom.

6) Il s'agit du Coolus, dont il existe plusieurs variantes : «Mannheim», «Buggenum». Vincent Pompetti a également dessiné des italiques «Montefortino» qui sont plutôt des IVe-IIe s. av. n.E. (entre autres, donc, les Guerres puniques), quoique le Montefortino semble avoir été conservé au Ier s. de n.E. par les prétoriens — un peu à la manière dont les gardes d'honneur, en tenue de parade, aient conservé des uniformes du XIXe s. (Garde républicaine en France, Life Guard et Horses Guards en Grande-Bretagne, Escorte royale en Belgique) voire plus anciens encore (Garde suisse du Vatican).
Il est certain que les armes étaient récupérées et systématiquement recyclées. On a conservé un casque romain avec gravé dedans les noms de sept propriétaires successifs. Mais c'est bien le Coolus qui est le casque emblématique des armées césariennes.

7) Cavalerie.
Marc Antoine fut le præfectus equitum d'Aulus Gabinius en Syrie. Et à Alésia, il s'illustra dans la plaine des Laumes conjointement avec C. Trebonius, repoussant la cavalerie de secours gauloise avec l'aide de la cavalerie mercenaire des Germains.

8) Non. Il s'agit d'un cousin : Decimus Junius Brutus, qui du reste s'illustra encore contre les Helviens (52), puis à Alésia en commandant deux légions de réserve. En 46, il assiège et prend Marseille pour le compte de César, ce qui ne l'empêchera pas de se joindre aux assassins de César en 44.

9) Caton le Jeune (Caton d'Utique).

10) Florus, Plutarque et Dion Cassius.
Nous avons cité et résumé ces trois auteurs. Pourtant quelques visiteurs ont répondu :
Strabon, Plutarque, Tite-Live
voire :
Strabon, Plutarque et Florus (résumant Tite-Live et Dion Cassius)

Mais Strabon ne décrit pas les circonstances de la reddition de Vercingétorix. Il se borne à dire que le chef gaulois fut fait prisonnier et que cela mit fin à la guerre. Vint-il à César à pied ou à cheval ? Libre et en armes ou étroitement garrotté ? Ou encore, tint-il quelque discours ? Strabon n'en dit rien, il est vrai que n'en possédons qu'un abrégé grec du Xe s. («Les combats contre César eurent lieu autour de Gergovie, ville des Arvernes bâtie sur une haute montagne, et berceau de Vercingétorix; ils reprirent autour d'Alésia, ville des Mandubiens, peuple limitrophe des Arvernes, laquelle est située aussi sur une haute colline et entourée de deux montagnes et de deux rivières : le général [ennemi] y fut pris et ce fut la fin de la guerre» [STRABON, IV, 2. 3 — trad. Amédée Tardieu]).

Quand à Tite-Live, les parties de son œuvre qui traitent de cet épisode ne nous sont pas parvenues non plus. De son livre CVIII, on possède seulement le résumé suivant : «César vainc les Gaulois à Alésia et reçoit la soumission de toutes les cités qui avaient pris les armes» (Tite-Live, Pléiade éd., p. 635).
Et de toute manière, Florus (début IIe s. de n.E.) ne risquait pas de résumer Dion Cassius (150-235 de n.E.).

 

guerre des gaules, tarek, vincent pompetti


NOTES :

(19) Laurent Sieurac : dessinateur arlésien de la BD Arelate, scénarisée par l'archéologue Alain Genot. Sur scénario de Patrick Weber - d'après son roman paru chez Timée éd. - il a aussi dessiné Vikings (Les Racines de l'Ordre Noir), Soleil éd., avril 2010 (NDLR). - Retour texte

(20) Vincent Pompetti fait ici allusion au problème de la succession de Marc Aurèle par son fils Commode. Historiquement, on sait que celle-ci était programmée depuis longtemps (il n'avait que cinq ans quand son père lui conféra le titre de «César»). En effet, Marc Aurèle rompit avec la règle des Antonins de se choisir un successeur non dans sa famille, mais parmi ses collaborateurs compétents.
C'est dans cette faille que s'insère le complot parricide imaginé par les scénaristes de cinéma. A noter, tout de même, que l'Histoire Auguste n'excluait pas la thèse de la responsabilité de Commode dans le décès de son père Marc Aurèle, lequel - à l'article de la mort - semblait regretter s'être donné pour successeur un fils débauché et cruel (H.A., Marc Antonin, XXVII, 11-12 & XXVIII, 10) (NDLR). - Retour texte

(21) Traité de Lausanne, 1923. - Retour texte

(22) Ils avaient un ennemi en commun : Cicéron. Marc Antoine vouait à Cicéron une haine viscérale car ce dernier, consul en 63, avait illégalement fait mettre à mort son beau-père, le consulaire Lentulus Sura - soupçonné d'être impliqué dans la conjuration de Catilina. Comme l'année suivante Cicéron avait témoigné contre le profanateur P. Clodius Pulcher dans l'affaire des Mystères de Bona Dea (qui avait valu sa répudiation à Pompeia, épouse du Pontifex Maximus Jules César), le célèbre démagogue lui aussi poursuivait de sa haine le grand avocat - dont il finit par se venger.
En 59, le consul Jules César avait tenté d'associer Cicéron au pacte secret - le triumvirat - qu'il venait de constituer l'année précédente avec Pompée et Crassus. Se méfiant des démagogues, Cicéron s'était abstenu d'y répondre, perdant ainsi, pour plusieurs années, la possibilité de jouer un rôle prépondérant sur la scène politique.
Et advint ce qui devait advenir : en mars 58, tandis que César, maintenant proconsul des Gaules, entamait une guerre qui durerait huit ans, Cicéron était condamné à l'exil par le consul Pison et le rancunier tribun de la plèbe Clodius. Teigneux, Clodius fit raser sa maison sur le Palatin, à l'emplacement de laquelle il entreprit d'édifier un Temple consacré à la Liberté. Mais deux ans plus tard (56), grâce au soutien du nouveau tribun de la plèbe T. Annius Milon, Cicéron put rentrer d'exil. Commença alors une guéguerre entre les ouvriers chargés de reconstruire sa maison et les bandes armées de Clodius. Pompée intervint en faveur de Cicéron lequel, en échange, se chargea d'obtenir la prolongation du pouvoir proconsulaire de César en Gaule (De Provinciis Consularibus).
C'est à ce moment que, realpolitik oblige, Marc Antoine qui sert sous César en Gaule se voit contraint de se réconcilier avec Cicéron, et de renoncer à l'augurat en sa faveur (remplacement de l'augure Publius Crassus, mort avec son père le triumvir au cours de la désastreuse bataille de Carrhæ, en Syrie).
Clodius Pulcher sera assassiné sur la voie Appienne par les hommes de Milon, l'ami de Cicéron, en février 52. On sait comment Cicéron tenta, vainement, de défendre Milon au tribunal (Pro Milone) : la veuve de Clodius, Fulvia suscita une émeute au cours de laquelle la Curie fut incendiée.
Finalement, César mort, Antoine - contre l'avis d'Octave - couchera le nom de Cicéron sur la liste des proscriptions, mais c'est la veuve de Clodius qui aura le dernier mot. Remariée avec Antoine, c'est Fulvia en effet qui dépêchera le tribun Popilius et le centurion Herennius pour trancher la gorge à Cicéron, le 7 décembre 43, devant sa villa d'Astura - vingt ans et deux jours après l'exécution de Lentulus Sura ! Sa tête et ses mains coupées furent exposées sur le Forum, non sans que Fulvia lui ait d'abord percé la langue avec un poinçon.
(Quand à son frère cadet, Quintus Cicéron, le vaillant légat de César qui avait si brillament défendu l'Atuatuca contre les Sicambres, il fut assassiné deux jours plus tard.) - Retour texte

(23) Frère d'Aristobule II. - Retour texte

(24) Il est curieux de noter que dans La guerre des Gaules, César ne mentionne Antoine qu'une seule fois : au livre VII, à propos de son rôle à Alésia. Ensuite, Antoine est abondamment mentionné au livre VIII, qui n'est pas du calame de César mais de celui de son secrétaire Hirtius (lequel, comme consul, s'opposera plus tard à Antoine, devant Modène).
Quant à Dion Cassius, plus synthétique, il ne mentionne pas Antoine avant les événements de janvier 49. - Retour texte