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JANVIER
2008 |
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NEWS
DE JANVIER 2008
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SUR
CETTE PAGE :
COURRIER
DE JANVIER 2008
- 2 janvier 2008
- 3 janvier 2008
- 6 janvier 2008
- 7 janvier 2008
- 10 janvier 2008
- 11 janvier 2007
- 17 janvier 2008
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COURRIER
DE JANVIER 2008 (Suite)
- 20 janvier 2008
- 22 janvier 2008
- 24 janvier 2008
- 27 janvier 2008
- 28 janvier 2008
- 31 janvier 2008
- 31 janvier 2008
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2 janvier 2008 |
OÙ
L'ON REPARLE DE MARCUS DIDIUS FALCO, DÉTECTIVE
PRIVÉ... |
Bruno
Peeters a écrit : |
Je
te signale la parution de :
Eclats du Noir,
Généricité et hybridation dans
la littérature et le cinéma du monde
anglophone (textes rassemblés
par Max DUPERRAY, Gilles MENEGALDO et Dominique SIPIÈRE),
Publications de l'Université de Provence, coll.
«Regards sur le Fantastique», Aix-en-Provence,
2007 [cv. : dessin de Max Duperray], 354 p.
Dans son article, Isabelle Roblin
nous y fait découvrir le détective M.
Didius Falco, privé romain. Le connais-tu ? |
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RÉPONSE
: |
Bien sûr, je connais
le détective romain imaginé par Lindsay
Davis. Pas vraiment terrible, car on le trouve plus
occupé à résoudre ses problèmes
de cur et à se demander comment il va payer
son loyer... qu'à résoudre son enquête.
C'est du moins ce que j'ai retenu des deux premiers romans
de sa saga; je verrai les autres plus tard. Il y a de
discrets anachronismes, des détails comme ça
qui ne me plaisent pas trop («il gratta une allumette»),
mais le style, la mise en scène des personnages
est de l'authentique série noire... en péplum.
A ma connaissance, on n'a pas encore consacré de
film cinématographique ni de téléfilm
à ce personnage, ou ai-je raté un épisode
? Sur le site
de l'auteur, je vois qu'il y a eu divers projets d'adaptation
TV, notamment par la BBC, d'un épisode intitulé
«The
Age of Treason», ou de l'achat des droits par
Columbia TV pour The Silver Pigs. Mais tout ceci
me paraît être resté à l'état
de projet. |
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3 janvier 2008 |
CHRONIQUE
D'UNE CATASTROPHE ANNONCÉE... ET ESPÉRÉE
PAR LES CHRÉTIENS :
ATTILA, LE FLÉAU DE DIEU ! |
Hervé
Dumont a écrit : |
Je reviens
sur un précédent
courrier. L'Occidental, il est vrai, a acquis une
curieuse mentalité à force de toujours exclure
au lieu d'inclure... C'est une chose qui me frappe régulièrement
quand je voyage en Asie ou en Inde. Et ces braves Romains
ne pouvaient que secouer la tête.
Je me suis repenché récemment sur Attila
(un de mes sujets favoris) et ai revu Le signe du païen
(avec la séquence de danse de Ludmilla, excisée
de la majorité des copies), dont la dernière
partie, historiquement fantaisiste, est clairement inspirée
par le libretto de l'opéra de Verdi. Je
me demande d'ailleurs si certains alliés d'Attila
n'étaient pas aussi chrétiens; les Wisigoths
étaient bien arianistes, si je ne m'abuse, donc
la chose ne me semble pas totalement abstruse. Sais-tu
quelque chose à ce sujet? |
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RÉPONSE
: |
Je te confirme, en ce qui
concerne les Wisigoths, qu'à l'époque
d'Attila, la majorité d'entre eux étaient
des chrétiens ariens.
La chronologie précise de la conversion
des Goths paraît assez controversée
- note mon complice Lucien J. Heldé, du site
associé des Empereurs
romains - mais il semble qu'une partie notable
d'entre eux étaient déjà convertis
au christianisme arien, sous l'action du missionnaire
Ulfila (311-383), lors de la victoire leur victoire
sur l'empereur Valens à Andrinople, en 378.
D'ailleurs, le chef goth Fritigern, le vainqueur d'Andrinople,
s'était rallié - plus par pragmatisme
que par conviction, semble-t-il - à la cause
chrétienne, tandis que son rival, le chef Athanaric,
été resté partisan de la religion
traditionnelle de leur peuple. Quoi qu'il en soit,
d'après la monumentale Histoire du Christianisme
des éditions Desclée, dont je tire
ces renseignements, l'homogénéité
religieuse des Goths n'exista pas réellement
avant leur conversion définitive au catholicisme
romain (dans le courant du VIe s., je crois) : une
majorité d'ariens côtoyèrent longtemps
une minorité de catholiques... et sans doute
aussi un certain nombre de païens récalcitrants
et opiniâtres. Plus amusant, en 417, l'historien
chrétien Orose affirmait (sans rire) que si
les Barbares avaient été lancés
sur les territoires de l'empire romains, il fallait
en louer la miséricorde divine, car ils remplissaient
les églises ! Et de citer les Huns (et aussi
les Suèves et les Vandales) parmi les peuples
de «croyants». Mais, comme commente l'auteur
de l'article de cette Histoire du Christianisme
auquel je me réfère encore, «ce
passage est peu fiable». De fait, à
l'époque d'Attila, soit près de deux
générations après l'époque
d'Orose, l'immense majorité des compagnons
du «Fléau de Dieu» étaient
encore, incontestablement, des païens bon teint.
Connais-tu le sens exact de l'épithète
accolé au nom d'Attila, «Le Fléau
de Dieu» ?... Ca veut dire quoi, d'après
toi ? Qu'il était une malédiction pour
les Chrétiens de l'Empire romain ? Que nenni.
Pour les ploucs «romains» dont les Huns
ravageaient les terres, mais qui n'étaient pas
trop heureux sous la férule des grands propriétaires
de l'Establishment romain, Attila était
le Marteau de Dieu, l'instrument de sa juste vengeance,
de la punition d'un empire injuste et perverti.
A cette époque, en Gaule, toutes sortes de mécontents
prirent le maquis. Les bagaudes. L'Empire les réprimera.
Attila avait eu pour compagnon d'enfance le Pannonien
Ætius, alors otage à la cour de son père,
le roi des Huns Mundzuk. Plus tard, Ætius - qui
avait fait carrière - écrasera Attila
aux Champs Catalauniques, en 451, mais assez curieusement
le laissera retraiter tranquillement... on a supposé
qu'il préférait conserver dans sa manche
la «carte Attila» pour se garantir de son
patron, l'empereur Valentinien III. Une nullité
qui, d'ailleurs, finira par le faire assassiner.
Ce qui est assez gag, c'est de se dire que, dans un
premier temps, Attila - devenu roi - fournit à
son ami Ætius des mercenaires huns pour combattre
les Francs; puis dans un second temps, le Maître
de la Milice Ætius s'alliera aux Francs et aux
Wisigoths pour repousser les Huns d'Attila.
Attila avait fédéré quantité
de peuples barbares, dont des peuples germaniques. Il
y avait donc des Goths dans son armée (encore
que les Goths «germaniques», hum... Les
«Goths» étaient, en fait, un conglomérat
de Germains, Slaves et Iraniens [Scythes]). Les Ostrogoths,
avec leurs cousins les Gépides, constituaient
l'élite de l'infanterie hunnique. Ulfila, un
habitant de l'Asie Mineure enlevé par les pirates
goths et réduit en esclavage, les convertit au
christianisme que lui-même confessait, c'est-à-dire
à l'arianisme, l'hérésie d'Arius,
l'évêque d'Alexandrie.
Il n'y a rien de pire que la guerre civile, si ce
n'est la guerre religieuse ! On peut respecter un ennemi
étranger; mais on exècre viscéralement
un compatriote traître ou hérétique
! Songe que du point de vue catholique-orthodoxe, l'arianisme
était pire encore que, par exemple, le monophysisme,
autre hérésie qui survit encore en Orient.
Pour l'église catholique, le Christ est Homme
et Dieu à la fois (consubstantiabilité).
Il est important qu'il le soit, car il est censé
avoir souffert pour racheter nos péchés.
Mais les monophysites professaient que Jésus-Christ
était seulement Dieu, et glorieux; donc
ne pouvait avoir connu cette fin misérable que
nous savons.
Les ariens, eux, croyaient - un peu comme les musulmans
- que le Christ était seulement un homme, un
prophète. Intolérable ! Alors donc, le
Christ n'est pas Dieu ? Quand tu me dis qu'il y avait
des chrétiens wisigoths (tu veux dire ostrogoths
?) je mets un bémol : les ariens sont les ennemis
fanatiques des catholiques. Ainsi, par exemple, Clovis.
Le roi franc païen. Il a été plus
facile au clergé catholique gallo-romain de s'entendre
ce roi des Francs, ce païen fils de Wotan - donc
homme sans préjugés -, qu'avec l'occupant
arien, ses persécuteurs Burgondes-Ostrogoths-Wisigoths-Vandales.
Ces Germains d'Orient, tous ariens.
Cerise sur le gâteau, l'empereur Constantin,
païen convaincu mais passionné par les débats
théologiques des chrétiens, eut à
arbitrer le conflit opposant ariens et catholiques et
pencha pour le parti alors le plus puissant, surtout
en Orient : le parti arien ! Je ne sais si tu te souviens
du curieux péplum de Margheriti Il crollo
di Roma (CLICK)
? Faut le passer à la grille à décoder
car, sous Valens, les persécuteurs des chrétiens
[catholiques] ne sont pas des païens comme pourrait
le supposer le spectateur non-averti, mais des ariens
!
Quant à Attila, il n'était pas le Barbare
qu'on pourrait imaginer à lire les Histoires
Vraies de l'Oncle Paul. Il parlait le latin et le grec,
ayant eu un précepteur romain. Et son secrétaire
particulier était un Romain qui, n'ayant pas
réussi à faire carrière à
Rome, exporta ses talents sur les rives du Danube. A
la mort d'Attila, il revint à Rome où
il se mit au service de l'empereur Julius Nepos. Il
s'agit de cet Orestes, qui tentera de placer sur le
trône impérial son fils Romulus Augustule.
Le dernier «empereur» romain (cf. La
dernière légion CLICK,
CLICK,
CLICK,
& CLICK)
(The Last Legion - The Enchanted Sword, Doug
Lefler, 2007). |
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RÉPONSE
D'HERVÉ |
Je
me souviens fort bien de ton enquête aussi salutaire
que pertinente au sujet de Crollo
di Roma. Cela dit, l'arianisme a eu des prolongements
forts intéressants dans la gnostique chrétienne,
notamment au sein de l'orthodoxie russe et grecque (sans
parler des Coptes), et je me refuse de considérer
les catholiques romains comme les seuls chrétiens...
Quant aux musulmans, s'ils ne
considèrent pas le Christ à proprement
parler comme «divinité», ils le voient
toutefois comme «saint des saints» c'est-à-dire
ayant, selon les écoles soufies (Roumi, Ibn Arabi
etc.), transcendé la condition humaine (résurrection):
selon le Coran, c'est le Christ qui reviendrait à
la «fin des temps» pour instaurer le règne
paradisiaque.
Ce n'est donc pas tout à fait un simple humain
non plus, raison pour laquelle les musulmans ne peuvent
en accepter la mort sur la croix. Le terme de «prophète»
est relatif en Islam (on distingue les prophètes,
les envoyés, les avertisseurs etc., très
compliqué) et sert en priorité à
souligner l'incomparabilité essentielle de toute
créature - fut-elle une émanation «divine»
- avec sa source, c'est-à-dire Dieu lui-même.
Ah, la métaphysique, que de crimes n'a-t-on pas
commis en ton nom !
Tout à fait d'accord
avec toi en ce qui concerne Attila, qui était
tout sauf un simple barbare ! Je pense aussi que le
terme «Fléau de Dieu» était
compris dans le sens d'une punition divine pour la dérive
des institutions chrétiennes entre Rome et Ravenne. |
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6 janvier 2008 |
UNE
ÉTUDE SUR AGRIPPINE À L'ÉCRAN |
Giuseppe
Pucci a écrit : |
Je
vous envoie un tiré-à-part électronique
d'un article qui vient de paraître sur Agrippine.
- Giuseppe PUCCI (Université
de Sienne), «Agrippina sullo schermo»,
in M. MOLTESEN & A.M. NIELSEN (curr.), Agrippina
Minor. Life and Afterlife - Liv og eftermaele,
Meddelelser fra Ny Carlsberg Glyptotek, n.s. 9, Copenhague,
2007, pp. 161-169.
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RÉPONSE
: |
Les visiteurs intéressés
par ce texte peuvent toujours nous en adresser la demande. |
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7 janvier 2008 |
A
VOS LISTES DE RECHERCHE, AMIS COLLECTIONNEURS |
Larry
Newmann & Milton T. Moore ont écrit : |
Amis
collectionneurs, voici deux bonnes adresses. Larry
Newmann est un généraliste qui propose
du matériel de cinéma varié. Milton
T. Moore, lui, est le spécialiste de Steve
Reeves, à qui il a du reste consacré un
fanbook. Réclamez leur leur catalogue de ventes.
Larry Newmann
909 Clinton St.,
PHILADELPHIA PA 19107
USA
Tél. (215) 923-4583
larrynewman49@aol.com
Milton T. Moore, jr
1725 South Rainbow
Suite 1, Box 169
LAS VEGAS, Nevada
USA
89146-2969
www.miltontmoorejr.com |
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10 janvier 2008 |
DE
LA MANIÈRE SPÉCIFIQUE AU PÉPLUM DE
CAMPER LES HÉROS ANTIQUES... |
Maxime
a écrit : |
Nous
venons de recentrer notre dossier sur les principaux personnages,
et personnellement je m'occupe de la différence
d'Achille dans les trois uvres. Pourriez vous m'aider
sur ce sujet ? |
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RÉPONSE
: |
Pour Giraudoux, je dois
vous prévenir qu'Achille ne figure pas au casting
de La guerre de Troie n'aura pas lieu. Il s'agit
de l'histoire d'une ambassade grecque à Troie
(Ulysse et Oiax [ce dernier imaginaire]) et d'une déclaration
de guerre.
Oiax-Ajax
Le nom de l'ambassadeur belliciste Oiax chez Giraudoux
fait, bien évidemment, songer à Ajax (gr.
Aias) de l'Iliade. Mais nos sources grecques
ne citent jamais Ajax aux côtés d'Ulysse,
lors de son ambassade à Troie. Outre Ulysse,
cette ambassade grecque comptait Ménélas
et Palamède, et fut logée, à Troie,
chez le pacifiste Anténor.
En fait, dans le poème d'Homère il y a
deux Ajax. Le Petit et le Grand. Ce sont ces
deux Ajax qui, Achille boudant, rameutèrent les
Grecs et empêchèrent Hector d'incendier
les navires Grecs (Il., XV, 415 et seq.).
Le Petit Ajax est fils d'Oïlée
et vient d'Opunte, en Locride. Troie conquise, il avait
arraché Cassandre au temple d'Athéna,
où elle s'était réfugiée.
Aussi vit-il sa flotte dispersée par une tempête,
punition de son sacrilège. Réfugié
sur un îlot rocheux, il osa encore défier
les dieux, qui cette fois le foudroyèrent (VIRG.,
En., I, 41). Il semble avoir été
associé à un serpent, et serait un héros
oraculaire... J'aime son côté impie, qui
lui a valu d'être réduit en poudre par
la divine foudre de Zeus. Mais chez les Grecs, avoir
été foudroyé par les dieux n'a
rien de négatif. Au contraire, celui qui l'a
été procède quelque part d'une
portion de la divinité. Voyez du reste ce que
dit Pausanias de l'arrogant Capanée (ou Capaneus),
foudroyé en franchissant les murs de Thèbes,
et inhumé à part de ses camarades, les
sept capitaines d'Argos (les «Sept contre Thèbes»)...
A la course, le Petit Ajax était plus rapide
qu'Achille... Hé Hé, vous connaissez le
sophisme d'Achille-aux-pieds-légers et de la
tortue ? Il a dû inspirer ce bon Monsieur de La
Fontaine !
Mais ma préférence va
à l'autre Ajax, le «Grand Ajax»,
le héros au bouclier-haut-comme-une-tour, qui
est le cousin d'Achille. D'après cet armement
qui lui est spécifique, il appert qu'Ajax serait
un héros très ancien porteur d'un de ces
grands boucliers bilobés typiques de la civilisation
minoenne.
Cet Ajax-ci vient de Salamine, l'île en face d'Athènes
où en 480 Thémistocle écrasa la
flotte perse. Ajax de Salamine est fils de Télamon,
le frère de Pélée. Pélée
et Télamon étaient tous deux fils d'Eaque,
un des trois juges aux Enfers. Pélée avait
reçu des dieux une colonie de fourmis, qui se
métamorphosèrent en hommes, sur lesquels
il régna. C'étaient les Myrmidons (de
Murmex, «fourmis»). Les Myrmidons
qu'Achille conduisit sous les murs de Troie sont donc
les descendants de ces fourmis.
Télamon, frère de Pélée,
est le père d'Ajax. Ajax était le plus
fort des Grecs après Achille - tout comme Nireus
était le plus beau des Grecs, toujours après
Achille s'entend ! Selon une tradition qui n'est pas
dans l'Iliade - et pour cause ! - c'est Ajax
qui ramena sur ses épaules la dépouille
d'Achille tué, que les héros achéens
avaient âprement disputée aux Troyens.
Lorsque les Achéens se partagèrent les
biens d'Achille, Ajax espérait recevoir les armes
de son cousin, qu'il avait personnellement arrachées
aux Troyens. Mais les armes d'Achille furent attribuées
à l'intrigant Ulysse; aussi Ajax sombra-t-il
dans la folie (cf. la tragédie de Sophocle
: Ajax furieux). Croyant massacrer les chefs
grecs qui lui avaient refusé les armes, il extermina
le bétail de l'armée (à l'intervention
des dieux, bien entendu). Revenu à la raison
le lendemain, il se suicida pris de honte. Selon mes
critères personnels, j'ai plus d'affection pour
Ajax qui s'était dévoué à
servir la cause grecque, mais sans être remercié
en retour, que pour Achille qui la trahit froidement.
Mais ceci n'engage que moi, bien sûr ! C'est ce
Grand Ajax, assez bien restitué dans le film
de Petersen, que l'on voit mourir avant son heure dans
une bataille sous les murs de Troie.
L'ancien catcheur Tyler Mane incarne
Ajax-au-bouclier-haut-comme-une-tour dans Troie
de W. Petersen |
Dans l'Iliade, le Grand Ajax a pour mère
Periboea; mais il combat souvent avec son demi-frère
Teucros. Batard, ce dernier avait pour mère une
concubine troyenne de Télamon, Hésione.
Fille du roi Laomédon et soeur de Priam, c'est
elle qui avait été offerte à la
fureur d'un serpent marin. Hercule lui avait sauvé
la vie en tuant le monstre, mais ensuite - avec l'aide
de Télamon - avait pris d'assaut la ville à
cause du parjure de son père.
Teucros, l'archer, se réfugie derrière
le grand bouclier de son frère Ajax. Après
la guerre de Troie, il fondera une colonie à
Chypre, Salamis. Les historiens modernes assimilent
souvent ses descendants, les Teucriens de Chypre, aux
pirates Tjekers ou Tjekerou, un des «Peuples de
la Mer» qui tentèrent d'envahir l'Egypte
au XIIe s. av. n.E. et qui s'établirent sur le
mont Carmel en Palestine.
Ajax ramène
sur son dos la dépouille d'Achille, tué
par Pâris. Les armes de son cousin lui
ayant été refusées, ivre
de vengeance il croit massacrer les chefs des
Achéens, mais frappé de folie
il ne massacre que le bétail de l'armée.
Revenu à la raison, de honte, il se suicide.
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Achille : de l'Iliade à
Petersen
Voilà pour d'Oiax (Ajax ?) de Giraudoux. Mais
revenons à son cousin Achille. J'aimerais rappeler
que rien n'obligeait Achille à venir combattre
contre Troie. Selon le mythe grec, il avait eu à
choisir entre une vie obscure mais longue et une vie
brève, mais glorieuse. C'est pour cette raison
que sa mère, la déesse marine Thétis
l'avait, enfant, plongé dans l'eau du Styx, ce
qui le rendit invulnérable - histoire sans doute
qu'ainsi prémuni, son existence ne soit pas trop
brève... Le film de Petersen montre sa mère,
Thétis, lui rappelant que sa vie serait courte
s'il accompagnait l'armée grecque devant Troie.
Mais ce que le film ne dit pas - parce que cela aurait
été allonger la sauce, et aurait contredit
la bataille qui ouvre le film, selon laquelle Achille
avait déjà combattu pour Agamemnon (invention
du scénariste) -, c'est que Thétis avait
caché Achille parmi les filles du roi de Scyros,
Lycomède, dans leur gynécée. Ayant
eu vent de la chose, Ulysse vint à Scyros déguisé
en marchand ambulant. Dans sa corbeille, il apportait
des étoffes, des bijoux, mais tout en dessous
il avait dissimulé des armes de guerrier. Achille
les découvrit au fond de la corbeille et s'en
empara, ravi d'aller à la guerre. Les mythologues
admettent généralement que cet épisode
reflète un mythe de passage. Passage de
l'état d'enfant à celui d'adulte. Les
enfants vivent avec les femmes; imberbes, ils leur ressemblent.
Mais quand leur pousse la première barbe, ils
reçoivent leurs armes et sont inscrits parmi
les citoyens, les mâles adultes combattants, selon
leur classe d'âge (les éphèbes
à Athènes, les irènes à
Sparte).
Dans le film, Ulysse vient tout simplement à
Phthie, le royaume d'Achille, et lui parle de la guerre
qui se prépare.
La différence fondamentale entre l'Achille
de l'Iliade et celui de Petersen est que, chez
Petersen, Achille méprise Agamemnon dès
le départ, et le spectateur ne sait même
pas d'où sa haine trouve sa source. Achille vit
pour la gloire immortelle, Agamemnon pour sa soif de
pouvoir. C'est tout.
Dans l'Iliade, Achille ne devient l'ennemi
d'Agamemnon que parce que celui-ci l'a humilié
en lui confisquant sa captive Briséis. Il serait
intéressant de vérifier si Achille éprouvait
- dans le poème d'Homère - le moindre
sentiment amoureux vis-à-vis de celle-ci, ce
qui est le cas dans le film. Mais je ne vais pas vous
souffler toutes les réponses, n'est-ce pas ?
Un peu de syntaxe scénaristique
Pourquoi Achille est-il opposé à Agamemnon
dès le début du film, et bien avant qu'on
lui prenne Briséis ? Voici mon explication. Cette
façon de voir est particulière aux clichés
que véhicule le cinéma populaire, et le
cinéma historico-mythologique en particulier.
Les qualités et défauts des héros
cinématographiques sont toujours lourdement appuyés.
Ainsi dans Les
Horaces et les Curiaces : dans la tragédie
classique (Pierre Corneille p. ex.) Horace est connu
pour sa «lâcheté» car il a
fui devant les trois frères Curiaces blessés
(mais ses deux frères étant tués,
il se retrouvait seul contre trois !). En réalité,
il n'était pas lâche, mais avait adopté
cette stratégie pour séparer les trois
Curiaces et ainsi, se retournant, les tuer les uns après
les autres. Eh bien ! Ce péplum, avant d'en arriver
à ce fameux duel sur lequel le film du reste
s'achève, s'ouvre sur Horace commandant l'armée
romaine dans une bataille rangée contre les Albains,
dont sont les Curiaces. Blessé au cours de cette
bataille, il est séparé de ses troupes
et passe à Rome pour déserteur. Lorsqu'après
bien des péripéties il réintègre
sa patrie, il y est considéré comme lâche.
Dans Le
Colosse de Rome, c'est l'inverse au niveau de
l'économie du récit, mais l'idée
reste la même. Ici, c'est dès le début
du film que Mucius Scævola s'inflige la mutilation
qualifiante qui va le faire passer à la postérité
: ayant raté sa cible, il se punit en plongeant
dans les braises la main coupable. Privé de sa
main droite, Scævola (le «Gaucher»),
va - dans le film, seulement dans le film ! - s'exercer
pour devenir aussi redoutable combattant qu'avant, mais
avec la main gauche. Bref, la spécificité
du héros est indiquée dès le début,
comme s'il était un bloc monolithique incapable
d'évoluer par lui-même : Achille, Horace,
Mucius Scævola sont des icônes respectivement
de la bravoure, de la lâcheté
ou de l'abnégation. Reste au scénariste
de montrer Achille évoluant vers la générosité,
Horace vers sa réhabilitation, Mucius sa revalidation.
Vous savez, les règles qui président
à la relecture cinématographiques de mythes
bien établis sont assez perverses. J'aime bien
citer l'exemple de Dracula. Tous les dix-vingt ans,
un cinéaste reprend à la base le roman
de Bram Stoker. Ensuite, toute une série de ses
confrères déclinent tous les paradigmes
possibles ou imaginables du mythe des vampires, entraînent
ceux-ci dans les situations les plus inextricables pour
essayer de faire du neuf avec l'ancien. Jusqu'à
ce qu'un autre puriste vienne remettre le compteur à
zéro (Terence Fisher, Jesus Franco, John Badham,
Francis Ford Coppola). Ensuite, l'on recommence. Remettre
au goût du jour, faire du neuf avec de l'ancien,
c'est un peu ça le spoiling.
En parlant de vampires, je viens de voir - hier soir
- le remake de Je suis une légende
: difficile de ne pas se demander où le réalisateur
- pour nous surprendre - va chercher à innover
par rapport à la précédente version
avec Charlton Heston (Le survivant), film-culte
pour moi, et donc aussi avec le roman de Richard Matheson
! Les péplums, donc, systématiquement
prennent le contre-pied des textes. En apparence, on
raconte la même histoire que celle classiquement
connue, mais on la remanie au goût du jour. Les
Grecs héroïques contre les Troyens suborneurs
de femmes (l'Iliade), deviennent ainsi des pirates
grecs agressant les pacifiques Troyens, présentés
comme victimes, gentils adeptes du make love, don't
war - pour reprendre une précédente
argumentation développée dans ce courrier.
Le jeune et impétueux Pâris ne fait-il
pas un amant sublime, qui de loin éclipse le
rassis Ménélas ?
Dans Les
Travaux d'Hercule, au cours du premier tiers
du film, Steve Reeves-Hercule renonce à son immortalité
de fils de Zeus, pour vouloir devenir un humain, mortel
parmi les mortels, et connaître leurs sentiments.
Les affres et tourments que ceux-ci connaissent lui
paraissent enviables. Ah ! éprouver un amour
sincère pour une femme (Iole). Un fantasme de
midinette !, mais n'est-ce pas justement ce public populaire
qui est ciblé par ce type de film ?
Toutefois, dans le mythe, Hercule n'est qu'un demi-dieu;
et son immortalité, il ne l'obtiendra qu'au moment
de sa mort, lorsque torturé par le venin de l'Hydre
de Lerne - qui imprégnait la tunique de Nessos
et maintenant lui brûle la chair - il édifie
son propre bûcher et s'y fait brûler. C'est
alors, et alors seulement, qu'Athéna l'enlève
sur son char et l'emmène dans l'Olympe (apothéose),
où il prend place parmi les dieux. A cet égard,
le dessin animé de Walt Disney est assez savoureux
au niveau des précautions prises avec le mythe
(par exemple, les nombreux adultères de Zeus
sont gommés, Héraclès-Hercule y
devient le fils de Zeus et d'Héra, Alcmène
n'étant plus que sa nounou) et le scénario
est trafiqué à mort pour adhérer
aux codes moraux américains. Dans La
vengeance d'Hercule, Hercule-Mark Forest, bien
loin de se soumettre à l'inique jalousie des
dieux se révolte contre eux dans le premier tiers
du film également. Il renie son père Zeus
et déclare la guerre à ce dieu «stupide
et cruel». Mais dans les mythes, Hercule ne
s'est jamais révolté contre son père
Zeus/Amphitryon. Il accepte de se soumettre à
son triste cousin Eurysthée (soumission qu'il
rejette catégoriquement dans le film de Cottafavi,
qui d'ailleurs confond Eurysthée et Eurytos).
Et plus tard il aidera les Dieux dans leur lutte contre
les Géants (contre les Titans, dans le film Disney
qui confond un peu, mais soit... Titans, Gigans [Géants],
bof !). Les Travaux d'Hercule et La vengeance
d'Hercule sont deux beaux exemples de la manie des
scénaristes de vouloir atteler la charrue avant
les bufs, de mettre au début du film ce
qui ne doit arriver qu'à la fin. Une forme de
flash-back assez perverse, car à bien
y réfléchir, ça n'en est pas vraiment...
Et sentez-vous, comme moi, l'odeur de l'eau bénite
et du goupillon qui sont passés par là
?
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11 janvier 2007 |
ROME
(HBO) TOUJOURS... |
Bertrand
a écrit : |
Etudiant
à Saint-Etienne en Master I d'Histoire, j'étudie
la Série Rome, travail qui peut être
posé dans une étude sur l'évolution
de la vision de la Rome antique au cinéma et
à la télévision. L'étude
de la série me surprend dans le sens où
je pense qu'elle constitue une coupure dans la vision
de Rome par la télévision. Il y a de nombreux
points positifs, plus je lis les sources ou les biographies,
plus je m'aperçois que la majorité des
personnages collent à la psychologie des personnages
de la série. Il y a cependant quelques défauts
dont le plus important, est la présence d'un
sénat circulaire sur le forum à la fin
de la République alors que la curie est rectangulaire
et que le Sénat avait été brûlé
lors des perturbations politiques de Clodius et que
le sénat tenait ses séances à la
curie de Pompée, me semble-t-il.
J'aurai aimé savoir si vous connaissiez un moyen
de contacter par mail ou par adresse postale Jonathan
Stamp à tout hasard, ou au pire quelqu'un de
chez HBO qui aurait un lien avec la série...
De plus, je voulais connaître
votre opinion sur l'article de Florence Dupont dans
Le Monde Diplomatique. Serait-elle un peu trop
rigoriste ?
Enfin, parcourant votre site, j'ai lu une remarque concernant
Cicéron. Je le trouve étrange dans cette
série, à la fois lâche et mesquin
(les mimiques de l'acteur montre quelqu'un qui est peu
sûr de soi). Il me semble que la série
ne montre pas le vrai Cicéron qui a fait ses
choix politiques en fonction de stratégies clientélistes.
Je voulais aussi vous féliciter pour votre site
qui m'aide beaucoup en me donnant des pistes de recherches. |
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RÉPONSE
: |
Merci pour votre appréciation
et de mon travail et de la série Rome
! Quoique très amateur de péplums (ils
m'ont donné le goût de l'Histoire), je
dois parfois me forcer pour en dire du bien. Aussi ai-je
été moi-même très surpris
de constater que ce ne fut pas le cas avec la série
HBO; j'ai rédigé ce copieux dossier avec
le plus grand enthousiasme. Cette série est vraiment
exceptionnelle. Elle a été conçue
avec beaucoup de subtilité, tant dans les choix
scénaristiques (parallèles de personnages
de fiction et de personnages historiques) que dans le
traitement sociologique (relations maîtres-esclaves,
importance de la religion romaine, sexualité).
Bien sûr, il y a eu tout un retraitement des personnages
(Cléopâtre junkie !), des simplifications,
un casting ramené à l'essentiel. Mais
j'ai déjà expliqué tout ça
dans mon dossier
en ligne. La psychologie des personnages fictifs
ou historiques est bien respectée, encore que
chaque historien aura sa vision personnelle (et puis
il y a les nécessités scénaristiques
: Atia et Servilia ne devaient pas avoir grand chose
en commun avec leurs doubles télévisuels;
Octavia non plus). Pour s'en tenir au domaine romanesque,
j'ai plus de sympathie pour le Jules César de
Colleen McCullough que celui de Max Gallo !, mais celui
incarné par Ciaran Hinds me paraît très
crédible. Octave et Marc Antoine sont deux réussites
: Octave, intelligent et calculateur, mais aussi venimeux
qu'un serpent à sonnettes. Antoine, courageux
et bambocheur, mais grand seigneur toujours !
Le décor du Sénat peut
être discuté. En effet, la Curie de 80
- rebâtie par Sylla (Curia Hostila) -,
incendiée en 52 lors des funérailles de
Clodius, était toujours en cours de reconstruction
en 44. César fut assassiné sous le portique
de Pompée où le Sénat se réunissait
cette fois-là; il lui arrivait aussi de se réunir
dans divers autres temples. Ce n'est qu'en 29 av. n.E.
qu'Auguste put dédier la nouvelle Curia Julia,
dont on a en 1900 retrouvé les restes sous l'actuelle
Curie de Dioclétien (entre-temps devenue Eglise
Saint Hadrien). Vous avez raison, elle n'était
pas ronde mais rectangulaire, comme sans doute aussi
les divers temples qui accueillirent provisoirement
les réunions des Pères conscrits pendant
cette période. L'architecte de la série
a sans doute jugé plus commode de lui donner
l'aspect d'un amphi, d'un odéon.
En ce qui concerne Cicéron,
je crains fort qu'il ne soit considéré
comme un grand homme que par les seuls philologues,
lesquels sans doute le jugent sur la base de la qualité
de son uvre littéraire et de son latin.
Il force néanmoins notre sympathie car il est
un des rares Romains de son temps à nous parler
directement, à nous livrer ses pensées
intimes du fait, notamment, de son abondante correspondance
- qui nous est parvenue. (Tenir compte qu'elle a dû
passer par le crible de la censure d'Octave, son éditeur,
qui était aussi son ennemi.) Il passe également
pour avoir été un proconsul intègre
en Cilicie, mais son consulat s'était achevé
sur le scandale d'une décision illégale,
l'exécution de présumés complices
de Catilina (décembre 63). La position de Cicéron
à Rome ne dut pas être facile, étant
à la fois conservateur et homme nouveau, ce qui
le faisait mal voir de ses alliés politiques.
Cicéron a plusieurs fois retourné sa toge
! Oh ! Il ne fut pas le seul ! Pompée aussi,
syllanien, puis populiste, puis re-conservateur. Homme
nouveau lui aussi, Pompée avait eu une carrière
atypique de seigneur de la guerre. Il n'avait pas suivi
le cursus honorum qui normalement mène
au consulat. Mais il avait des troupes, ce qui le dispensait
d'avoir à se justifier ! Cicéron n'avait
que des discours. Et ce courrier de 800 lettres dans
lesquelles, se confiant à nous, il exprime au
jour le jour sa pensée, ses hésitations,
ses doutes. De là à le voir velléitaire
il n'y a qu'un pas, que nombre d'historiens ont franchi
sans hésiter et bien avant Bruno Heller.
J'ai dit ce que je pensais de la
réaction de Florence Dupont (Le
Monde Diplomatique) dans un précédent
courrier en
ligne. Je me rappelle l'avoir rencontrée
à un Festival péplum d'Arles où
elle s'indignait de l'écart de langage d'un intervenant
parlant, à propos de Quo Vadis, de Lygie
«habillée en vestale» pour
être livrée à la corne de l'aurochs.
Et elle avait mille fois raison : jamais Romain n'aurait
eu l'idée saugrenue de déguiser une chrétienne,
une criminelle condamnée à mort en la
drapant dans la robe d'une des prêtresses les
plus sacrées. C'est le regard hostile ou condescendant
des chrétiens qui font dire de telles absurdités.
Florence Dupont est, en bonne historienne, très
attachée à la lettre des textes. Mais
comme je dis toujours : si le Lévitique interdit
aux enfants d'Israël tout commerce zoophile, ou
homosexuel, ou avec des personnes d'une autre religion,
c'est - justement - parce que ces pratiques ont cours.
On ne légifère que pour réprimer
des attitudes existantes; il serait naïf de croire
que les Hébreux s'abstenaient systématiquement
de ce qui leur était interdit, simplement parce
que c'était interdit. De même Xénophon,
dans sa République des Lacédémoniens,
s'ingéniait-il à exposer à ses
lecteurs qu'au contraire du restant de la Grèce,
à Sparte les amours masculines étaient
chastes. Et de rajouter : «Je sais que vous
ne me croirez pas !» Alors, les légionnaires
romains se conduisaient-ils en gentlemen ou en soudards
lorsqu'ils étaient en territoire ami ? J'avoue
n'en rien savoir, mais je ne me fais aucune illusion
sur les frasques d'une armée en campagne. Pour
moi, la fameuse discipline romaine devait porter surtout
sur les choses de la guerre et des camps.
Enfin, en ce qui concerne Jonathan Stamp, je n'ai
été en contact avec aucun des concepteurs
d'HBO, mais si vous allez sur leur
site vous devriez pouvoir trouver un moyen de les
contacter par e-mail, par exemple ICI.
A propos de Rome (HBO) sur ce site
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17 janvier 2008 |
JULIEN
L'APOSTAT ET LE TEMPLE DE JÉRUSALEM. ET LA POURPRE
À UN PRIX COMPÉTITIF... |
Joël
Baron a écrit : |
Je «travaille»
actuellement sur le règne de l'empereur Julien
dit l'Apostat (vers 365 ap. J.-C.).
J'aimerais savoir si un péplum a été
consacré à l'histoire de cette passionnante
période. Rappelons que Julien avait décidé
de reconstruire le Temple de Jérusalem, au grand
dam des évêques chrétiens, et des...
rabbins juifs.
Joël BARON
Écrivain (1)
- Israël
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RÉPONSE
: |
J'ai évoqué
Julien en divers endroits de mon site (entrez Julien
l'Apostat dans mon moteur de recherche, page d'accueil),
mais voyez plus spécialement ici.
Deux films lui ont donc été consacrés,
mais je n'ai vu aucun des deux, juste récupéré
quelques documents (affiches etc.). Je crains que la
question du temple de Jérusalem que Julien voulut
reconstruire, davantage pour narguer les chrétiens
que pour faire plaisir aux juifs (du reste largement
dispersés d'Israël depuis la répression
de la révolte de Bar-Kocheba, en 135, non ?),
n'ait point figuré parmi les préoccupations
de cinéastes italiens catholiques (2).
C'est son retour au paganisme qui était considéré
comme une abomination, surtout dans les délires
de «saint» Grégoire de Naziance,
le «père» de l'Eglise grecque.
Le film de 1945 met en parallèle fascisme et
paganisme et les menaces du Feu de Dieu vengeur (la
Bombe atomique), d'où le titre L'Apocalypse.
Ah, que j'aimerais voir ces deux films, en particulier
le second de 1945.
Autant que je sache, les Romains à ce moment
(c'est-à-dire après avoir réprimé
dans de sang les révoltes juives d'Alexandrie,
Cyrénaïque, Chypre [3]
et Jérusalem) interdisaient aux juifs de résider
à Hiérosolyma, et peut-être bien
dans toute la Palestine. Avez-vous une idée des
circonstances et de la date où ils y revinrent
? Il y avait dans la Ville Sainte une importante communauté
juive au temps des Croisades, lorsque mon compatriote
Godefroid de Bouillon la conquit, en 1099. |
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JOËL
BARON RÉÉCRIT : |
Concernant
la présence de Juifs à Jérusalem
(ou Ælia Capitolina), ils étaient
en effet interdits de séjour jusqu'à l'arrivée
des Arabes en Palestine vers 635. Mais dans le reste
de la Terre dite Sainte, ils n'ont jamais été
totalement absents puisque des «yeshivot»
(pluriel de «yeshiva», ou Ecole talmudique)
ont existé sans interruption dès le lendemain
de la destruction du Temple en 70, notamment à
Yavneh et à Tibériade. Elles ont même
survécu à la (stupide) révolte
de Bar Kokhba en 135, violemment réprimée
par Hadrien.
L'épisode du règne
de Julien est, curieusement, très peu traité
dans le Talmud; on sent qu'il est presque censuré.
Une exception notoire : une discussion entre les rabbins
concernant l'orthodoxie (ou non) de la re-construction
du Temple alors que le Messie n'est pas encore arrivé
sur son ânon blanc. De plus, Julien avait confié
les travaux de déblaiement du Temple à
des Gentils : des non-juifs ne pouvaient que «souiller»
l'emplacement saint.
Vous connaissez la suite : une terrible explosion eut
lieu au tout début des travaux de déblaiement,
tuant une quinzaine d'ouvriers. Les évêques
chrétiens se frottèrent les mains, en
y voyant «le doigt de Dieu»; les rabbins
y virent la punition des iconoclastes qui avaient osé
enfreindre un tabou... Quant aux rationalistes, quelques
siècles plus tard, ils ont trouvé une
cause très simple à cette mystérieuse
explosion : sous les ruines du Temple détruit
65 ans plus tôt, les corps en décomposition
des soldats de Titus et des Sicaires juifs avaient dégagé
un gaz (le méthane) hautement explosif.
Dans la littérature,
les seules références à Julien
qui me sont connues sont celle de Benoist-Mechin, et
la pièce de théâtre d'Ibsen.
Les aventures du jeune et sémillant Julien lâchement
tué par la flèche d'un de ses soldats
(chrétien) pourraient faire un très beau
péplum. (Mis à part le fait qu'il n'était
pas si sémillant que cela : il semblerait qu'il
ait été fort laid, gras, court sur pattes...
Mais on peut «violer» l'Histoire pour en
faire un séduisant Leonardo Di Caprio).
Monnaie à l'effigie de
l'empereur Julien |
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RÉPONSE
: |
Julien le Grand est sans
doute mon empereur romain préféré,
probablement parce que, imbibé de mythologie
grecque depuis la petite enfance, j'ai toujours été
plus ou moins en rupture avec le christianisme. Avec
l'âge, je me suis radouci, mais reste un athée
convaincu, ou plutôt un agnostique. Je ne regrette
qu'une chose, c'est de ne pas avoir plus systématiquement
épluché son règne - faute, sans
doute, d'avoir eu l'occasion de décortiquer un
film à lui consacré. Pourtant, outre le
Benoist-Méchin que vous citez, j'ai également
lu :
- Gore VIDAL, Julien (1962), Robert Laffont,
1964 (trad. de l'américain) - roman;
- Claude FOUQUET, Julien, la mort du monde antique
(introd. Pierre Grimal), Les Belles Lettres, coll.
«Confluents», 1985 - biographie romancée;
- Lucien JERPHAGNON, Julien dit L'Apostat,
Seuil, 1986 - vulgarisation historique.
La seule photo que je possède de L'Apocalypse
représente justement Julien blessé, agonisant
entre les bras de ses fidèles. Je ne sais pas
si Julien était laid, petit et gras. Je l'imagine
beau comme... Hadrien ou Marc Aurèle, avec une
barbe de græculus. Son oncle Constantin
était plutôt costaud, non ? Comme soldat,
il était assez brillant, je pense... Et comme
il menait une vie ascétique et est mort relativement
jeune (31 ans [4]),
j'ai peine à croire qu'il ait pris de la bouteille
et fut gros. Evidemment, si l'on prend pour argent comptant
les diffamations de Grégoire de Naziance - «les
yeux hagards, le regard d'un fou... Tics nerveux...
L'esprit embrouillé, il pose des questions désordonnées...
Environné de spectres...» - il devait
également avoir le nez en trompette et des sabots
fourchus !
En tout cas, je vous remercie pour vos précisions
sur le retour des juifs à Jérusalem. Et
plus encore votre référence au Talmud.
Apparemment, donc, les Byzantins avaient continué
d'observer l'interdit d'Hadrien ?
En quoi consiste votre travail sur Julien ? Curiosité
personnelle, article, livre ? |
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JÖEL
BARON RÉÉCRIT : |
Nous
avons en commun d'être des «athées
convaincus mais radoucis» comme vous le dites
si joliment. Depuis mon immigration en Israël,
venant du Maroc, il y a 20 ans, j'ai appris à
mieux connaître les ultra-religieux orthodoxes
juifs. Ma conclusion provisoire ? Ils ont réussi
à se créer une société «qui
marche». J'ai développé mon point
de vue dans un livre qui a été publié
il y a deux ans (Le
parapluie et le mendiant, chroniques israéliennes,
Editions de l'Aube, 2005).
Mon «travail» concernant
l'Empereur Julien se traîne paresseusement. De
même la rédaction de mon prochain roman,
une histoire qui se déroule dans le Maroc du
XVIIIe s., avec des corsaires, des belles captives européennes,
et dont le héros est un homme d'affaires juif-marocain
frotté à la culture française des
Encyclopédistes... Tout un programme !
Donc, Julien l'Apostat. Etant
un ex-enseignant, j'anime bénévolement
un groupe d'«écriture théâtrale»
en hébreu. J'ai réussi à convaincre
mes élèves de l'intérêt de
l'histoire de Julien et nous avons commencé au
début de cette année scolaire à
jeter sur le papier la trame de notre intrigue, sans
éviter le très grand potentiel émotionnel
qui s'attache à cet essai de re-construire un
Temple sans... Dieu (ou sans Messie, ce qui revient
au même). C'est à cette occasion que j'ai
réussi à obtenir des détails sur
l'aspect physique de Julien. Les jeunes filles de mon
groupe tenaient absolument à faire de lui un
«beau gosse», ce qu'il n'était pas.
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RÉPONSE
: |
Sur le site associé
au mien des «Empereurs Romains», mon voltairien
Webmaster et ami Lucien J. Heldé a posté
un
commentaire intéressant à propos de
la reconstruction par Julien du Temple de Jérusalem.
Je n'ignore pas que dans les cimetières d'autrefois,
le méthane issu de la décomposition des
corps inhumés, produisait des feux follets. Mais
je ne connaissais pas la théorie d'une poche
de méthane constituée à la suite
de la décomposition des corps de Romains et de
Juifs tués lors du siège de Jérusalem
en 70, explosant sous le Temple de Jérusalem
trois siècles plus tard. Ca m'étonnerait
tout de même que les Romains vainqueurs aient
renoncé à donner une sépulture
à leurs soldats. Les légionnaires cotisaient
en vue de leur sépulture, et c'était un
sous-officier d'élite - l'aquilifère,
le porteur de l'aigle légionnaire -, qui en tenait
la comptabilité. Vous avez trouvé ça
où ? Pour ma part, dans mes sources, je ne trouve
qu'un banal tremblement de terre plus crédible.
Je connais bien le bouquin de Le Leu (1909), que cite
mon Webmaster, redoutable manuel d'endoctrinement catho
à l'usage de nos chères petites têtes
blondes ! Je ne m'étonne pas si Julien outre
être un zélateur du paganisme diabolique,
y est aussi un suppôt du judaïsme. Tant qu'à
faire ! Il y a une terrible gravure le représentant
entouré de spectres démoniaques, avec
à l'arrière-plan une jeune vierge égorgée
sur un de ses autels impies (5),
sous une citation de «saint» Grégoire
de Naziance : «Là, à la clarté
funèbre d'une torche, on plongeait le couteau
sacré dans le cur d'un enfant, d'une jeune
fille, d'un chrétien, on disséquait leurs
membres palpitants pour évoquer les esprits dans
la vapeur du sang, et recueillir des présages
horribles» ! Ces accusations de sacrifices
humains, de crimes rituels on se les a repassées
au long de l'Antiquité et jusqu'à il n'y
a pas si longtemps : les païens en ont accusé
les Juifs (cf. Contre Apion) puis les chrétiens
(l'eucharistie), ensuite les chrétiens en chargèrent
les païens, les juifs...
«La
peur glaça le cur de Julianus qui,
se rappelant la foi qu'il avait quittée,
traça sur lui le signe victorieux de
la croix», commente
Le Leu, imaginant l'effroi de l'empereur apostat
lorsque présidant à les sacrifices
humains au pied d'une idole, il suscite des
démons infernaux.
(L. LE LEU, Le Triomphe de la Croix (Les
Fastes de l'Eglise), Casterman, 1912 - gravure
signée «Mathy»)
|
Le brave Le Leu disait que Julien voulut restaurer
le Temple de Jérusalem à la suggestion
des rabbins, qui bien entendu avaient leur malveillante
petite idée derrière la tête. Mais
vous m'affirmez que le Talmud raconte exactement le
contraire : que c'est bien malgré ceux-ci que
Julien voulait faire reconstruire le Temple, par ses
architectes et ouvriers païens (horreur) ! Voilà
qui m'intéresse ! Avez-vous les coordonnées
précises de ce passage du Talmud ? Du reste,
en existe-t-il une traduction française : j'ai
autrefois consulté en bibliothèque une
traduction anglaise du Talmud de Babylone (6),
à l'époque où je creusais la question
du Moloch, autre diabolique fantasmagorie.
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JOËL
BARON AJOUTE |
Dans votre (excellent) commentaire sur la série
télévisée Rome, dans la partie
consacrée au Triomphe
de César, vous vous demandiez d'où pouvait
provenir la peinture
rouge dont l'Imperator se badigeonnait la face
durant cette procession. Je crois pouvoir vous répondre.
Il existe au Maroc, en face de la ville d'Essaouira (anciennement
nommée Mogador) deux petites îles appelées
«les Iles Purpurines». Leur spécialité,
durant toute l'Antiquité romaine (ces îles
appartenaient à la Maurétanie Tingitane)
fut de produire la pourpre qui teignait en rouge les toges
romaines. Cette peinture était obtenue à
partir d'algues spécifiques à cette région. |
|
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RÉPONSE
: |
En ce qui concerne la
pourpre de seconde catégorie que vous me dites
provenir d'une algue qui proliférait au large
du Maroc, je vous signale que Frank G. Slaughter a développé
un sujet assez semblable dans son roman Le Sang du
Dragon : la fondation de Carthage par des colons
tyriens, et une expédition vers les îles
Canaries - au large de la Maurétanie, donc -
à la recherche de la sève d'un arbre géant,
le dragonnier, dont on tirait une sorte de pourpre.
Lors d'un séjour à Ténériffe,
j'ai vu un de ces dragonniers, mais n'ai pas eu l'occasion
de vérifier ce qu'il en était du colorant.
|
Une petite précision quant à la nuance
exacte de la pourpre : rouge vif ou rouge bleutée
? Je lis dans H.E. Del Medico que, d'après certains
textes trouvés à Ras Shamra (c'est-à-dire
Ougarit, important site mycénien sur la côte
de Syrie, face à Chypre), l'«on préparait
déjà deux colorants à l'aide de
la pourpre : l'un tirant sur le rouge, couleur de
charbons ardents, et l'autre sur le bleu couleur
lapis-lazuli» (H.E. DEL MEDICO, La Bible
cananéenne. Découverte dans les textes
de Ras Shamra, Payot, coll. «Bibliothèque
Historique», 1950, p. 230).
NOTES :
(1)
Joël BARON, Le parapluie et le mendiant, chroniques
israéliennes, Editions de l'Aube, 2005,
176 p., ISBN : 2-7526-0122-0 (CLICK
et CLICK)
- Retour texte
(2)
Cf. la manière confuse dont Antonio
Margheriti dans Il Crollo di Roma / Les derniers
jours d'un Empire (CLICK)
a traité de la persécution des chrétiens
catholiques «après la mort de Constantin...»,
en fait sous Valens, par les hérétiques
ariens. Comme L'Apocalypse, Il Crollo di Roma
s'achève sur un tremblement de terre et l'effondrement
du Colisée. - Retour texte
(3)
A Chypre, l'on promulgua une loi qui condamnait à
mort tout juif qui désormais mettrait les pieds
sur l'île, fut-ce suite à un naufrage.
- Retour texte
(4)
Flavius Claudius Julianus naquit en novembre ou décembre
331, et mourut dans la nuit du 26-27 juin 363. Il
devint César d'Occident en 355, et Auguste
en février 360. - Retour
texte
(5)
L. LE LEU, Triomphe de la Croix (Les fastes de
l'Eglise), Tournai, Casterman, 1912 (rééd.),
176 p., gravure p. 161. - Retour
texte
(6)
The Babylonian Talmud, trad. Rabbi Dr. I. Epstein,
Londres, The Soncino Press, 1ère éd.
1935. - Retour texte
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