 |
|
|
[ Les Héros du samedi
soir ]
6. Goliath,
la revanche du Philistin
|
|
|
|

Walther Talun, géant polonais de
2,10 m, incarna Goliath dans David et Bethsabée
(Henry King - EU, 1951) |
|
|
Philistins, épiciers,
Tandis que vous caressiez,
Vos femmes,
En songeant, aux petits
Que vos grossiers appétits
Engendrent.
Jean Richepin
|
|
Dans le Livre de Samuel, Goliath est l'antagoniste malheureux
du jeune berger David, futur roi d'Israël (1012-975). A l'écran,
il deviendra rapidement un personnage indépendant, héros
musclé interchangeable avec Maciste, Hercule ou Samson;
mais toujours se profilera, telle une mauvaise arrière-pensée,
l'ombre du méchant géant vaincu par la fronde d'un
enfant... |
|
A. GOLIATH, LE GEANT DE LA BIBLE
6.1. Les géants
bibliques
6.1.1. Nephilim et Giborim
1. Quand les hommes [les descendants d'Adam] eurent commencé
à se multiplier sur la face de la terre et qu'il leur fut
né des filles,
2. les Fils d'Elohim (1)
virent que les filles des hommes étaient belles et firent
parmi elles leur choix pour les épouser.
3. Jahvé dit alors : «Mon esprit ne demeurera
pas pour toujours en l'homme; car l'homme n'est que chair, et
la durée de sa vie ne sera plus que de 120 ans.»
4. En ce temps-là, les Néphilim [les Géants]
vivaient sur la terre, et aussi dans la suite, lorsque les Fils
d'Elohim s'unissaient aux filles des hommes et qu'elles leur donnaient
des enfants. Ce sont là les héros [Giborim]
(2)
si fameux [considérés comme des dieux - litt. «les
gens du Nom»] des temps anciens.
5. Jahvé vit la méchanceté des hommes...
(Genèse, 6 : 1-5)
... et décida de leur envoyer le Déluge. Seul
Noé et sa famille trouvèrent grâce à
ses yeux.
Les versets 1 à 5 du sixième chapitre de la Genèse
sont repris avec des détails supplémentaires dans
un apocryphe du IIIe s. av. n.E. (?), rejeté par le Concile
de Laodicée mais conservé dans le canon éthiopien
: le Livre d'Enoch (7 : 1-15), lequel indique notamment
le nombre de ces «Fils des Dieux», deux cents, et
les noms de leurs principaux chefs (e.a. Samyaza, Azazel...).
Ces «Anges» enseignèrent aux femmes la sorcellerie
et la médecine (Enoch, 7 : 10; 8 : 3; 9 : 6, etc.)
et aux hommes l'art de la guerre (8 : 1), l'astronomie et l'astrologie
(8 : 5-8). De leurs uvres, les femmes humaines conçurent
les Géants, dont la taille était de 300 coudées
et qui pour se nourrir dévoraient toutes les provisions
des hommes, et les hommes eux-mêmes (3).
Les Néphilim ou Géants tiraient leurs nom du fait
que «les hommes tombaient la face contre terre (nophel)
quand ils les apercevaient, tant leur frayeur était grande»
(4)
; quant aux Giborim ou Héros qui en étaient issus,
ils étaient un peu moins grands : «grands comme
des arbres contrairement aux Néphilim à la lourde
démarche» (5).
6.1.2. Anaqim et Rephaïm
Descendants des Néphilim, les Anaqim (ou Enacim) et les
Rephaïm sont les géants habitants de Canaan avant
l'arrivée de Josué et des Hébreux sortis
d'Egypte.
Les espions envoyés en Canaan par Josué, découvrent
avec terreur les géants Anaqim qui vivent à Hébron
:
«Et nous y avons vu les Néphilim, les fils d'Anaq,
qui sont d'entre les Néphilim, si bien que nous devenions
à nos propres yeux comme des sauterelles et tels nous étions
aussi à leurs yeux» (Nombres, 13 : 33).
En fait, ces géants que seraient que trois : Ahiman,
Schéschaï et Talmaï, les enfants d'Anaq (Nombres,
13 : 22). C'est Caleb qui chassera d'Hébron (Kirath-Arba)
«les trois fils d'Anaq, fils d'Arba», et qui,
lors du partage du pays, recevra cette ville (Josué,
15 : 13-14).
Quant aux Rephaïm - les enfants de Rapha (ou Repha) -,
«ils passaient, eux aussi, pour être semblables
aux Anaqim, et les Moabites les appelaient Emim» (Deutéronome,
2 : 11).
|
|
6.2. Deux Goliath de Gath ?
La Bible connaît en fait
deux géants philistins répondant au nom de Goliath
de Gath : |
- celui abattu par David dans la vallée du Térébinthe
(la basse plaine d'Elah - Emech ha-Elah) (6)
(1 Sam., 21 : 9);
- et celui appelé également «Goliath
de Gath» (2 Sam., 21 : 9) ou... «Lahmi,
frère de Goliath» (1 Chron., 20 :
5), qui sera tué trente ans plus tard par un soldat
de David, Elchanan.
|
Les exégètes tiennent généralement
la version de 2 Samuel pour la plus ancienne. Plus tard
on aurait attribué le nom prestigieux de Goliath de Gath
à un géant anonyme vaincu par David (Elchanan et
David sont tous deux des Bethléemites). 1 Chroniques,
en attribuant à Elchanan une victoire sur... le frère
de Goliath, serait une tentative d'harmoniser les versions contradictoires
de 1 et 2 Samuel.
6.2.1. Elchanan et Goliath le Rephaïm
Selon Samuel (2 Sam., 21 : 15-20; cf. 2 Chron.,
20 : 4-7), les armées du roi David auraient eu à
combattre quatre géants philistins issus de Rapha : les
Rephaïm.
1. |
Dodo, fils de Joas, fils de Rapha, porteur d'une lance
pesant 300 sicles de bronze - tué par Abisaï (2
Sam., 21 : 15-16).
[Ici, 2 Chron., 20 : 1-3, parle de la victoire de David
sur le roi (ou le dieu ?) ammonite de Rabba, Malcam, dont
la couronne pesait un talent d'or, soit 27 kg.]; |
2. |
Saph, fils de Rapha - tué par Sabochaï (2
Sam., 21 : 18; cf. 2 Chron., 20 : 4); |
3. |
Goliath de Gath [fils de Rapha : 2 Sam., 21 : 22],
«dont le bois de la lance était comme une
ensouple de tisserand» - tué par Elchanan
de Bethléem (2 Sam., 21 : 19; cf. 2 Chron.,
20 : 5); |
4. |
Un géant anonyme qui avait six doigts à chaque
main et à chaque pied (soit 24 en tout), fils de Rapha
- tué par Jonathas fils de Samaa (2 Sam., 21
: 20; cf. 2 Chron., 20 : 6-7). |
6.2.2. David et Goliath de Gath
Si le Goliath de Gath vaincu par Elchanan est donné pour
un Rephaïm, le Premier livre de Samuel (1 Sam., 17
: 4, 23; 21 : 9; 22 : 10), par contre, ne précise pas à
quelle race plus ancienne aurait appartenu Goliath : il est seulement
donné pour un Philistin de Gath, d'une taille exceptionnelle.
La description de son armement, par contre, est plus détaillée
:
4. sa taille était de six coudées et un
empan (plus de 2,80 m).
5. Et il y avait un casque de cuivre sur sa tête,
et il était revêtu d'une cotte de mailles, à
écailles imbriquées, et le poids de la cotte de
mailles était de cinq mille sicles de cuivre (60 kg).
6. Et il y avait des jambières de cuivre au-dessus
de ses pieds et un javelot de cuivre entre ses épaules.
7. Et le bois de sa hampe était comme l'ensouple
des tisserands, et la lame de sa lance faisait six cents sicles
de fer (plus de 6,5 kg); et le porteur du grand bouclier marchait
en avant de lui.
(1 Sam., 17 : 4-7) |
|
6.3. Qui était Goliath ?
On a, bien sûr, glosé sur ce «géant»
à l'aspect formidable.
6.3.1. Goliath : La créature sauvage
(Hypothèse cryptozoologique)
Pour le zoologiste Ivan T. Sanderson, les Néphilim et autres
Seïrim de la Bible seraient à rapprocher de certains
grands hominiens primitifs dont quelques rares clans auraient
survécu encore de nos jours, dans différentes parties
du monde (le cas le plus connu étant celui du fameux «abominable
homme des neiges» de l'Himalaya) (7).
On reste hésitant, confronté à ces thèses
«cryptozoologiques» toujours un peu aventureuses.
D'une manière plus terre à terre, évoquons
l'affabulation pure et simple des Anciens, tentés de reconnaître
dans les ossements de quelque grand animal (éléphants,
baleines, dinosauriens...), les restes d'un Titan ou d'un héros
d'autrefois. Pausanias nous a ainsi conservé le souvenir
d'une énorme clavicule pêchée en mer, et attribuée
fort opportunément au héros Pélops, éponyme
du Péloponnèse (8).
On se souviendra plus récemment d'une escroquerie du XVIIe
s. montée... par un professeur de chirurgie de la Faculté
de Paris, Pierre Mazurier, qui en 1613, prétendait avoir
retrouvé en Dauphiné la tombe d'un géant
de 8,50 m (circonférence du crâne : 3 m), portant
l'inscription «Teutobochus Rex», soit le chef cimbre
vaincu par Marius à Aix-en-Provence, en -102. (L'imposture
de Mazurier sera confondue par Cuvier : il s'agissait en fait
d'ossements de dinotherium, un aïeul préhistorique
de l'éléphant [9].)
De même, selon Lyon Sprague de Camp, un crâne d'éléphant
fossile retrouvé au XIVe s. dans une caverne près
de Trapani, en Sicile, avec au milieu l'ouverture béante
correspondant à la trompe du pachyderme, aurait accrédité
l'idée du Cyclope, géant à l'oeil unique
(10).
6.3.2. Goliath, dieu des eaux primordiales
(Hypothèse mythologique)
Selon W.L. Dulière, par contre, Goliath serait un monstre
marin, un dragon aquatique de la mythologie babylonienne : un
«Lahmi» (c'est d'ailleurs le nom que 1 Chron.
attribue à son soi-disant frère). Et il conviendrait
de le rapprocher des deux créatures primordiales de la
cosmogonie babylonienne : Lahmu et Lahamu, c'est-à-dire
Anu et Antun, première émanation du couple Apsû-Tiamat
(11).
Si elle n'est pas un simple jeu de l'esprit, la thèse de
Dulière est intéressante en ce qu'elle essaie de
reconstituer une vieille structure mythologique inscrite en David/Elchanan
: ces deux héros sont de Bethlehem, c'est-à-dire
de la «Maison du Dragon» («Lahmu») : Beth-Léhem.
6.3.3. Goliath, ou la supériorité de l'armure
(Hypothèse technologique)
Goliath combattait dans les rangs des Philistins, auquel peuple
il n'appartenait pourtant pas. C'était, en effet, un Réphaïm,
donc un Cananéen. Un de ces «géants»,
capables de construire ces puissantes villes fortifiées
de Canaan qui s'étaient ainsi vu magnifiés par l'imagination
des nomades hébreux (comparez avec les «Cyclopes»
qui édifièrent les villes préhelléniques,
dans la tradition grecque).
Descendants des «Néphilim», ces Géants
habitaient Canaan déjà bien avant le premier établissement
hébreu par Abraham et Loth, lorsque le roi d'Elam Codorlahomor
vainquit trois de leurs tribus : les Rephaïm à Astaroth-Qarnayim,
les Zouzim à Ham, et les E(y)mim à Shawéh-Quiriataïm
(12).
A ce titre, il était quasi obligé que, face à
une double invasion de Canaan par les Philistins (qui appartenaient
aux Peuples de la Mer) et par les nomades hébreux, les
Rephaïm civilisés s'associent aux moins «barbares»
d'entre eux (quoique la Bible semble l'ignorer, n'oublions pas
que Canaan, au temps de Josué, est sous tutelle égyptienne
et très civilisée).
L'armure de Goliath était-elle de type grec (l'origine
crétoise ou chypriote des Philistins) ou asiatique ?
En tout cas Goliath n'était vraisemblablement pas un «géant»
- les chiffres impressionnants étant à attribuer
à l'exagération poétique de l'auteur du Livre
de Samuel - mais tout simplement un champion, un guerrier
lourdement cuirassé. Les Philistins maîtrisaient
parfaitement le travail du fer. Ou plus exactement du bronze,
car c'est par anachronisme que Samuel parle du fer, encore fort
rare en Palestine au XIe s. av. n.E. Tel n'était pas le
cas des Hébreux qui, d'ailleurs, s'approvisionnaient chez
eux en instruments métalliques (outils agricoles, etc.);
toutefois les Philistins se gardaient bien de leur vendre des
armes (1 Sam., 13 : 19). Seul Saül et son fils Jonathan
possédaient épée et lance (1 Sam.,
13 : 22), leurs sujets étant équipés d'armes
improvisées (pioches, haches) ou de chasse (coutelas, arcs
et frondes) (13).
David - dont le nom, cité par des tablettes de Mari,
serait un nom commun, à interpréter comme le Dawidum,
«prince» ou «capitaine» des Benjaminites
(14)
- appartenait, donc, à la tribu de Benjamin. Celle-ci,
qui n'était pas de souche araméenne, «avait
des caractères singuliers : elle était renommée
pour ses tireurs à la fronde précis et ambidextres
(2 Chron., 12 : 2), pour sa férocité à
la guerre. (...) Les autres tribus se servaient d'arcs, ce qui
veut dire que dans les affrontements avec les Benjaminites, leurs
tirs étaient toujours trop courts d'au moins 45 mètres»
(15).
A tout prendre, donc, la terreur inspirée par Goliath
ne fait peut-être que traduire le sentiment d'infériorité
de pâtres pillards amenés à combattre les
hommes d'armes des cités côtières, fortement
cuirassés et armés. |

David et Goliath
(Richard Pottier & Ferdinando Baldi - EU-IT, 1959). |
|
B. GOLIATH A L'ECRAN
6.4. Le méchant
6.4.1. David et Goliath
On se demande par quel hasard vraiment Goliath - notamment sous
les traits interchangeables avec Maciste et Hercule de Brad Harris
et Rock Stevens - a pu devenir dans le péplum italien un
héros noble et généreux. On verra plus bas,
à propos d'Emiliano,
que ce nom a en fait été créé par
des distributeurs américains (A.I.P.) qui n'ont sans doute
voulu en retenir que l'idée d'un homme très fort
(Goliath and the Barbarians et Goliath and the Dragon).
Goliath est un guerrier armé de toutes pièces et
fortement cuirassé. C'est-à-dire exactement l'antithèse
d'Hercule et, surtout, de Maciste qui n'ont que leurs mains nues
pour lutter.
Dans la mémoire du cinéphile surnage l'image d'un
guerrier effrayant, avec une grande barbe «à l'assyrienne»
: Walther Talun, ce lutteur géant polonais (2,10 m) que
Darryl Zanuck avait choisi parmi 150 autres candidats, pour David
et Bethsabée (1951). D'autres sont venus depuis, mais
conformes à son look : Stefy Lang (Saul e Davide,
1963), Luigi Montefiori (Le roi David, 1985). Pour la production
italo-américaine David et Goliath (1959) (avec Orson
Welles, dans le rôle de Saül), Emmimo Salvi avait recruté
un phénomène de foire italien, le géant «Kronos»,
que l'on revit deux ans plus tard dans une autre production de
Salvi, Le géant de Métropolis (1961), péplum-SF
où il affronte l'herculéen Obro (Gordon Mitchell),
venu sauver son peuple.
Dans David et Goliath (1959), Goliath n'est pas un membre
du peuple philistin, mais une créature à demi-sauvage,
qui vit à l'écart de la ville, dans les cavernes
de Gath, et que le roi d'Asdoth rallie à sa cause en lui
promettant de lui donner toutes les femmes qu'il voudrait.
6.4.2. Hercule contre Goliath
Un émule du géant «Kronos» est...
le géant «Molok», dans Ercole contro il
gigante Golia (1965). Ce Molok (pseudonyme de Fortunato Arena)
mesurait paraît-il 2,60 m, mais les effets spéciaux
optiques s'efforçaient de lui donner une taille encore
supérieure (10 m), ce qui n'était pas toujours évident
dans les scènes d'action. On le retrouvera sous le pseudonyme
de «Boris Lugosi» dans Il castello delle donne
maledette (1973).
Hercule contre Goliath, bizarrement retitré Maciste,
le vengeur du dieu Maya, situe son action dans une préhistoire
d'opérette. Un peuple civilisé, les Mayas (sic)
aux épées de fer (comme les Philistins ?) sont décimés
par une tribu de féroces hommes des cavernes. Le roi de
ces sauvages primitifs a, lui aussi, conclu un accord avec Golia(th)
- une brute complètement idiote et dégénérée.
En échange de son aide qui doit lui assurer la domination
sur toute la vallée, Golia recevra en mariage Elhoa, la
princesse des Mayas. Golia, amoureux et hébété,
répète inlassablement le nom d'Elhoa (qui ressemble
furieusement à Eloah/Elohim, «Dieu/Dieux»,
dans la Bible). Heureusement Hercule (Kirk Morris) viendra au
secours des Mayas et tuera Golia(th) en lui jetant un gros rocher
à la tête. Ainsi s'achèvera le cycle de Goliath
dans le péplum des sixties; le frêle David
lui-même n'y a pas résisté, puisque pour cette
ultime victoire sur Goliath il a dû acquérir les
puissants pectoraux luisants d'embrocation de Kirk «Ercole»
Morris.
|

Goliath contre les Géants
(Guido Malatesta - IT-SP, 1961) |
|
6.5. Goliath, héros positif
Dans les pays anglo-saxons, le nom de Goliath va servir à
rebaptiser divers Hercule et Maciste (voir filmo),
sans pour autant atteindre la popularité de «Samson»,
dont les Américains auront cependant le même usage.
6.5.1. Goliath contre les Géants
En Italie, le premier Goliath indépendant de David est
«inventé» en 1961 par Cesare Seccia (Cineproduzioni)
et Manuel Perez (Procusa), producteurs de Goliath contre les
Géants tourné à Madrid dans les anciens
décors du Colosse de Rhodes.
Goliath est incarné par Brad Harris (dont c'est la première
prestation à l'écran); Vittorio Cottafavi ayant
refusé de faire ce film, la direction en est confiée
à Guido Malatesta. Incapable de maîtriser les nombreux
effets spéciaux du film, G. Malatesta devra passer la main
à Gianfranco Parolini [non-crédité] qui terminera
le film - cf. interview de Parolini par Claude Le Dû
[Rome, 27 septembre 1985], in Ciné Zine Zone, n
34, mai 1989, p. 11.
Après cinq années passées à la guerre,
Goliath (Brad Harris), fils et héritier du roi Argaste
de Beirath, fait voile vers sa patrie.
Son vaisseau ayant été détruit par un monstre
marin (effets spéciaux particulièrement soignés
de Jorge Grau, directeur de la seconde équipe), Goliath
doit déjouer les intrigues de l'usurpateur Bokan, qui a
chargé une superbe jeune femme, Eléa, de le séduire
et de le faire périr. Mais Eléa s'éprend
du beau Goliath. Pour la sauver de la vindicte de Bokan, Goliath
traverse le désert, vainc les Amazones, soulève
le peuple et tue l'usurpateur. Il lui reste à délivrer
la femme aimée en abattant encore les monstres préhistoriques
qui vivent dans une mystérieuse vallée et deux ou
trois médiocres «géants». On retrouve
ici la thématique bien connue (quoique qu'exclusivement
exploitée par les Italiens dans ce cas précis) du
géant - ou de la créature monstrueuse - qui veut
posséder une des filles des hommes, allusion aux Néphilim
de la Bible, peut-être, mais aussi à King Kong, à
la Belle et la Bête, etc.
6.5.2. Goliath et l'hercule noir
Goliath passe ensuite aux productions F.I.A.-Georges de Beauregard.
Dans Goliath et l'hercule noir (1963), il a la prestance
de Gordon Scott (l'hercule noir est incarné par le culturiste
guadeloupéen Serge Nubret, le Rator des Titans).
Les armées d'Alexandre le Grand envahissent l'Asie Mineure.
En Lydie, Eumène (dit «Goliath»), capitaine
de la garde, prend le parti du conquérant grec contre le
Satrape Artapherne (Mimmo Palmara) fidèle au Grand Roi
des Perses.
6.5.3. La Romana Film
Goliath échoue ensuite chez Fortunato Misiano (Romana Film)
qui utilise son nom, tant bien que mal, dans deux bandes : Goliath
et le cavalier masqué (1963), film de cape et d'épée,
et Goliath à la conquête de Bagdad (1964),
film d'aventures arabes.
Le cavalier masqué... illustre bien la décadence
du personnage. Dans l'Espagne du XVIIe s., Goliath (Alan Steel)
est un hercule de foire qui se produit avec une troupe de Gitans.
Il va aider un justicier, mystérieux cavalier masqué
- Juan - à lutter contre un tyran local. Ce film mis en
scène par Piero Pierotti est tourné dans la foulée
(et les décors) d'une autre production Romana, également
avec Alan Steel : Maciste contre Zorro (Umberto Lenzi,
1963). Steel/Maciste combat d'abord, puis aide un autre cavalier
noir justicier : Zorro/Pierre Brice.
La Romana est une toute petite société de production
qui pour comprimer ses budgets a pris l'habitude (comme bien d'autres
firmes) de tourner deux films simultanément. L'année
suivante, Domenico Paolella tourne avec Rock Stevens dans le rôle
titulaire, un Hercule contre les tyrans de Babylone et
un Goliath à la conquête de Bagdad (1963),
où notre héros secoue le joug des Kurdes.
Goliath eut, finalement, peu de succès. Il reste dans
Maciste en Enfer (Riccardo Freda, 1962) le symbole du mal
absolu errant dans le souterrain séjour où il s'oppose
vainement à la quête de Maciste. Giorgio Capitani
l'oublie dans l'espèce de congrès des muscle-men
qu'il a organisé à l'occasion du Grand défi
: Hercule, Samson, Maciste et Ursus (1964). Dans quelques
péplums de Michele Lupo, Goliath est même carrément
tourné en dérision lorsqu'il est incarné
par le nain Arnaldo Fabrizi-«Little Goliath» (notamment
Les gladiateurs les plus forts du Monde, 1964 et Les
sept gladiateurs rebelles, 1965).
6.5.4. Et pour être complet...
... Il nous reste à signaler un ultime avatar, la BD Samson
et Goliath (textes et scénarios François Truchaud,
dessins Erik Arnoux) dont les aventures furent publiées
dans les années 80 (16)
dans Téléparade, magazine axé sur
les séries d'animation des studios américains Hanna
Barbera. Un jeune garçon et son chien se transforment,
le premier en «superhéros», Samson, le second
en lion, Goliath (dont les yeux sont des rayons laser).
Dans l'art gothique, les gargouilles à l'effigie du démon
sculptées aux corniches et angles des cathédrales
ont valeur prophylactique : elles sont censées repousser
les forces du mal. C'est l'idée qui a été
retenue par les concepteurs de la série d'animation Les
Gargoys (Les Gargoyles). Goliath est le chef de ces gargouilles
de pierre qui reviennent à la vie pour combattre les forces
du mal.
|

Xena la Princesse Guerrière,
épisode : Mon ami Goliath (The
Giant Killers). |
|
Fidèle à son parti pris
de défense des minorités et de la différence,
un épisode de Xena la Princesse Guerrière intitulé
Mon ami Goliath (The Giant Killers) a mis en scène
notre Géant. Goliath est un être bon, ami de Xena -
mais aussi un être doublement malheureux. D'abord parce qu'un
se ses congénères, Gareth, a assassiné sa femme
et son fils. Ensuite parce que pour les hommes normaux, le géant
n'est qu'une formidable machine de guerre qu'il faut exploiter sans
scrupule. Pour l'attirer dans les rangs de l'armée philistine,
le roi Dagon a promis de lui révéler où se
cache le meurtrier Gareth, que Goliath rêve de châtier.
Un premier duel doit l'opposer à Xena, qui a pris fait et
cause pour Israël : le bon géant refuse de combattre
son amie. Un second duel lui fait combattre David. Comme il porte
un casque à nasal, le jeune berger ne peut utiliser sa fronde
fameuse ! Aussi, pour le vaincre, l'aveuglera-t-il d'abord, avec
l'aide de ses compagnons réverbérant le soleil sur
leurs boucliers polis. Gêné dans sa vision, le géant
enlèvera son casque pour mieux voir, offrant son front à
la pierre fatale. Le film contient aussi une scène étonnante
où l'on voit Xena parcourir le champ de bataille encore jonché
de leurs squelettes, où jadis s'affrontèrent les Géants
qui s'y entre-exterminèrent.
A noter que dans un autre épisode - le trente-neuvième,
intitulé Un jour dans la vie (A Day in the Life) -,
Xena vengera son ami Goliath en tuant Gareth occupé à
terroriser de pauvres villageois (ou plutôt en le foudroyant
grâce à un cerf-volant au moyen duquel elle anticipera
la fameuse expérience de Benjamin Franklin). |
|
FILMOGRAPHIE DE GOLIATH
|
1.
David et Goliath
(1040 av. n.E.) |
|
- David and Goliath
Sidney OLCOTT, prod. Kalem - EU, 1908)
- Saul and David
(J. Stuart BLACKTON - EU, 1909)
- David et Saül
(Georges DENOLA, prod. SCAGL-Pathé)
- Henri Ravet (Goliath)
David et Goliath
(Henri ANDREANI, prod. Pathé - FR, 1910)
- Les sept péchés capitaux : la colère
(Saül et David)
(prod. Léon Gaumont - FR, 1910)
- Saül et David
(Henri ANDREANI (?), prod. C.G.P.C. - FR, 1912)
- David, King of Israel
(EU, 1912)
- Absalon
(Henry ANDREANI, prod. Pathé - FR, 1912)
- Samuel Balestre (Goliath)
The Shepherd King
(James Gordon EDWARDS, prod. Fox - EU, 1923) (1925 ?)
- Walter Talun (Goliath)
David et Bethsabée
[David and Bathsheba]
(Henry KING - EU, 1951)
- Le géant Kronos (Goliath)
David et Goliath
[Davide e Goliath]
David and Goliath [EU]
(Richard POTTIER & Ferdinando BALDI - EU-IT, 1959)
- John Baragrey (Goliath)
The Stone
(General Electric Theatre - EU-tv, 1959)
- Tony Tarruella (Goliath)
A Story of David
(Bob McNAUGHT - EU-Israël, 1960)
(Version cinéma du TV-film «David
the Outlaw».)
- Stefy Lang (Goliath)
Saul e Davide
(Marcello BALDI, prod. SamPaolo Film - IT, 1965)
- (?)
Bible/In the Beginning/B(efore) C(hrist) Scandals
(t. alt.)
(Wakefield POOLE, prod. Poolemar - EU, 1974)
(Version porno des amours d'Adam et Eve,
David et Bethsabée, Samson et Dalila.)
- Tony Tarruella (Goliath)
The Story of David : 1. David and King Saul - 2. David
the King
(David Lowell RICH & Alex SEGAL, prod. ABC-TV/Columbia
Pictures - EU-tv, 1976)
- Ted Cassidy (Goliath)
David & Goliath
(The Greatest Heroes of the Bible [5])
(James L. CONWAY - EU-tv, 1978)
- Luigi Montefiori (Goliath)
Le roi David
King David
(Bruce BERESFORD - EU, 1985)
- ? (Goliath)
David (La Bible) (Série TV)
(Robert MARKOWITZ - IT, 1997)
|
|
|
2. Goliath |
- Steve Reeves,
Goliath and the Barbarians
[La terreur de Barbares]
(Carlo CAMPOGALLIANI - IT, 1959)
- Mark Forest,
Goliath and the Dragon
[La vengeance d'Hercule]
(Vittorio COTTAFAVI - IT, 1960)
- Gordon Scott,
Goliath and the Vampire
[Maciste contro il Vampiro]
(Giacomo GENTILOMO & Sergio CORBUCCI - IT, 1961)
- Gordon Scott,
Goliath and the Golden City (t/alt.)
[Maciste alla Corte del Gran Kan]
(Riccardo FREDA - FR-IT, 1961)
- Brad Harris,
Goliath contre les Géants
[Goliath contro i Giganti]
(Guido MALATESTA - IT-SP, 1961)
prod. Cineproduzioni (Rome) - Procusa (Madrid)
- ?
Maciste en Enfer
(Riccardo FREDA - IT, 1962)
(Goliath, damné aux Enfers)
- Gordon Scott,
Goliath et l'hercule noir
[Goliath e la schiava ribelle]
(Mario CAIANO - FR-IT, 1963)
prod. F.I.A.-De Beauregard - Gladiator Film
- Mark Forest,
Goliath and the Sins of Babylon
[Maciste, l'Eroe più grande del Mondo]
(Michele LUPO - IT, 1963)
prod. Leone Film
- Gordon Scott,
Goliath - King of the Slaves
[L'Eroe di Babilonia]
(Siro MARCELLINI - FR-IT, 1963)
prod. C.I.R.A.-F.I.A.-Gladiator Film
- Alan Steel,
Goliath et le cavalier masqué
[Golia e il cavaliere mascherato]
(Piero PIEROTTI - IT, 1963)
prod. Romana Film
- Rock Stevens,
Goliath à la conquête de Bagdad
[Golia alla conquista di Bagdad]
Goliath at the Conquest of Damascus [var. EU-tv]
(Domenico PAOLELLA - IT, 1964)
prod. Romana Film
- Le géant «Molok» (pseudo de Fortunato
Arena),
Ercole contro il gigante Golia
[Maciste, le vengeur du dieu Maya]
(Guido MALATESTA - IT, 1965)
prod. Urias Film (Rome)
- Jess White,
The Joys of Jezebel
(A.P. STOOTSBERRY - EU, 1970)
(Film porno.)
- Todd Rippon,
Mon ami Goliath/The Giant Killers (épisode
n 27 de Xena : The Warrior Princess - 2e saison)
(Gary JONES - EU, 1996-1997)
|
|
Pour le fun, quelques
vidéos référencées sur le
site d'Erik Larsen : Goliath and the Barbarians
et Goliath og Barbarerne (= La Terreur des Barbares);
Goliath und Herkules (= Goliath contre l'hercule
noir); Die Irrfahrten des Herkules (= Goliath
contre les Géants).
|
|
Dessins
animés
Gargoyles (1994 et 1996) [tv]
Réal. : Saburo HASHIMOTO
Deux séries TV (1994 et 1996) américaines et cinq
titres vidéo.
Gargoyles [tv-série, 65 x 30'] (1994)
Gargoyles : The Heroes Awaken (1994) [vd]
Gargoyles. The Goliath Chronicles [tv-série, nombre
d'épisodes ?] (1996)
Gargoyles : Brothers Betrayed (1998) [vd]
Gargoyles : Deeds of Deception (1998) [vd]
Gargoyles : The Force of Goliath (1998) [vd]
Gargoyles : The Hunted (1998) [vd]
|
NOTES :
(1) Elohim : pluriel hébreu
d'Eloah, «Dieu». Elohim, «les
Dieux», est utilisé 2.550 fois dans l'Ancien Testament,
contre YHWH (Yahwhé ou Jahvé), 6.823 fois.
Ce pluriel, qui a embarrassé les exégètes
juifs (tel Philon), a fait le bonheur des Chrétiens (Origène,
Justin, Basile, Cosme Indicopleuste), lesquels y ont vu la preuve
très ancienne de la triple personnalité de Dieu.
Dans les années 60 - années du péplum,
années de toutes les folies -, ce pluriel fera aussi
le bonheur des tenants de l'archéologie fantastique (R.
Charroux, E. Von Däniken...) qui tenaient cette mention
de Fils des Dieux pour le souvenir d'une colonisation de la
Terre par des extraterrestres ! - Retour
texte
(2) Appelés plus loin dans
la Genèse «Giborei tsayid» : les
puissants de la chasse, tel le fameux Nemrod ou Esaü.
- Retour texte
(3) Le livre d'Enoch, trad.
Abbé MIGNE (1856) - rééd. R. Laffont, 1975,
p. 18 sqq. - Retour texte
(4) Rabbin Yonah N. IBN AHARON - cité
par Ivan T. SANDERSON, Hommes-des-Neiges et Hommes-des-Bois,
Plon, 1961, pp. 396-397. - Retour texte
(5) Y.N. IBN AHARON, Ibidem.
- Retour texte
(6) A 18 km à l'ouest de Bethlehem.
- Retour texte
(7) T. SANDERSON, op. cit.,
pp. 396 sqq. - Retour texte
(8) PAUSANIAS, V, 13.3 - cité
par Robert GRAVES, Les mythes grecs, Fayard, 1967, p.
536, n 166 : 2. - Retour texte
(9) Richard CARRINGTON, Sirènes
et mastodontes, R. Laffont, 1957, pp. 139-141. Cf.
aussi François CANETTE, «Theutobocus, c'est géant...»,
Vécu, n 17, juillet 1986, pp. 40-41. - Retour
texte
(10) Willy LEY & [Lyon] SPRAGUE
DE CAMP, De l'Atlantide à l'Eldorado (Lands Beyond),
Plon, 1957, p. 59 sqq., citant BOCCACE, Genealogia Deorum.
- Retour texte
(11) D'après DHORME - cité
par Dr W.L. DULIÈRE, De la Dyade à l'Unité,
par la Triade. Préhistoire de la religion biblique,
Adrien Maisonneuve, 1965, p. 64. - Retour
texte
(12) Robert GRAVES & Raphael
PATAI, Les mythes hébreux, Fayard, 1987, p. 153,
ns 27 : 6 et p. 158, 27 : 8 - cf. aussi p. 118, n 18
: 11-13. - Retour texte
(13) Collectif, Les grands événements
de la Bible, Turnhout, Brepols, 1988, p. 74. - Retour
texte
(14) DOSSIN, Syria, 1938,
p. 109 - cité par DULIÈRE, op. cit., p.
71. - Retour texte
(15) Grands événements
de la Bible, ibidem; R. GRAVES, op. cit. - Retour
texte
(16) Cf. couverture Téléparade,
n 29, mars 1980. - Retour texte
|
|
 |
|