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Apostat
Ken Broeders
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Apostat
Ken Broeders
Écoute-moi, Père puissant...
Je ne peux plus assister impuissant à la façon
dont le christianisme soutenu par un empereur sanguinaire, se
répand comme une mer de feu...
Je t'en conjure, Hélios, puissant porteur de la lumière
et de la vie. N'abandonne pas tes enfants. J'ai rejeté
le Dieu de l'empereur et des chrétiens et je me suis
tourné vers toi. Donne-moi la force et la sagesse de
sauver ce monde affaibli par les chrétiens, pour restaurer
la gloire déclinante de l'Empire et donner de l'espoir
à nos frères et surs (Julien l'Apostat).

Statue de Julien II le Grand, Musée
de Cluny - où ses soldats l'élevèrent
sur un pavois |
L'an 355 de n.E. Le christianisme s'est largement
répandu dans le «Bas-Empire» romain, sapant
les assises du paganisme néanmoins encore très vigoureux
en Occident. Après avoir très chrétiennement
liquidé ses deux frères et quelques cousins, Constance
II, fils de Constantin le Grand, songe à ramener dans le
giron impérial la Gaule ravagée par les guerres
civiles et les assauts des Barbares. Il lui faut y déléguer
un collaborateur de confiance, c'est-à-dire - en vertu
d'une certaine loi de Parkinson déjà très
à la mode à l'époque - une marionnette incompétente...
du genre doux rêveur, qui laissera les mains libres à
ses agents. Ce sera son neveu Julien (1)
!
Un nouveau César d'Occident, des femmes
jalouses et des Germains sanguinaires... Cette nouvelle série
BD relate le tumultueux parcours qui conduira le jeune Julien
à revêtir la pourpre impériale, et à
entrer dans l'Histoire sous le nom de «Julien l'Apostat».
Tout en grogne et en trognes, Apostat
c'est «Murena» revisité par Bruegel l'Ancien |
Action, aventure et intrigues forment la trame
de cette grande fresque épique et historique. Tout en grogne
et en trognes, Apostat c'est «Murena» revisité
par Bruegel l'Ancien. Se basant sur une documentation scrupuleuse,
Ken Broeders nous livre une saga qui habilement combine Histoire
et aventure, le tout sur un fond de mysticisme qui n'exclut pas
la superstition. Ce mysticisme tout en nuances qui anima un jeune
homme brillant, mais politiquement dérangeant autant qu'incontournable
(il était le dernier mâle encore vivant de la famille
de l'empereur Constance II). Le jeune érudit philosophe
sera obligé de devenir un guerrier et un administrateur.
Qui aura à choisir entre les valeurs d'un Futur douteux
et peu convaincant, et celles - rassurantes - d'un Passé
qui avait fait ses preuves.
Ce Passé glorieux de l'Empire romain
qui peu à peu se délite, face à de nouvelles
idées... dans l'air du temps, comme on dit si joliment.
Un choix douloureux qui, aujourd'hui, nous interpelle encore.
Créée en 2009, cette série
consacrée à l'empereur Flavius Claudianus Julianus
a connu un certain succès en Flandre et aux Pays-Bas. Elle
est prévue en 6 albums, ou peut-être 9 - l'auteur
y songe. Le tome 4, Paulus Catena, en néerlandais,
vient de paraître chez Standaard Uitgeverij, ce 10 octobre
2012.
Un auteur
: Ken Broeders
Ken Broeders est né en 1970 et habite à
Anvers. Après sa formation à l'Institut Saint-Luc
dans sa ville natale, il a, grâce à Hans Van den
Boom, l'opportunité de publier sa première bande
dessinée Tyndall. À l'origine Tyndall,
réalisé avec Luc Peborgh, était son travail
de fin d'études pour Saint-Luc.
Quelques années plus tard suivit la série
Voorbij de Steen, une épopée de fantasy avec
nains et dragons dans un décors inspiré du Bas-Empire
romain. Ce sera ensuite Cyrano - d'après la pièce
de Rostand - pour la collection «Classix» des Editions
Standaard.
Ken Broeders travaille toujours directement en
couleur avec de l'acrylique, de la gouache et/ou de l'aquarelle.

Ken Broeders |
Bibliographie
Tyndal. Ken BROEDERS & Luc VAN PEBORGH
1. De Reis naar het Noorden / En route pour le Nord
(Arboris, 04/1998)
2. Cael-At-Raem / Cael-At-Raem (Arboris, 04/1998)
3. Het Compendium / Le Compendium (Arboris, 07/1998)
4. De Kinderen van de Beul / Les enfants du bourreau
(Arboris, 01/1999)
5. De Groote Noordelike Oorlog
Voorbij de Steen. Ken BROEDERS
1. Het Spoor van Demer (Arboris, 2001)
2. Drehadaxa (Arboris, 2003)
3. Rheyn (Arboris, 2004)
4. De Drakenmeester (Arboris, 2006)
«Au delà de la Pierre», raconte l'histoire
d'une ville de Nains, assiégés par des sortes d'Orques.
Un de ces Nains est envoyé «au-delà de la
Pierre» - id. est «au-delà de la Montagne»,
qui sert de frontière au territoire des Nains - afin d'obtenir
l'aide de leurs congénères qui y ont émigré.
Dans sa saga de fantasy
Voorbij de Steen, Ken Broeders sest largement
inspiré de lAntiquité tardive (on disait
autrefois « Bas-Empire ») pour équiper
ses guerriers. De gauche à droite, les trois premières
vignettes montrent un officier dorigine barbare (il
est coiffé du « nud suève »),
portant un casque composite (Spangenhelm) du type
« Berkasovo », avec quatre boucles permettant
la fixation dune crète dont la forme ne nous
est pas connue (second-troisième quart du IVe s.
- un exemplaire est conservé au Musée de Budapest).
On le voit ici sous différents angles. Il est fait
de quatre triangles de fer rivetés ensemble et recouverts
dune feuille dor, la calotte étant incrustées
de pierres semi-précieuses.
La quatrième vignette montre
un légionnaire coiffé dun casque de
cavalerie en fer du type Niederbieber (fin IIe, ou IIIe
s. de n.E.), caractéristique avec ses renforts de
bronze formant croisillon au sommet de la calotte. |
Cyrano. Ken Broeders (Standaard
Uitgeverij, «Classix-reeks», 2007)
Apostata. Ken BROEDERS
1. De Purperen Vloek (Standaard Uitgeverij, 2009)
2. De Heks (Standaard Uitgeverij, 2010)
3. Argentoratum (Standaard Uitgeverij, 2011)
4. Paulus Catena (Standaard Uitgeverij, 2012)
Apostat.
1. La malédiction pourpre (BD Must, 2012)
2. La sorcière (BD Must, 2012)
3. Argentoratum (BD Must, 2012)
Chaque album de 48 p. contient un ex-libris numéroté
et signé par Ken Broeders. Cette trilogie à tirage
limité (1.000 ex.) est accompagnée d'une plaquette
de 24 p., Flavius Claudius Julianus, par Michel ÉLOY,
superbement illustrée de photographies de François
Gilbert et Patrick Demory.
BD
Must, Bruxelles. Contact : info@bdmust.be
ou bdmust@skynet.be
69 EUR TTC (+ 9 EUR de frais d'envoi en Belgique et en France)
Liens Internet : (click)
& (click)
Interview de Ken Broeders
MICHEL ÉLOY : La manière dont le scénario
respecte l'Histoire, en ne prenant pas plus de libertés
qu'il n'est nécessaire mérite compliments. À
côté de la nouvelle tendance de la «BD d'archéologues»
où le moindre bouton de culotte se fonde sur une documentation
précise - démarche que, bien entendu, j'approuve
- c'est rafraîchissant. Car la «BD d'archéologues»,
trop souvent, ne s'élabore qu'au détriment des personnages
fictionnels, se retrouvent raides et mal insérés
dans l'Histoire (la grande). L'Apostat de Ken Broeders,
doit néanmoins beaucoup au groupe de reconstitution néerlandais
Fectio,
qui dans le sud des Pays-Bas reconstitue la pseudo-comitatenses
des Fectienses Seniores...
Dans le quatrième album intitulé
Paulus Catena, on peut lire l'appartenance «Fectio»
en complément de l'emblemata des Honoriani
Marcomanni iuniores
Le groupe néerlandais Fectio
se produit dans le nord de l'Europe (à gauche au
Parc Archéologique de Xanten). Ken Broeders s'est
notamment documenté chez eux |
1. D'où vous vient votre intérêt pour
l'empereur Julien ? Un auteur se retrouve toujours, en principe,
dans ses personnages. Vous retrouvez-vous en Julien ?
Il ne m'a pas échappé que vous avez créé
Apostat en 2009, l'année où Alejandro Amenabar
a sorti le film Agora,
qui raconte le martyre d'une femme-philosophe païenne en
Alexandrie, assassinée en 415 par des chrétiens
extrémistes (2).
Dans son film Amenabar, bien sûr, visait le fanatisme des
Talibans, les destructeurs des Bouddhas de Bâmiyân,
chefs d'uvre de l'art gréco-bouddhique. Ainsi que
leur inacceptable attitude vis-à-vis de la condition féminine,
son droit à l'éducation et à l'émancipation.
KEN BROEDERS : Mon intérêt pour le personnage de
Julien a été suscité par mes recherches pour
ma précédente série BD, Voorbij de Steen
(«Après la Pierre», 4 albums inédits
en français). C'était une série de «fantasy»
que j'ai située dans un décor romain inspiré
par le Bas-Empire.
C'est ainsi que j'ai fait la rencontre d'un personnage étrange
mais fascinant... un jeune empereur qui voulait empêcher
le christianisme de prendre plus d'ampleur. Je voulais intégrer
un personnage d'empereur apostat dans mon histoire. Malheureusement
la série a été arrêtée en raison
des sérieux problèmes financiers de mon éditeur.
Mais ce personnage de Julien me hantait... ainsi que sa vie et
ce fascinant Empire romain. Surtout son ardeur et son esprit m'attiraient
énormément chez Julien. Sa lutte pour une cause,
à première vue perdue. Un aspect que chaque dessinateur
de BD aujourd'hui doit posséder afin de poursuivre dans
cette branche.
Apostat prenait déjà forme en 2007. Non
seulement les recherches historiques m'ont pris beaucoup de temps
mais également le fait de trouver un scénario et
un style approprié à cette histoire.
N'oubliez pas qu'après avoir soumis ce projet auprès
de nombreux éditeurs, il m'a également fallu attendre
longtemps avant de recevoir les premières réponses.

Ken Broeders proposa Apostat
à Casterman, qui ne pouvait publier une série
sur l'Antiquité concurrente à la «galaxie
Martin». Ne pouvant accepter les exigences de Jacques
Martin, Ken Broeders réserva à ses personnages
cette belle mort - empalés par les Alamans - preuve
que le dessinateur anversois n'était nullement dépourvu
d'humour. La réponse du berger à la bergère
(Apostat/2, p. 47) |
La parution du film Agora en 2009 - malgré le fait
qu'on n'y fasse pas référence à Julien -
m'a donné une certaine tangibilité. Julien devenait
plus réel.
Si Julien avait vécu plus longtemps, je suis sûr
qu'il aurait eu une énorme influence sur l'histoire de
monde. S'il avait pu restreindre ou même stopper l'expansion
du christianisme, à quoi ressemblerait notre monde maintenant
? Y aurait-il eu l'Islam ? Vraiment stupéfiant quand on
y pense. Des gens comme Hypatie auraient vécu et travaillé
dans un monde très différent. Agora
fut un film merveilleux pour moi.
C'est surtout la destruction de la grande bibliothèque
d'Alexandrie par des chrétiens forcenés qui fut
impressionnante. Selon moi, cette propension à détruire
a été l'un des plus importants motifs qui ont poussé
Julien, jeune homme, à se détourner du christianisme.
Il voulait protéger la grandeur, la connaissance et surtout
la beauté des anciennes religions. Il voulait préserver
coûte que coûte cette culture hellénistique
qui avait traversé les siècles. Julien était
également terrifié par le fait que le christianisme
avait récupéré certains aspects de ce vieux
monde (3).
De cette manière, le christianisme en se rendant plus séduisant
trouvait plus facilement des adeptes.
Lorsqu'il devint souverain du monde romain, Julien remit à
l'honneur les temples dont beaucoup avaient été
confisqués par les chrétiens. Il projetait également
de faire reconstruire le temple de Salomon à Jérusalem.
Naturellement, la stupeur et la fureur des chrétiens doivent
avoir été considérables. En outre, il interdit
aux professeurs chrétiens le droit de donner des leçons
en littérature classique, philosophie et histoire.
Il mit en place toutes ces mesures afin de préserver des
traditions et une culture qui, à ses yeux, étaient
menacées.
2. Personnellement, mon affection pour Julien me vient de
mon intérêt premier pour la mythologie grecque. Quelque
part je me sens un peu «païen», moi-aussi. Ensuite
je me suis intéressé aux origines du christianisme,
principalement par le biais de la mythologie comparée
(4)et,
de fil en aiguille, à Julien.
Un monothéisme en chassant un autre, comment voyez-vous
la fin du Monde romain/la fin de notre Civilisation occidentale
en train de perdre son identité ?
Je suppose que c'est le cours naturel des choses. Des civilisations
apparaissent, marquent leur empreinte et disparaissent à
nouveau. Elles ne semblent pas tout à fait disparaître
mais sont plutôt absorbées dans la suivante. Même
aujourd'hui on pourrait dire que l'Empire romain existe toujours
mais sous la forme du catholicisme. Il est remarquable de noter
combien de personnages païens reviennent dans la doctrine
chrétienne aujourd'hui. Il y a par exemple énormément
de similitudes entre Mithra et Jésus.
Je ne crois pas que la culture occidentale perdra un jour son
identité, mais elle continuera à vivre, à
s'adapter et imprégner toutes les évolutions suivantes.

Ken Broeders et son épouse Renata en
dédicaces (photo MCW) |
3. Julien était un homme extrêmement
cultivé et érudit. Mais aussi superstitieux et attiré
par les prodiges miraculeux, l'astrologie etc. Son mentor en la
matière fut Maxime
d'Ephèse, un néo-platonicien disciple de Jamblique,
qui avait choisi une forme d'enseignement populaire (au contraire
de son confrère Plotin qui, un siècle auparavant,
optait pour un enseignement élitiste).
Vous présentez Maximus comme un charlatan - ce que sont
plus ou moins tous les religieux, n'est-ce pas ? On croirait qu'ici
vous suivez saint Grégoire de Nazianze, le plus acharné
contempteur de Julien. Maintenant que Julien est empereur, comment
comptez-vous raconter dans les albums 5 et suivants la restauration
du paganisme par Julien ? Avec un il païen ou un il
chrétien ?
Dans un certain sens, tous les personnages religieux sont des
charlatans. J'ai reçu une éducation athée
et n'ai donc aucun lien avec aucune religion. Ici, dans le monde
occidental, nous sommes tous imprégnés d'une manière
ou d'une autre par la doctrine et la morale chrétienne.
Mais étant un outsider, ce sont surtout les choses
étranges, les incohérences et parfois les aspects
carrément ridicules de la religion en général
qui me frappent.
Dans Apostat, Maxime est en effet plus ou moins un charlatan
(ce qui ne m'empêche pas d'avoir beaucoup de sympathie pour
ce personnage) et je l'utilise presque comme une incarnation du
culte païen : étrange, magique, enchanteur et également
un peu dangereux. Dans les prochains albums d'Apostat,
Grégoire de Nazianze
surgira pour jouer un rôle similaire pour les chrétiens.
Le christianisme a apporté un message humain et une promesse
consolante pour l'Au-delà. Mais c'était un mouvement
puissant et radical qui a gagné beaucoup de pouvoir politique.
Le grand défi - pour moi - sera de représenter
la confrontation entre le paganisme et le christianisme, incarnés
par Julien, Maxime et Grégoire.
Oribase,
l'ami intime et médecin personnel de Julien, joue dans
la BD un rôle spécifique. Il me donne l'occasion
d'introduire non seulement un peu d'humour, mais offre également
un caractère plus proche de celui du lecteur. J'ai fait
de lui, délibérément, un personnage religieusement
neutre, qui tient en aversion le caractère oppressif fondamentaliste
de la religion chrétienne, mais considère également
le paganisme avec horreur. Dans le tome 4, il est troublé
et choqué par l'envie violente de sacrifier des animaux
aux dieux.

Sous l'il réprobateur d'Oribase,
Julien - maintenant empereur - peut rendre aux dieux le
traditionnel hommage qui leur revient : un sacrifice sanglant
(Apostata/4, p. 41) |
4. Julien semble avoir été
l'homme d'une seule femme, son épouse Hélène
- sur de Constance II et probablement un peu plus âgée
que lui. Il était trop sérieux pour songer à
la bagatelle. Parlez-nous de Primigenia, la maîtresse que
vous lui attribuez... car un scénariste doit parfois grossir
certains traits pour arriver à exprimer ce qu'il veut dire.
Le drame de Primigenia réside dans le fait qu'elle ne
peut tout simplement pas être la maîtresse de Julien.
Dans la première partie d'Apostat, Julien est un
jeune homme, totalement époustouflé et paniqué
à cause des énormes responsabilités qui se
posent sur ses épaules. Il se sent très attiré
par Primigenia, joyeuse et décomplexée. Mais il
sait qu'il ne peut pas succomber à la tentation parce qu'il
craint Constance dont la colère serait impitoyable. Entre
lui et son épouse Hélène naît et se
développe une grande affection. Mais tous deux ne sont
que des pions sur l'échiquier politique. Ensemble toutefois,
ils trouveront la force d'affronter leur destin et... Constance.
Prise au piège d'un mariage étrange, Primigénia
est beaucoup plus directe. Elle prend en mains son propre destin
et est déterminée à conquérir Julien.
Malheureusement ses manigances amènent un changement chez
ce dernier. Un changement qui le mettra hors de sa portée
à jamais. Ces événements poussent Julien
à demeurer célibataire et à consacrer sa
vie aux dieux, assumant ainsi une vie quasi ascétique.
5. Dans votre BD, le maître-espion
de Constance est Arbacès - comme le méchant générique
dans les «Alix» de Jacques Martin est celui de Pompée.
Cet Arbacès semble inspiré du notaire (= secrétaire)
Paul Catena, personnage
historique quant à lui. Avec l'aide de deux autres agents,
Gaudentius et Pentadios, ce Paul Catena était notamment
chargé de surveiller Julien.
Pourquoi, dans votre BD, avoir fait de Catena une brute gestapiste,
simple exécutant et homme de main d'Arbacès (tome
4) ? Au lieu de ce qu'il était réellement : un policier
intelligent et habile !
Bref, pourquoi avoir inversé leurs rôles ?...

Paulus Catena «sait parler aux dames»... |
Le nom Arbacès ne vient pas d'«Alix» (je n'ai
encore jamais lu ses albums) mais de la série télévisée
The Last Days of Pompei, tirée du roman d'Edward
Bulwer Lytton.
Dans la série, Franco Nero joue le rôle d'un grand
prêtre nommé Arbacès. Parfois j'ai la ferme
l'impression qu'Apostat s'écrit tout seul. Dans
la première partie «La malédiction pourpre»,
il y a une scène où Constance s'adresse à
ses soldats en leur présentant Julien comme le nouveau
César d'Occident. Préalablement à cette scène,
on peut voir Eusébius (le rusé conseillé
de Constance) écouter un jeune garçon à côté
de lui. Tout en dessinant je me demandais qui pourrait être
ce garçon ? Qui est-il pour Eusébius ? Un prostitué
? Mais que peut faire un eunuque avec un prostitué ? Est-il
un des nombreux espions ou agents d'Eusébius ? Oui, ça
doit être ça. Et c'est ainsi que Arbacès naquit.
Un agent un peu sinistre dans le corps d'un enfant.
Quand je voulus intégrer Paulus Catena dans l'histoire,
cela me paraissait une bonne idée de le laisser en compagnie
d'Arbacès. Il devait devenir l'opposé du jeune garçon
raffiné, subtil et doté d'une apparence vulnérable.
C'est ainsi que Paulus est devenu cet homme extrêmement
grand (il souffre d'acromégalie ce qui a déformé
son nez et sa mâchoire), cette brute qui représente
tout sauf la subtilité. Ils forment un couple remarquable
que les lecteurs n'oublieront pas rapidement.

Vrai sosie de Boris Karloff-Frankenstein,
l'acromégalique brute Paulus Catena (à gauche),
utilise son argument de prédilection, la chaîne
- catena - pour «persuader» la pauvre
Primigenia (au centre), et même, tant qu'à
faire, la viole lorsque fait irruption son patron Arbacès,
gnome mielleux et fielleux (à droite) (Apostata/4,
p. 29) . |
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| A.
L'Empire romain avant Julien
1. La grande persécution des chrétiens
Depuis l'Édit de Gallien ou «Petite paix de l'Église»,
en 260, les chrétiens avaient connu quarante années
de la plus totale liberté de culte au sein de l'Empire
romain. À Nicomédie (Izmit, en Turquie), résidence
préférée de Dioclétien, ils s'étaient
même bâti une superbe église juste en face
du palais impérial. En 297, Dioclétien avait même
imposé sur le trône de l'Arménie, éternel
brûlot entre Rome et la Perse, un Tiridate III... converti
au christianisme depuis 288 ! Il semble toutefois que dans l'Empire,
le parti chrétien trouvait sa provende dans le limon des
prolétaires et paysans réfractaires à la
conscription. Aussi l'armée était-elle pleine de
parasites qui opportunément se découvraient objecteurs
de conscience dès qu'il fallait aller en découdre
avec les Barbares.
C'est vers la fin du règne de Dioclétien qu'eut
lieu la dixième et pire persécution des chrétiens.
Probablement la seule systématique, les précédentes
étant généralement très localisées
et le plus souvent le fait de l'exaspération de populations
locales plutôt que le reflet de l'impériale volonté.
Ainsi saint Vincent est supplicié en Espagne et, dans le
Valais, saint Maurice et sa légion thébaine (légende
hagiographique ?). Et à Rome saint Sébastien, saintes
Agnès et Cecilia etc. dont le cardinal Wiseman tirera un
roman édifiant, Fabiola ou L'Eglise des Catacombes
(1854). Cette persécution dura sept ans (303-310) et fut
dite «de Dioclétien», bien qu'elle ait été
déclenchée à l'instigation de son gendre
et bras droit, le César Galère (Édit de Nicomédie,
en 303) (5).
Homme pondéré et intègre, Dioclétien
ira jusqu'à contraindre son épouse Prisca et sa
fille Valeria - soupçonnées d'être chrétiennes
ou christianophiles - à brûler quelques grains d'encens
en l'honneur des Dieux, afin de démontrer leur loyauté
à la religion traditionnelle.
2. La Tétrarchie
Les moyens de communications étant alors ce qu'ils étaient,
Dioclétien avait administrativement divisé l'Empire
romain entre deux «Augustes», assistés chacun
par un «César» (21 juillet 287). Dioclétien
instaurait ainsi deux «dynasties», l'une sous l'égide
de Jupiter (Orient), l'autre de son fils Hercule (Occident). Leur
garde sera confiée à deux légions d'élite,
des légions palatines respectivement dénommées
Joviani et Herculiani.
En dépit de cette répartition des responsabilités,
l'Empire romain restait toutefois unitaire - l'Auguste d'Occident
(Rome) étant subordonné à celui d'Orient
(Byzance). Il faudra attendre 395 et Théodose le Grand,
pour voir consacré l'irréversible fractionnement
en Empire d'Orient et Empire d'Occident, alliés mais indépendants.
Empereur catholique d'origine espagnole, c'est ce Théodose
qui définitivement jugulera le paganisme en interdisant
les cultes publics, fermant la Bibliothèque d'Alexandrie
et chassant les païens de l'armée et de l'administration
(6).
Et ce sera sous le règne de son successeur, son fils Théodose
II, que les chrétiens fanatiques martyriseront la mathématicienne
et philosophe païenne Hypatie d'Alexandrie (415), à
qui récemment Alejandro Amenabar a consacré un très
beau film, Agora
(2009) (7).
Emblemata bleu
des Herculiani iuniores, qui servaient en Orient
(à gauche) et rouge des Herculiani seniores,
qui combattaient en Occident (à droite), légions
palatines, d'après la Notitia Dignitatum |
2.1. Imbroglios politico-militaires
Lorsque les Auguste d'Orient et d'Occident, Dioclétien-Jupiter
et son collègue Maximien-Hercule abdiquent de concert le
1er mai 305, l'organigramme de la Tétrarchie se présente
en principe comme suit : succédant à Dioclétien,
l'Auguste Galère va régner sur l'Orient (avec
pour adjoint le César Maximin Daia) et sur l'Occident
l'Auguste Constance-Chlore succède à Maximien
(assisté par le César Sévère II).
Toutefois, la passion du pouvoir va ronger le «retraité»
Maximien et son fils Maxence. Dès l'année suivante,
Maximien reprend son titre d'Auguste, et Maxence l'appuie en suscitant
à Rome une révolte des prétoriens (306).
Pour compliquer les choses, l'Auguste Constance-Chlore décède
à Eburacum (York) le 25 juillet de la même année.
Logiquement son successeur à l'Augustat devrait être
Sévère II, occupé à guerroyer contre
les rebelles Maxence et Maximien. Mais le fils de Constance-Chlore,
Constantin Ier (8)
se proclame Auguste d'Occident succédant à son père.
L'autre nouvel Auguste d'Occident et tout autant usurpateur, Maxence
- qui vient de liquider Sévère II et aussi d'éjecter
son propre père Maximien - ne l'entend évidemment
pas de cette oreille et ne lui concède que le titre de
César d'Occident.

«In Hoc Signo Vinces»,
gravure d'A. Mathy extraite de Le Leu, Le Triomphe de
la Croix |
Constantin - qui a fait alliance avec le vieux Maximien exilé
en Arles et épousé sa fille Fausta (307) - marche
contre son beau-frère Maxence et ses prétoriens,
qu'il écrase devant Rome, près du pont Milvius.
C'est le fameux In Hoc Signo Vinces (28 octobre 312). Maxence
se noie dans le Tibre et Constantin, enfin maître de Rome,
dissout le prestigieux corps des Prétoriens. La sécurité
de l'empereur romain sera désormais assurée par
les Protectores domestici (un régiment où,
du reste, Dioclétien avait fait sa carrière).
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Par souci d'être simple (si c'est
possible), nous ne parlerons pas ici de l'Auguste Licinius
qui a succédé à Sévère
II et se tient à Carnutum, ni de l'Auguste autoproclamé
Domitius Alexander qui tient l'Afrique (printemps 308).
Quant au César Maximin Daia, à l'exemple
de Constantin, il s'est lui aussi fait acclamer «Auguste»
par ses troupes (309). |
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2.2. La postérité de Constance-Chlore
La Tétrarchie, si bien planifiée par Dioclétien,
a volé en éclat dès la seconde génération.
À peine au pouvoir, Constantin va s'employer à éliminer
ses collègues et rivaux les uns après les autres.
On va voir maintenant que ses propres fils, après avoir
fait assassiner leurs cousins, vont eux aussi chrétiennement
tirer le glaive les uns contre les autres.
Mais examinons d'abord les parties en présence. Deux femmes
de conditions inégales ont donné des fils à
l'Auguste Constance-Chlore. À sa mort, la situation est
donc la suivante :
— |
une branche aînée illégitime, représentée
par Constantin Ier (né en ±280), né
d'une concubine. |
— |
une branche cadette légitime issue de Théodora,
belle-fille de l'Auguste Maximien. |
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Généalogie
de Julien, petit-fils de Constance -Chlore
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CONSTANCE-CHLORE
(±250-306 - emp. 305)
C. Flavius Julius Constantius («Marcus Valerius Constantius»,
après avoir été adopté par Maximien),
dit le «pâle» (chlorus) par allusion
à son teint blafard, César (293), puis Auguste
(305) d'Occident, s'était doté d'une généalogie
fictive qui le faisait descendre de l'empereur Claude II le
Gothique (emp. 268-269). Ou plutôt de son frère
Crispus, père d'une Claudia qui - des uvres de
son époux Eutropius - aurait été sa mère.
Sous une forme schématique, on trouvera sur le site
associé des «Empereurs
romains» le tableau généalogique de
sa postérité. |
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1) |
par sa concubine Hélène est père
de CONSTANTIN LE GRAND |
|
2) |
par Théodora (fille de l'Auguste d'Occident
Maximien-Hercule et d'un premier lit) est père
de quatre fils et trois filles : Les fils
: [anonyme], JULES CONSTANCE,
Dalmatius (père de Dalmatius le Jeune
et d'Hannibalien César) et Hannibalien.
Les filles : Anastasia, Eutropia
et Constantia (cette dernière épousera
le co-empereur Licinius (±263-325 - emp. 308)
et lui donnera Licinianus César [Licinius II,
326] [9]). |
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1)
CONSTANTIN LE GRAND (±280-337
- emp. 306)
Il représente la branche aînée mais bâtarde
de la postérité de Constance-Chlore.
Il est le fils d'une concubine, Hélène, servante
d'auberge. Pour redorer le blason maternel, Constantin accordera
à sa mère les tria nomina : Flavia
Julia Helena. Cette Hélène est chrétienne;
c'est elle la «sainte Hélène» qui
de Jérusalem ramènera à Constantinople
les reliques de la Vraie Croix du Christ. |
|
A) |
par sa concubine Minervina il est père
de Crispus César (né
en 303). Le soupçonnant d'adultère avec
sa belle-mère Fausta, Constantin le fera mourir. |
|
B) |
par Fausta (fille d'Eutropia, et donc belle-fille
de son époux Maximien-Hercule, Auguste d'Occident
démissionné) il est père de trois
fils et deux filles. Les fils : Constantin
II (317), CONSTANCE II (318)
et Constant (320). Les filles
: Constantina (une sacrée garce qui épousera
Gallus) et la douce Hélène la Jeune
(qui épousera Julien). — Constantin
est donc le beau-frère de son rival Maxence
(frère de Fausta et fils de Maximien-Hercule
et d'Eutropia) qui périra à la bataille
du Pont Milvius, aux portes de Rome. |
|
|
2)
JULES CONSTANCE (ca 295-337)
Devenu César d'Occident en 293, Constance-Chlore s'était
lié à l'Auguste Maximien - dont il était
déjà le fils par adoption - en épousant
la belle-fille de celui-ci, Théodora (10)(Flavia
Maximiana Theodora), dont il aura une fille, Constantia,
et quatre fils : [anonyme] - le nom de l'aîné
ne nous est pas parvenu -, puis Jules Constance, Dalmace
et Hannibalien. Ce Dalmace étant lui-même
père d'un «César» Dalmatius
et d'un Hannibalien Junior.
Avec ses trois frères, il représente la branche
cadette mais légitime. De deux lits différents
Jules Constance aura deux fils (en fait trois, mais on ne
sait rien de l'aîné), lesquels épouseront
les surs de Constance II. |
|
C) |
de sa première épouse Galla
- épousée en 330-331 - il a un fils aîné
[anonyme], puis un second, Gallus
(César 351-354)
Il en a également une fille Constantina
qu'épousera Constance II en
premières noces (pas de postérité
connue); |
|
D) |
de sa seconde épouse Basilina - fille
du préfet d'Orient Julius Julianus et parente
de l'évêque de Nicomédie Eusèbe
- il a un autre fils, Julien
(331-363), qui deviendra empereur après s'être
rebellé contre son beau-frère. |
|
|
A)
Crispus César (303-326)
|
|
Premier fils de Constantin Ier, par sa concubine Minervina.
Le soupçonnant d'être l'amant de son épouse
Fausta, son père le fera mettre à mort
(326). Et Fausta, suivra le même
chemin quelque temps plus tard... |
|
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B)
CONSTANCE II (318-361 - emp. 337) |
|
a) |
épouse en premières noces Constancia,
fille de Jules Constance et de Galla; |
|
b) |
en secondes noces, épouse Eusébia,
protectrice de Julien (mais qui ne donnera pas de postérité
à son mari); |
|
c) |
en troisièmes noces, épouse une Faustina. |
|
|
C)
Gallus César |
|
Fils de Jules Constance et [premier lit] de Galla.
Il a épousé Constantina, sur
de Constance II. Pas de postérité
connue. |
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|
D)
JULIEN L'APOSTAT (331-363 - César 355, Auguste
360) |
|
Fils de Jules Constance et [second lit] de Basilina.
De son unique épouse Hélène
la Jeune (épousée fin 355,
360-361), sur de Constance II;
ils a un fils mort-né en 360 (?). |
|
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|

Julien, César des Gaules... et bientôt
Auguste de tout l'Empire romain...
|
2.3. Un Empire en mutation
En proclamant en 313 son Édit de Tolérance,
dit «édit de Milan», Constantin Ier - déjà
dévoué au culte d'Apollon-Sol Invictus-Mithra -
avait joué la carte politique des chrétiens, de
plus en plus nombreux dans l'Empire, sans pour autant se convertir.
Fasciné par les débats théologiques, et de
surcroît très proche d'eux par sa mère chrétienne,
Constantin avait organisé plusieurs conciles pour en débattre
(Nicée, 325; Tyr, 335). Des Conciles qu'il arbitrait distraitement,
étant également - comme Pontifex Maximus
- le chef de la religion romaine traditionnelle !
Il faut bien le reconnaître, les plus influents étaient
les disciples d'Arius, évêque d'Alexandrie, qui l'emportaient
sur les Nicéens (qui deviendront plus tard les catholiques
orthodoxes, le catholicisme romain). Les Ariens niaient la consubstantialité
du corps du Christ, c'est-à-dire sa double nature divine
et humaine. Aussi pour eux, Jésus était-il seulement
un homme, un prophète, mais il n'était pas Dieu.
Dans un premier temps Constantin avait penché
pour les thèses nicéennes - le Père et le
Fils sont de même nature (homoousos), et non «de
nature semblable» (homoousios) ! - avant d'opter
pour l'«hérésie» arienne dominante,
ne se convertissant que sur son lit de mort et entre les mains
de l'évêque arien Eusèbe de Nicomédie.
Celui-là même qui recueillera Julien et Gallus après
l'assassinat de leurs parents.
Une particularité sera que, une fois l'Empire paternel
partagé entre ses trois fils, chacun de ceux-ci optera
pour la sensibilité particulière de leurs ouailles
et de leur clergé. Constant défendra le catholicisme
romain en Occident et Constance II l'arianisme en Orient, se livrant
notamment à une incroyable partie de «flipper»
avec saint Athanase l'évêque catholique
d'Alexandrie, qu'à trois reprises il contraint à
s'exiler en Occident afin de céder son siège épiscopal
à Arius et ses partisans.
|
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B.
Julien le Grand
3. Le Græculus
Julien l'Apostat (331-363 de n.E.), devint empereur en 360. On
l'appelait le Græculus, «le Petit Grec»,
car il avait renoué avec la mode initiée par Hadrien
et Marc Aurèle de porter la barbe à la manière
des philosophes grecs. Il affectait d'ailleurs d'en porter aussi
le manteau.
Julien naquit à Constantinople le 6 novembre 331 (11)
et mourut dans les «Champs phrygiens» à Samarra
(en Mésopotamie) le 26 juin 363, peut-être assassiné
par un de ses propres hommes. De Jules Constance, demi-frère
de Constantin Ier, Julien était le fils cadet. Sa mère
Basilina mourut à 16 ans, quelques mois après l'avoir
mis au monde. Julien avait aussi, nous l'avons dit, un demi-frère
aîné - Gallus - né cinq ans plus tôt
d'un premier lit avec Galla.
3.1. C'était pendant l'horreur d'une
profonde nuit...
À la mort de Constantin Ier le 22 mai 337, le jeune Julien
va donc, avec son demi-frère Gallus, se retrouver être
le dernier représentant de la branche légitime de
Constance-Chlore.
Jules Constance était tombé en disgrâce par
les intrigues de sa marâtre «sainte» Hélène,
très influente auprès de son empereur de fils. À
la mort de celle-ci à Jérusalem, en 328, il était
rentré d'exil et revenu à Constantinople - autrefois
Byzance, dont en 330 Constantin avait fait la capitale de l'Empire.
Une nuit de septembre 337, des gardes palatins mandés
par le trio Constantin, Constance et Constant - la branche aînée
illégitime - font irruption dans son palais et massacrent
Jules Constance et ses trois frères, ainsi leur parentèle
et nombre de dignitaires de leur entourage, notamment le préfet
du prétoire Albanius. Les mercenaires n'épargnent
que les deux enfants, Gallus (12 ans) et Julien (6-7 ans) parce
que le plus âgé, très malade, semblait à
l'agonie, tandis que l'autre - Julien - s'était caché
sous son lit.
Comme feue sa mère Basilina était la fille du préfet
d'Orient Julius Julianus et parente de l'évêque de
Nicomédie Eusèbe, ce fut ce dernier qui recueillit
les garçons. Il les éleva dans la foi chrétienne,
c'est-à-dire dans l'«hérésie»
arienne. À sa mort en 341, les deux frères furent
assignés à résidence dans la forteresse de
Macellum, près de Césarée de Cappadoce, où
ils végétèrent six années durant.
Passionné de lecture, Julien dévorait les poèmes
d'Homère et d'Hésiode. Il s'exaltait des exploits
des héros Achille et Ulysse, mais aussi de la cosmogonie
des Dieux. Son précepteur, l'eunuque Mardonius - un Goth
qui, précédemment, avait été celui
de sa mère - l'initia secrètement au néoplatonisme.
Au juste, les intellectuels chrétiens de l'époque
ne dédaignaient pas le néoplatonicien Plotin, savant
commentateur de Platon.
En 347, Julien vint à Constantinople poursuivre ses études,
ensuite à Nicomédie - où il se mêla
rapidement au milieu des érudits païens - puis Pergame.
En 354, il est appelé à Milan par Constance à
qui il doit rendre compte de ses fréquentations subversives.
L'impératrice Eusébie intercède en sa faveur
et il est envoyé étudier à Athènes
(juillet-octobre 355), où il côtoie d'autres condisciples
comme les futurs «saints» Basile de Césarée
et Grégoire de Nazianze.
Mais si Basile lui conservera son amitié, Grégoire
- qui nous en dressera un portrait peu avenant - deviendra son
contempteur le plus acharné.
3.2. Un cheminement religieux
Tandis que son frère aîné, promu «César
d'Orient» suit sa voie, Julien (24 ans) étudie
donc entre autres à Pergame où il se lie avec Maxime
d'Éphèse, un philosophe qui sous le vernis néoplatonicien
recommande les pratiques magiques, l'astrologie et la science
des haruspices.
Julien, écrira plus tard qu'il vécut dans l'«erreur
chrétienne» jusqu'à l'âge de vingt ans
(12).
Il l'abjure à Éphèse, où Maxime l'initie
à la théurgie et aux Mystères d'Hécate
(351 ?). Et peut-être aussi aux Mystères d'Eleusis,
lors de son séjour à Athènes (355); voire,
plus tard encore, à ceux de Mithra. Selon Grégoire
de Nazianze, son mentor Maxime le conduisit en «un lieu
ténébreux, pour y consulter les démons souterrains
(...). Des objets d'épouvante l'assaill[ir]ent (...)
des bruits insolites, des odeurs repoussantes, des spectres
flamboyants et je ne sais quelles autres absurdités.»
Par analogie on sait - mais sans savoir vraiment, à cause
du secret - en quoi consistaient les initiations des religions
«à mystères» : une mort simulée
pour renaître à une nouvelle vie. Le Baptème
puis la Communion chrétiens contiennent les mêmes
symboles. Mais Grégoire qui, bien évidemment, n'y
était pas, précise que Julien effrayé eut
recours à la Croix pour conjurer ces apparitions. «Il
appela à son secours Celui qu'il persécutait
(...). Le signe [ayant] opéré, les démons
sont vaincus, les frayeurs se dissipent», ajoute-t-il.
Mais Julien est à ce point possédé qu'il
recommence, et recommence encore.

L'initiation de Julien au culte d'Hécate,
d'après la description fantasmagorique de Grégoire
de Nazianze. Gravure d'A. Mathy extraite de Le Leu, Le
Triomphe de la Croix. Les Fastes de l'Église,
Tournai, Casterman, 1912
|
3.3. L'Antéchrist
Comment un bon chrétien comme «saint»
Grégoire (ca 330-ca 390), un Docteur
de l'Église, le «Père de l'Église grecque»
ne l'oublions pas pourrait-il connaître les rites des mystères
païens, dont la révélation aux profanes est,
par essence, interdite ? Et comment pourrait-il connaître
que Julien, terrifié, se signa de la croix ? Préjugé
ou perfide insinuation ?
En vérité, ces rites effrayants et la mort simulée
que Grégoire de Nazianze décrit, on les colporte
encore aujourd'hui - à tort ou à raison - à
propos de la très respectable Franc-Maçonnerie.
Mais peut-être, après tout, les Maçons sont-ils
les continuateurs de ces anciens mystères ? Ou encore,
plus probablement, les ont-ils réinventés car les
rites de passage sont universels (13).
Ils forment l'ossature
de La Flûte enchantée (1791) de Mozart (14)
- Maçon, lui aussi, tout comme son interprète et
librettiste Johann Emanuel Schikaneder - ce à une époque
où la Franc-Maçonnerie était très
étroitement surveillée et persécutée
(si l'Histoire ne se répète pas, elle semble fort
bien bégayer !). Et ledit livret empruntait beaucoup aux
descriptions des rites égyptiens par Diodore de Sicile,
que venait de traduire l'abbé Jean Terrasson (:.) par ailleurs
anonyme auteur d'un curieux roman initiatique, Sethos (1731).
Diodore imaginait sous le Labyrinthe, dans une sorte d'Hadès
evhémérisé, un souterrain temple mystique.
Cette Égypte imaginaire dominée par le mage Sarastro,
était largement redevable aux Mystères d'Égypte
de Jamblique (15),
le maître à penser de Maxime
d'Éphèse et de son disciple Julien : la boucle
est bouclée !
On retiendra la mauvaise foi de l'Église, laquelle il est
vrai «avait eu chaud», tant dans son bras de fer contre
le paganisme que contre ses propres dissidents et hérétiques
! Une Église acharnée à dénigrer un
personnage dont Benoist-Méchin a écrit : «On
défigura systématiquement ses Édits de
Tolérance en Édits de Persécution.
On le qualifia de «bouc puant», d'«Apostat»,
d'«Antéchrist» (16).»
Or, comme l'a fait remarquer Voltaire, si apostasie il y eut,
ne serait-ce pas plutôt du côté de Constantin
et de Constance qu'il fallait regarder, eux qui renoncèrent
aux cultes traditionnels ? Au point que cette gravure
de A. Mathy illustrant l'édifiant Le Triomphe de la
Croix de L. Le Leu (17)
montre Julien au pied d'une idole grecque, épouvanté
par ses propres fantasmagories, une jeune vierge égorgée
sur l'autel des ténèbres (18)
nous paraît singulièrement odieuse et ignoble dans
ce qu'elle rajoute aux délires de «saint» Grégoire
de Nazianze.
Par son Édit de Tolérance (361), Julien
avait déclaré licites toutes les religions avec
peut-être, mais c'était de bonne guerre, l'intention
malicieuse de quand même remettre à sa place la persécutrice
religion du Christ puisqu'ainsi il abolissait, du même coup,
les décrets pris par ses prédécesseurs les
«Seconds Flaviens», pas seulement contre les païens
et les juifs, mais aussi contre les chrétiens eux-mêmes
en leurs différentes factions.
Pour avoir constaté, à travers sa propre famille
assassinée, combien était illusoire l'amour des
autres enseigné par le Christ, le fils de Jules Constance
ne leur interdit que le droit d'enseigner - ce que du reste son
païen ami Ammien Marcellin désapprouva (AMM., XXII,
10).
Certes, Julien exila aussi
d'Alexandrie son évêque nicéen Athanase
(356-362), responsable de bien des troubles du fait de son opposition
aux ariens - mais avant lui et à deux reprises, les ariens
Constantin Ier (335-337) et Constance II (339-346) en avaient
usé de même avec l'encombrant personnage... qui connaîtrait
à nouveau le chemin de l'exil sous les tout aussi chrétiens
Jovien (362-364) et Valens (365-366). Ce qui n'eut sans doute
pas été nécessaire si Nicéens et Ariens
avaient été capables de vivre en bonne intelligence.
Après la Croisade contre les Cathares, la Réforme
et sa Saint-Barthélémy, l'Inquisition et sa chasse
aux sorcières - les derniers suppôts d'un paganisme
campagnard diabolisé -... on ne saurait plus s'étonner
de ce qui pousse dans le terreau où la religion d'amour
a enfoui ses racines.
En fait son règne, pour avoir été autoritaire
(et il fallait qu'il le fût, afin de remettre le temple
au milieu du forum), aspirait à un retour aux normes «républicaines»
du Principat. Ce qui passait immanquablement par la constitution
d'un véritable clergé hiérarchisé
du paganisme, sous l'égide d'Hélios-Roi. Telle était
son uvre réformatrice...
|
Suite… |
NOTES :
(1) Par souci de simplification, la
BD nous présente Julien comme le neveu de Constance.
En réalité, Julien - fils de Jules Constance,
lui-même fils de Constance-Chlore et demi-frère
de Constantin le Grand - est, au même rang que Constance
II, le petit-fils de Constance-Chlore. Donc son cousin germain.
- Retour texte
(2) Hors interview, Ken Broeders nous
a fait observer que si son premier opus d'Apostat est
paru en 2009, il y travaillait depuis près de deux ans
déjà, et sans connaître le sujet que le
cinéaste espagnol comptait développer dans Agora.
- Retour texte
(3) Le néoplatonisme de Plotin,
par exemple (N.d.M.E.). - Retour texte
(4) ... qui consiste notamment à
expliquer le contenu du Nouveau Testament par le biais des mythes
et du folklore païens récupérés par
le christianisme. - Retour texte
(5) Les cruautés, les violences,
les supplices, les humiliations sont le lot des chrétiens
dans tout l'Empire, à l'exception des États de
Constance-Chlore (Gaule et Bretagne), où le «César»
se contente de laisser démolir quelques églises.
Il est vrai que sa concubine Hélène est chrétienne.
- Retour texte
(6) La série La Dernière
Prophétie de Gilles Chaillet, démarre en 394
lorsque l'empereur Théodose s'apprête à
fermer le Sénat de Rome et à pourchasser les adeptes
de la religion romaine traditionnelle - les derniers païens.
- Retour texte
(7) Maria Dzielska semble d'avis qu'Hypatie
était chrétienne enseignant à des païens
et à des chrétiens. Etant très liée
à son ancien élève, le gouverneur d'Alexandrie
Oreste, son assassinat serait, de fait, politique, trouvant
sa raison d'être dans la rivalité entre l'Église
officielle catholique-orthodoxe de Byzance et l'Église
dissidente alexandrine de Cyrille (M. DZIELSKA, Hypatie d'Alexandrie,
Antoinette Fouque éd., coll. «Des Femmes»,
2010). - Retour texte
(8) Pour faciliter la compréhension
du lecteur, nous associons d'office leur adjectif ordinal d'empereur,
avant même qu'ils le devinssent. - Retour
texte
(9) Constantin fera assassiner les
Licinius père et fils, ses deux rivaux, respectivement
en 325 et 326. - Retour texte
(10) Théodora est née
d'un premier lit de la syrienne Eutropia, épouse de Maximien.
- Retour texte
(11) Date controversée : Julien
vint-il au monde en nouvembre ou en décembre 331, sinon
en mai ou juin 332 ? - Retour texte
(12) Prêchant pour sa propre
chapelle Ammien Marcellin, pour sa part, affirme que Julien
ne fut jamais chrétien mais depuis toujours secrètement
païen, jusqu'à ce que parvenu au faîte du
pouvoir il pusse proclamer haut et fort ses convictions. - Retour
texte
(13) Cf. H. JEANMAIRE, Couroï
et Courètes. Essai sur l'éducation spartiate et
sur les rites d'adolescence dans l'antiquité hellénique,
Université de Lille, 1939. À titre de comparaison,
l'auteur prend de nombreux exemples dans les tribus de l'Afrique
noire. - Retour texte
(14) Jacques CHAILLEY, La flûte
enchantée - opéra maçonnique (1968),
Robert Laffont, coll. Diapason, rééd. 1983. -
Retour texte
(15) JAMBLIQUE, Les Mystères
d'Égypte (trad. grec Edouard des Places, s.j.; préf.
François Vieri), Les Belles Lettres, coll. «Aux
sources de la Tradition», 1993. - Retour
texte
(16) ... qui continue : «Cette
rage destructive n'est pas une page glorieuse dans les annales
de l'Église. Il est vrai qu'elle menait une lutte dont
dépendait son existence. Mais la violence de sa réaction
nous donne à penser qu'elle eut vraiment très
peur de ce jeune Empereur-philosophe, qui voulait régénérer
le paganisme et aurait sans doute modifié le cours de
l'Histoire si un javelot, sur l'origine duquel on s'interroge
encore, ne lui avait pas percé le flanc à l'âge
de trente-deux ans.» - Retour
texte
(17) L. LE LEU, Le Triomphe de
la Croix, Tournai, Casterman, coll. «Les Fastes de
l'Église», 1912. - Retour
texte
(18) Quelques auteurs ecclésiastiques
auraient en effet évoqué des sacrifices humains
ordonnés par Julien. Pure affabulation ! - Retour
texte
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