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[ Les Héros du samedi soir
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9. Antar, le Héros préislamique
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9.1. Le héros nègre
Contemporain d'Abd'Allah (père du Prophète),
Antar est le héros du Hedjaz. Il vivait en la Terre de Cherebba,
chez les béni-Abs que parmi les Arabes on surnommait "les cavaliers
du destin et de la mort"; leur roi était le noble Zoheïr,
fils de Djezima.
Fameux pour ses talents poétiques autant que
pour ses vertus guerrières, Antar sera l'un des sept poètes
antéislamiques dont les uvres furent accrochées
dans la Ka'ba, sur le tombeau du prophète.
Antar, donc, vécut dans les derniers temps du paganisme arabe,
mais sa geste sera fixée en un poème épique au
XIIe s. par Aboul Moayyed Mohammed.
Antar le Valeureux
[Antar ibn Chaddad]
de Niazi MOSTAFA, Egypte - 1963
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Fils illégime de l'émir
Ibn Cheddad et d'une esclave noire nommée Zebiba, Antar
est l'esclave de son propre père et traité avec
mépris par les fiers cavaliers arabes en raison de sa
race inférieure. Enfant, il tue un loup de ses mains
nues. Epris de sa cousine Abla, il lui envoie des poèmes
enflammés qui, peu à peu, émeuvent la jeune
fille.
Les guerriers étant partis pour une razzia,
Antar défend tout seul et victorieusement le camp attaqué
par l'ennemi. Il est fait chevalier et, comme tel, est admis
à prétendre à la main d'Abla. Mais l'idée
de cette union avec un demi-nègre répugne à
son père.
Les parents d'Abla, après avoir vainement tenté
d'assassiner le héros, conspirent pour l'éloigner.
Ainsi lui réclament-ils pour dot mille chamelles Açafir.
Celles-ci appartiennent aux béni-Cheiban d'Iraq, dont
le roi est Mounir, vassal de Khosroès, l'empereur de
Perse. Au terme d'un périlleux voyage, Antar arrive en
Iraq où il demeure deux ans au service du roi. Ayant
vaincu un lion, il est envoyé par Mounir contre l'empereur
perse, son suzerain, qui l'a humilié. Dans un premier
temps, Antar inflige une défaite aux Perses, et leur
tue leur meilleur général, Kosrouan. Ensuite,
devenu l'ami de Khosroès, il vainc pour lui - en combat
singulier -, le champion du César des chrétiens
et en même temps écarte la javeline fratricide
destinée au Roi des Rois par un félon.
Couvert de présents, il rentre chez lui où tout
le monde dans sa tribu le croit mort. Seule Abla a cru en son
retour et a repoussé tous ses prétendants. Enlevée
par des pillards, les béni-Kénana, elle refuse
- malgré les injonctions de son propre père, Malek,
qui lui cingle des épaules de son fouet - d'épouser
leur chef, préférant l'esclavage.
Monté sur son cheval Abjer, Antar revient à temps
pour la délivrer. Mais Abla est à nouveau enlevée
par son soupirant et rival de toujours, Amara. Le fugitif et
sa captive tombent aux mains des béni-Thay, ennemis héréditaires
des béni-Abs. Finalement, à la tête des
béni-Abs du roi Zoheir et avec l'aide de Mounir et ses
guerriers, Antar écrase des béni-Thay, épouse
Abla à Hira, capitale de Mounir et s'apprête à
rentrer en Cherebba, sa patrie.
Mais sur la route, une flèche traîtreusement
décochée par Amara (qui meurt de peur en entendant
le rugissement d'Antar) met fin aux rêves de bonheur du
héros nègre. |
L'épopée d'Antar a maintes fois été
porté à l'écran par le cinéma arabe (voir
filmo). Mais le nom d'Antar sera également conféré
par le cinéma occidental - au moins à deux reprises
- à des héros de celluloïd qui n'ont rien en commun
avec l'original. L'un d'eux sera Victor Mature, dans Le prince
de Bagdad (1953). L'action se passe en 1560 : Antar est envoyé
à Bagdad déjouer un complot d'alliance avec les Vénitiens
contre l'empereur Soliman le Magnifique.
Après l'interprète du fabuleux Samson et Dalila
de C.B. De Mille, le rôle sera repris par un culturiste patenté
de Cinecittà : Kirk Morris. Il s'agit d'une des nombreuses
séquelles des Mille et Une Nuits, avec un usurpateur et une
princesse... Soraya (sic) à défendre, et une
éblouissante séquence dans un labyrinthe de glaces.
Toutefois, il n'y a pas lieu d'espérer y voir l'empoignade
de Kirk Morris avec un rhinocéros, purement fantasmatique,
qui ne figure que sur certaine affichette italienne de réédition
! D'où provient le choix du nom d'Antar ? Peut-être est-il
décalqué du nom de la société de production
romaine, Antarès CCM... Pourquoi se gêner ?
Plus digne d'intérêt historique est Antar
et l'Empire romain, titre de réédition française
(fin des '70) des Aventures d'Antar et Abla, de Salah Abou
Seif (1947). On se souviendra qu'Antar était un contemporain
des empereurs byzantins Héraclius I et II (610-641), dont il
vainquit le champion en combat singulier. "Construit sur la légende
populaire des idylles contrariées entre Antar et sa cousine
Abla, ce film présente en arrière fond l'état
de dislocation de la société arabe dans les années
'48 face à la question palestinienne. Soucieux de vraisemblable,
Abou Seif y montre les activités et les traditions des Arabes
avant la révélation de l'Islam. Malgré son côté
un peu "westernien", les Mughâmarât... sont pleines
de poésie et de sensibilité. Elles comportent une bonne
inclusion de chansons dans le cours filmique. Le film a été
présenté au Festival de Cannes en 1949"(1).
Transposant dans l'Antiquité l'épineux
problème de la Palestine - Israël-la-Sioniste est en train
d'acquérir son indépendance, qu'elle obtiendra l'année
suivante (14 mai 1948) (2)
- ce film prophétique précède de deux ans le
Samson et Dalila de C.B. De Mille (1949) où l'on verra
le Juge de Dan triompher des oppresseurs Philistins/Palestiniens,
premier d'une longue série que va nous concocter le lobby
juif hollywoodien. "Plutôt que de montrer les rivalités
intertribales arabes - déclarera Salah Abou Seif -, j'ai montré
leur union contre un ennemi extérieur, les Romains..."
Extrêmement médiatique, le nom d'Antar
a connu un certain succès puisqu'il a donné son nom
à une BD de J.S. Rutalais ayant l'Etrurie pour cadre, "La
clé d'Antar" (Bayard, nos 474-499, juin-janvier
1956). Mais surtout, il a servi à rebaptiser la publication
de ciné-photoromans Jungle Film, chez Edisirio (Milan)
:
- LES ORIGINES D'ANTAR - décembre 1960
(= Tarzan the Fearles/Tarzan l'Intrépide, de Robert
Hill (1933), avec J. Weissmüller)
- JANE ET ANTAR - mai 1961
(Tarzan and his Mate/Tarzan et sa compagne, de Cedric Gibbons
et Jack Conway (1934), avec J. Weissmüller)
- ANTAR ET LA DEESSE VERTE - septembre 1962
(= Tarzan and the Green Goddess/Tarzan l'Invincible, d'Edward
Kull (1938), avec J. Weissmüller)
- ANTAR ET LE SAFARI PERDU - mars 1961
(= Tarzan and the Lost Safari/Tarzan et le Safari perdu,
de Bruce Humberstone (1957), avec Gordon Scott)
- ANTAR L'ACROBATE - juillet 1961
(= Tarzan the Ape-Man/Tarzan l'Homme-Singe, de W.S. Van
Dyke (1932), avec J. Weissmüller)
Notons que la formule s'est prolongée à
travers la série photoroman (non cinématographique)
Antar, le roi de la Jungle, dont le rôle titulaire est
interprété par le photo-modèle italien Rosario
Borelli. Le numéro 1, daté de novembre 1964(3)
s'intitulait "Le monstre de la Jungle".
FILMOGRAPHIE D'ANTAR
Antar
(Charles BOLLIER - 1910 [Tournage à Marrakech])
Antar
(J. LEONI - 1922)
Serag [Sirâj] Mounir (Antar)
Antar et Abla
Antar wa Abla]
(Niazi MOSTAFA, Prod. Studios Al Ahram (Le Caire) - Egypte, 1945/1951)
(N & B.)
Serag [Sirâj] Mounir (Antar)
Les aventures d'Antar et Abla/Les amours d'Abla et Antar
[Antar contre l'Empire romain (rééd. FR, fin '70)]
[Moughâmarât Antar wa Abla]
(Salah Abou SEIF, Prod. Les Films du Nil - Egypte, 1947/48)
Victor Mature (Antar)
Le prince de Bagdad
[Veils of Bagdad]
(George SHERMAN - EU, 1953)
Farid Chawki (Antar)
Antar le Valeureux
[Antar Ibn Chaddad]
(Niazi MOSTAFA, Prod. Alfam Nasr El Guedida-Niazi Mostafa - Egypte,
1963) (coul.)
Kirk Morris (Antar)
Marchands d'esclaves
[Anthar l'Invincible/Il Mercato di Schiave]
Soraya Reina del Desierto [SP]
Devil of the Desert against the Son of Hercules [EU]
(Anthony DAWSON [= Antonio MARGHERITI], Prod. Fidès
(Paris)-Rialto (Paris)-Antarès CCM (Rome)-Benito Perojo (Madrid)
- FR/IT/SP, 1964)
Farid Chawki (Antar)
Antar et la conquête du désert
[Antar yaghzou el-Sahara]
(Niazi MOUSTAPHA, Prod. Libano-Andaloussian Film Co - Liban, 1973)
La fille d'Antar
[Bent Antar]
(Niazi MOUSTAPHA - Liban, 1973)
Mahmoud Saïd (Antar)
Antar, cavalier du désert
(Mohammad SALMAN - Syrie, 1976)
(Coul.)
NOTES :
(1) Khémais KHAYATI,
Salah Abou Seif, cinéaste égyptien, Le
Caire, Sindbad, 1990, p. 190. - Retour texte
(2) Les aventures
de Antar et Abla sortiront le 13 décembre 1948. -
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(3) Ou 1984 ? - cf.
Ciné Zine Zone, n° 50, mars 1991, p. 45. - Retour
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