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NEWS AOÛT - SEPTEMBRE 2008 |
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[20 juin 2008]
NOUS AVONS REÇU
Albin de Cigala, Vrbi et orbi. Roman des
temps postnéroniens
Préface et dossier de Claude Aziza
La fin de Quo Vadis ? voyait le patricien Marcus Vinicius
et sa tendre Lygie, sauvés des griffes de l'infâme
Néron, réunis dans l'extase amoureuse autant
que christique. Tandis que Pierre, marchant dignement vers
le supplice, prononçait au seuil du trépas la
bénédiction solennelle : «Urbi et orbi».
Tout était bien sur terre et aux cieux. Hélas
! Néron trépassé, trois autres empereurs
avaient passé, avant que le sage Vespasien ne prenne
les rênes du pouvoir et ne confie au vaillant Vinicius
le commandement d'une légion dans la Judée révoltée.
Tandis que sa bien-aimée, sauvée de la jalouse
Poppée, tombait aux mains de la perfide Bérénice
qui l'envoyait, elle aussi, en Judée comme... Grande
Vestale.
Les deux fiancés se retrouvent dans l'arène
romaine. Echapperont-ils aux crocs léonins ? Aux flammes
de Jérusalem ? Aux laves de Pompéi où
ils cherchent un asile à leur amour impossible ?
Voici revenu le temps des martyrs de l'arène !
Editeur : Les Belles Lettres, 226 p.
Les auteurs
- Albin de Cigala, docteur en théologie, fut le traducteur
de Quo vadis ?, best-seller international d'Henryk
Sienkiewicz (1846-1916).
- Maître de Conférences honoraire de langue
et littérature latines à la Sorbonne Nouvelle
(Paris III), Claude Aziza a publié aux Belles Lettres,
d'Alexandre Dumas : Isaac Laquedem (2005), Mémoires
d'Horace (2006) et E.G. Bulwer-Lytton, Les Derniers
Jours de Pompéi (2007). Il est aussi collaborateur
à L'Histoire et au Monde de la Bible.
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26 août 2008
NEWS - DVD : Le Roi-Scorpion 2 - Guerrier
de Légende [dvd]
Le Roi Scorpion 2 était programmé
pour sortir en salle dans la foulée de La Momie
III. Il semble que le distributeur y ait renoncé,
le film n'étant finalement exploité qu'en DVD.
Voici donc la jeunesse et les premiers exploits de Mathayus
l'Akkadien, issu d'une civilisation qui - jusqu'ici - n'avait
jamais retenu l'attention des cinéastes.
Déjà le premier volet du Roi Scorpion
trahissait la civilisation pharaonique des Momie I
& II de Stephen Sommers dont il était censé
être une préquelle. Le
Roi Scorpion I (Chuck Russell, 2002) se déroulait
dans une improbable Gomorrhe, rehaussée de lointains
éléments égyptiens pour accueillir les
exploits du héros «akkadien» Mathayus.
Déjà réalisateur de Resident Evil
: Extinction, de Highlander et, en 2000, d'une
curieuse Malédiction de la Momie (Talos) avec
Jason Scott Lee, Russell Mulcahy nous a concocté ce
Roi Scorpion II, préquelle de la préquelle,
qui nous conte la jeunesse de Mathayus, fils d'Ashur, qui
faisait partie de la garde d'élite du roi de Nippur,
Hammourabi. Le scénario inverse les codes du Roi
Scorpion I où Mathayus était incarné
par le catcheur-culturiste Dwayne Johnson «The Rock».
Pour le second opus, Mathayus-jeune est interprété
par un Michael Copon qui assurément n'a pas inventé
les anabolisants; l'impressionnant Randy Couture - champion
d'Ultimate
Fighting - se réservant celui de son antagoniste,
l'usurpateur Sargon, qui en échange du pouvoir a conclu
un pacte avec la déesse de l'amour et de la mort, Astarté
(1).
«La mort a pour moi le visage d'une enfant / Au regard
transparent / Son corps habile au raffinement de l'amour /
Me prendra pour toujours» (Serge Gainsbourg, Cannabis).
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Sargon d'Akkad
Une petite parenthèse à son sujet. Le Sargon
du film a été considérablement trituré
par les scénaristes, mais certains éléments
historiques ont été conservés. Sargon
Ier d'Akkad, régna 55 ans entre 2335-2279 av. n.E.
Sa capitale était Agade, mais il conquit également
Uruk, Umma et Nippur. Toute sortes de traditions semi-légendaires
entourent son règne, mais il aurait été
le fils d'un jardinier, et il aurait renversé son roi
Ur-Zababa. Il réunit les royaumes du nord, Akkad, et
du sud, Sumer. Exposé enfant - comme Moïse - il
dut son ascension au fait que la déesse de l'amour
Ishtar (Astarté, dans le film), l'ayant aperçu,
en tomba amoureuse et le soutint dans sa quête du pouvoir.
A ne pas confondre avec le roi d'Assyrie homonyme, Sargon
II (721-705), le fondateur de l'éphémère
Khorsabad, qui vécut beaucoup plus tard.
Ceci précisé, la référence à
Akkad est sommaire. Quelques personnages portent le bonnet
caractéristique. Ne parlons pas de l'architecture et
autres accessoire. Des références à Astarté
et à Shamash, le dieu du soleil, des noms comme Hammourabi,
Gilgamesh et Gudea, ou qui sonnent «Moyen-Orient»
comme Molokh, Abalgamash... ou Sargon. La référence
au pétrole. La description des Enfers semble en concordance
avec ce que nous en dit la fameuse épopée de
Gilgamesh ; un monde de boue et de pourriture - mais on n'y
trouve pas la putride morbidité latine de Lucio Fulci
(L'Aldila). L'historicité n'est évidemment
pas le premier souci de Russell Mulcahy. Le cheval n'était
pas encore connu des Akkadiens, qui attelaient à leurs
chars de guerre des onagres ou ânes sauvages; dans le
film, bien entendu, ils chevaucheront d'honnêtes canassons
bien anachroniques... Quant à Cnossos, elle n'aura
pas même la décence de faire «approximativement
minoen», mais sera plutôt hellénistique.
Aristophane de Naxos, le poète grec de service, cite
abondamment Hérodote - dont il a le même mésusage
que John Huston dans L'Homme qui voulut être roi
- et lui fait dire tout ce qu'il veut, notamment sa «description»
des Enfers. Connu du grand public (à défaut
d'avoir été lu), le nom du Père de l'Histoire
est rassurant.
Le Minotaure
Curieuse idée que d'introduire le Minotaure dans ce
film, surtout que les décors crétois rappellent
davantage la Grèce hellénistique que la Crète
minoenne. En 1910, John Stuart Blackton avait tourné
The Minotaur (Theseus and the Minotaurus) pour la Vitagraph.
Il faudra ensuite attendre un demi-siècle pour revoir
sur nos écrans un Teseo contro il Minotauro
(Silvio Amadio, 1960), bientôt suivi d'un Ercole
contro Moloch (Giorgio Ferroni, 1963) qui n'osait pas
dire son nom, puisque le Minotaure y devenait «Moloch».
Peu après, le Minotaure refera une courte apparition
dans le Fellini-Satyricon. Il reviendra dix ans plus
tard dans un film fantastique gréco-britannique, La
Secte des morts-vivants (Land of the Minotaur) de Costa
Carayiannis (1979) avec Donald Pleasence et Peter Cushing
- excusez du peu - has been égarés dans
un laborieux nanar.
Dans les années '90, deux épisodes de la série-TV
Legendary journeys of Hercules mettront encore en scène
le Minotaure : Hercule et le Labyrinthe du Minotaure/Hercules
in the Maze of the Minotaur et L'épée
de la vérité/The Sword of the Veracity.
Plus proche de nous, un curieux téléfilm anglo-germano-luxembourgeo-franco-espagnol,
The Minotaur (CLICK
& CLICK)
(Jonathan English, 2006 ), reprendra le mythe grec sous les
couleurs de l'heroic fantasy où Thésée
devient «Théo» avec aussi quelques vieux
routiers has been, dont le nom sonne bien au générique
(Rutger Hauer, Ingrid Pitt...). Cette version-ci n'est pas
inintéressante, loin de là, et nous ne pouvons
nous départir de l'idée qu'elle a dû inspirer
Russell Mulcahy et ses collaborateurs.
Quand au thème du Labyrinthe, rappelons
seulement : Labyrinthe de Jim Henson, avec David Bowie
et Jennifer Connelly (1986), film de fantasy, et Le
Labyrinthe de Pan (El Laberinto del Fauno),
de Guillermo del Toro (SP, 2006).
Roi
Scorpion 2 - Guerrier de Légende (Le)
[dvd] |
Etats-Unis - Afrique du Sud - Allemagne,
2008
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Scorpion King 2 : Rise
of a Warrior (The) |
Prod. : Universal Pictures / Coul. / Aspect Ratio : 1.78
: 1 / Sound Mix : Dolby Digital / 109'
Fiche technique
Réal. : Russell MULCAHY; Scén. : Randall McCORMICK
(scén.) & Stephen SOMMERS (personnages); Images
: Glynn SPEECKAERT; Prod. : Nina HEYNS (line producer), Stephen
SOMMERS (producer), Jörg WESTERKAMP (co-producer), David
WICHT (co-producer); Montage : John GILBERT; Casting : Anna
FEYDER, Manuel PURO, Jeremy ZIMMERMAN; Production Design :
Tom HANNAM; Art Direction : Jonathan HELY-HUTCHINSON; Set
Decoration : Fred Du PREEZ; Costumes : Dianna CILLIERS; Musique
: Klaus BADELT.
Fiche artistique
Michael COPON (Mathayus) - Karen Shenaz DAVID (Layla) - Simon
QUARTERMAN (Aristophane de Naxos)) - Tom WU (Fong) - Andreas
WISNIEWSKI (Pollux) - Randy COUTURE (Sargon) - Natalie BECKER
(Astarté) - Jeremy CRUTCHLEY (Baldo) - Shane MANIE
(Jesup) - Chase AGULHAS (Noah, jeune) - Pierre MARAIS (Mathayus,
jeune) - Warrick GRIER (général Abalgamash)
- Az ABRAHAMS (roi Hammourabi) - Vaneshran ARUMUGAM (émissaire
gudéen) - Mike THOMPSON (Molokh) - Wayne SHIELDS (soldat
à l'il noir) - Robin SMITH (grand prêtre)
- Diane WILSON (femme dans marécage) - Nathan FREDERICKS
(soldat) - Sean HIGGS (nouveau grand prêtre) - Amira
QUINLAN (concubine [non-créditée]) - Clodagh
QUINLAN (concubine [non-créditée]).
EU/ |
19 août 2008 (MPAA:
Rated PG-13 for violence, and sexual content including
references. |
FR/ |
DVD : sortie 26 août
2008
Blu-Ray : sortie 25 novembre 2008 |
NOTES
Extérieurs : Atlantis, Western Cape (South Africa).
VIDÉOGRAPHIE
DVD : DVD 9 / Pal / Zone 2 / Nombre de disques: 1 / Langues
: français, anglais - Sous-titres : français
/ Distributeur : Universal Pictures International France /
Sortie DVD : 26 août 2008.
Blu-ray : 25 novembre 2008.
SCÉNARIO
Comme son père Ashur, le jeune Mathayus rêve
d'un jour faire partie des Scorpions Noirs, la garde d'élite
d'Hammourabi roi de Nippur. Mais Ashur ne veut pas que son
jeune fils entre dans cette garde au sein de laquelle, pour
honorer son serment de fidélité, il avait parfois
dû commettre des crimes. Jaloux d'Ashur, le général
Sargon le fait périr en lui envoyant des scorpions.
Mathayus qui est malgré tout entré dans cette
garde, a juré de le venger. Après six années
d'initiation, il rentre à Nippur où Sargon a
pris le pouvoir après avoir assassiné le roi
juste et bon, Hammourabi.
Pour vaincre Sargon - qui, avant conclu un alliance avec les
forces de l'Au-delà est invincible -, il faut à
Mathayus une arme exceptionnelle. Après que son jeune
frère Noah ait été assassiné par
une flèche magique tirée par Sargon, il s'embarque
en compagnie de son amie d'enfance Layla, qui ambitionne de
devenir une guerrière, et du poète-hableur Aristophane
de Naxos.
Celui-ci lui recommande
de s'emparer de l'«épée de Damoclès»,
que la déesse Astarté - déesse de l'amour
et de la guerre - détient aux Enfers, dont elle est
aussi la reine. L'entrée des Enfers se trouve au centre
du Labyrinthe de Cnossos, antre du Minotaure. Le trio se fait
donc capturer et jeter en prison, en attendant d'être
donné en pâture au monstre mi-homme mi-taureau.
Ils se lie avec une bande de brigands illyriens - dont le
chef Pollux a autrefois combattu aux côtés de
son père, Ashur - ainsi qu'avec le Chinois Fong. Mais
le Minotaure tué, Pollux n'accepte de continuer avec
Mathayus que lorsque Ari(stophane) lui fasse miroiter des
promesses de pierres précieuses enfouies dans le monde
des morts - comme le raconte Hérodote, qui y est allé
(ah bon ? Lui aussi ?).
L'Enfer est un monde d'illusions, de forêts sinistres
jonchées de cadavres en décomposition. Pendant
qu'Astarté s'explique avec Mathayus et Layla jalouse,
Fong et Ari réussissent à s'emparer de l'«épée
de Damoclès». Astarté aimerait garder
ce vivant quelques temps auprès d'elle, mais Ari presse
ses amis. Ils n'ont le droit de séjourner dans le royaume
des morts que pendant une heure, sous peine d'être transformés
en statue de pierre (ce qui arrivera au cupide Pollux resté
à la traîne pour détrousser quelque squelette
décharné).
Rentré à Nippur, Mathayus - avec l'aide d'Ari
- expédiera Sargon ad patres, malgré
le concours que lui apporte sa protectrice Astarté.
Layla et Fong, de leur côté, empêcheront
les gardes de Sargon, d'offrir en holocauste toute la population
de Nippur rassemblée dans l'amphithéâtre,
qu'ils ont emplie de pétrole. Mathayus, l'ancien «Scorpion
Noir», monte sur le trône et entre dans la légende
cinématographique hollywoodienne !
Liens Internet
NOTE :
(1) Il aurait
été plus correct de lui conserver ici son
nom akkadien, Ishtar (son nom sumérien, Inanna
étant trop peu connu du public). Astarté/Ishtar
est la déesse de l'amour et de la guerre, non des
Enfers (ce rôle étant dévolu à
sa sur, Ereshkigal). C'est un travers de notre société
d'assimiler la guerre et la mort. La guerre a toujours été
un art de vivre, et la mort un manque... de savoir vivre
- comme l'a dit un autre avant nous. - Retour
texte
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2 septembre 2008
NEWS - DVD : Le Signe de la Croix
(The Sign of the Cross, Cecil B. DeMille, EU - 1932)
Avec Fredric MARCH - Elissa LANDI - Claudette COLBERT
- Charles LAUGHTON - Ian KEITH - Arthur HOHL
Synopsis
L'incendie de Rome fomenté par Néron est
attribué aux chrétiens. Le préfet de
Rome, Marcus Superbus, s'éprend de la jeune Marcia
qui se révèle être chrétienne.
Tigellin, qui jalouse Marcus, voit là l'occasion de
se débarrasser de son rival qu'aime par ailleurs l'impératrice
Poppée...
Bonus
«La révolte des opprimés» : présentation
du film par Luc Moullet - Galerie photos - Contenu DVD-Rom
- Liens Internet
DVD Zone 2 / Format d'image : 1.37 / Format vidéo
: 4/3 / Dolby Digital / Langue : anglais 2.0 mono / Sous-titres
: français / Couleur : Noir et Blanc / Durée
: 122'
Editeur : Wild Side Video (sortie : 2 septembre 2008)
Nous avons déjà consacré un dossier
au Signe de la Croix;
rappelons seulement que le film est tiré de la pièce
homonyme de Wilson Barrett (1895), à qui Henryk Sienkiewicz
avait cédé les droits d'adaptation théâtrale
de son roman Quo Vadis ?.
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28 septembre 2008
NOUS AVONS REÇU
Emmanuelle GRÜN, Silences et non-dits
de l'Histoire Antique, Yvelinédition, septembre
2008
Quand le miroir de nos origines devient troublant
«Jamais nos livres d'école nous ont appris
qu'au cours de la Rome antique s'élevaient des immeubles
aux baies vitrées et qu'on connaissait déjà
le chauffage central, le tout-à-l'égout et les
automates. Même silence sur la pratique d'une chirurgie
avec anesthésie et les chiffres d'une espérance
de vie plusieurs siècles avant Jésus-Christ.
Silence également sur les thèses héliocentriques,
les premières conquêtes des airs et les théories
sur l'existence d'un Nouveau Continent.
Silence encore, sur les débuts épiques
d'une démocratie qui fut, en réalité,
très égalitaire au point d'interdire la contrainte
par corps. Silence enfin sur une éthique ancienne qui
raconte le Chaos et sur des cultes passés qui, en fait,
n'ont jamais été remplacés par une nouvelle
religion monothéisme, car le changement fut ailleurs...
Il est permis de violer l'histoire à condition de lui
faire un enfant ironisait Alexandre Dumas. Victime d'une forme
très moderne de révisionnisme, l'histoire gréco-romaine
devient à la fois absurde et insipide. Derrière
cela, une dangereuse remise en causes des acquis de la Renaissance
qui ont pourtant fait sortir l'Europe des tourments du Moyen
Age.
Sorte de miroir trouble qui révèle les travers
de notre époque, notre passé antique, loin de
déranger seulement un point de vue religieux, remet
aussi en question une position scientifique, une approche
philosophique, ainsi que des opinions historiques ou un point
de vue social. Aussi, plus que jamais est-il urgent de redécouvrir
nos racines gréco-romaines et d'une manière
plus générale, ce que fut de cette mystérieuse
période de l'Antiquité au cours de ces trois
millénaires qui amorcent la longue marche de l'histoire
de l'humanité» [quatrième plat de
couverture].
NOTRE AVIS
«Dès l'enfance, notre époque nous habitue
à des images négatives de la Grèce et
de Rome. Images de cités décadentes constituées
de tyrans, d'homosexuels dévergondés, d'esclaves
et de prostituées», écrit Emmanuelle
Grün. C'est faire peu de cas des Humanités
Anciennes, bien sûr, mais celles-ci ne sont sans doute
plus ce qu'elles avaient été... et ce ne sont
pas les péplums qui risquent d'en restaurer l'image,
eux qui préfèrent - et c'est bien naturel :
que demande le Peuple ? - montrer les turpitudes d'empereurs
aussi cruels et dépravés que Caligula, Néron
ou Commode. Ne l'eussent-ils pas été, il n'y
aurait pas matière à film.
Nous nous sentons vieux, tout d'un coup.
Les distributeurs automatiques (1),
la machine à vapeur d'Héron (éolipyle),
les portes qui s'ouvrent toutes seules grâce à
un ingénieux mécanisme (ci-dessous)...
nous avions découvert tout ça à dix ans...
tout bêtement en lisant notre illustré favori
(2).
Il y eut ensuite les BD de Jacques Martin, qui nous laissèrent
entrevoir tout un potentiel de possibilités technologiques
- mais ça, comme aurait dit Kipling, c'était
une autre histoire !
L'ouvre-porte automatique
décrit par Héron d'Alexandrie : en
haut vu par une BD didactique fin des années
'50; en bas, schéma technique extrait
de l'ouvrage d'Emmanuelle Grün.
L'air dilaté par une vive chaleur pulse à
travers un tuyau un contrepoids (en l'occurrence de
l'eau) qui met en mouvement un jeu de poulies actionnant
les portes.
Bien sûr, certaines applications ne dépassèrent
jamais le stade de la théorie ou de la maquette.
Ainsi, par exemple, telle statue de la reine Arsinoé
«qui flottait dans les airs» (3)...
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Il est vrai qu'en ces temps-là,
à l'époque bienheureuse des Pilotoramas et des
«Histoires vraies de l'Oncle Paul», les publications
destinées à la jeunesse étaient autrement
plus informatives et culturelles que les crétineries
postsoixante-huitardes qui visent à lobotomiser nos
chères petites têtes blondes virtuelles en improbables
Che Guevarra de Prisunic. Les bienfaits du rénové
et du nivellement par le bas !
Il était grand temps, sans doute, qu'Emmanuelle Grün
vienne - pour le public le plus large - repréciser
quelques notions qui, in illo tempore, faisaient naturellement
partie du programme «Latin-Science (4)»
en Humanités, et - donc - ne devaient sans doute pas
être de très grands mystères (5).
«Pourquoi un livre sur les mécaniciens
grecs ? s'interrogeait déjà, voici quarante
ans, Bertrand Gilles, historien des techniques. L'oubli
relatif dans lequel ils sont tombés, si l'on fait abstraction
de quelques allusions souvent mal interprétées,
serait une première justification». Concédons
à cet auteur que, depuis le romantisme, l'Antiquité
a mauvaise presse, tandis que le Moyen Age se voyait paré
de toutes les vertus. Les Derniers jours de Pompéi
(1834), Quo Vadis ? (1895) décrivaient complaisamment
la persécution des martyrs... Aussi ne sont-ce pas
les péplums - fond de commerce de ce site - qui contrediront
l'auteur des Mécaniciens grecs (6).
Donc, on n'invente jamais que ce que l'on
a oublié, rappelle en substance Emmanuelle Grün,
en prenant la main du lecteur pour l'emmener se balader entre
l'avéré et l'hypothétique. Le Moyen Age
a clairement été une période de déclin,
tandis que notre civilisation actuelle a tout raté
du fait de son matérialisme effréné et
ses conséquences écologiques. Oui, les Grecs
ont pressenti - au moins théoriquement - toutes ces
découvertes, scientifiques ou autres, dont nous sommes
si fiers aujourd'hui : la machine à vapeur, l'héliocentrisme,
l'atome, l'Amérique. Du reste, en concevant des cycles
de civilisation (les kalpas «ères cosmiques»
subdivisés en yugas «grands âges»
hindous, les races d'or et l'argent etc. hésiodiques),
les Anciens ont eu une vision cyclique de l'aventure humaine
qui fait la nique aux conceptions linéaires issues
de la Bible. Le Sphinx de Guizeh est peut-être plus
ancien qu'on ne le croit, même si pour les trois pyramides,
l'auteur, malgré tout, s'en tient à la chronologie
traditionnelle qui en place la construction aux alentours
de 2700 av. n.E. Courbant son échine luisante de sueur,
le fellah égyptien a donc bien construit les
pyramides à la force du poignet mais avec l'aide de...
chevaux (nous qui pensions déjà que c'était
avec des mammouths
!). Le savoir-faire des Anciens, qui ne disposaient que de
moyens très simples, reste inégalé. Point
n'était nécessaire de faire intervenir ici des
Extraterrestres (7),
comme auraient voulu le faire accroire les chantres d'une
certaine «archéologie romantique».
Mais nous ne saurions nous départir
de l'impression que le petit essai d'Emmanuelle Grün
nous parle d'une Antiquité idéale, à
la frontière de la science
fiction, une Antiquité sur les marches du virtuel,
qui rappelle invinciblement le délicieux petit roman
de Lyon Sprague De Camp, De
peur que les ténèbres..., contant l'intrusion
d'un homme du XXe s. dans une Rome à la charnière
de l'Antiquité et du Moyen Age. Particulièrement
intéressantes étaient les interpolations scientifiques
du héros de Sprague De Camp, Martin Padway, un archéologue
américain tombé par hasard dans une faille temporelle
alors que tranquillement il visitait la Rome de Mussolini.
Padway commence par «anticiper» le procédé
de la distillation - jusque là inconnu - pour confectionner
un Brandy qui va bientôt lui procurer les moyens financiers,
puis encore «inventer» avant leur heure l'imprimerie,
les télécommunications ce nerf de la guerre,
rationaliser le système de mesures, l'habeas corpus
et, peut-être même, la poudre à canon !
Bien sûr, il va se cogner à toutes sortes de
problèmes épistémologiques, mais à
force d'ingéniosité...
Pour l'auteur des Silences et non-dits
de l'Histoire antique, dix siècles d'obscurantisme
séparent l'Antiquité de la Renaissance. Comment
reconstituer ce passé «volé en éclats»
? «Etant donné les troubles des événements
passés, on peu aussi se demander si des inventions
n'ont pas été totalement effacées de
la mémoire collective. Et si l'aviation (CLICK
& CLICK)
avait connu ses premiers balbutiements plusieurs siècles
avant l'ère chrétienne ? Et si l'inventeur du
premier cinéma avait été un contemporain
de Platon et d'Ovide ? Que l'on veuille rêver ou simplement
s'intéresser à de prudentes suppositions, cela
reste de l'ordre du probable; en effet, impossible d'exclure
des hypothèses tant que l'on prospecte dans les pénombre
de l'oubli» (Silences, p. 134). Une lanterne
magique le premier cinéma ? Le mythe de la caverne
? L'oiseau mécanique d'Archytas de Tarente, le premier
avion ? A moins que ce fussent les ailes d'Icare et Dédale...
On peut toujours y rêver avec la complicité de
quelques romanciers
de science-fiction !
En des pages fébriles qui, parfois,
ressemblent à des notes de cours, Emmanuelle Grün
dresse l'inventaire des acquis réels ou potentiels
de l'Antiquité, ce qui implique aussi bien l'invention
de la céramique ou du verre, que celle de mécanismes
aussi sophistiqués que le «computer» d'Anticythère
(8)
ou la naissance de la démocratie...
Peut-être, donneront-elles au lecteur curieux l'envie
d'aller voir plus loin, de vérifier, de gratter, de
forer... et peut-être de nuancer ce que ces pages le
plus souvent écrites au conditionnel peuvent, parfois,
avoir d'excessives. Le Moyen Age - par exemple - ne saurait
se résumer à cet obscurantisme qu'allégrement
dépeint J.-J. Annaud dans Le Nom de la Rose,
d'après le roman d'Umberto Eco, et à la mise
sous séquestre d'ouvrages interdits comme ce deuxième
livre de la Poétique d'Aristote (lequel Aristote
en ces «Ages obscurs», justement, fut révéré
par tous les intellectuels tonsurés - il n'y en avait
guère d'autres, à l'époque. Bien naturellement,
en Occident, des uvres se perdirent ou furent falsifiées
et ne revinrent en force qu'après la chute de Constantinople
sous les coups des Musulmans et l'exode des érudits
byzantins, ouvrant une ère nouvelle : la Renaissance.
L'historiographie moderne aurait entretenu cette idée
d'une Antiquité obscurantiste, soumise à l'arbitraire
de tyrans alors qu'en réalité elle fut toute
démocratique, pétrie de philosophie, tandis
que sa médecine la soustrayait aux épidémies
qui ravagèrent le Moyen Age ? Nous, on veut bien, mais
n'oublions pas qu'à Rome - par exemple - le témoignage
d'un esclave n'était recevable que s'il avait été
recueilli sous la torture. Pour être philosophes, les
Grecs méprisaient pas pour autant le travail manuel,
ni ce qui le facilitait (encore une idée reçue
!). Et en matière d'hygiène, les hommes du Moyen
Age appréciaient les bains autant que leurs aïeux
de l'Antiquité (ne confondons pas avec la malpropreté
du XVIIe s., qui les considérait comme débilitants).
Quant à Marc Aurèle et Claude II le Gothique,
ils périrent bien d'épidémies de peste.
C'est un peu ce qui nous gène dans ce Silences et
non-dit qui, destiné à un large public,
ne s'embarrasse pas de notes de bas de page ni de bibliographie.
Table
des matières
I - Il était une fois le chaos originel
Etude : A - Fragments. B - Le récit fondateur.
C - Le Chaos originel d'un continent à l'autre.
D - Énigmes et splendeurs oubliées des
débuts de l'histoire à travers le monde.
II - Connaissances des sages et prouesses des
savants
Etude : A - Les débuts de l'astronomie. B - Les
premiers pas de la physique. C - A l'aube des mathématiques.
D - Et la médecine fut... E - Quand a-t-on découvert
l'Amérique ?
III - Aspects et singularités d'un matérialisme
oublié
Etude : A - Meubles et accessoires dans les rituels
du quotidien. B - Techniques et mécaniques. C
- Inventions extraordinaires et énigmatiques.
D - Les dédales de l'eau. E - Ciel mer et terre.
F - Inventions incroyables en d'autres horizons.
IV - Le Bien et le Mal, éthique antique
Etude : A - Aux origines du bien et du mal : un texte
qui explique comment on définissait la morale
dans l'Antiquité gréco-romaine. B - On
dit que... : des préjugés sur les murs
grecs et romains, revus et corrigés. C - Les
sept Sages : les présocratiques.
V - Une religion sous silence
Etude : A - Les particularités oubliées
d'une religion ignorée : à quoi croyait-on
chez les Grecs et les Romains et comment ces croyances
ont évolué ? B - Qu'est-ce qui a changé
? : les héritages gréco-romain et celtique
dans les croyances et religions actuelles.
L'auteur
- Emmanuelle Grün est née le 10 Avril
1966 à Paris. Ses études de Lettres
Modernes, à Paris X-Nanterre, lui ont fait
découvrir un aspect inattendu de la civilisation
gréco-romaine. Pour elle, ce sera le début
d'un long travail d'investigation de plus de dix ans,
période au cours de laquelle elle rencontrera
différentes associations spécialisées
dans l'histoire antique, ainsi que des enseignants
en histoire, archéologues, conservateurs de
musées... Devenue professeur de Français
Langue Étrangère, elle poursuivra ses
recherches et, en réponse à une demande,
elle décidera de publier la «partie silencieuse»
de ce passé. Les difficultés seront
d'une part, de rassembler des informations rares et
inédites pour certaines, et d'autre part de
simplifier des textes anciens peu accessibles à
un large public.
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NOTES :
(1)
Le distributeur automatique d'eau lustrale d'Héron
d'Alexandrie est décrit dans ses Pneumatica,
I, 21 (texte repris dans Mathésis, p. 90).
- Retour texte
(2)
«La Magie», in Mickey Magazine (Bruxelles),
nç 389, 20 mars 1958. - Retour texte
(3)
Cette statue de la reine Arsinoé
divinisée en «Vénus Zéphyritis»,
sculptée par Timocharès [ou Dinocharès],
semblait flotter dans les airs à l'intérieur
de son temple. Un aimant dans le plafond attirait vers le
haut sa chevelure de fer, tandis que des chaînes sous
ses pieds la retenait à proximité du sol (PLINE,
H.N., XXXIV, 42).
Cf. documentaire Arte Meurtres, pouvoir et passion.
Les
Ptolémées (Mord, Macht und Leidenschaft.
Die Ptolemäerinnen), de Wolfram Giese (2002), objet
d'une «soirée Thema», a été
écrit en relation avec un ouvrage d'un archéologue
allemand du Prof.
Dr Michael Pfrommer, Les reines du Nil (Königinnen
vom Nil, Mainz (Mayence), Verlag
Philipp von Zabern, coll. «ARTE Edition»,
2002), lequel du reste offre en couverture la maquette de
ce fameux temple d'Arsinoé, une tholos, avec
sa statue flottant en apesanteur entre les colonnes... A
noter, sur le site Arte, la question dubitative : «Spéculation
qui ne se justifie pas nécessairement sur le plan
scientifique ?» - Retour
texte
(4)
«Une décision ministérielle particulièrement
heureuse a comblé une réelle lacune en inscrivant
au programme de culture grecque de la section «Latin-Sciences»
la lecture de textes scientifiques», écrivait
Georges Lurquin en avant-propos de son Mathésis.
Manuel de culture grecque. Initiation à la pensée
scientifique, op. cit. - Retour
texte
(5)
G. LURQUIN, Mathésis, Anvers, De Sikkel, 1957;
B. FARRINGTON, La science dans l'Antiquité,
Payot, coll. «Petite Bibliothèque», nç
94, 1967; B. GILLE, Les mécaniciens grecs. La
naissance de la technologie, Le Seuil, 1980; «Archimède»,
Les Pères fondateurs de la Science, Les Cahiers de
«Science & Vie», HS nç 18, décembre
1993. - Retour texte
(6)
B. GILLE, Les mécaniciens grecs, op. cit.
- Retour texte
(7)
Jean-Pierre Adam défend, du reste - bas-reliefs à
l'appui - la thèse du travail de milliers de manuvres
n'en déplaise aux rêveurs farfelus (J.-P. ADAM,
L'Archéologie devant l'imposture, R. Laffont,
1975). - Retour texte
(8)
Le «mécanisme...», la
«mécanique...», l'«horloge...»,
le «computer d'Anticythère» a fait brainstormer
pas mal de monde. Cf. Ivan VERHEYDEN, «La mécanique
inattendue d'Anticythère», Kadath. Chronique
des civilisations disparues, nç 1, mars-avril 1973,
pp. 6-10.
Pour rappel, cet instrument comportant 36 roues dentées
retrouvé en 1900 par des pêcheurs d'éponges
grecs au large d'Anticythère, par quarante mètres
de fond, à bord d'une épave romaine venant
vraisemblablement de Rhodes et coulée aux alentours
de 85 av. n.E. (soit pendant la Guerre contre Mithridate
et du pillage de la Grèce par Sylla), est probablement
l'unique mécanisme grec matériellement connu.
On l'a d'abord pris pour un astrolabe. Mais l'objet est
plus sophistiqué et paraît être une représentation
de notre galaxie basée sur la théorie héliocentrique
de Méton. A noter que Cicéron semble parler
de ce genre d'engin, dont il attribue l'invention soit à
son ami Posidonios (CICÉRON, De natura deorum,
II, 88), soit à Archimède - dont le planetarium
aurait été inclus dans le butin personnel
du consul Claudius Marcellus, après la prise de Syracuse,
et depuis conservé dans sa famille (CICÉRON,
De Re Publica, I, 22). Plus de détails sur
Wikipedia
et Nizza
Guillaume blog. - Retour texte
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