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Merlin [tv]
(Steve Barron, 1998)

 

 

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Le Roi Arthur (2004)

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Merlin (1998)

Fécondation in vitro

Fiche technique

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Filmographie de la Table Ronde

 

merlin

Merlin est le trait d'union entre le paganisme agonisant et le christianisme naissant. Comme Jésus-Christ, il est né d'une chaste vierge fécondée par un esprit. A cette différence près qu'il ne s'agissait pas de l'Esprit Saint, mais du Diable. Baptisé dès sa naissance, il procédait des deux religions. Du démon, il tenait la science du passé; de Dieu, celle du futur. Sa magie, du reste, sera toujours bénéfique, même si les clercs partout subodoraient le soufre, en particulier chez ces anciens dieux de la Bretagne qui ne pouvaient avoir partie liée qu'avec l'Enfer !
Ce démon que les romans courtois ne nomment pas autrement que «le Diable», le téléfilm de Steve Barron lui donne un nom : c'est la Reine Mab, derrière laquelle on reconnaît la luxurieuse déesse irlandaise de la guerre Mebd. Sa cruauté va mettre une glauque connotation sur les esprits de la Nature, elfes et lutins (superbes effets spéciaux de Jim Henson !). Par de nombreux traits, notamment les équipements militaires romains de l'armée du chrétien Uther, Merlin restitue la saga arthurienne à cette zone charnière où s'articulent la fin du Bas-Empire romain et l'orée du Haut-Moyen-Age.

Fécondation in vitro

En séquence prégénérique, le narrateur - Merlin (et le réalisateur Steve Barron, maître des effets spéciaux (Electric Game, Les Tortues Ninja) - se défend de raconter un «conte de fée». Il était une fois... mais la Bretagne des magiciens, des dames blanches, des elfes (que l'on voit sans cesse vire-volter), des griffons et des dragons était bien autre chose !
Arriver à condenser en deux heures trente la légende de la Table Ronde - abordée du point de vue du personnage de Merlin, le guerrier et le magicien aux pouvoirs extraordinaires - est un exploit que le Nord-Irlandais Steve Barron a su brillamment mener à bien. Bien sûr, on peut toujours pinailler des points de détail, mais en développant quelques scènes principales et par ellipse le reste de l'action d'une épopée fort complexe, le scénario montre de manière limpide ce que fut l'incessante quête de Merlin, celle d'un cœur pur qui régénérerait l'île de Bretagne. : Vortigern, Uther, Arthur, Lancelot, Galahad... Entre magie noire et blanche, paganisme et christianisme, son parcours semé d'embûches reste même singulièrement proche de nos préoccupations contemporaines : le thème de la mère porteuse et de la fécondation in vitro, œuvre de Mab - la shakespearienne «Reine des Illusions» - est dénoncé comme relevant de la Magie Noire. Le thème apparaît à trois reprises dans le téléfilm avec le clonage de Merlin, né sans père; Arthur né d'un mensonge et d'un viol, et Mordred né d'un inceste instigué par une reine maléfique qui s'empresse de confisquer, d'arracher à ses parents biologiques, l'enfant qu'elle ne peut avoir. Plusieurs fois Merlin se trompe dans ses choix. Il n'est pas infaillible, il doute. Et sa magie le laisse parfois en plan. Détenteur d'un savoir ancien, il est cependant proche du christianisme car adepte de la magie blanche. Les deux religions sont symbolisées par les deux étendards : celui de Vortigern et de l'ancienne Bretagne (Dragon Blanc sur fond noir : Magie Blanche sur Magie Noire) et celle d'Uther le fédérateur (Dragon Rouge sur fond blanc : le rouge christianisme romain greffé sur le vieux fond breton, blanc).

A noter que les formes de Magie Blanche (la Dame du Lac, Ambrosia (servante de Mab), le Roi de la Montagne (1) et même, finalement, Merlin [qui avec le peuple de Bretagne tournera résolument le dos à la reine Mab]) acceptent volontiers la religion nouvelle, le christianisme, qui est la religion du Bien - alors que Mab ne représente que le Mal, la Magie Noire, celle qui pratique des sacrifices humains (la mère porteuse de Merlin, que l'on laisse mourir sans soins une fois qu'elle a accouché... Dame Nimue offerte au dragon... le sang d'une victime humaine qui doit être mêlé aux fondations du château de Vortigern...).

La Bretagne aux Ve-VIe s.
Bien sûr, il y avait eu la série TV Arthur, Warlord of the Britons, mais ce téléfilm est le premier à véritablement tourner le dos à l'imagerie moyenâgeuse du Cycle de la Table Ronde et aux armures du XIVe s. (quoiqu'elles transsudassent quand même un peu, dans les scènes de tournoi où triomphe Lancelot) et à rappeler que le fond historique du Cycle de la Table Ronde se situe aux Ve-VIe s. de n.E. Les Bretons de Vortigern portent mêlées à d'autres vêtements barbares (fourrures, casques germaniques à nasal, braies) d'anachroniques thorax grecs en cuir noir (déjà vus portés par les zélotes dans Massada/Les Antagonistes), sauf les chefs en chemises de mailles, tandis que les envahisseurs venus du continent portent des casques romains, la cuirasse segmentée (lorica segmentata) et des étoffes où prédomine le rouge vif : Uther Pendragon porte lui-même une de ces armures à bandes de métal doré articulées et un casque à cimier de crins rouges qui connotent le Romain. Et lorsque dans le château de Tintagel, la magie de Frik aux longues oreilles de faune amoureux de la laide fée Morgane, rend le couple beau (la magie de l'amour !), c'est d'une robe «romaine» (précise-t-il), «ce que porte la mode actuelle», qu'il pare la jeune femme. Dans leurs assemblées, les officiers chrétiens d'Uther portent les toges et tuniques longues où prédomine le rouge et l'or, dont l'effet esthétique répond aux drapés solennels des blancs druides de Vortigern.

Naturellement, écartelé entre l'archéologie du VIe s. et les textes du XIIe-XVe s., le scénariste doit faire des choix : le château que se construit Vortigern, puis le Camelot d'Arthur sont en pierre de taille, alors que jusqu'au IXe s. les forteresses du Haut-Moyen Age étaient, à de rares exceptions près, en bois.
Le château de Vortigern n'est cependant pas inintéressant : ses puissants murs de pierre, son massif donjon central sont complétés d'aménagements, escaliers, balcons et parapets de bois qui nous rappellent qu'en ces Ages Sombres, l'art des constructeurs à appareiller la pierre est encore rudimentaire.

Le véritable héros de cette version 1998 est évidemment Merlin - superbe prestation de Sam Neill - que les auteurs du film ont voulu montrer mi-magicien mi-homme d'action. Le personnage d'Arthur est un cran en dessous. Quant aux apparitions de la Dame du Lac, elles sont assez saisissantes, si la Reine Mab est caricaturale avec sa voix rauque et ses maquillages violets.
Les magnifiques paysages irlandais sont remarquablement mis en valeur et rehaussés par les effets spéciaux, ainsi Avalon sorte de Mont Saint-Michel à marée basse où chevauche Merlin. Le directeur de la photo s'est livré à de superbes compositions comme - lors de la victoire d'Uther sur les partisans de Vortigern - le contraste des corps ensanglantés sur le blanc immaculé de la neige. Dragon Blanc. Dragon Rouge !

Fiche technique

Merlin [tv]
Etats-Unis - Grande-Bretagne, 1998
t.o. Merlin

Prod. : Hallmark Entertainement / Téléfilm - FR (2 épisodes de 90') / EU (3 épisodes de 60') : 182' / DVD VF : 182'

Fiche technique
Réal. : Steve Barron; Scén. : David Stevens & Peter Barnes (d'après une idée d'Edward Khmara); Images : Sergei Kozlov; Prod. : Dyson Lovell; Prod. exéc. : Robert Halmi sr; Chargé de prod. (line producer) : Chris Thompson; Resp. eff. spéc. : Tim Webber; Mont. : Colin Green; Montage : Colin Green; Casting : Noel Davis & Lynn Kressel; Production Design : Roger Hall; Dir. art. : Michael Boone; Costume Design : Ann Hollowood; Makeup Department : Nuala Conway (hair stylist : Sam Neill), Nuala Conway (makeup artist : Sam Neill), Mark Coulier (special makeup designer), Aileen Seaton (hair designer - makeup artist - (makeup designer). - Second Unit Director or Assistant Director : Geoff Dibben (additional second assistant director), Toby Hefferman (third assistant director), Terry Madden (first assistant director : second unit), Jonathan Scott (third assistant director : second unit), Richard Styles (second assistant director : second unit), Gareth Tandy (first assistant director), Rebecca Tucker (second assistant director), Timothy Webber (second unit director). - Art Department : Bruce Bigg (property master), Peter Bigg (dressing props), Karen Brookes (set dresser), Karen Brooks (set dresser), Peter Dorme (draughtsperson), John Greaves (storyboard artist), Margaret Horspool (draughtsperson), John King (supervising art director), Sonja Klaus (assistant set decorator), Alan Lee (conceptual designer), Mitch Niclas (stand-by props), Ray Rose (property storeman), Ted Stickley (dressing props), Warren Stickley (stand-by props), Andy Thomson (set designer), Jamie Wilkinson (propman), Peter Mann (stand-by constructor [non crédité]). - Sound Department : Gareth Cousins (recording engineer), Gareth Cousins (soundtrack programmer), Stephen Gilmour (sound assistant), John Ireland (sound effects editor), Robert Ireland (sound effects editor), Tony Lewis (assistant music editor), Shaun Mills (sound maintenance engineer), Lionel Strutt (sound re-recording mixer). - Special Effects : Richard Conway (physical special effects supervisor), Ben Cronin (matador artist), Clive R. Kay (special effects contact lenses), Ceri Nicholls (special effects technician). - Visual Effects : Hani AlYousif (digital effects compositor), Avtar Bains (visual effects artist), William Bartlett (visual effects artist), Tim Burke (digital effects compositor), Murray Butler (visual effects artist), Matthew Cope (visual effects shoot coordinator), Timothy Greenwood (visual effects artist), Tim Keene (visual effects post coordinator), Stefan Lange (visual effects cameraman), Arnon Manor (visual effects), Karl Mooney (digital effects compositor), Alex Parkinson (3D programmer), George Roper (visual effects artist), Pedro Sabrosa (visual effects artist), Fiona Walkinshaw (visual effects producer), Timothy Webber (visual effects supervising designer), Angus Wilson (visual effects artist). - Stunts : Paul Herbert (stunt double : Martin Short), Andreas Petrides (stunts), Lee Sheward (stunts). - Divers : Patricia Barr (unit nurse), John Bell (orchestrator), Jean Bourne (script supervisor), Ruth Breslaw (assistant production coordinator), Daryl Bristow (costume supervisor), Chris Brock (location manager), Noel Davis (casting : UK), Tina Ellis (assistant accountant), Bryon Fear (assistant : Dyson Lovell), Charlotte Finlay (wardrobe mistress), Ben Fogg (production runner), Catherine Frift (clapper loader), Mike Frift (camera operator), Piers Hampton (project producer : Jim Henson's Creature Shop), Debbie Hanney (stand-in), Andy Hennigan (production accountant), Robin Higgs (location manager : Wales), Eddie Knight (gaffer), Rita Kozma (assistant accountant), Louise Kramskoy (assistant : Steve Barron), Lynn Kressel (casting : USA), Oded Levy (casting assistant), Oded Levy (production assistant), Rupert Lloyd-Parry (grip), Justine Luxton (assistant costume designer), Ian Madison (associate : Sam Neill), Simon Marsden (assistant location manager), Fry Martin (assistant accountant), Paula McBreen (production coordinator), Tina McConnell (assistant accountant), Simon Mills (focus puller), Stewart Monteith (best boy), Dean Morrish (assistant camera), Phil Murray (grip), Gerard Naprous (horse master), Jonathan Pilcher (production assistant), Jonathan Pilcher (production runner), Peter Robertson (steadicam operator), Martin Shepherd (focus puller : «B» camera), Rupert Steggle (wardrobe assistant), Dominic Strevens (assistant editor), Mark Sugden (rider); Musique : Trevor Jones.

Fiche artistique
Sam Neill (Merlin) - Helena Bonham Carter (fée Morgane) - Rutger Hauer (lord Vortigern) - Miranda Richardson (Mab, Reine des Anciennes croyances) - Isabella Rossellini (Nimue) - Martin Short (Frik) - John Gielgud (roi Constant) - James Earl Jones (Roi de la Montagne [voix]) - Paul Curran (Arthur Pendragon) - Jeremy Sheffield (Lancelot) - Lena Headey (Guenièvre) - Mark Jax (roi Uther) - John McEnery (lord Ardent) - Daniel Brocklebank (Merlin, jeune) - Thomas Lockyer (duc de Cornouailles) - April Mills (Ma' Lay) - Billie Whitelaw («Tante» Ambrosia) - Agnieszka Koson (Nimue, jeune) - Emma Lewis (Elissa) - Justin Girdler (Galahad, jeune) - Roger Ashton-Griffiths (sire Boris) - Nicholas Clay (lord Leo) - Sebastian Roch (sire Gauvain) - Rachel de Thame [Rachel Colover] (dame Igraine) - John Turner (lord Lot) - Keith Baxter (sire Hector) - Janine Eser (dame Elaine) - Peter Woodthorpe (devin) - Robert Addie (sire Gilbert) - Nickolas Grace (sire Egbert) - Peter Benson (premier architecte) - John Tordoff (nouvel architecte) - Timothy Bateson (père Abbott) - Alice Hamilton (fée Morgane, jeune) - Peter Eyre (physicien chef) - Vernon Dobtcheff (physicien 1) - Peter Bayliss (physicien 2) - Talula Sheppard («Lady Friend») - John Addison (Merlin's Gimp) - Isabel Rocamora (fée) - Christian Simpson (garde de Vortigern) - Darragh Byrne (enfant noble à Camelot [non crédité]) - Rory Byrne (enfant noble à Camelot [non crédité]) - Bernie Clarke (noble dame à Camelot [non créditée]) - Emma Hughes (noble dame à Camelot [non créditée]) - Adam Taussik (noble à Camelot [non crédité]) - Harry Whitewood (Mordred, jeune [non crédité]).

Distribution
FR/ TV : TF1, vendredi 25 décembre 1998

Notes
Durée du tournage : 14 semaines. 500 scènes d'effets spéciaux (en moyenne 150 pour un film fantastique normal). Pour les besoins du film une «camera tuba» fut inventée : un miroir placé à l'extrémité de l'objectif permet de filmer les recoins les plus inaccessibles. C'est au «Jim Henson's Creature Shop» qu'échut le soin d'animer les créatures monstrueuses.
15 nominations aux Emmy Awards, dont Meilleur acteur, Meilleur réalisateur, Meilleurs effets spéciaux.

Vidéographie
DVD : Merlin. L'aventure la plus magique de tous les temps, Eléphant éd. [Elysées Editions Communication] (distr. Gaumont-Columbia-Tristar), réf. 786136, 182'.
Full screen 4:3, couleur. Langues française (Surround), anglaise (5.1) et allemande (5.1). Dolby Digital.
Making of (en anglais), chapitrage, Informations sur la production, filmographies, bibliographie. Merlin, la légende (en anglais).

Scénario
1. Le christianisme se développe dans l'île de Bretagne, au détriment des anciennes croyances magiques : celles-ci ne sont plus guère défendues que par la blanche Dame du Lac et sa sœur, la noire reine Mab. Mais la Dame du Lac n'est que d'eau, et s'est résignée à ce qui doit advenir. Alors Mab décide d'engendrer un champion nouveau, guerrier et magicien : Merlin. Sans l'aide d'un mâle mortel, elle féconde une jeune femme avec un cristal rouge - une mère porteuse qui mourra en mettant au monde, pour elle, un fils. Le fils de Mab, qui sera élevé avec amour par sa tante Ambrosia (2)...

Ainsi grandit le jeune Merlin. Un jour, alors qu'avec sa suite elle cherchait le château de lord Lambert, Merlin sauve Nimue (3) - fille de lord Ardent - du marécage où elle ne noyait. Par sa seule volonté, la branche secourable qu'il tendait à la jeune châtelaine s'est allongée pour atteindre la longueur voulue. Ce premier acte magique provoque sa séparation d'avec sa tante. Déjà Rupert, le cheval magique doué de parole, l'attend devant la masure où il a vécu sa jeunesse. Chez la reine Mab, Merlin devient l'élève du lutin Frik, qui lui enseigne les trois arts magiques : oral, manuel et télékinésique. Le jeune Merlin excelle aux deux premiers - qui s'expriment par une parole ou un geste - mais répugne à l'art suprême, celui (muet) de la pensée qui impose sa volonté.

Mab envoie Merlin seconder Vortigern, défenseur des anciennes croyances, dont l'étendard figure un Dragon Blanc sur fond noir. Ayant pris Nimue en otage - gage de la loyauté de son allié lord Ardent -, Vortigern est en train de se faire construire une forteresse au sommet d'un rocher sous lequel dort un dragon.
Mais les murs de la forteresse n'arrêtent pas de s'effondrer au fur et à mesure qu'on les édifie, et malgré les architectes-druides qui se succèdent... Merlin seul voit la source d'eau vive qui sape les murailles, et le dragon endormi dessous.

L'architecte-druide, qui aurait aimé l'immoler pour mêler son sang au mortier des fondations, est chassé par Vortigern. Merlin aimerait aider Vortigern en mettant à son service l'épée Excalibur que lui a confié l'évanescente Dame du Lac (laquelle lui a révélé qu'il trouverait ce qu'il cherche dans le château de la Jeune-Garde), mais une vision lui a révélé que le Dragon Rouge du chrétien Uther, fils du roi Constant dont l'armée vient de quitter la Normandie pour envahir la Bretagne, déchiquetait le Dragon Blanc (4) de Vortigern.

Celui-ci, sur les conseils de Mab - qui désire voir Merlin passer au troisième stade de la sorcellerie, et ainsi devenir un vrai magicien, capable de restaurer avec Vortigern l'ancienne religion - celui-ci, donc, offre en sacrifice au dragon qui dort sous sa forteresse, une jeune vierge : Nimue.
Nimue est garrottée à un poteau dans le ravin sous le château. Et non loin d'elle est entravé Merlin : on verra bien si l'élève de Frick est réellement incapable de sauver celle qu'il aime, par la seule puissance de son cerveau, de sa volonté ! Ce qui arrive, en effet. Merlin accélère le temps, et la végétation lance ses tentacules qui entravent le monstre chthonien et le réduisent à l'impuissance.
Mais avant que le ruisseau n'en éteigne les feux, l'haleine du dragon brûle et défigure à jamais le visage de Nimue...

Cette fois, Merlin est totalement édifié sur Vortigern, roi sans foi ni loi. Il offre ses services au chrétien Uther, dont les troupes à l'étendard du Dragon Rouge sur fond blanc campent à Winchester. Les chrétiens sont étonnés de voir un magicien païen rallier leurs rangs et d'abord refusent de croire que Vortigern a l'intention de contre-attaquer en plein hiver. C'est le cas, pourtant. Et les conquérants ne doivent leur victoire qu'à Merlin et à son épée Excalibur qu'il offre à Uther. Uther - en qui Merlin a placé son espoir d'un roi fédérateur de la Bretagne - va très vite se révéler, à son tour, sous un jour peu royal... Avant de quitter ce dernier, Merlin acceptera néanmoins de l'aider une dernière fois dans son fol désir de posséder lady Igraine, épouse de son vassal, le duc de Cornouailles. En effet, le siège de Tintagel s'éternise, et voit mourir de nombreux braves soldats à seule fin de perpétrer une royale infamie... Sous la condition que le fils né de cette union lui sera remis, Merlin donne à Uther l'apparence du duc de Cornouailles (5) qui lui permet de posséder l'objet de sa convoitise. Ce que fait Uther en rustre accompli, sans même enlever sa cuirasse (6), après avoir renvoyé de la chambre maternelle la petite Morgane au regard louche. Le petite Morgane, qui n'est pas encore fée, est une enfant disgrâcieuse... mais ambitieuse.

Le viol consommé et la guerre fratricide finie, Merlin, déçu, récupère Excalibur - l'épée magique symbole de puissance et de bonté, qu'il avait offerte à Uther en signe de reconnaissance - et va la ficher dans la pierre, sous la garde du Roi de la Montagne, un vieux dieu assoupi. Le magicien se retire dans le monastère chrétien d'Avalon, où les moines soignent Nimue défigurée. En vain Merlin use-t-il de sa magie pour rendre à la femme qu'il aime sa beauté d'antan. Ses pouvoirs ont momentanément disparus.

Neuf mois plus tard, lady Igraine met au monde un fils. En échange d'aller déposer dans le berceau du petit Arthur nouveau-né une pierre magique créée par les maléfices de Mab, Frick promet à la vilaine petite Morgane de la rendre belle... un jour...
Ce qu'il fera quelques années plus tard, s'étant lui-même, de nain hideux, changé en sémillant jeune homme ! Mab est, décidément, la reine des illusions.

2. Arthur grandit dans le château d'Hector, avec Merlin pour précepteur. Un jour, Uther vient à décéder. Le jeune homme au cœur pur arrache Excalibur à sa gangue de pierre et se fait reconnaître roi par une partie de la noblesse bretonne, y compris Gauvain - tandis que l'autre partie, conduite par Lot, le père de Gauvain, s'apprête à lui faire la guerre.
Les deux armées sont face à face. Arthur vient au devant de Lot et lui tend l'épée Excalibur, l'invitant à lui trancher la tête puisqu'il l'estime usurpateur. Mais la magie d'Excalibur inspire le vieux lord qui brandit l'épée : il reconnaît Arthur pour son roi. Une nouvelle guerre est ainsi évitée (7).
Mab, on l'a vu, a effacé les stigmates qui défiguraient Morgane, faisant d'elle son obéissante créature, grâce à Frick. La Reine des Anciennes croyances envoie celle-ci anonymement, séduire le nouveau roi de Bretagne, dans le but d'avoir de lui un héritier qui lui permettrait d'asseoir ses prétentions dynastiques. Elle se présente chez le jeune roi sous le nom de «Marie, reine des Boro-Celtes». Sans penser à mal, Arthur cède aux avances de celle qu'il ignore être en réalité sa demi-sœur Morgane, fille de lady Igraine et du duc de Cornouailles.

Arthur fait construire Camelot, épouse Guenièvre et décide de partir avec ses chevaliers à la recherche du Saint Graal. Mais d'abord, un tournoi décidera du chevalier à qui sera confié la garde de Camelot et de sa reine, Guenièvre : Merlin se souvient de la prophétie relative à la Jeune-Garde et s'y rend : un jeune garçon, Galahad, lui ouvre et lui présente ses père et mère, Lancelot et Elaine. Lancelot accepte de venir à Camelot, triomphe de tous ses adversaires dans le tournoi, quoique blessé. C'est Gauvain qui extrait la pointe de lance fichée dans son corps et Guenièvre qui le soigne. Toujours malveillante, Mab leur inspire un sentiment adultère, auquel Lancelot succombe malgré les avertissements de Merlin. Apprenant son infortune Elaine meurt de chagrin, tandis que dans le château de Tintagel, la fée Morgane et son amant le lutin Frick, transfigurés par l'amour, élèvent «leur» fils Mordred, né des œuvres d'Arthur nous l'avons vu. La reine Mab, toutefois, a une énorme emprise sur Mordred, qu'elle gâte sans compter et atteint la taille adulte avant son âge. Mordred est un être ambitieux et cruel, qui verra avec indifférence la reine Mab assassiner sa mère Morgane et enlever à Frick tous ses pouvoirs magiques, lui restituant son aspect original de gnome difforme. L'amour qui les transfigurait ne peut plus rien, maintenant que l'être aimé est mort.
Et tandis que Mordred se rend à la cour de son père, Frick commence une vie errante de proscrit...

A Camelot, Arthur apprend son infortune conjugale. Un second coup de théâtre y fait suite : ce fils inattendu, Mordred, qui se dit né de sa relation incestueuse avec sa demi-sœur Morgane ! Même s'il a fauté à son insu, le scandale a ruiné son crédit. Pour cette raison autant que par amour, Arthur pardonnerait bien à Guenièvre d'autant que Lancelot a pris sur lui la responsabilité de leur crime (c'est lui, dit-il, qui s'est en cachette introduit dans les appartements de la reine). Mais Mordred l'accuse de vouloir, en soustrayant son épouse à la loi, faire deux poids deux mesures : une loi pour le seigneur, et une autre pour le peuple de Bretagne.

Guenièvre est donc condamnée à être brûlée vive, châtiment légal pour le crime d'adultère royal, mais Merlin a encore la force d'accomplir un dernier miracle : la pluie éteint les flammes, tandis que Lancelot surgissant sur son destrier bouscule les gardes et enlève sa belle qu'il emmène sur les routes de l'exil.
Pour Merlin, il semble qu'on n'ait désormais plus besoin de lui. Il retourne auprès de Dame Nimue à Avallon, espérant pouvoir enfin se consacrer à sa vie privée et à celle qu'il aime, loin des affaires de l'Etat. Mais déçue de ce que Merlin n'ait pu lui rendre sa beauté, Nimue a accepté de conclure un pacte avec Mab. En échange de son visage d'autrefois, Nimue restera à jamais prisonnière d'un monde hors du temps. L'idée de la méchante reine est, par la même occasion, d'y retenir Merlin prisonnier.

Mordred et ses partisans se sont retirés, furieux, et ont rassemblé leurs armées pour marcher contre Arthur. Merlin, tout à sa joie d'avoir retrouvé la Nimue de sa jeunesse, n'oublie pas pour autant son ami Arthur. Arthur a besoin de lui. Il supplie Nimue de lui permettre d'accorder encore un peu de temps à la terre de Bretagne. Celle-ci consent, les larmes aux yeux. Lorsqu'il sort de chez elle, Merlin voit le monde hors du temps se fermer comme un tombeau. Nimue savait. Mais elle ne lui avait rien dit !
Une ultime bataille s'engage (8), au cours de laquelle Mordred et Arthur, le père et le fils s'entre-tuent. Mourant, Arthur rend son épée à Merlin qui la restitue à la Dame du Lac. Celle-ci lui révèle alors qu'à la Jeune-Garde il avait fait le mauvais choix. Ce n'était pas Lancelot, mais le jeune Galahad qu'il lui eut fallu choisir...
Pendant ce temps, Mab se rend à Camelot espérant à elle seule tenir la salle du trône. Les Bretons chrétiens ou christianisés, conduits par Merlin et Frick (qui cette fois-ci a combattu dans les bons rangs, ceux du roi Arthur), la somment de s'en aller. Devant son refus, ils décident de lui tourner les dos - à elle et aux anciennes croyances.
Mab retourne au néant. Le paganisme a vécu.

Merlin a vieilli. Mendiant son pain, il erre sur les routes de Bretagne, racontant - en enjolivant un peu - l'histoire du roi Arthur. Un jour, il retrouve Frick, qui lui révèle avoir revu Nimue, pas bien loin de là. Mab étant morte, ses enchantements se sont dilués avec le temps. Dans une masure qui n'est autre que celle de son enfance auprès d'Ambrosia, Merlin retrouve Nimue, vieillie elle-aussi. Mais qu'importent les rides, ce qui compte c'est l'âge du cœur. Il reste un tour dans le sac de Merlin. Le dernier. Celui de l'amour qui transfigure et qui rend les amants éternellement jeunes et beaux...

 


 

NOTES :

(1) Il s'agit du géant de pierre, qui dort allongé aux côtés de l'épée Excalibur fichée dans le roc. - Retour texte

(2) En fait, lorsque les émissaires de Vortigern trouvent le jeune garçon à Carmarthen (pays de Galles), il est désigné comme Merlin Ambrosius (cf. L. Sprague de Camp, Les énigmes de l'archéologie, Encycl. Planète, p. 125.). - Retour texte

(3) «Pendant que les chevaliers d'Arthur couraient des aventures mouvementées, Merlin tomba amoureux de Nimoé, une des dames de la cour d'Arthur (identifiée parfois à la Dame du Lac). Tout en autorisant Merlin à être son chevalier servant et son guide à travers le pays, Nimoé, en réalité, n'avait que faire des vieux «barbons». Merlin ne la quittait pas d'une semelle dans l'espoir de la dépuceler et elle le supportait malgré sa lassitude, car elle avait peur de lui, le croyant fils du diable. Un jour que Merlin lui montrait un rocher sous lequel il y avait un phénomène merveilleux, elle poussa subtilement Merlin à se glisser dessous pour lui faire plaisir, mais il fut obligé à de telles contorsions qu'il fut coincé sans plus pouvoir sortir. Alors elle partit, laissant là Merlin» (L. Sprague de Camp, Les énigmes de l'archéologie, Encycl. Planète, p. 127.).
Dans certaine version Nimue/Nimoé tient le rôle ordinairement dévolu à la fée Viviane comme dame des pensées de Merlin.- Retour texte

(4) Dans la version française du XIIIe s., c'est le dragon roux qui symbolise Vortigern, et le blanc Uther Pendragon : cf. Jacques Boulenger, Les romans de la Table ronde (1941), U.G.E., coll. 10/18, nos 438, 500 et 502 (3 vols), 1971 - tome I, «Merlin», p. 98.
Merlin n'avait que sept ans lorsqu'il expliqua à Vortigern le mystère de la «Tour croulante». - Retour texte

(5) Sous la condition qu'Uther ne fera pas de mal au duc de Cornouailles. Mais plus loin, le film précisera qu'Uther le fit assassiner. - Retour texte

(6) ... romaine (lorica segmentata). Cf. Excalibur de John Boorman, même scène, mais là Uther porte une armure complète du XIVe s. - Retour texte

(7) En fait, Arthur écrasa devant Kerléon le roi Lot et dix autres vassaux rebelles (J. Boulanger, op. cit., pp. 112-116 et 124-125) : ne conservant que l'essentiel, le film synthétise systématiquement, tout en mettant en évidence le rôle fédérateur et pacificateur d'Arthur. - Retour texte

(8) La bataille de Camlan. - Retour texte