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Percy Jackson : Le Voleur de Foudre
(Percy Jackson & the Olympians :
The Lightning Thief)
(Chris Columbus, EU - 2009)
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L'année 2010 a été
une année mythologique. Coup sur coup ont déferlé
sur nos écrans deux versions du conte de Persée
et la Gorgone : Percy Jackson : Le Voleur de Foudre (10
février 2010) et Clash of the Titans (7 avril 2010),
un remake du film de Ray Harryhausen et Desmond Davis (1981).
En outre il se prépare encore un «Thésée
et le Minotaure», La Guerre des Dieux (1)
dirigé par Tarsem Singh, produit par Relativity Media,
avec Henry Cavill (Les Tudors) dans le rôle de Thésée.
Le script de La Guerre des Dieux a été acheté
à Charley & Vlas Parlapanides par Relativity. Hollywood
Gang de Gianni Nunnari et Canton Productions de Mark Canton se
sont réunis pour le produire avec Ryan Kavanaugh.
I.Le Choc des Titans
(2010)
Ecrit par Lawrence Kasdan, la nouvelle mouture du Choc des
Titans est une coproduction de Legendary Pictures, de Basil
Iwanyk (Thunder Road) et de Kevin De La Noy, sous l'égide
de Warner Bros. Le Français Louis Leterrier (L'incroyable
Hulk), en a assuré la mise en scène, avec dans
le rôle de Persée Sam Worthington (Terminator
4 Renaissance, Avatar) et Gemma Arterton (Quantum of Solace)
dans celui d'Io, la maîtresse de Zeus. Dans le rôle
de Cassiopée, nous retrouvons Polly Walker (Atia, dans
Rome (HBO))
et, dans celui de Draco, Mads Mikkelsen («Le Chiffre»,
dans Casino Royale).
Deux acteurs britanniques, Liam Neeson et Ralph Fiennes incarnent
respectivement Zeus et Hadès. Zeus,
le Dieu des Dieux, le Roi de l'Olympe, est doté d'une grande
sagesse mais aussi d'un très mauvais caractère.
Face à lui se tient son frère Hadès,
le Dieu des Enfers qui a décidé de le détrôner
(Ralph Fiennes aime les rôles de méchants).
Liam Neeson, qui venait de terminer le film Chloe, s'était
engagé à incarner Zeus quelques semaines avant le
décès de son épouse, Natasha Richardson.
Depuis, il a enchaîné avec un autre remake, Le
Cercle rouge de Johnny To, pour ensuite retrouver Steven Spielberg
- sous la férule de qui on l'avait déjà vu
dans La Liste de Schindler - pour jouer dans le biopic
Lincoln.
Quant à Ralph Fiennes, on se souviendra surtout de son
interprétation de «celui dont on doit taire le nom»,
Lord Voldemore, dans Harry Potter (Le Prince de sang mêlé).
Comme dans la version 1981, Persée s'éprend
de la princesse Andromède (Alexa Davalos, 2010). Mais,
dans la première version du Choc des Titans, leur
amour était contrarié par une malédiction
que faisait peser sur elle son ancien prétendant, Calibos
(2),
rendu laid et difforme par Zeus... Tous ceux qui prétendaient
épouser Andromède devaient d'abord, sous peine de
mort, être capables de répondre à une énigme
élaborée par Calibos : jusqu'ici, personne n'a su
relever ce défi morbide (3)...
Dans la version 2010, Calibos n'est plus le prétendant
d'Andromède mais... le père de Danaé (donc
le grand-père de Persée). Zeus a puni sa cruauté
vis-à-vis de sa fille en le foudroyant. Aussi Hadès
le ressuscite-t-il pour s'en faire un allié contre Persée.
Calibos exhibe un magnifique crâne fendu par la foudre,
la plaie encore à vif ! On mesure ici la distance prise
par la version 2010 d'avec la version 1981 relativement fidèle
au mythe grec.
La Gorgone des Sept visages du Docteur
Lao de George Pal |
Stricto sensu, l'épisode
de Persée et Méduse a diversement inspiré
le cinéma. Après une première apparition
au temps du muet, Das Haupt der Medusa (Franz Höbling,
AU - 1919), il faudra attendre un peu plus de quarante ans pour
voir tourner Persée l'Invincible (A. De Martino,
1962) (CLICK,
CLICK & CLICK),
puis ce sera Le Choc des Titans (Desmond Davis, EU - 1981),
un sketch du dessin animé inspiré du poème
d'Ovide Les Métamorphoses/Winds of Change (Takashi,
JP - 1979) et, pour la TV, Perseus and the Gorgon, deuxième
épisode de «Jim Henson's The Storyteller : Greek
Myths» (David Garfarth, GB - 1991), suivi de Andromeda
: The Warrior Princess et Perseus : The Search for Medusa,
deux épisodes de la série «Mythic Warriors
: Guardians of the Legend» (John Craig, CND - 1998). En
1985, le sujet avait - avec d'autres - inspiré un film
d'animation à Jean-Manuel Costa, Du pays des légendes,
qui ne semble pas avoir abouti (succédant à Armando
Valcauda, J.-M. Costa avait réglé les effets spéciaux
de plusieurs films de Luigi Cozzi, dont deux Hercules avec
Lou Ferrigno). Pourtant grandes consommatrices de monstres mythologiques
en tous genre, les séries Hercules, the Legendary Journeys
et Xena Warrior Princess boudèrent la Méduse
(notons toutefois une créature qui en est très proche
dans La femme-serpent/The Wrong Path, épisode de
la première saison d'Hercules [Doug «La dernière
légion» Lefler, 1995]).
Davantage que son vainqueur Persée, Méduse a également
suscité l'intérêt des cinéastes et
romanciers, qu'il s'agisse de films fantastiques comme Gorgone,
déesse de la Terreur (Terence Fisher, GB - 1964) où
la Gorgone est bizarrement rebaptisée «Mégère»;
de Malpertuis, roman de Jean Ray (1943) & film d'Harry
Kümel (BE-FR-AL - 1972) avec Susan Hampshire dans le rôle
d'Euryale, la dernière Gorgone; des Sept visages du
Dr. Lao, roman de Charles G. Finney (The Circus of Dr.
Lao, 1935) & film de George Pal (1964); ou d'un péplum
sans Persée comme les Titans (Duccio Tessari, IT
- 1962).
Un thriller de Jack Gold, La grande menace (The Medusa
Touch, GB - 1978), avec Richard Burton et... Lino Ventura,
«métaphorise» le mortel regard de la Gorgone
: les pensées criminelles d'un romancier se concrétisent
tragiquement, etc.
Avec ou sans chevelure serpentine, le personnage a connu de nombreuses
variantes depuis l'enchanteresse Circé d'Homère
qui, en leur faisant boire un philtre, changeait les compagnons
d'Ulysse non pas en statues mais en animaux, jusqu'à ses
démarques cinématographiques. C'est ainsi que la
sorcière Gaïa, dans Le Géant de Thessalie
(R. Freda, 1960), métamorphosait en moutons les Argonautes
en leur offrant une coupe fatale, le même mode opératoire
permettant à Kadija de statufier ses imprudents visiteurs
dans Le Voleur de Bagdad (Arthur Lubin, 1960).
Après avoir réveillé les instincts bestiaux/sexuels
de ses amants, l'Antinéa de Pierre Benoit a beau les changer
en statues d'orichalque par un procédé galvanoplastique
: comment méconnaître qu'elle est elle aussi une
lointaine cousine de Méduse (4)
? Tout un rayon de la littérature populaire a su tirer
parti de la fascination sexuelle pour une créature reptilienne,
comme Shambleau la nouvelle SF de Catherine L. Moore...
ou une l'explication pseudo-rationaliste du détective Harry
Dickson, dans «La Résurrection de la Gorgone»
(Harry Dickson, n¡ 163, 1939) (5).
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II.Percy Jackson
: Le Voleur de Foudre (2010)
Ce n'était donc pas la première fois que Zeus,
Apollon, les Furies et la Gorgone descendaient sur terre deux
mille ans après la naissance du Christ et la fin du paganisme
(6),
pour se mêler aux humains. En 1943, Jean Ray en avait fait
le sujet de son roman Malpertuis, magistralement porté
à l'écran par Harry Kümel (1972) : un alchimiste,
l'Oncle Cassave, a emprisonné les dieux de l'Olympe dans
des baudruches humanoïdes qu'il retient captives dans sa
maison «Malpertuis», à Gand. Avec Percy
Jackson nous quittons le pavé humide d'une Flandre
embrumée et pleine de sortilèges pour le pays du
néon et du ketchup. Désormais l'Olympe siège
au 600e étage de l'Empire State Building à New York
et les ailes d'Hermès ne s'attachent plus à des
spartiates mais à des «Converse». Quant au
héros Percy/Persée, il guette le reflet de Méduse
non plus dans l'orbe polie comme un miroir de son bouclier, mais
sur le boîtier plastique de son portable. Que s'était-il
passé, par Jupiter et par exemple ?
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Voici quelques années, Harry Potter avait
mis la sorcellerie à la portée des kiddies.
Surfant sur les mêmes rouleaux de l'Océan des Ténèbres,
Percy Jackson compte initier nos chères petites têtes
blondes, lisses ou bouclées aux arcanes de la mythologie
grecque. Ce n'est pas vraiment un hasard si le réalisateur
de Percy Jackson : Le Voleur de Foudre, Chris Columbus,
avait précisément et précédemment
mis en scène les deux premiers opus d'Harry Potter
(et produit les trois) !
Par moment, la recette de ce cocktail paradoxal fait peur. Peur,
pour le puriste nourri des textes classiques, s'entend. Car le
film a beau être envahi de monstres mythologiques comme
le Minotaure ou l'Hydre de Lerne, on est tout de même très
éloigné de la cruauté sans façons
des mythes primitifs, car on compte bien entendu sur l'audience
du plus grand nombre, c'est-à-dire le public des ados qu'il
ne faut pas choquer (7),
pour «bancabiliser» ces incontournables stars que
furent autrefois Jupin et consorts.
N'empêche que l'on éprouve un frisson au creux des
reins lorsqu'on voit les Dieux de l'Olympe - Zeus, Poséidon,
Hermès et les autres - tous revêtus de cuirasses,
ce qui n'est rien moins que bafouer les symboles traditionnels
avec lesquels il est de règle de les représenter
(8).
L'un d'eux est même un Ethiopien qui, certainement, aurait
étonné l'aveugle Homère... s'il avait vu
le voir. Sans oublier Grove, le Satyre de service, et même
Perséphone, la reine du sombre séjour - lequel semble
avoir déteint sur elle. Mais bon, il est politiquement
correct de sacrifier au cosmopolitisme; quoi de plus multi-ethnique
que les U.S.A. ? En vérité, on se croirait dans
un comics de superhéros de la Marvel; et plus d'un
spectateur non averti a dû s'y tromper.
Dans Percy Jackson, Zeus, Poséidon
et les autres ne tombent jamais l'armure. Bizarre... |
A.Percy Jackpot et les mythèmes
Des personnages mythologiques redistribués un peu au hasard,
comme les pommes et les bananes d'une de ces machines à
sous que les Britanniques nomment, je crois, le One Armed Bandit
(«Bandit à un bras»), mieux connues chez nous
sous le nom de Jackpot ? C'est une première impression,
heureusement fausse (?), qui s'impose au spectateur voyant défiler
des personnages mythiques, mais pas leurs mythèmes...
1.Le fils de Zeus
Ainsi, par exemple, Percy/Persée n'est plus le fils de
Zeus (et de Danaé), mais celui de Poséidon et d'une
mortelle nommée Sally Jackson. Hérésie ?
Sûrement. Mais il fallait bien qu'il en fût ainsi,
pour organiser un scénario où, étant l'arbitre
suprême, Zeus ne pouvait - en droit bien compris - être
à la fois «juge et partie».
Et que penser de Sally Jackson/Danaé qui, prise par le
Minotaure, se voit pulvérisée en poussière
d'or ?... Dans le mythe, c'était Zeus lui-même qui,
descendu sur terre sous forme de pluie d'or, séduisait
la princesse Danaé retenue captive dans sa prison d'Argos
! Alors-là, oui, indubitablement les mythèmes sont
quelque peu bousculés. Mais du Juif Süss de
Veit Harlan à Troie de Wolfgang Petersen, en passant
par les Centurions de Mark Robson, ce n'est pas une nouveauté
si - comme souvent - le cinéma inverse les valeurs pour
se conformer aux goûts du moment au déni de l'uvre
originale...
Annabeth : la fille d'Athéna,
ou son hypostase ? La mythologie est assez claire sur ce
point : Athéna n'a jamais conçu. Sur les six
déesses olympiennes, Athéna forme avec
la chasseresse Artémis et Hestia, le
feu du foyer, un trio de Déesses Vierges, contrastant
avec les trois autres déesses olympiennes : Héra,
l'épouse de Zeus et Reine des Dieux; Déméter,
la déesse de la fécondité et des moissons,
mère de Perséphone; et Aphrodite, la
déesse de l'amour.
La seule fois où Athéna faillit concevoir
fut lorsque son propre frère Héphaïstos,
le divin boiteux, voulut la violenter. Il ne parvint pas
à ses fins et sa semence coula sur le mollet de la
déesse. Athéna l'essuya avec un flocon de
laine, qu'elle jeta ensuite sur le sol (Gé). C'est
comme cela que de Gé, ainsi indirectement fécondée
par Héphaïstos, naquit Erechthée (ou
Erichthonios). Toutefois Gé confia aux soins d'Athéna
le nourrisson Erechthée. C'est au prix de cette laborieuse
explication qu'Athéna Parthéna, tout
en demeurant «la Vierge», fut la mère
nourricière du premier roi de l'Attique (9) |
2.Athéna et Méduse
Dans le même ordre d'idée, rappelons que ce ne fut
point Athéna qui changea Méduse en monstre reptilien
- comme dit dans le film - mais bien Poséidon. L'incorrigible
surfeur Poséidon (Aaaaah ! Kevin «Vorenus»
McKidd !), non content d'engrosser la pauvre Sally Jackson, avait
également été in illo tempore très
épris de Méduse; la vierge timide s'étant
refusée à ses propositions malhonnêtes, il
la métamorphosa en cette créature hideuse que nous
connaissons, objet de notre répulsion pétrifiée...
euh, horrifiée, que le film de Chris Columbus nous a superbement
bien restituée, miracle de l'infographie.
En fait, la vaillante Athéna, qui ne faisait pas toujours
la guerre et l'amour encore moins, se livrait aussi - parfois
- à des travaux plus en rapport avec sa condition féminine
: le tissage, par exemple. Or en ces temps-là, il advint
qu'une mortelle nommée Arachné se vanta d'être,
en cet art, plus habile que la déesse. Et advint ce qui
devait advenir : Athéna changea Arachné en cette
créature tout aussi hideuse que Méduse, cette chose
à huit pattes qui porte toujours son nom, l'araignée
qui si bien sait tisser des toiles... arachnéennes !
En revanche, pour expliquer l'antipathie que la fille d'Athéna,
Annabeth, nourrit pour notre héros fils de Poséidon,
le même passage du film fait explicitement référence
au mythe de la fondation de l'Attique. Poséidon et Athéna
s'étaient effectivement disputés le privilège
d'en devenir la divinité tutélaire, le premier offrant
le cheval de guerre, la seconde l'olivier de la paix.
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3.L'Hydre
Une autre bizarrerie à relever - et puis nous arrêtons
- est l'épisode où Percy et ses amis doivent affronter
l'Hydre (de Lerne ?) à l'intérieur du «Parthénon»
de Nashville. Les têtes coupées par Percy repoussent
et se dédoublent comme dans le deuxième des Travaux
d'Hercule. Attaquant alors de plus belle, l'Hydre vomit les flammes
par gueule et naseaux. Fils du dieu des Eaux, Percy n'a alors
d'autre ressource que de déchaîner celles contenues
dans une vasque, lesquelles débordant à gros bouillons
éteignent les «lance-flammes» (10).
Or dans le mythe grec c'était Iolas, le neveu et compagnon
d'Hercule, qui brûlait les têtes de l'Hydre
au fur et à mesure que le héros les tranchait. Ainsi
les empêchait-il de repousser. Mais dans le film de Chris
Columbus, Grover/Pan le Satyre brandit alors la tête de
Méduse et pétrifie le monstre. Le spectateur ravi
peut sans peine imaginer la tête des touristes visitant,
le lendemain, le «Parthénon» et découvrant
au milieu du naos cette effarante statue de l'Hydre de
Lerne venue de nulle part !
Héraclès et l'Hydre de Lerne,
stamnos-psyker à figures rouges (480-470 av. n.E.)
et amphore (480 av. n.E. - Musée du Louvre).
On peut voir que l'Hydre de Lerne tient davantage du mollusque
céphalopode que du dragon cracheur de feu |
C'est toutefois un peu «solliciter» la légende
que de voir combattue par l'eau, non par le feu, une Hydre ignivome
- alors que, justement, l'Hydre c'est «l'eau» (gr.
hudor). En fait, ce n'est que dans les légendes
médiévales que les Hydres, confondues avec les Dragons,
cracheront le feu ! Bien sûr, les cinéastes s'en
fichent un peu (même erreur dans Jason et les Argonautes
de Don Chaffey).
Les mythologues admettent que l'hydre à sept têtes
(ou davantage) a pu être inspirée par la pieuvre
et ses huit tentacules - un motif récurrent de l'art mycénien.
Tout comme l'on admet également que ses sept têtes
renaissantes seraient en relation avec les multiples sources alimentant
le marais de Lerne, asséché et drainé au
XIIIe s. av. n.E. par les Mycéniens représentés,
dans le mythe, par leur mythique roi Héraclès.
Parmi les «Antiquités étatsuniennes»
on trouve à Nashville (Tennessee), l'«Athènes
du Sud», cette réplique du Parthénon
d'Athènes, uvre de William B. Dinsmoor et Russell
E. Hart, construite en 1897 mais finalisée entre
1925 et 1931 (Wikipedia).
Le cadre se prêtait à un épisode des
aventures de Percy Jackson qui y affrontera l'Hydre de Lerne |
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B.Aux âmes bien nées,
la valeur n'attend pas le nombre des années
Dans le film de Kümel, Yann était un Persée
très démuni face à des puissances qui le
dépassaient. Un Persée amoureux transi de Nancy/la
Gorgone Euryale. Bref, un anti-héros très en-dessous
de son archétype mythologique.
Percy Jackson est, quant à lui, un ado qui n'a peur de
rien. Un héros tels que se voient tous les ados du monde,
nourris de comics et de films d'aventure. Ah ! le courage
de l'inconscience. A plusieurs reprises, il affronte son beau-père
Gaby «Pue-grave», pour lui enseigner à respecter
sa mère qu'il traite comme une domestique («Femme,
apporte-moi une bière !»). A la suite d'une nouvelle
dispute Percy, le petit coq dressé sur ses ergots, se voit
contraint de fuir - avec sa maman et son copain Grove -, puis
à entreprendre aux Enfers la quête du Foudre de Zeus
volé, mais surtout d'en ramener sa mère tuée
pendant leur fuite. C'est là, en gros, le pitch
du film.
1. De Perseus à Percy
Dans le mythe grec, tel qu'Ovide nous le rapporte aux livres IV
et V de ses Métamorphoses (OV., Mét.,
IV, 611 à V, 249), Acrisios roi d'Argos avait une fille
nommée Danaé. Un oracle lui ayant prédit
que son petit-fils le détrônerait et le tuerait,
il enferma sa fille dans une tour afin qu'elle ne rencontrât
jamais d'homme. Comme dit plus haut, Zeus y pénétra
sous l'aspect d'une pluie d'or et la féconda. N'osant lui-même
tuer la mère et l'enfant, Acrisios les enferma dans un
coffre qu'il abandonna aux caprices de la mer.
(Est-ce pour cette raison que Percy Jackson sera, dans
le film, un fils de Poséidon plutôt que de Zeus
? Le séjour dans le coffre obscur peut être considéré
comme un rite de passage, suivi d'une seconde naissance... comme
fils de la Mer.)
Les courants rejettent le coffre sur le rivage
de l'île de Sériphos, où la mère et
l'enfant sont recueillis par un pauvre pêcheur nommé
Céphée. Céphée est le frère
du tyran Polydecte, qui règne sur l'île. Des années
plus tard, Polydecte s'aperçoit de l'existence de Danaé
[Sally Jackson] et veut l'épouser contre son gré.
Pour se débarrasser de l'encombrant fiston qui défend
la vertu maternelle, Polydecte [Gaby «Pue-grave»,
mais vous l'aviez déjà reconnu !] enjoint à
celui-ci de rapporter la tête de Méduse, qui vit
aux confins occidentaux du monde.
Persée se met en quête de Méduse [ou du
Foudre volé, dans le film (11)].
Il bénéficie de la protection d'Athéna
[c'est-à-dire d'Annabeth, dans le film], qui lui remet
un bouclier poli comme un miroir, et de celle d'Hermès
[c'est-à-dire de Luke, dans le film], qui lui offre
des talonnières ailées, une épée magique
[dans le roman : «Turbulence» (gr. Anaklusmos),
en fait un stylo-bille qui une fois décapuchonné
devient une épée, forgée dans du Bronze Céleste.
Dans le film, cette épée-stylo est un don du Prof
Brunner (Chiron le Centaure)] ainsi que le chapeau d'Hadès
[on va le retrouver plus loin, celui-là. Hadès.
Pas le chapeau !], qui rend invisible. Persée doit d'abord
s'emparer de l'il unique des trois Grées, qui se
le repassent ainsi que leur unique dent commune [les trois
perles, dans le film]. Puis, notre héros trouve Méduse,
la décapite comme on sait, en évitant son regard
pétrifiant grâce au bouclier-miroir. Du sang coulant
de son torse mutilé jaillissent Pégase, le cheval
ailé, et Chrysaor, l'«être à l'épée
d'or».
Persée fourre dans un sac la tête de Méduse
et, chevauchant Pégase (12),
traverse le désert de Libye [le désert américain,
dans le film - entre Nashville et Las Vegas] pour arriver à
Joppé (Palestine). Là il voit la princesse Andromède,
fille du roi Cepheus et de la reine Cassiopée, qui - pour
conjurer une malédiction - est exposée à
la férocité d'un monstre marin [l'Hydre, of
course]. Il tue le monstre à grands coups de son
épée recourbée, puis pétrifie son
rival Phineus, fiancé d'Andromède. Notre héros
épouse la belle et rentre à Sériphos, où
il exhibe la tête pétrifiante sous le nez du méchant
roi Polydecte qu'il change en cailloux [ce qui arrive effectivement
à Gaby, dans le film, lorsque voulant se prendre une bière
dans le frigo, il se retrouve nez-à-nez avec la tête
de Méduse... mise au frais].
Sa mère délivrée de son fâcheux
prétendant, Persée et Andromède se rendent
alors en Argolide. Sur la colline de Larissa, où se dresse
la citadelle d'Argos, il participe à une compétition
de lancer du disque. Un coup de vent fait dévier le sien,
qui s'en va fracasser le crâne d'un spectateur... qui n'était
autre que son grand-père Acrisios. La prophétie
est accomplie.
Le mythe grec exprime clairement le rite de passage
: au prix des périls qu'il est censé courir pendant
le dangereux voyage de son initiation - sa mort symbolique, suivie
d'une seconde naissance - le jeune garçon devient adulte
et prend femme, en l'occurrence la princesse Andromède
qu'il a arrachée au monstre marin. Le mythe se double d'une
connotation freudienne, celle du Père (ou du Grand-Père)
qui redoute la fatale rivalité avec son (petit-)fils plus
jeune. C'était le cas du roi de Thèbes, Laïos
à qui il a été prédit que son fils
dipe «tuerait son père et épouserait
sa mère». Dans le mythe de Persée, ce sera
son beau-père Polydecte, puis son grand-père maternel
Acrisios qui mourront de son fait.
Chiron (Pierce Brosnan), le
professeur de latin paraplégique, et Grover, le Satyre
(Brandon T. Jackson), son «protecteur», ont
été commis à veiller sur le nouveau
Messie, le Fils de Poséidon que des forces surnaturelles
et mauvaises aimeraient réduire à merci. Dans
la tête des ados comme dans l'Olympe, la «théorie
du complot» a encore de beaux jours devant elle... |
2.Conflit des générations
Destiné à un public adolescent, Percy Jackson
: Le Voleur de Foudre reprend à son compte cette connotation
freudienne, mais l'exprime bien évidemment du point de
vue du Fils. Percy est un ado rebelle, hyperactif et dyslexique
(«tu es structuré pour le grec», lui
dira Chiron [13]).
Un adolescent qui, bec et ongle, défend sa mère
contre la grossièreté et la vulgarité de
Gaby «Pue-grave» toujours empestant d'aigres relents
de bière. Non seulement mon Père a couché
avec ma Mère, mais mon Beau-Père aussi : quel répugnant
personnage ! Percy n'ose imaginer la putain qui se cache derrière
la sainte (14).
Percy ne peut concevoir l'insondable mystère de l'origine
de la vie. De ses origines. Il doit s'imaginer une sorte d'idiot
solidement baraqué genre Clark Kent/Superman ou Charles
Ingalls (15),
qui n'a rien de mieux à faire de sa vie que de voler au
secours des faibles ou de lui tenir la main. Or, au bout du compte,
il ne découvre qu'un Dark Vador.
Il en est ainsi de l'ado, toujours disposé à s'immiscer
dans le couple parental, à vouloir lui imposer ses «valeurs».
Sans pouvoir imaginer une seul instant que ce que eux trouveraient
normal de faire avec leur petite copine, leurs parents - ces vieux
dégueulasses - l'on fait avant eux, sans quoi ils n'auraient
jamais été là. Et qu'ils le font encore.
«Les parents n'ont pas de vie sexuelle !»,
s'écrie indignée la fille ado du juge Koen Allegaerts
(16).
Eux ! Les vieux ! (l'assonance est belle). Un comble !
Alors que je me croyais - comme le Messie - né du Saint-Esprit
! Mais qui oserait affirmer, hors l'humour britannique de Winston
Churchill, «c'est [à tel endroit] que je pris
les deux décisions les plus importantes de ma vie : naître
et me marier» (17).
Ou encore le romancier Jackson Curtis - un homonyme ? - annonçant
à ses enfants en vacances : «Je vais vous montrer
un endroit fabuleux, où votre mère et moi avons
connus de bons moments.» Et le fils (moins de dix ans),
de répondre : «Je ne veux pas savoir où
maman et toi vous êtes envoyés en l'air»
(2012, Roland Emmerich, EU - 2009). Hélas oui, la
vie nous offre de ces odieuses déceptions... Persée,
Perseus en grec, c'est «le Destructeur». Sa
frustration est partagée par Annabeth et Luke, qui eux
non plus n'ont pas connu leur Père (18)
et se sentent délaissés. Contrairement à
Churchill, ils n'ont pas décidé de venir au monde,
et n'ont pas été consultés quant à
l'opportunité du coït parental, ce grand mystère.
Pour un jeune, rien n'a existé avant lui. Cependant,
il est désormais le centre du monde, le soleil autour duquel
graviteront les satellites qui doivent l'aimer et le servir...
Comment ? Son père Poséidon a d'autres responsabilités,
plus importantes que ses bobos : assurer l'équilibre cosmique,
réguler la fureur des océans ? Quelle gifle pour
l'impulsif et pauvre teenager... qui néanmoins finira
par devenir adulte lorsqu'il acceptera la main qu'enfin lui tend
son divin père. C'est-à-dire une fois qu'il aura
su escalader l'Olympe des adultes.
Ses nouveaux amis, Annabeth fille d'Athéna
- la déesse aurait donc fini par sacrifier sa légendaire
virginité ? - et Luke fils d'Hermès savent, eux,
qui ils sont, même s'ils n'ont jamais rencontré leur
divin géniteur. Ils le savent et leur en veulent un peu,
pour ça. Percy, quant à lui, vient seulement d'apprendre,
fortuitement, qu'il est fils de Poséidon; il ne digère
absolument pas que ce père indigne ne se soit jamais manifesté.
Mais si Annabeth et Luke sont seulement Annabeth et Luke, des
demi-dieux, ou à la rigueur des hypostases, des avatars
d'Athéna et d'Hermès, Percy, lui, est bien différent.
Percy n'est pas que Percy, il est également Persée,
le vainqueur de la Gorgone. Il en est clairement l'avatar
terrestre.
(Nota bene : Percy Jackson n'est pas que Persée.
Il procède aussi d'Orphée, descendant aux Enfers
pour en ramener son Eurydice. Sa femme. Pas sa maman !
Ainsi la trame de ses aventures
sera-t-elle toute tracée, même si repassée
au mixer de la grosse machinerie hollywoodienne (amusant le clin
d'il qui nous montre les Enfers s'ouvrant juste sous les
lettres géantes du fameux «HOLLYWOOD», qui
se lit sur la colline à l'entrée de la ville).)
Un clin d'il ? C'est sous le mont Lee,
sous le «H» de Hollywood
exactement, que s'ouvre l'entrée des Enfers |
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C.Mythes cosmogoniques et eschatologiques
1.Hadès et les Enfers
De Mario Bava à Walt Disney, le cinéma
a bien du mal à concevoir que les Enfers des Gréco-Romains
aient pu être très différents de l'Enfer chrétien
tel que Dante l'a fixé dans notre imaginaire collectif
(19).
Hadès vit sa relégation aux Enfers comme une malédiction
personnelle. Une damnation. Percy Jackson : Le Voleur de Foudre
décrit les Enfers comme un lieu de feux perpétuels.
Les défunts y sont tous des damnés enfermés
chacun dans une bulle de flammes vives. Des torches vivantes qui
se consument sans fin. C'est aussi l'aspect de dragon incandescent
que sait prendre Hadès, quand il ne revêt pas sa
tenue de détente «à la Mick Jaegger»,
chez lui, au coin de l'âtre au fond duquel - tels des bûches
- grillent les damnés.
Hadès est un personnage maléfique,
un fauteur de trouble qui menace l'ordre cosmique. Un Satan. Ce
qu'il n'était certainement pas pour les Gréco-Romains.
Dans Hercule contre les Vampires, Hadès a délégué
sur terre une créature maléfique, Lycos le vampire,
interprété par Christopher Lee; et lorsque sa «fille»
Perséphone accepte de suivre Thésée dans
le monde des vivants, il y déchaîne des calamités,
famines etc. Dans le dessin animé de Walt Disney et les
imitations qui s'ensuivirent
Hadès rêve de renverser son frère Zeus et
d'imposer son règne.
2.Les guerres des Dieux
Il n'y a manifestement pas de Paradis/de Champs Elyséens,
séjour des justes, dans l'eschatologie percyjacksonienne
! A moins de considérer comme tel le Camp des Sang-Mêlés
qui sont censés être tous des demi-dieux. Or, le
Centaure Chiron/M. Brunner et le Satyre Pan/Grover Underwood exceptés,
on ne voit guère comme semi-divin que la fille d'Athéna
et le fils d'Hermès : Annabeth Chase et Luke Castellan
(il y a aussi, dans le roman mais pas dans le film, une Clarisse,
fille d'Arès). Quid de la divine filiation de leurs
comparses des camps Rouge (Athéna) et Bleu (Hermès),
qui passent leur temps à s'entraîner à la
guerre : parcours commando et interminables parties d'escrime.
Se préparent-ils à participer à quelque finale
bataille des Dieux ?
Le film ne le dit pas,
mais on a tout de même l'impression qu'ici la saga percyjacksonienne
s'est laissée contaminer par la mythologie germanique,
celle du Walhalla où les héros nordiques tombés
à la guerre, se battent et festoient indéfiniment
en attendant l'affrontement final où, aux côtés
des Ases, ils combattront les Géants du Jotunheim pour
tous ensemble périr dans la conflagration finale du Götterdämmerung
- le Crépuscule des Dieux.
A vrai dire, l'hypothèse sus-évoquée est
d'autant plus séduisante qu'elle offre un parallèle
avec la mythologie grecque, à ceci près que les
anciens Germains situaient l'épisode dans le futur, à
la Fin des Temps; les Grecs aux Origines du Chaos; et Hollywood
entre les deux, mais plus près de la fin que du début.
A l'orée du troisième millénaire, les vieilles
terreurs de l'An Mil ressurgissent, tant il est vrai que les dérèglements
de notre écosystème ne laissent plus rien augurer
de bon pour notre Planète bleue... d'où l'engouement
du cinéma pour les sujets catastrophe de Waterworld
à The Day after, 2012, etc.
a. La Titanomachie
Donc à l'Origine était le Chaos : la terre, les
eaux, le ciel n'étaient pas encore bien en place. Cronos
et les Titans - ses frères et surs -, qui en étaient
issus, régnaient sans partage sur le Monde.
De Cronos sortirent les
Olympiens : Zeus et ses frères et surs. On sait comment
Zeus renversa son père Cronos, et se vengea de ce qu'il
avait dévoré sa progéniture en le forçant
à la régurgiter. Après quoi il le castra
avec une serpe magique (harpè) et l'exila dans le
lointain Couchant. Une fois vainqueurs des autres Titans (c'est
le sujet de la «Titanomachie», la guerre des Titans),
les Olympiens se partagèrent l'univers : à Zeus
le ciel, à Poséidon les mers, à Hadès
le monde subterranéen, c'est-à-dire les Enfers.
De six au début - Zeus, Poséidon, Hadès
et leurs surs Héra, Hestia et Déméter
- les Olympiens sont passés à douze avec l'arrivée
de leurs enfants : Apollon, Artémis, Athéna, Héphaïstos,
Aphrodite, Arès et Dionysos - sans oublier toute une galaxie
de divinités mineures comme les Néréïdes
Thétis (mère d'Achille) et Amphitrite (épouse
de Poséidon) ou la fille de Déméter Perséphone,
épouse d'Hadès.
b. La Gigantomachie
Puis, contre les Olympiens - bis repetita placent -, se
révolta une autre génération de créatures
primordiales : les Gigans (les Géants). Après avoir
enfermé dans une jarre de bronze Arès, le dieu de
la guerre, Otos et Ephialtès empilèrent le Pélion
sur l'Ossa afin d'escalader l'Olympe, etc. Ce fut la «Gigantomachie»,
la guerre des Gigans. Or les Dieux, qui en douterait ?, ne sont
que peu de choses sans les humbles mortels pour les adorer et
les nourrir de leurs sacrifices. Quoiqu'il en soit, les Dieux
ne pouvaient vaincre ces terrifiants Gigans - monstrueux anguipèdes
pourvus chacun de cinquante têtes et de cent mains - sans
le conjoint concours d'un mortel. C'est Hercule qui vint à
leur rescousse, ses flèches dédoublant les foudres
des Olympiens. Et c'est ainsi que Poséidon put ensevelir
Polybtès sous l'île de Cos; qu'Hermès,
coiffé du casque d'Hadès qui rend invisible, tua
Hippolytos; et qu'Athéna abattit le géant Pallas,
l'écorcha et revêtit sa peau (c'est depuis lors qu'on
la nomme Pallas Athéna), etc.
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Quelques
aspects de la Gigantomachie, la Guerre des dieux contre
les géants : sur ce bas-relief romain conservé
au Musée du Vatican, l'on voit très bien
les cuisses-serpent des géants anguipèdes.
Sur ce vase à figures noires (Etrurie, VIe s.),
Héraclès darde sa flèche contre
le géant Alcyonée |
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3.La révolte d'Héra,
Poséidon et Athéna
Fort bien, direz-vous. Zeus réussit à vaincre les
Titans et à réprimer la révolte des Gigans;
mais ici ce n'est pas d'un Titan ou d'un Gigan qu'il s'agit, mais
d'un autre dieu. Son frère Hadès, rebellé
contre les autres Olympiens.
Sauf qu'il ne met pas spécialement en cause Hadès,
ce Complot des Dieux appartient au plus ancien fond de la mythologie
grecque, puisqu'il nous est déjà rapporté
par Homère dans l'Iliade (Il., I, 396 sqq.;
XV, 18-22). L'Iliade, le plus ancien texte littéraire
grec connu, était aux Hellènes ce que la Bible sera
aux Judéo-Chrétiens. Homère y raconte, en
effet, comment son épouse Héra, son frère
Poséidon, sa fille Athéna et tous les autres dieux
- sauf la discrète déesse Hestia - ligotèrent
le Roi des Dieux pendant son sommeil, après lui avoir confisqué
son foudre.
Zeus ne put briser le complot qu'avec l'aide de la Néréide
Thétis, laquelle sortit des Enfers une autre de ces créatures
primordiales «à cent mains», l'Hécatonchire
«Ægéon, que les dieux nommaient Briarée».
En représailles contre son épouse Héra, l'instigatrice
du complot, Zeus la pendit par les cheveux au pinacle de l'empyrée,
une enclume attachée à chacune de ses chevilles.
Voilà un dieu qui savait parler aux déesses !
4.Le subtil Hermès
Un mot encore à propos d'Hermès, dont le demi-dieu
de fils, Luke Castellan, tient un rôle important dans Percy
Jackson.
Hermès est le Héraut et le Messager des Dieux, mais
aussi le dieu du négoce et... celui des voleurs. Avec un
tel pedigree, il était normal qu'on en fît le voleur
du Foudre. Délit de «sale gueule», en somme.
Pourtant aucun mythe n'a jamais mis en cause la loyauté
d'Hermès vis-à-vis de son père Zeus !
Comme Hermès Psychopompe, il conduit aux Enfers les âmes
des défunts. Ce qui explique pourquoi, non sans une mauvaise
pensée, c'est lui qui oriente vers Hadès la recherche
du Foudre volé.
Dans le mythe grec, Hermès utilise ses talents de voleur
dans divers épisodes dont celui-ci, assez curieux, qui
semble être un fragment détaché de la Gigantomachie.
Il s'agit de l'épisode où Zeus doit affronter le
géant Typhon, ou Typhus, qui a lui aussi cinquante
têtes, cent mains et le corps ceint de vipères menaçantes.
Typhon vainc Zeus, arrache les tendons de ses membres, et les
enferme dans une peau d'ours qu'il cache au fond d'une grotte
de Cilicie, à la garde de laquelle il prépose un
dragon mi-femme mi-serpent, Delphynè.
C'est Hermès qui viendra à la rescousse du roi des
Dieux vaincu, dont le corps gît désarticulé.
Avec l'aide de Pan, le Satyre, il réussit à déjouer
la surveillance de Delphynè et à s'emparer des tendons,
qu'il remet en place. La vengeance de Zeus ne se fera pas attendre,
et le géant enfin vaincu sera enterré vivant sous
l'Etna, d'où s'exhale encore aujourd'hui son souffle incandescent
(dans le récit de la Gigantomachie, variante, c'était
le Géant Encélade qui était enfermé
sous l'Etna).
D.Pour conclure
Nous venons de passer en revue les mythes qui structurent les
aventures de Percy Jackson, imaginées par le romancier
Rick Riordan qui en a fait son fond de commerce pour toute la
série de romans.
A l'aube du XXIe s., Percy/Persée le demi-dieu tient
la place naguère dévolue à Hercule. Celle
du mortel dont le concours permettra aux Dieux d'abattre leurs
adversaires.
Pour rétablir l'ordre cosmique dans tout le vaste univers,
il lui faut empêcher une guerre civile entre les dieux et
rétablir le pouvoir de Zeus en lui restituant le Foudre
volé. Tout se dénouera au cours du duel final qui
l'opposera à un autre demi-dieu rebelle, le vrai coupable,
et l'apaisement du conflit qui oppose les Dieux de l'Olympe à
leur frère rebelle Hadès - mais aussi Annabeth et
Percy contre leurs Pères respectifs...
(A noter que le film ne traite que du tome 1 de la saga,
qui en compte maintenant six. Très dense, la matière
du roman a été sérieusement élaguée
pour établir le scénario du film. A la fin du quatrième
volume, on apprend enfin qui se cachait derrière tout cela
: Cronos, le roi des Titans, ce père que Zeus avait jadis
mutilé et chassé. Décidément, cette
histoire joue à fond le conflit des générations,
et de là sans doute tire-t-elle toute sa saveur.)
La Guerre des Titans, comme celle des Gigans,
n'a que peu intéressé le cinéma historico-mythologique.
Il y a bien sûr Les Titans de Duccio Tessari, qui
d'emblée les montre déjà vaincus, enchaînés
aux Enfers. Dans Hercules, Luigi Cozzi fait intervenir
une étrange créature de feu, gisant au fond des
entrailles de la Terre tel Encélade ou Typhon; mais il
s'agit du Phénix renaissant de ses cendres, pas d'un Titan.
Par contre, Zeus contro l'Universo (1983 ?) d'Emimmo Salvi
semble avoir voulu traiter assez sérieusement de la question,
mais en dernière analyse le film ne semble pas avoir été
achevé ni diffusé (20).
L'épisode de la Gigantomachie a cependant connu un peu
plus de faveur au niveau du cinéma d'animation et se trouve
au centre de l'Hercule de Walt Disney et de Hercules
and Xena, The Battle of the Mount Olympus. Dans l'un et l'autre
de ces dessins animés, Hadès assimilé à
Satan-Lucifer joue le rôle du méchant absolu.
Vulcain, fils de Jupiter
(E. Salvi, 1962) : affiche espagnole Titan contra Vulcano
(rééd. en Espagne sous un visuel HF (21)
et retitré Batalla de Titanes - cf. site Nanarland).
Le producteur et réalisateur italien Emimmo Salvi,
qui avait connu un succès d'estime avec Le Géant
de Métropolis, est probablement l'unique cinéaste
à avoir tenté de porter à l'écran
life les aventures non plus de demi-dieux, mais des
dieux à part entière. Après un assez
médiocre Vulcano, figlio di Giove qui connut
une carrière assez confidentielle (22)
(il ressortit en salles en 1981, et il y eut même,
en 1988, une VHS chez MP.M rebaptisée Vulcan,
dieu du Feu)).
Au cours des années '80, il fut question, pour E.
Salvi, de produire un nouveau film intitulé tantôt
Zeus et tantôt Zeus contro l'Universo
sur lesquelles les plus folles rumeurs coururent, dans le
milieu du cinéma-bis : remontage du film de
1962, film d'animation avec des marionnettes... Il était
également question d'y voir jouer les vétérans
Gordon Mitchell et Mickey Hargitay, mais le projet aurait
avorté à cause de la prétention de
ce dernier à vouloir faire attribuer à sa
fille Mariska le principal rôle féminin (Mariska
Hargitay : le détective «Olivia Benson»
dans la série TV New York unité spéciale/Law
& Order : Special Victims Unit). Ci-dessus, deux
visuels de pré-production. |
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Suite… |
NOTES :
(1) War of the Gods, devenu
War of Gods et, maintenant, Dawn
of War, est toujours en préproduction. Sa sortie
est prévue pour 2011. - Retour texte
(2) Calibos est un personnage emprunté
à La Tempête de W. Shakespeare. Dans la
légénde grecque, il pourrait à la rigueur
correspondre avec le fiancée d'Andromède, Phinée,
dont Persée se débarassera en le pétrifiant
en exhibant la tête de Méduse. - Retour
texte
(3) Cette situation est clairement
empruntée à l'histoire d'dipe qui doit résoudre
l'énigme posée par la Sphinx, et peut ensuite
monter sur le trône de Thèbes et en épouser
la reine (sa propre mère, mais ils l'ignoraient). - Retour
texte
(4) Le roman de Benoit contenant d'ailleurs
une brève allusion à la Méduse libyenne.
- Retour texte
(5) C'est aussi un thème classique
du cinéma fantastique : un assassin camoufle les corps
de ses victimes sous l'aspect de mannequins de cire (Le moulin
des supplices/Il mulino delle donne di pietra, Giorgio Ferroni,
1960; un sketch avec Peter Cushing de La Maison qui
tue (The House that Dripped Blood), Peter Duffel, 1970/1971;
etc.). - Retour texte
(6) Façon de parler (ou de
compter), bien sûr. On peut théoriquement dater
la fin du paganisme en 395, quand l'empereur Théodose
Ier fait fermer les temples des dieux, interdire les sacrifices
et même les Jeux olympiques... - Retour
texte
(7) Sexuellement, s'entend. - Retour
texte
(8) Notons que le plastron de la cuirasse
de Poséidon est en motif d'écailles, ce qui sied
au dieu de la Mer. - Retour texte
(9) Le mythe le place en concurrence
avec Cécrops, qui lui aussi passe pour avoir été
le premier roi d'Athènes. - Retour
texte
(10) Le pouvoir de Percy sur les
eaux rappelle un peu le géant Antée, fils de la
Terre, qui était invincible tant que ses pieds touchaient
le sol. - Retour texte
(11) L'épisode de Méduse
passant, dans le film de Chris Columbus, du principal à
l'accessoire. - Retour texte
(12) Dans le mythe grec, le cheval
ailé Pégase fait double emploi avec les talonnières
d'Hermès : voilà une faute scénaristique
que - par exemple - les cinéastes se devaient de rectifier.
Ils le firent.
Quant à Chrysaor, son «épée d'or»
ne joue aucun rôle dans le mythe grec, puisque Persée
avait déjà été pourvu d'une épée
magique par Hermès. Dans le film, c'est Chiron qui remet
l'épée magique à Percy; mais selon le roman
de Rick Riordan, ce fameux stylo-bille (symbolisant la supériorité
de l'écrit sur les armes ?) aurait primitivement été
une épingle à cheveux qu'aurait donné à
Héraclès l'Hespéride Zoé Nightshade.
Ces derniers personnages n'apparaissent pas dans le film, qui
a dû élaguer de nombreuses fioritures. - Retour
texte
(13) ... songeant sans doute à
l'écriture à rebours - le boustrophédon.
- Retour texte
(14) Un autre élément
savoureux, au niveau de la psychologie de l'adolescent, est
le piédestal où il place le Père à
la fois adoré et haï : c'est un Dieu. Il est le
Dieu des Mers, Poséidon. Un Dieu-Père... mais
ailleurs. Inaccessible. - Retour texte
(15) La petite maison dans la
prairie. - Retour texte
(16) Dans SM-Rechter (Erik
Lamens, BE - 2009), tiré d'un fait divers qui, en 1996,
secoua la magistrature flamande. L'adolescente venait de découvrir
qu'à la demande de celle-ci, son père «torturait»
sa mère au cours de soirées très spéciales...
- Retour texte
(17) W. CHURCHILL, Mes jeunes
années (1930), Tallandier, coll. «Texto»,
2007. - Retour texte
(18) Leur Mère dans le cas
d'Annabeth, fille de la déesse Athéna - encore
que supposée «vierge». - Retour
texte
(19) Pour les Gréco-Romains
il y a plusieurs «Enfers», inferiori loci
(le Tartare pour les méchants, les Champs-Elyséens
pour les justes) au contraire des Chrétiens, qui n'en
connaissent qu'un seul : le séjour des méchants
opposé au Paradis, qui est dans les Cieux, et au Purgatoire,
entre les deux. Mais si pour les Chrétiens - et pour
Percy Jackson, mais aussi pour Mario Bava (Hercule contre
les Vampires) - les Enfers sont un lieu de flammes, pour
les Grecs c'était surtout un lieu d'incorruptibilité,
un lieu fangeux pour les Romains, et un lieu de putréfaction
pour les Mésopotamiens. Nous renvoyons ici à l'amusant
petit essai d'Ornella Volta (O. VOLTA, Guide de l'Au-Delà,
Balland, 1972). - Retour texte
(20) Selon une interview de Gordon
Mitchell, après six mois de préproduction Emimmo
Salvi, diabétique, se suicida d'une balle de pistolet.
- Retour texte
(21) Le même que pour la tardive
édition italienne d'Il Massacro della Foresta Nera
(Ferdy Baldwyn/Ferdinando Baldi). - Retour
texte
(22) En fait, à l'orgine ce
film dont le héros était un lutteur et culturiste
iranien nommé Rod Flash (ou Rod Flash Ilush, ou encore
Richard Lloyd), Iloosh Khoshabe de son véritable nom,
n'était pas destiné au marché européen
mais proche-oriental. - Retour texte
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