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CALIGULA (1979)

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2. Quelques personnages du film

caesonia

Milonia Cæsonia, enceinte jusqu'aux yeux
danse nue devant les convives de son impérial mari

1. Macron et Ennia
Puisque, dans le film, c'est lui qui eut le triste privilège d'étrenner la machine à décapiter dont il vient d'être question, commençons par Macron - interprété par l'ancien joueur de football Guido Manari, qui avait donné la réplique à Elizabeth Taylor dans The Driver's Seat de Franco Rossellini.

Q. Nævius Sutorius Macro (1) était un chevalier originaire d'Alba Fucens. Le 18 octobre 31, sur l'ordre de Tibère, il procéda à l'arrestation de son supérieur, Publius Ælius Sejanus, et prit sa place comme préfet du Prétoire. Habillement, cet ancien préfet des vigiles devenu tribun prétorien s'était fait seconder dans cette tâche par son ami Græcinius Laco qui, maintenant, commandait ceux qui constituaient la seconde force de police à Rome (sept cohortes de vigiles, contre neuf cohortes de prétoriens).
Durant la retraite de Tibère à Capri, Macron fut sans doute l'œil de l'Empereur à Rome, chargé d'épier Séjan. Aussi, lorsqu'Antonia - grand-mère de Caligula - dénonça auprès de Tibère les manigances de Séjan contre son petit-fils, Macron lui apporta-t-il son soutien, songeant sans doute à se bien placer auprès du futur empereur. Dans le film, Macron jure sa fidélité à Caligula la main au feu... comme Mucius Scævola ! Mais cinq cents ans plus tôt, Scævola n'avait entendu que de se punir de son échec... Après avoir entendu la chair grésiller au-dessus des braises, le spectateur de cette séquence sadique quelque peu gratuite et pas excessivement compréhensible, se demandera comment Macron a pu conserver l'usage de cette main pour étrangler Tibère !
Complaisant, Macron engagea sa femme Ennia à consoler Caius Cæsar après la mort de Junia Claudia, sa première épouse, et à devenir sa maîtresse (TAC., An., VI, 45). C'était une manière comme une autre d'avoir barre sur Caius grâce à ce puissant levier sexuel. C'est sans doute ce qui a amené Danilo Donati, le costumier, à habiller Ennia (Adriana Asti) avec des accessoires de sex-shop : la voici donc, dans telle scène, plus que nue avec seulement quelques voiles rouges accrochés à ses boucles d'oreilles, dans telle autre affublée d'un savant laçage de fines lanières de cuir noir. Si éhontément débauchée fut-elle, jamais noble romaine - retenue par ce beau sentiment garant de la décence qu'on nomme "hypocrisie" - n'eut consentit à déambuler dans les couloirs du palais en semblable tenue digne d'une prostituée de Suburre.

Pour hâter l'accession de Caligula au pouvoir, le 16 mars 37 Macron aurait "aidé" le vieillard à mourir. Il n'en fut pas moins un des premiers à tomber, à peine Caius depuis quelques mois assis sur le trône impérial ! Les huit premiers mois du règne de Caligula avaient été débonnaires, mais la fin 37 l'avait vu tomber gravement malade - une maladie sur la nature de laquelle on se perd en conjectures - après quoi sa ligne de conduite bifurqua.
Donc, au printemps 38, Caligula nomma Macron préfet d'Egypte, la plus riche province de l'Empire, en remplacement d'A. Avilius Flaccus qui n'avait pas su gérer le conflit communautaire opposant Grecs et Juifs d'Alexandrie : ces derniers avaient obtenu sa destitution. Belle promotion pour récompenser celui qui l'avait si bien aidé. Macron quitte ses fidèles prétoriens et se rend à Ostie en compagnie de son épouse Ennia et de leurs enfants. C'est là qu'il est arrêté. Il lui est enjoint, ainsi qu'à Ennia, de se suicider - ce qu'ils feront après avoir occis leur progéniture : précaution dictée sans doute par le souvenir de la mort ignominieuse des enfants de Séjan, sept ans auparavant.

Dès la fin 37, Caligula avait inauguré sa sinistre sarabande des exécutions en condamnant à mort outre son ex beau-père M. Silanus, père de Junia, son frère par adoption Tibérius Gemellus. Celui-ci reçut donc l'ordre de se suicider un peu avant la mort de Macron, ce qui obère la logique historique du scénario du film qui montre Gemellus - à l'instigation de Caligula - accusant Macron du meurtre de Tibère.


2. Nerva
Il ne s'agit bien entendu pas de l'intègre M. Cocceius Nerva, qui à l'âge de 70 ans succéda à Domitien (en 96) et inaugura le règne des Antonins - mais de son aïeul tout aussi intègre et appelé, lui-aussi, M. Cocceius Nerva, célèbre jurisconsulte et ami intime de Tibère, qu'il suivit dans son exil à Capri. En 33, il se laissa mourir de faim en refusant d'expliquer ses raisons. On a supposé qu'elles résidaient dans son désaccord avec les excès de son ami Tibère (TAC., An., VI, 26). Le M. Cocceius Nerva qui, en 40, fut consul quelques mois était son fils.

Nerva est incarné par Sir John Gielgud. Un petit rôle bien peinard, qui permit à la vieille gloire shakespearienne de faire ses débuts dans la pornographie sans se compromettre pour autant. Honni soit qui mal y pense & God bless the Queen.


3. Tiberius Gemellus (19 à 37 de n.E.)

Petit-fils de Tibère, Tiberius Gemellus (incarné par Bruno Brive) était, comme son surnom l'indique, le frère jumeau d'un Germanicus Cæsar décédé à l'âge de quatre ans. Son père était Drusus, l'unique fils de Tibère, que Séjan, amant de son épouse Julia Livilla, avait fait périr par le poison avec la complicité de celle-ci.

Monté sur le trône, Caius Caligula fit décerner à son "frère" Gemellus le titre de Prince de la Jeunesse, mais s'arrangea pour faire exécuter dans l'année ce rival potentiel, maintenant majeur, en invoquant le futile prétexte qu'il avait pris un "antidote contre César", crime de lèse-majesté.

L'anecdote est évoquée d'une façon très lapidaire dans Suétone, à deux endroits "Son cousin germain Tibère [= Tiberius Gemellus] fut tué à l'improviste par un tribun militaire qu'il lui envoya tout-à-coup (...), Tibère avait pris un médicament pour se prémunir d'une toux opiniâtre qui s'aggravait" (SUÉT., Cal., 23), et cette réplique un peu plus loin : "Eh quoi ! un antidote contre César ?" (SUÉT., Cal., 29).
On ne saurait s'empêcher de penser qu'à cet endroit le dialogue du film s'est davantage inspiré du développement donné par Camus dans sa pièce, que des cinq lignes qu'on peut lire dans Suétone (il est vrai que chez Camus, qui est encore moins historique de Guccione (2), c'est un certain Mereia qui fait les frais de cette tragique anecdote (Caligula, Acte II, Scène 10)). Ceci précisé pour répondre à Michel Mardore écrivant, dans le Nouvel Observateur (19 juillet 1980) : "On lui aurait fait de la peine [à T. Brass] en lui disant qu'Albert Camus avait déjà traité le sujet, sous le même titre. Sauf que la révolte camusienne contre la condition humaine donne un point de départ : la mort de Drusilla (...). [Dans le film] la perversité s'installant d'emblée, l'insulte métaphysique est immédiate. D'où un récit sans progression, qui n'existe que par la surenchère des « gags »". Avant de devenir réalisateur Tinto Brass, qui du reste parle parfaitement le français, avait été stagiaire à la Cinémathèque française... Qu'il eut connu la pièce de Camus n'aurait rien d'étonnant.

Avec les portes secrètes, les conspirations mystérieuses et les amours du "courrier du cœur", l'empoisonnement est un des leitmotifs privilégiés du roman historique. Il ne semble pas que les Romains aient connu de poison aussi violent que celui montré ici dans la séquence de la "galerie des plaisirs" de Tibère. Des toxicologues ont sérieusement étudié la question à propos de l'"empoisonnement" de Britannicus et ont conclu à la non-existence dans la pharmacopée romaine de ce type de poisons à effet foudroyant, dont l'efficacité rappelle celle du cyanure (3)

4. Longinus, le trésorier
Etrange apparition que celle du trésorier chauve Longinus, interprété par John Steiner, au look vaguement "zen", qui semble s'être trompé de siècle (on l'aurait mieux vu parmi la faune de la cour orientalisante d'Héliogabale).

Issu d'une très ancienne famille plébéienne, Lucius Cassius Longinus, vieux compagnon de Tibère, avait été consul en 30, et donné en mariage à Drusilla par l'empereur en 33 (TAC., An., VI, 15). Très amoureux, Caligula la lui reprit. Bien qu'ayant reçu une éducation très sévère, Longinus - aux dires de Tacite - était plus connu pour sa souplesse de caractère que pour son énergie. Toutefois, ce n'est pas de lui que se moque Caligula, au lit avec sa sœur, lorsqu'il lui parle de son gros mari peu gâté par la nature ainsi qu'il a pu le constater de visu, aux thermes. Caligula le nomme "Marcellus", ce qui est probablement une confusion du scénariste avec... Marcus Æmilus Lepidus, second mari de Drusilla, mais dont il n'est nulle part autrement question dans le film.

5. Chariclès, le médecin
Ce célèbre médecin (incarné par Leopoldo Trieste) était contemporain de Tibère, qui le consulta quelquefois sans qu'il se le soit attaché personnellement (TAC., An., VI, 50). Dans la villa de Lucullus à Misène, il prédit que l'empereur n'en avait plus que pour deux jours à vivre.


6. Cassius Chaerea
Au tribun prétorien Chærea (interprété par Paolo Bonacelli) qui, de même que le trésorier Longinus, se tient coi, à quelque distance du bordel impérial, l'Empereur demande s'il ne préférerait pas - par hasard - les petits garçons. "Non, César, répond le prétorien, je préfère les "grands", mes soldats !"
Dur entre les durs, Cassius Chærea passe pour avoir fait partie de la poignée de légionnaires qui, après le désastre de Varus, réussirent à échapper et à la mort et à l'esclavage chez les Chérusques...

Cassius Chærea - le personnage historique - avait une voix fluette, que démentaient son apparence virile, sa force et son courage militaire. Il ne participera au complot contre Caligula qu'à cause des incessantes moqueries dont l'abreuvait l'Empereur en raison de sa voix efféminée. Notamment le choix des mots de passe ("Priape", etc.), lorsqu'il était de garde au palais. Saturé de sexe, cataloguant complaisamment les déviations de tout genre, le film ne rend pas très bien ce problème - sauf au moment de l'assassinat, lorsque McDowell glisse à Chærea la mot de passe "Scrotum" (4).

Si l'un des premiers soins de Caligula fut de condamner à mort Macron qui l'avait aidé à monter sur le trône, celui de Claude, pareillement, fut d'envoyer au bourreau les deux "régicides" Cornelius Sabinus (qui se suicida) et Cassius Chærea. A l'homme de l'art, qui devait lui trancher le col, il tendit son propre glaive bien affûté en disant : "Cette lame a abattu un tyran, et elle peut encore servir."

Dans la pièce d'Alexandre Dumas, Chærea est l'amant de Messaline (!), laquelle ainsi espère devenir impératrice aux côtés de son mari Claude ("A moi l'Empereur... et l'Empire !"). Le père des Trois Mousquetaires le présente comme un conspirateur timoré, un pleutre. C'est son complice, le Gaulois chrétien Aquila, qui tue le tyran. Dans la télésuite Anno Domini, un groupe de gladiateurs amis de Chærea s'occupe des gardes germaniques pour laisser le champ libre aux prétoriens conspirateurs.

Une digression en amenant une autre, glissons deux mots à propos de la garde germanique de Caligula. Celui-ci avait une garde de Germains, qu'il considérait comme plus sûrs que ses prétoriens. Si l'on s'en tient aux textes, il paraît bien avoir été le premier à en posséder une, quoique à notre avis ça n'aurait rien eu d'étonnant que Tibère en eût également possédé une. Ayant mené plusieurs campagnes en Germanie où il usa davantage de la force diplomatique que de celle des armes, il n'aurait pas été impossible qu'il aie songé à recruter quelques-uns de ces géants roux comme extraordinarii. Aucun texte ne l'atteste (néanmoins Robert Graves, dans Moi Claude, attribue à Tibère une garde germanique). Il y a quelques beaux spécimens de gardes du corps usipètes entourant un politicien romain qui veut prendre le commandement de la Xe légion dans Massada (1981). Au rayon des parodies, citons les savoureux gardes germaniques d'Agrippine (Gloria Swanson) dans Les Week-Ends de Néron de Steno, avec leur accent allemand caricatural du style "Ya, Ya, Meine General !" et qui portent ce curieux casque composé d'un masque facial et d'une calotte de fer, copiés sur ceux retrouvés dans le marais de Thorsberg (5).


7. Claude
Parent de Caligula, Claude passait pour être un demeuré, hésitant entre la débauche et l'érudition, à qui Auguste avait pris soin de ne confier aucune tâche politique ou administrative. Si certains tracent de lui un portrait quelque peu odieux, il se trouva néanmoins un avocat de qualité en l'essayiste et romancier anglais Robert Graves. Mais dans Caligula on est assez loin de l'attendrissant portrait de "cet imbécile de Claude", "Clo-Clo-Clo-Claude..." - qui fit l'idiot pour survivre dans cette famille julio-claudienne où l'on s'entre-trucidait si joyeusement - dont Graves avait en 1934, avec quelque succès, tenté la réhabilitation dans son fameux Moi, Claude (et dont la télésuite qui en fut tirée en 1976 passait sur les écrans, pendant qu'à Rome Tinto Brass mettait les images en boîte). Souffre-douleur de Caligula, l'érudit Claude des Gladiateurs (1954) de Delmer Daves ne dut pas non plus marquer l'imagination du(des) scénaristes de Guccione.

Le personnage de Claude est interprété par Giancarlo Badessi (ou Badese), un spécialiste du rôle de répugnant faux jeton dans quelques péplums (Moïse le Législateur [1975], Poppea, una prostituta al servizio dell'impero [1972] et Satiricosissimo [1970]), vu également dans le rôle d'un sergent dans un western italo-ibérique aux côtés d'Eli Wallach, Lee Van Cleef et Franco Nero (Tepepa... Viva la Revolución, 1968) et, bien sûr, dans l'incontournable Salon Kitty de Tinto Brass. Ce Claude guccionien est une larve obèse et molle, qu'en montant sur le trône Caligula a désigné comme consul. Mais qui le taquine avec une désobligeance rare ("Gili-gili-gili, mon oncle", dit-il en lui mettant les doigts dans le visage). Mais, selon nos sources, n'avait-il pas fait pire, à Lyon, en poussant son oncle dans le Rhône (6) ou en la mariant à Messaline ? Claude ne pipera pas un mot tout au long du film, sauf une fois pour faire observer à son méchant neveu que Rome est une république et, qu'en conséquence, il ne peut en devenir le roi. Mais qu'importe, puisqu'en fait c'est un dieu que désire devenir Caligula !

Il faut se replacer dans le contexte politique [séq. VII] de l'époque. Alors que l'Empire romain hésite encore entre l'Empire républicain "à la façon d'Auguste", et le césarisme de Tibère, Caligula eut dû spécifier l'importance de cette décision. C'est la moindre des choses, lorsqu'on fait un film "historique".


8. Drusilla
Caligula était le seul mâle encore en vie d'une famille de neuf enfants dont trois périrent en bas âge et six survécurent - trois garçons et trois filles nommés, l'aîné Néron César (6-31 de n.E.), les autres Drusus César (7-33 de n.E), Caius César Caligula (12-41), Julia Agrippina Minor (15-59), Julia Drusilla (17-38) et enfin la cadette, Julia Livilla (7) (18-41).

Ils étaient les enfants du grand Germanicus, l'un des plus fameux généraux de son temps, et d'Agrippina Major, fille d'Agrippa, le fidèle lieutenant d'Auguste. Tibère jalousait ce neveu, Germanicus, qui mourut empoisonné lors d'un séjour en Syrie (en 19). Son épouse Agrippine ne manqua pas de le soupçonner ainsi que sa mère Livie, d'en être les instigateurs : l'empereur l'exila sur l'île déserte de Pandataria, où elle mourut de faim en 33. Victime des intrigues de Séjan, son fils aîné, Néron César avait, lui, été relégué dans l'île de Pontia où il était mort de misère en 31 (ou, selon Suétone, il s'était suicidé en apprenant sa condamnation). Complice de Séjan contre ce frère aîné, le second fils Drusus César fut, lui, enfermé dans une pièce du palais et condamné à y mourir de faim, en 33 (il mit neuf jours à agoniser, tentant de survivre en mangeant la bourre de son matelas).

Pas évident pour le profane de s'y retrouver dans cette famille où sans cesse reviennent les mêmes noms, quand on n'en change pas, où l'on se marie et remarie entre soi et meurt rarement de mort naturelle ! Néanmoins, on peut se faire une idée de l'ambiance dans laquelle vécurent Drusilla et Caligula - constamment espionné par Tibère et contraint à l'hypocrisie pour rester en vie. "Jamais un si parfait esclave n'eut d'aussi mauvais maître", dira-t-on du jeune Caius Cæsar. Cela explique aussi, peut-être, les liens incestueux unissant le dernier des fils de Germanicus à ses trois sœurs. Bien sûr, mesurant à l'aune de Suétone, il faut également tenir compte de la calomnie toujours possible : accusez, il en restera toujours quelque chose ! Dans un très beau roman Les Louves du Palatin (Belles-Lettres, 1988), Jean-Pierre Néraudau choisira de réhabiliter les femmes des Césars en montrant que malgré la licence des mœurs de l'époque, celles-ci étaient fort éloignées de pouvoir se permettre toutes les turpitudes qu'on leur a prêtées sans compter.
Ainsi Agrippine n'aurait jamais couché avec son frère...

Julia Drusilla (interprétée par Teresa Ann Savoy) fut la sœur préférée de Caligula et deux fois mariée - d'abord par Tibère à L. Cassius Longinus, puis par son frère à M. Æmilius Lepidus. Entre les deux mariages, Caligula avait arraché sa sœur à son premier mari et affiché sa liaison incestueuse avec elle. Lors de sa grave maladie de fin 37, Caligula lui léguera l'Empire. Elle mourut en 38, à l'âge de 23 ans.

Après la mort de Drusilla, les deux sœurs restantes - Agrippine la Jeune, mère du futur empereur Néron, et Livilla - entrèrent dans un complot contre leur frère, instigué par leur maintenant veuf beau-frère, Marcus Æmilius Lepidus, et le commandant des quatre légions de Germanie, Cn. Lentulus Gætulicus. Le procès eut lieu à Lyon, obligeant Caligula à renoncer à son projet d'invasion de la Grande-Bretagne. L'affaire était sérieuse, car comme mari de Drusilla, l'héritière de l'Empire, Æmilius Lepidus était un prétendant au trône tout à fait crédible.
Les deux conspirateurs furent condamnés à mort, et Agrippine et Livilla à leur tour exilées à Pontia tandis que leurs biens étaient vendus aux enchères.

Nécrophilie ?

Au temps du black-out sur le tournage, on a prêté au film de Bob Guccione d'avoir fait de tableau de toutes les perversions et jeux sexuels possibles et imaginables : zoophilie, sado-masochisme, pédophilie... nécrophilie, même. Le montage serré de la "galerie des plaisirs" nous laisse entrevoir à côté de nains et d'hermaphrodites, de "felliniens" monstres à quatre mains, quatre jambes ou trois yeux. Dans une alcôve, l'œil saisit au vol ici des sœurs siamoises soudées par le crâne occupées à câliner d'un ou l'autre priape, là telle jeune femme s'introduisant une anguille dans le vagin, ou encore des nourrices donnant à téter en guise de biberon des phallus ailés. Pas évident de suggérer la zoophilie, la pédophilie de Tibère tout en restant dans certaines normes du montrable. Mais quand on se souvient que, pour un mètre de pellicule qui nous est donné à voir, plus de cinquante sont tombés au montage, notre imagination vagabonde quant à savoir ce qui avait réellement été filmé. On a évoqué la nécrophilie etc. : ne jouons pas sur les mots, la plupart de œuvres d'art intéressantes reposent justement sur le regard qu'un poète a posé sur ces tabous... La profanation du cadavre des défunts est sans doute un crime affreux et aberrant, mais qui a amené des œuvres poétiques intéressantes : d'Orphée et Eurydice à La Morte amoureuse, en passant par Dracula, toute la littérature gothico-romantique en témoigne, il n'est de plus belles histoires d'amour que celles qui défient l'abîme de la tombe. Dans la galerie des plaisirs, quelques momies aux rictus sardoniques ont été dressées derrière le trône de Tibère dont l'une porte un écriteau : "Druso". Il s'agirait donc de Drusus, l'unique fils du "bouc de Capri", assassiné par Séjan ? Que fait donc cette momie, exposée ainsi que quelques autres, dans la salle de jeux érotiques de Tibère, sinon adresser un clin d'œil à certaine héroïne de Rider Haggard... A l'autre bout du film, dans les fumigations d'encens, dans cet éclairage rouge qui donne l'impression que saigne le porphyre des colonnes de la grande salle hypostyle de l'aula regia, la caméra saisit Caligula qui s'abandonne à sa douleur, tenant dans ses bras le corps dénudé et pantelant de Drusilla défunte...
Délicatement, il la dépose sur la couche où le frère et la sœur ont si souvent fait l'amour. Même si la caméra ne nous le restitue pas, on peut concevoir qu'ici Caligula connut une dernière fois sa sœur ! Admirons la discrétion du cinéaste, qui signe ici sans doute la plus belle séquence du film (avec la danse de Cæsonia enceinte et nue), admirablement servie par la photographie et la musique.


9. Milonia Caesonia
Milona Cæsonia (interprétée par Helen Mirren) fut la quatrième et dernière épouse de Caligula. La première, Junia Claudia, lui avait été donnée par Tibère. La seconde, Livia Orestilla, il l'enleva à son mari C. Calpurnius Pison, le jour même de ses noces (8) - et il la répudia quelques jours après [on songe à la séq. XIII du présent synopsis]. La troisième, qu'Auguet qualifie de "petite provinciale", fut la fameuse Lollia Paulina - la plus belle femme de Rome, et la plus riche - qu'il répudia après quelques mois car elle ne voulait point souffrir la maternité.

L'accouchement de Cæsonia [séq. XVIII]
Dans l'aula regia, Cæsonia accouche debout, le visage couvert d'un masque doré, accrochée à une sorte de cadre. Dans les fumigations d'encens, et devant l'Empereur et tous ses courtisans assemblés ! L'on aurait peut-être de la sorte procédé sous Louis XIV, autre grand symbole de l'absolutisme, auquel le cinéaste semble adresser ici un clin d'œil... (Ainsi lorsque, dans une séquence précédente Caligula, soulageant sa vessie contre les murs de sa chambre, paraît nier que les Romains disposaient de lieux d'aisances plus élaborés que ceux à la disposition des courtisans de Versailles.)

Mais ce genre d'accouchement à grand spectacle est peu romain. Le pater familias lui-même n'assistait jamais aux accouchements. La sage-femme lui apportait le nouveau-né et le déposait à ses pieds : s'il acceptait de le prendre dans ses bras, devant ses parents, amis et clients réunis, c'est qu'il le considérait comme légitime. Il est "de bon ton" de conspuer les grandes machineries hollywoodiennes, mais rendons ici hommage au Cléopâtre de Mankiewicz, qui réalisa une "naissance de Césarion" plus conforme aux mœurs latines. (Sur Cæsonia, son exhibition nue aux banquets, son accouchement qui lui valut d'être ipso facto reconnue comme épouse légitime et impératrice : SUÉT., Cal., 25.)

Milonia Cæsonia et la petite Julia Drusilla (qui portait le nom de la sœur aimée) partagèrent le sort de l'Empereur, massacré sous le cryptoportique. On voit très bien que la fillette porte une petite cuirasse et des petites bottes de soldat, comme le petit Caius "Caligula", lorsqu'il vivait auprès des troupiers de Germanicus.


10. Caligula

10.1. Peur du noir
L'orage inspirait une telle frayeur à Caligula qu'il se cachait sous son lit. Caligula craignait l'orage, mais à l'exemple du héros mythologique Salmoneus, il aimait à imiter Jupiter en conduisant un char de bronze, dont les pièces en s'entrechoquant provoquaient un bruit étourdissant, tandis qu'il jetait des torches pour imiter les éclairs (9)

On peut supposer qu'au contraire de Ben Hur, Quo Vadis etc., cette "superproduction" de Guccione n'avait pas prévu de chars dans son budget ? Oiseaux qui se débattent dans les tentures, orages... Caligula est un enfant apeuré qui ne se rassure que sur le maternel sein de sa sœur Drusilla. Alors il ose défier la foudre et la pluie, danser la pyrrhique, prendre une pose guerrière avantageuse, le pouce dressé... Guccione-Vidal mettent ici le doigt sur d'obscures connotations sexuelles qui intéresseraient un psychanalyste, mais dont tireront parti Laurence Webber et Frank Kramer, auteurs du freudien Les Orgies de Caligula (1983), lorsqu'ils nous montrent Caligula poursuivi par le souvenir vengeur de son père dont il a, enfant, osé enfiler les bottes (la métaphore est lourde de sens) !

10.2. Le turfiste
Caligula adorait les courses de chars. C'était un fautor (supporteur) de la faction verte. Quelquefois il lui arrivait de dormir dans les écuries, près des chevaux, comme un vulgaire valet. Quel amateur de chevaux n'a jamais veillé son cheval préféré quand il était malade, ou sa jument sur le point de mettre bas ? (SUÉT., Cal., 55).

Fièvre de cheval [séq. XVI]
Or, dans le film, Caligula - malade - dort avec son cheval dans son lit. Difficile d'éviter le calembour de la "fièvre de cheval", mais en prenant cette liberté tant avec l'histoire qu'avec le texte de Suétone, Guccione s'est efforcé de la mériter ! Certes Caligula aimait son cheval (10). Mais pour imaginer qu'il mettait un de ces quadrupèdes dans son lit, au palais (même bourrés de sédatifs : l'acteur McDowell faillit en mourir de peur lors du tournage de la scène), il faut avoir soi-même l'esprit quelque peu dérangé !

10.3. Mon cheval comme consul [séq. 15]
A un banquet, Caligula entre chevauchant son étalon arabe Incitatus. Entre la séquence des signatures de décrets impériaux et celle du banquet s'intercalait probablement la scène où Caligula, au Sénat, faisait de son cheval un Consul. Mais Guccione a fait sauter cette séquence réalisée par Brass (et sept autres séquences, comme le sacrifice du bœuf, où l'Empereur immole... le prêtre (11), trop politiques ou pas assez érotiques... Comment juger une œuvre réalisée dans un tel esprit ?

10.4. Celui qui se croyait un dieu
Dans Les Gladiateurs (1954), Caligula-Jay Robinson mettait à mort de sa propre main un esclave, afin d'éprouver son propre pouvoir divin. Avec l'aide de la Tunique du Christ (que lui avait livrée Démétrius-Victor Mature), il espérait en effet être à même d'opérer des résurrections, comme le faisait le Charpentier de Galilée. Rien de tout cela dans Suétone, évidemment (!), mais saluons la prouesse du scénariste qui arrive à transcender une fable "édifiante" en morceau de bravoure sadomasochiste. Mais en a-t-il jamais été autrement dans le cinéma hollywoodien ?

Avec beaucoup plus de vraisemblance historique, le film de Guccione met en relation les aspirations de Caligula à être adoré comme un dieu avec le culte d'Isis dont il était un dévot. C'est à l'exemple des monarques hellénistiques que voulait régner le quatrième César (ne fit-il pas enlever ou copier la cuirasse d'or d'Alexandre le Grand, son modèle ?). Qu'on n'oublie pas que nous sommes au sortir du règne de Tibère, vieux romain traditionaliste qui - aux dires de Flavius Josèphe et de Suétone (Tib., 36) - interdit le culte d'Isis et celui de Iahvé, et ne risquait point de confondre la rigueur de l'étiquette romaine avec la licence de ses fêtes privées. La dichotomie entre le Tibère économe, pondéré, brillant soldat mais n'aimant pas la guerre, et le bouc de Capri ravagé de vices étonnera toujours les commentateurs. Apulée nous donne toutes une série de précisions sur le culte d'Isis, mais indique également qu'il y a des choses qu'en tant qu'initié il n'a pas le droit de révéler aux profanes. Pour ce que nous en savons, le culte d'Isis était plutôt austère, mais, aux romanciers et cinéastes, il est permis d'imaginer les pires excès : après tout, les Grecs n'assimilaient-ils pas Isis à Aphrodite ? Pour Bob Guccione, les nobles romaines qui célèbrent son culte dans la maison de Drusilla s'ébattent dans une piscine où une statue égyptienne de pierre noire a été couchée. Elles se caressent, se masturbent, etc. et dansent autour de la pièce d'eau en répandant des pétales de roses. Caligula qui, déguisé en femme, s'est introduit parmi elles en quête d'une épouse, remarque Cæsonia et la fait venir dans la chapelle attenante où, fantaisie personnelle ou rite supposé, il lui entaille légèrement le cou et boit son sang ! Caligula rime donc avec Dracula, autrement le vampirisme aurait fait défaut au curriculum vitæ du parfait pervers polymorphe dont Guccione et consorts nous ont tracé l'esquisse.

Comme sa sœur Drusilla, Caius Caligula était prêtre d'Isis (pourquoi un déguisement, alors ?). Et il y a une statue d'Isis avec sur son socle l'inscription ISIDI SACR. dans la chambre de Caligula. Isis revient par ailleurs tout au long du film. Caligula favorisa le culte de cette déesse égyptienne qu'il devait associer à ses aspirations de monarque oriental divin (avec mariage dynastique entre frère et sœur; Alexandrie pour capitale, etc.). Tout ce qui subsistera de son palais sera justement une chapelle dédiée à Isis, qui sera annexée au palais de Domitien, sous l'aula regia.

Isis avait ressuscité son époux démembré Osiris. Comme dieu, Caligula se devait d'avoir une relation privilégiée avec les autres dieux. Le film nous le montre guettant les divines manifestations de cette déesse. Vois-tu les dieux, demande-t-il à Nerva aux portes de la mort ? Vois tu Isis ? De même lorsqu'il décide la perte de Proculus, dont il avait déjà gâché les noces. Le jeune officier est suspendu à un harnais, véritable accessoire de sex-shop qui fait furieusement penser aux harnachements de Jane Fonda dans Barbarella de Roger Vadim. Il demande à ses bourreau de le découper vivant, de le frapper pour qu'il meure le plus lentement possible, pour qu'il se sente mourir (SUÉT., Cal., 30). Et toujours la question obsédante : "Vois-tu Isis, la déesse ?" A la fin, il lui fait trancher le sexe pour qu'il soit remis à son épouse, mais qui sera mangé par un chien. Difficile en voyant cette scène de ne pas faire le parallèle avec Osiris dépecé par Seth, et de son sexe dévoré par un oxyrhynque (poisson du Nil) - que son épouse Isis ne retrouvera pas. Du reste, ne sera-t-ce pas en répétant au théâtre (12) un "Mystère égyptien" que Caligula-Osiris et Cæsonia-Isis se feront massacrer par les prétoriens ? On comptera sur son corps une trentaine de blessures, dont plusieurs dans les parties sexuelles, mais tant qu'il lui resta un souffle de vie, il hurla à ses assassins : "Je suis toujours vivant !" La métaphore Caligula-Osiris offre au film une piste de lecture intéressante, comme aussi celle du cheval Incitatus que l'on voit galoper tristement pendant qu'on tue son maître.

Elevé avec ses sœurs par sa grand-mère Antonia, fille de Marc Antoine et Octavie - cependant que sa mère Agrippine croupissait dans son exil à Pandataria dont elle ne reviendra jamais -, il nous paraît douteux que Caligula ait vécu entouré d'Egyptiens comme on l'a parfois écrit. Ceux-ci ne devaient pas être en honneur de sainteté dans la "famille romaine" d'Antoine, qui leur avait préféré Cléopâtre. Mais alors, au-delà du fait qu'il était arrière petit-fils d'Antoine - qui fut pharaon - comment expliquer l'attrait de Caligula pour la monarchie absolutiste à la mode hellénistique ?

 

3. L'histoire du film

caligula : gorgoneion

Le motif récurrent du gorgoneion, ici dans le stade

Le producteur : Bob Guccione
Caligula fut le fruit de la collaboration entre Franco Rossellini (Felix Cinématografica) et Bob Guccione (Penthouse Films International). Italo-Américain de Brooklyn, Guccione fut artiste peintre, cuisinier, détective privé et dessinateur de BD avant de piétiner les plates-bandes en or massif de Hugh Hefner, le fondateur de Play-Boy. Il crée la revue Penthouse qu'il a l'idée de lancer en Angleterre à l'aide d'une petite brochure montrant dix femmes en tenue fort légère. Scandale. Procès. Publicité. Ainsi le veut, en bonne démocratie, la fameuse "loi de la vexation universelle" : l'effet visé par l'esprit grincheux des moralistes, par un effet pervers du battage médiatique, inéluctablement finit par assurer la meilleure publicité à ceux-là qu'ils auraient voulu interdire.

Guccione tira le premier numéro de son magazine à 120.000 exemplaires, tous vendus. Penthouse fut le premier du genre à avoir libéré ses modèles, les "Pets", du cache-sexe trop longtemps imposé aux "Bunnies" de Playboy - le rival qu'il parvient à battre au bout de neuf ans. Aujourd'hui installé à New York, Penthouse est diffusé dans le monde, en différentes éditions, à 5 millions d'exemplaires (en 1980).

Mais l'Italo-Américain voit grand. Il rêve de conquérir l'industrie cinématographique et investit ses dollars dans Chinatown de Roman Polanski et Plein la gueule de Robert Aldrich. Tout naturellement, il envisage ensuite de produire son propre film à grand spectacle, "qui révolutionnerait l'idée que le public se fait du cinéma". C'est alors qu'il a vent d'un projet de Franco Rossellini, relatif au règne très controversé de l'empereur Caius Caligula. Il lui en coûtera 17,5 millions de dollars.
(On lit parfois dans la presse que Caligula aurait coûté 20 millions, voire 22 millions de dollars : la différence entre ces chiffres parfois mentionnés par Guccione dans ses interviews inclut le manque à gagner - ce que n'auraient pas manqué de rapporter ses fonds s'ils avaient été placés différemment. Il est vrai que les procès en chaîne en ont fait stagner la productivité. En businessman avisé, Guccione ne perd jamais le nord !)

Le coproducteur : F. Rossellini
[En Bob Guccione], Franco Rossellini trouve le financier, le mécène audacieux prêt à ouvrir sa cassette comme Caligula le trésor de Rome.
Tous deux s'accordent donc à produire le film qui reléguerait Cecil B. DeMille au rang de cinéaste du dimanche. Et l'on réunit effectivement beaucoup de talents autour de cette ambition. Le scénario fut confié à Gore Vidal, une plume très cotée de la littérature américaine. Les 64 décors et les 3.592 costumes furent dessinés par Danilo Donati collaborateur attitré de Fellini
(Satyricon), Pasolini (Les Mille et Une Nuits), Antonioni, Visconti et autres Zeffirelli. Les studios romains revivaient l'âge d'or du péplum-spaghetti. Plusieurs kilomètres de rues de la capitale antique furent reconstituées, avec statues, monuments, édifices publics. Le cirque impérial était long comme trois terrains de football, avec une "machine à tuer" ambulante de 13 m de haut sur 40 de large inventée par Caligula pour faucher les têtes de ses ennemis. (...)

Patrice DE NUSSAC, Le Journal du Dimanche, 29 juin 1980

 

Fils du compositeur Renzo Rossellini, neveu du réalisateur Roberto Rossellini, Franco Rossellini "est venu au cinéma par l'admiration qu'il portait aussi à sa tante Ingrid Bergman. Assistant de Godard, Fritz Lang et Zeffirelli, il devint producteur à l'âge de 28 ans. Sa spécialité : "Confronter des personnalités contradictoires pour déclencher le génie." Jouer les apprentis sorciers peut réussir, comme le choc Callas-Pasolini dans Médée. Cela peut aussi friser la catastrophe, comme avec Caligula.

Patrice DE NUSSAC, Le Journal du Dimanche, 29 juin 1980
 
Interview de Bob Guccione
  • "La réaction de la critique française a été plus clémente à l'égard de Caligula, que la presse américaine.
    B.G. Effectivement, les Français ont été plus objectifs et plus intelligents. Ici, nous avons assisté à des réactions émotives et à des manifestations d'animosité personnelle. Aucune approche analytique. Mais votre presse a un public, disons, plus sophistiqué, culturellement parlant...
 
  • Gagnerez-vous de l'argent avec Caligula ?
    B.G. En recette brute, nous ferons plus de 100 millions de dollars !
 
  • Caligula n'a été soumis à aucune commission de censure
    B.G. Mais c'est pour cela que nous avons acheté le cinéma "Translux East" à New York, et décidé nous-mêmes de l'interdiction aux moins de 18 ans de Caligula. Il était hors de question de laisser Caligula être classé X, et sortir dans un circuit de films pornographiques. D'autre part, théoriquement, la censure n'existe pas aux Etats-Unis. Mais, par ailleurs, chaque Etat possède son propre arsenal de lois. Aucune ne relève directement de la censure, mais des atteintes ou offenses à la morale et à la sécurité publique ou mentale.
 
  • Ne pensez-vous pas que la qualité artistique du film a souffert de ces mésententes entre les protagonistes de son élaboration ?
    B.G. Malheureusement, le film n'a pu que souffrir de cela. Je suis incapable d'évaluer l'ampleur du dommage. Mais ce qui compte en dernier ressort, c'est l'aspect expérimental du film. Le fait, aussi, d'être le premier du genre.
 
  • Quand on voit Caligula, on pense parfois à l'atmosphère d'un film de Fellini.
    B.G. Ça, c'est grâce au décorateur Danilo Donati. Un vrai talent. Il a d'ailleurs apporté une immense contribution aux travaux de Fellini auxquels il a participé. A mon avis, Danilo Donati est la vraie star du film. Pas Malcolm Mac Dowell, pas Peter O'Toole, pas Tinto Brass, ni moi-même. De plus, nous ne voulions pas tourner une sorte d'épopée grandiose en extérieur avec une foule de figurants. Il fallait sentir, surtout, l'évolution mentale de Caligula vers sa folie, et cela, palier par palier. Tous les décors que l'on voit, sont reconstitués dans leurs dimensions réelles. Ce qui donne parfois cette impression théâtrale... Surtout, nous voulions produire une œuvre exposant les méfaits corrupteurs du Pouvoir. Il fallait montrer toute la réalité, même la plus crue.
 
  • Tirez-vous une conclusion d'une aventure aussi épique ?
    B.G. Je pense que Caligula eût été mieux accueilli et eût été mieux fait si Fellini avait dirigé le tournage.

Propos recueillis à New York par François-Marie SAMUELSON (15)


Le scénariste : Gore Vidal
Franco Rossellini, Bob Guccione, Tinto Brass, Gore Vidal... chacun voulait faire "son" Caligula.
 
De même qu'il y avait eu un Fellini's Satyricon, le romancier américain tenait à son Gore Vidal's Caligula : "Le scénariste, Gore Vidal, qui devait, sur les affiches donner son nom au film (Gore Vidal's Caligula) demande à retirer son nom. Il qualifie le film de "sex-show pour Copenhague... tourné dans des décors qui ressemblent au hall d'entrée de l'hôtel Fontainebleau, à Miami". Guccione finit par accepter que Gore Vidal retire son nom de l'affiche à condition que celui-ci renonce à son pourcentage sur les bénéfices ("Après tout, nous avions payé aussi pour utiliser son nom !")
Vidal empochera néanmoins son cachet de 200.000 dollars.
Michel CAEN, Video News, n° 16, janvier 1983
 
"La première escarmouche vint de Gore Vidal, le scénariste. Il avait obtenu 10 % sur les bénéfices et que le titre soit tout simplement Gore Vidal's Caligula. Mais estimant que son scénario était affreusement mutilé, il attaqua la production. Réponse de Guccione "C'était trop long, trop cher et trop homosexuel." Plus tard, Gore Vidal déclara dans une interview que "les metteurs en scène sont des parasites et que le véritable auteur d'un film est celui qui l'a écrit" (16).
Le metteur en scène de Caligula était alors Tinto Brass. Peu encore connu pour l'ensemble de son œuvre mais vindicatif : il "sort" Gore Vidal des studios. Sa vision lui serait plutôt "la violence et la corruption du Pouvoir". Se prenant pour Fellini, il recherche aussi des matrones "vieilles, grosses et laides". Pas plus que l'homosexualité, cela ne peut faire l'affaire d'un patron propriétaire d'une revue basée sur le charme féminin.
Guccione crie donc au sabotage et décide de prendre lui-même les choses en main. C'est alors que
Caligula devient Helzapoppin. Avec ses "pets" - l'équivalent des "bunnies" de Play-Boy Guccione viendra tourner clandestinement de nuit les scènes "additionnelles" qu'il désire et qui doivent, selon lui, "marquer l'histoire du cinéma". Pour finir, il se retrouve avec 200.000 m de pellicule et le montage, toujours clandestin et sous la menace d'une saisie, s'effectue de façon épique et chaotique à Londres, Paris et New York. Procès en cascade : Brass contre Guccione, Guccione contre Brass, Brass contre Vidal et Vidal contre tout le monde.
Et les acteurs s'en mêlent. Peter O'Toole :
"Le film est si mauvais qu'il ne verra jamais le jour." Contre-attaque de Guccione : "Je ne l'ai jamais vu sobre et ses retards nous ont coûté une fortune."

Patrice DE NUSSAC, Le Journal du Dimanche, 29 juin 1980

"La première escarmouche vint de Gore Vidal, le scénariste. Il avait obtenu 10 % sur les bénéfices et que le titre soit tout simplement Gore Vidal's Caligula. Mais estimant que son scénario était affreusement mutilé, il attaqua la production. Réponse de Guccione "C'était trop long, trop cher et trop homosexuel." Plus tard, Gore Vidal déclara dans une interview que "les metteurs en scène sont des parasites et que le véritable auteur d'un film est celui qui l'a écrit" (16).
Le metteur en scène de Caligula était alors Tinto Brass. Peu encore connu pour l'ensemble de son œuvre mais vindicatif : il "sort" Gore Vidal des studios. Sa vision lui serait plutôt "la violence et la corruption du Pouvoir". Se prenant pour Fellini, il recherche aussi des matrones "vieilles, grosses et laides". Pas plus que l'homosexualité, cela ne peut faire l'affaire d'un patron propriétaire d'une revue basée sur le charme féminin.
Guccione crie donc au sabotage et décide de prendre lui-même les choses en main. C'est alors que
Caligula devient Helzapoppin. Avec ses "pets" - l'équivalent des "bunnies" de Play-Boy Guccione viendra tourner clandestinement de nuit les scènes "additionnelles" qu'il désire et qui doivent, selon lui, "marquer l'histoire du cinéma". Pour finir, il se retrouve avec 200.000 m de pellicule et le montage, toujours clandestin et sous la menace d'une saisie, s'effectue de façon épique et chaotique à Londres, Paris et New York. Procès en cascade : Brass contre Guccione, Guccione contre Brass, Brass contre Vidal et Vidal contre tout le monde.
Et les acteurs s'en mêlent. Peter O'Toole :
"Le film est si mauvais qu'il ne verra jamais le jour." Contre-attaque de Guccione : "Je ne l'ai jamais vu sobre et ses retards nous ont coûté une fortune."
Patrice DE NUSSAC, Le Journal du Dimanche, 29 juin 1980
 

La logique dans la folie
Gore Vidal's Caligula - Un scénario trop "homosexuel"
"(...) Un des traits de l'humour caligulesque déborde d'ailleurs le film, puisque le producteur Bob Guccione, grand pourvoyeur de l'univers en femmes-objets dénudées (via sa revue Penthouse), est appliqué à illustrer un script pour le moins bissexuel, où la plupart des messieurs, la vedette Malcolm Mc Dowell en tête, sont tenus d'aller fesse nue et zizi à l'air sous leur minijupe d'époque...
Tinto Brass, bien sûr, feignait n'avoir rien vu de ces frivolités. Il prétendait tourner un film sur le pouvoir. Il voyait en Caligula, jeune loup succédant à un Tibère aussi parano et féroce que Staline, mais moins sectaire au plan sexuel, le prototype du chef qui pousse à l'absurde la logique du pouvoir et aperçoit qu'il ne rencontre aucune limite jusqu'où aller trop loin. On lui aurait fait de la peine en lui disant qu'Albert Camus avait déjà traité le sujet, sous le même titre. Sauf que la révolte camusienne contre la condition humaine se donne un point de départ : la mort de Drusilla, sœur et amante bien-aimée de Caligula. Chez Gore Vidal-Tinto Brass, la perversité s'installant d'emblée, l'insulte métaphysique est immédiate. D'où un récit sans progression, qui existe que par la surenchère des "gags"
Inutile de plaquer une ombre de philosophie sur ce divertissement
. Caligula relève de l'art brut, au sens où l'entend Dubuffet. Par son désordre, son incohérence, par l'incapacité mercantile de ses auteurs, il représente ce que nul artiste de talent ne pourrait inventer : l'œuvre caligulesque même.

 
Le réalisateur : Tinto Brass
De la "paternité" de Caligula

T.B. C'est moi qui ai refusé de signer le film (au contraire de ce qu'affirme Guccione, qui prétend avoir "viré" Tinto Brass). J'en ai reconnu la paternité mais je n'ai pas voulu cautionner l'usage qu'en a fait la production. Exclu de la phase du montage qui est pourtant pour moi fondamentale, j'ai engagé un procès contre la production. Je l'ai gagné mais j'ai perdu mon film. Franco Rossellini affirme aussi que je souhaitais rajouter des scènes pornographiques. Cela prouve encore qu'il n'a rien compris à mon Caligula.

  • Quelle différence entre le Caligula de Tinto Brass et celui de Rossellini-Guccione ?
    T.B. L'idée originale n'était pas de faire un film sur le sexe mais sur le pouvoir, donc sur la violence. La violence sexuelle, selon ma mise en scène, ne devait être qu'une parabole de la violence du pouvoir. L'histoire de Caligula était un prétexte formidable pour développer cette idée selon une logique bien précise. La logique de l'utopie d'abord, qui amène ce jeune Romain à rêver de s'emparer du pouvoir pour en user selon ses idéaux moraux. Lorsqu'il atteint son but, il montre ce que le pouvoir dans sa simple logique peut avoir d'inhumain et d'immoral. C'est Machiavel et sa théorie : "La fin justifie les moyens." Lorsque Caligula se rend compte du piège dans lequel il est tombé, lorsqu'il s'aperçoit que ce n'est pas lui qui détient le véritable pouvoir mais que ce sont les institutions qui se sont servies de lui, le seul moyen qui lui reste, c'est de s'en remettre à la folie. Une folie au sens shakespearien du terme. Une folie méthodique. C'est d'ailleurs dans ce contexte qu'il faut voir l'aspect pornographique du film, le sexe n'étant pas un élément de titillation, mais de provocation, d'offense constante. Seulement voilà. Le sexe a immédiatement porté à une confusion sémantique. S'il avait été le sujet du film, l'érotisme était justifié. Mais le thème de Caligula est celui du pouvoir, alors que l'érotisme n'est que mystification.
 
  • Ce que Rossellini a coupé dans la version de Brass
    T.B.
    Je dirais qu'il s'agit d'un film porno-idéologico-colossal. Je voulais décrire la prostitution d'un individu lorsqu'il se marie avec l'idéologie du pouvoir. Mais la production a ajouté des scènes érotiques qui contredisaient cette ambition. Elle a de plus coupé sept ou huit scènes qui révélaient la structure idéologique du film. Exemple : l'entrée de Caligula dans la logique de la folie. L'empereur se lance dans la provocation contre les institutions à la fois contre le Sénat (il nomme son cheval sénateur) et contre les prêtres (au lieu de tuer le bouc émissaire; il tue le prêtre et distribue sa chair à la foule). Mon Caligula, avec son discours sur le pouvoir, se voulait infiniment plus provocateur que celui de Rossellini avec ses sexes nus.
    (...) Je suis licencié en droit, et de ce fait, plus intransigeant. Je connais la loi sur les droits d'auteur qui, en Italie comme en France, accorde la priorité du droit moral sur le droit économique. A présent, je suis sur un projet exaltant. Faire un film d'après un très beau roman, érotique cette fois-ci, et qui de surcroît a reçu le prix Nobel. Mais je ne veux pas en dire plus...
 
Propos recueillis par Marie-Delphine BONADA (17)
 
Les acteurs : Malcolm Mac Dowell

Selon lui, l'empereur illuminé serait le premier anarchiste de l'histoire.
"Depuis If, de Lindsay Anderson, et surtout Orange mécanique, de Stanley Kubrick, Malcolm Mac Dowell n'a guère changé d'emploi. Le visage tourmenté, l'œil inquiétant, la bouche vaguement satanique, l'acteur anglais n'est manifestement à l'aise que dans la rage, la violence, la révolte, la destruction. "... Depuis mes débuts en 1968, tout ce que j'ai joué au cinéma fait comme un cercle. Mes personnages sont tous sans exception des antisociaux", commente-t-il
(Dans ce film, Mac Dowell-Caligula) trousse les filles avec une violence et un humour dont il a seul le secret, pervertit les plus honnêtes avec délectation, pourfend amis et ennemis sans distinction tout en administrant son royaume comme un enfant le ferait de ses jouets, et en roucoulant d'amour pour un cheval, Incitatus, qu'il n'hésite pas à mettre dans son lit au plus fort de son délire de puissance. Une folie sourde, souterraine, corrosive, une fragilité diabolique et quasi désespérée, Mac Dowell-Caligula donne là toute la mesure de son insondable propension à l'anormalité. "Caligula, c'est le premier anarchiste. Le premier qui ait osé défier et détruire l'empire romain", dit-il fièrement. Heureux, Mac Dowell de défendre les couleurs de l'insatisfaction, de la démence, du dégoût, même s'il avoue s'être rendu compte que la diplomatie payait davantage que l'agressivité. Est-ce à cette dernière que l'on doit de voir si peu Mac Dowell au cinéma ?"

Le Matin, 8 juillet 1980
Les acteurs : Teresa Ann Savoy
"Je suis très contente de mon rôle dans ce film. J'ai joué pendant trois mois et tout a très bien marché. Je sais qu'ensuite il s'est passé beaucoup de choses. La production a rajouté des scènes d'orgies mais ni Malcolm Mc Dowell ni moi n'étions concernés. Nos personnages sont restés les mêmes. J'aime énormément Drusilla. Elle est maternelle. Sans elle tout va mal pour Caligula. Après sa mort, c'est l'horreur qui s'installe."
France-Soir, 2 juillet 1980
 
Des décors somptueux mal employés
Quand on songe à la prodigalité de la production, à ces milliers de costumes, à ces centaines de statues, aux kilomètres de décors conçus avec passion pendant un an par le décorateur de Fellini, Danilo Donati, on reste pantois. De la galère dorée aux cent vingt rames, longue de soixante mètres, le film emploie à peine le dixième. Du stade impérial grand comme trois terrains de football, il utilise un coin. La machine à décapiter, haute comme une maison de cinq étages, est elle-même décapitée par le cadrage. Et tout à l'avenant. Tinto Brass et ses producteurs, incapables de diriger une action en vue générale, serrent au plus près les personnages, toujours sous l'angle le plus plat ou le plus idiot. Tant d'incompétence touche au prodige.
Comparé aux films de Fritz Lang repris cet été
, Le Tigre du Bengale et Le Tombeau hindou, chefs-d'œuvre de romanesque populaire où le moindre regard, le choix d'un cadre, les accessoires du décor semblent le reflet d'une épure, le gâchis visuel de Caligula devrait servir de repoussoir idéal. Enfin un film capable de prouver, par antiphrase, que la "mise en scène" existe, que ce n'est pas une invention de spécialistes barbants ! Or Lang est sublime, mais Caligula existe aussi, avec son fumet faisandé qui reste dans la narine. Saluons ici, sans nous voiler la face, deux heures et quelques de ce qu'on pourrait appeler du cinéma sauvage."
Michel MARDORE (18)

 

Suite...

 


 

NOTES :

Quelques personnages du film

(1) DION CASSIUS (LVIII, 9. 2) orthographie fautivement "Sertorius", mais une inscription dédicatoire de l'amphithéâtre d'Alba Fucens nous en renseigne la forme exacte, en même temps qu'elle nous livre son prénom : Quintus.
Notre notice doit beaucoup à Fernand DE VISSCHER, "La carrière et le testament d'un préfet du Prétoire de Tibère", Acad. roy. de Belgique, Bull. Lettres, XLIII/5, 1957, pp. 168-179. - Retour texte

(2)  A propos des costumes et décors de sa pièce, Camus recommandait : "Faites n'importe quoi, sauf du romain." - Retour texte

(3) Cf. GEORGES-ROUX, Néron, Arthème-Fayard (rééd. C.A.L., 1963, pp. 105-107). - Retour texte

(4) Quel contraste avec, au début du film, le mot de passe "Justice", que doit décliner Macron lorsqu'il vient chercher le jeune Caligula convoqué par Tibère ! - Retour texte

(5) Emprunté aux excubites de Théodora (Riccardo Freda, 1953). - Retour texte

(6) C'est sans doute à cette anecdote que fait référence le film lorsque dans la grotte de Tibère, Caligula d'un coup de pied envoie son oncle Claude dans la piscine. - Retour texte

(7) Homonyme de sa tante - avec laquelle il ne faut pas la confondre - Julia Livilla, qui était la maîtresse de Séjan et qui empoisonna son mari Drusus, le fils de Tibère. Sa mère, Antonia, la contraignit à mourir. - Retour texte

(8) Correspond, dans le film, aux noces de Livia et Proculus. Dans la pièce de Camus, Caligula s'absente un moment avec l'épouse du sénateur Mucius (Acte II, Scènes V et VII). - Retour texte

(9) Cf. SUÉT., Cal., 22, où le fils de Germanicus parle à Jupiter et, même, le menace de l'enlever. - Retour texte

(10) Dans Le Forum en folie (A Funny Thing Happened on the way to the Forum, GB, 1966 - d'après PLAUTE, Pseudolus) Richard Lester avait fait un clin d'œil à Caligula et à son cheval-consul Incitatus lorsque Hero, pour obtenir la sueur d'une jument (nécessaire la composition d'un philtre d'amour), fait prendre des bains de vapeur l'un de ces quadrupèdes, dans les thermes publics ! - Retour texte

(11) Cette scène figure dans le "Making Of", mais incomplète puisqu'il semble que la chair du prêtre immolé était mangée par les assistants. - Retour texte

(12) En réalité, d'après Suétone, Caligula revenait d'avoir assisté à une pièce de théâtre (non de l'avoir interprétée comme l'aurait fait un Néron, ô scandale !) lorsqu'il fut assassiné. - Retour texte


L'histoire du film

(15) In Première, n° 42, septembre 1980, p. 10. - Retour texte

(16) Cf. Screen International, op. cit. : les réalisateurs sont "just the musicians - the really talented ones are the people who write the music" (N.d.M.E.). - Retour texte

(17) In Le Matin, 8 juillet 1980. - Retour texte

(18) Michel MARDORE, "La preuve par le gâchis. Et si, par son incohérence et son absence de talent, "caligula" relevait de l'art brut ?", Le Nouvel Observateur, 19 juillet 1980, p. 65. - Retour texte