courrier peplums

MAI - JUIN 2005

 

 
13 Mai 2005
LE TRIÉRARQUE AIMAIT FAIRE DU SKI NAUTIQUE (LES TROIS STOOGES CONTRE HERCULE)
Klaus Schäfer nous écrit :
 

Je viens de découvrir par hasard votre site que je trouve très intéressant, instructif et très bien réalisé; il m'a permis de me replonger dans mon enfance.

J'espère que vous pourrez m'aider a retrouver un film que j'ai vu il y a bien longtemps, mais dont j'ai presque tout oublié : le titre, les noms des acteurs et du réalisateur, je me souviens tout juste de quelques éléments de l'intrigue.

Il s'agit évidemment d'un péplum, vraisemblablement d'une production italienne; le film a été réalisé probablement dans les années cinquante (en tout cas avant 1965), il a été tourné en noir et blanc. Je l'ai vu en Allemagne, je ne suis même pas sûr qu'il soit sorti en salle en France. Voici quelques détails de son contenu : Un gringalet est fait prisonnier et devient galérien. Grâce à cet «entraînement intensif», ses muscles se développent de façon impressionnante (un des protagonoistes dit à peu près : «S'il continue comme ça, il deviendra un nouvel Hercule»). Vers la fin du film, il rame tout seul d'un coté de la galère, mais il est plus fort que tous ses compagnons de misère réunis sur l'autre coté ! Et à la fin, il vainc le «grand méchant» lors d'un combat individuel.

Je serais ravi si ce petit résumé vous permettait de trouver le titre du film; cela fait environ 35 ans que je cherche vainement à trouver des informations.

 
 
RÉPONSE :
 

Vous me posez une colle, j'en ai bien peur. Dans Maciste contre le Cyclope, Gordon Mitchell (qui n'a rien d'un gringalet) meut à lui tout seul une galère en attachant les rames ensemble... Dans Ben Hur (1959), Charlton Heston galérien (il y a plus minable, comme «gringalet», non ?) demande à alterner tribord et babord pour équilibrer sa musculation. Mais les deux films sont en couleur... Et les répliques que vous évoquez n'y figurent point, ni peu ni prou.
Manifestement, la séquence que vous décrivez se rapporte à un autre film. Peut-être bien à un que je n'ai pas vu (ben oui, il y en a !). Il y a un ton humoristique dans ce ce que vous rapportez, mais tout péplum qui se respecte se doit, quelque part, de faire un clin d'oeil au spectateur... surtout s'il est italien (encore que dans le registre de l'humour, le Père DeMille savait y faire, lui aussi). Néanmoins... la piste est intéressante. Je soupçonne - mais ce n'est qu'une hypothèse de ma part - que la scène décrite pourrait provenir d'un film d'Edward Bernds que je n'ai pas vu, Les Trois Stooges contre Hercule (1961). A un certain moment Larry, Moe et Curly Joe... les trois gringalets comiques américains se voient obligés de ramer sur une galère... Jetez un coup d'oeil sur cette vignette la BD tirée du film, publiée par Dell, ma seule référence un peu détalllée sans pour autant être absolument fiable !

3 stooges vs hercule - 1

Une vignette extraite de la BD The Three Stooges meet Hercules (New York, Dell Publishing, 1962) fait expressément référence à la musculation que le jeune premier, Schuyler, est en train d'acquérir en ramant.

 
3 stooges vs hercule - 2 3 stooges vs hercule - 3

Embarqués par mégarde à bord d'une machine à voyager dans le Temps, Larry, Moe et Curly Joe débarquent dans la Grèce antique : Hercule (Samson Burke) saura les convaincre de l'aider à retrouver Ulysse - qui a aveuglé un cyclope - pour le punir.

 
 
 
KLAUS SCHÄFER RÉÉCRIT :
 
Grâce à votre aide, je crois avoir retrouvé le film que je cherche depuis longtemps; il s'agit probablement de The Three Stooges meet Hercules (1962) d'Edward Bernds. Même si j'ai oublié beaucoup de détails, les quelques scènes dont je me souviens sont mentionnées dans les différents synopsis que j'ai lus en surfant à partir de ce titre.
Je vous remercie de votre soutien efficace et vous félicite encore une fois de votre site intéressant et original.
 
 
RÉPONSE :
 

Voici quelques photos supplémentaires qui, peut être vous aideront à vous remémorer ce film...

3 stooges vs hercule - 4
3 stooges vs hercule - 5
 
3 stooges vs hercule - 6
 
 

 

 
20 mai 2005
LA GUERRE DE TROIE N'AURA PAS LIEU
Stefano Zelmo nous écrit :
 
Pourriez-vous m'informer s'il est possible de commander l'un ou l'autre numéro de la collection DVD Peplums, non disponible en Belgique. Grand merci de votre réponse.
J'aurais tant voulu me procurer le film La guerre de Troie, disponible aux USA (Zone 1 et donc non visionable en Europe).
 
 
RÉPONSE :
 
Hélas... non ! L'offre est réservée à la France métropolitaine, ne me demandez pas pourquoi. Question de droits, je suppose. Et il n'y a pas plus d'une semaine, j'ai reposé la question à Fabbri : il n'y a encore rien de décidé pour la Belgique.
L'idéal pour vous serait d'avoir un correspondant en France, qui veuille bien vous les acheter, ou de traverser la frontière régulièrement.
Si vous habitez Bruxelles, j'ai entendu dire que près des abattoirs d'Anderlecht, il y avait un petit libraire/marchands de journaux qui allait régulièrement France acheter de ces DVD introuvables en Belgique. Notamment la collection qui vous intéresse. Mais je ne sais rien de plus.
 
 
 
12 juin 2005
FILMS ÉPIQUES À HOLLYWOOD, «PÉPLUMS» À CINECITTÀ ? NOUS N'AVONS PAS LES MÊMES VALEURS...
Mélissa Quérouil a écrit : 
 
Je suis professeur de lettres classiques en collège et souhaite étudier l'an prochain dans le cadre des IDD Julius Cæsar et Cléopâtre de Mankiewicz. Définieriez-vous ces films comme des peplums (pepla ?) ?
 
 
RÉPONSE :
 

Excellente question. Selon ma définition perso : oui, ce sont des péplums, puisque ces films tentent de reconstituer (ou d'évoquer) un épisode de l'Antiquité. Un jour ou l'autre, je mettrai sans doute sur mon site des dossiers consacrés à ces deux titres, que j'apprécie énormément du reste (en dépit de... mais, soit, passons !).
Considérez néanmoins que le sousigné est un hérétique - qui privilégie l'historique sur le cinéphilique - et se revendique comme tel !

Selon la définition classique, cinéphilique, le péplum est un genre cinématographique typiquement italien en opposition avec les superproductions (tout autant pseudo-)historiques américaines qui relèveraient d'un autre genre : le film épique. Donc La Chute de l'Empire romain, Cléopâtre et Ben Hur ne seraient pas des péplums, mais des films épiques au même titre que... Battle of the Bulge (La bataille des Ardennes), Major Dundee (j'adore, mais pour moi c'est un western) ou ces 55 Days to Peking (Les Cinquante-cinq Jours de Pékin) qui me caramélisent de bonheur !

Le terme «péplum» fut forgé au début des années '60 dans la mouvance du Nickel-Odéon (le ciné-club de Bertrand Tavernier) et des «mac-mahoniens» qui privilégiaient la mise en scène, plutôt que le contenu. Fans de divers réalisateurs de séries B américains jusqu'alors méconnus, ils jettèrent également leur dévolu sur les italiens Riccardo Freda et Vittorio Cottafavi et encensèrent leurs «péplums» tout en ce moquant bien de ce que leurs films fussent ou non dévoués à la représentation d'un épisode de l'Antiquité.

C'est amusant, cette définition «cinéphilique» qui relie des films sur l'Antiquité à des films... de cape et d'épée, des films fantastiques, des thrillers (giallos), des films d'espionnage ou des westerns-spaghettis. La raison - cinéphiliquement logique - étant que, quel que soit le genre, les films sortent du même moule industriel; ce sont les mêmes réalisateurs, techniciens et acteurs qui, au fil des années, se soumirent à l'une et l'autre mode... tout en conservant leur personnalité artistique. Mais pour ma part je préfère m'en tenir au contenu : comment, avec une budget plus ou moins conséquent, la sensibilité latine, anglo-saxonneou autre, en telle année, a vu tel ou tel moment d'Histoire.

 
 
 
24 juin 2005
KAMPF UM ROM À LA CONQUÊTE DU CÉLESTE EMPIRE
 
Entre août 2004 et juin 2005 nous avons échangé une série de courriels avec Aurore Lee, un professeur de français... chinois et cinéphile, relatif au doublage en chinois du péplum de Robert Siodmak Le dernier des Romains / Pour la conquête de Rome (1968).

Il est bien connu que si les péplums italiens connurent un grand succès aux Etats-Unis, ils ne pénétrèrent guère les marchés des Blocs de l'Est ou de Scandinavie. «L'Europe du Nord continue à être rétive et les pays socialistes entretiennent des rapports fort rares avec notre cinéma», écrivait en 1963 le critique italien Vittorio Spinazzola («Le carnaval des demi-dieux», in Cinéma 64, n­ 85).

Quand sort en Europe Le dernier des Romains, la Révolution Culturelle (août 1966-automne 1968) est achevée. Confrontée à l'Union soviétique sur leurs frontières communes de Mandchourie-Mongolie-Sibérie - incidents sur l'Oussouri et dans le Sinkiang, 1969 - la Chine cherche à assurer ses arrières à l'Ouest. Le Président Nixon visite Pékin en février 1972. Le film de Siodmak vient d'être doublé en chinois, mais sa diffusion restera confidentielle et limitée à un public de professionnels. La cinématographie chinoise s'interroge sur la cinématographie occidentale.
Au Viêt-nam, les Américains commencent à retirer leurs troupes dès 1973, pour définitivement se retirer en avril 1975. Le dégel. En principe ça n'a rien à voir, mais la chose est fort curieuse et mérite d'être signalée : les années qui vont suivre (1973/1974) verront déferler sur les écrans européens les films de sabre chinois «Made in Hong Kong» tel L'épée du Tigre Jaune. Dans un Moyen Age intemporel, un chevalier champion d'arts martiaux affronte successivement des spécialistes de diverses armes. Equivalents asiatiques de nos péplums, la similitude des scénarios de film de sabre avec ceux des films de gladiateurs nous a toujours frappé. Bien sûr, le phénomène est plus complexe que ça, ainsi par exemple leur popularité est indubitablement en rapport avec le succès des films de kung-fu ou de karaté, liés eux à la carrière du flamboyant acteur sino-américain Bruce Lee.

De ces échanges épistolaires, nous avons sélectionné les paragraphes qui suivent.

kampf um rom

La Invasion de los Barbaros :
l'affiche espagnole de Kampf un Rom

 
 
 
Aurore Lee a écrit :
 

Je suis à la recherche de ce film, Kampf um Rom. En Chine, on l'avait doublé au début des années '70. Je voudrais bien le trouver en VO en profitant de mon séjour en France car la «voix chinoise» d'Amalaswintha me le confiait de plus. Dans les mémoires de cette artiste chinoise - qui seront publiées en Chine (1) -, dans un studio de doublage à Shanghai, au cours de l'été 1971, ses collègues et elle ont travaillé dur à cause de la très grande chaleur et surtout à cause d'une demande de doublage d'une durée plus courte qu'habituellement. Donc un rythme incroyable : jours et nuits sans rentrer chez soi, un travail opiniâtre et un épuisement à la fin; mais au bout de 9 jours, la version chinoise était présentée à Pékin. Selon elle, ce fut une expérience inoubliable pour tous ceux et celles qui y ont participé. Malheureusement, personne parmi eux n'avait une copie de ce film et actuellement on ne trouve aucune production visuelle dans le magasin chinois non plus.
A part ça, je voudrais profiter de ce super site pour vous dire que le contexte socio-culturel chinois de l'époque engendrait un nombre d'artistes particuliers qui consacraient à fond leurs talents au doublage et qu'ils étaient, grâce à la qualité de leur travail extraordinaire, très appréciés et très réputés en Chine...
Ceci, à mon avis, est trop méconnu par vous les amateurs européens de cinéma. Ce sera, pour moi, un très grand plaisir si ce petit message attire votre attention et s'il vous donne l'occasion d'une réflexion plus ouverte sur toutes les cultures.
Merci beaucoup. A Chinese fan.

Typiquement chinois
(...)
Le film a été doublé en Chine en 1972. Cependant le public chinois n'a toujours pas eu l'occasion de le voir et actuellement on n'a aucune production audio-visuelle de ce film dans les magasins non plus. Je le cherchais juste pour la comédienne de doublage qui donnait la voix à Mathaswintha. Elle fait partie des plus grands doubleurs chinois. Elle est en train d'écrire les mémoires de sa carrière professionnelle; étant l'un des plus anciens doubleurs chinois - qui sont déjà très peu nombreux - elle se trouve être la personne la plus qualifiée pour nous raconter l'histoire du développement du doublage chinois... Le doublage de Kampf um Rom porte chez elle un souvenir particulier : elle vient de m'envoyer par e-mail un extrait de ses mémoires à propos ce film. Je suis très étonnée d'une telle histoire de doublage...
Enfin, typiquement chinois de l'époque.

La fin d'une époque...
(...) Ce matin, elle [Madame Su] a participé à la cérémonie funèbre du doubleur qui donnait sa voix à Louis de Funès dans La Grande Vadrouille. Les amateurs chinois sont tristes pour le départ d'un doubleur excellent en disant qu'on les a perdus tous les quatres (les deux acteurs français et leurs doubleurs chinois : le film La Grande Vadrouille est très très apprécié par les Chinois). Mme Su était la directrice du doublage de ce film. La qualité de ce doublage le place parmi les meilleurs). Je suis très étonnée de son décès (maladie cardiaque). Trop brutal. Même pour Mme Su, c'est pareil. Elle m'a dit que juste la veille du jour du décès de son collègue ils se sont parlés par téléphone. Lui, il était en bonne forme.

mme su madame su

Quarante ans après : Mme Su, la voix chinoise d'Honor Blackman (Amalaswintha [Amalasonte]) dans Le dernier des Romains (Kampf um Rom) et son livre de mémoires

 
 
Madame Su nous a écrit
 

Je suis doubleuse chinoise de la première génération. Kampf um Rom (1 et 2) a été doublé en Chine en 1971. Je donnais ma voix à Mathaswintha. La Chine importait ce film, non pas avec pour objectif de le distribuer à son public, mais faire connaître le cinéma étranger aux professionnels chinois : il n'était donc destiné qu'à certains groupes artistiques chinois. Quant aux critères de sélection des films occidentaux, je ne les connais pas exactement, ils ne dépendaient pas du studio où je travaillais. Dans les années '60 et '70, la Chine en a importé d'autres tels que Notre-Dame de Paris (France), Austerlitz (France), The Sound of Music (USA), Waterloo Bridge (USA), Jane Eyre (Angleterre, 1970), etc.

Le doublage des films étrangers en Chine remonte à la fondation de la République populaire de Chine (1949). En tant que doubleur, à part d'Amalaswintha (Kampf um Rom), j'ai donné ma voix à une centaine de rôles étrangers tels que Daisy (Driving Miss Daisy, USA), la Tsarine Catherine Ière (Pyotr Pervyy, ex-Russie), Mathilde de La Mole (Le rouge et le noir, France), Estella (Great Expectations, N&B, Angleterre, 1974), la femme de Ferdinando Esposito (Guardie e ladri, Italie). En tant que directrice de doublage, j'ai à mon actif plus de soixante-dix, tels que La Grande Vadrouille (France), Rome, Open City (Italie), A Night to Remember (Angleterre, 1958), Kabale Und Liebe (Allemagne), Heintje - Einmal wird die Sonne wieder scheinen (Allemagne).

 
 

 

 

NOTES

24 juin 2005

(1) Elles l'ont été depuis. - Retour texte