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LA CENTURIE DES CONVERTIS
(page 1/2)
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Bruno CÉSARD (sc.), Manuel MORGADO (coul.) La
Centurie des Convertis (2 tomes en un), Fauvard éd.,
2011
Anna Luiza KOEHLER (d.) : 1. La Passion n'aura pas lieu
- Ricardo VENÂNCIO (d.) : 2. Les deniers du sang
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Entre
catch et catéchèse
Dans la maison de Lucius Maulius à Rome, se cache une
poignée de chrétiens échappés à
une rafle des prétoriens. L'un d'eux, l'apôtre Pierre
évoque pour ses ouailles les origines de leur Foi : des
faits dont trente ans plus tôt il fut témoin direct,
quoique pas toujours... Près de lui sont les tribuns Flavius
Cornelius et Equitus, son collègue. Avec d'autres légionnaires
romains convertis à la Foi nouvelle, ils ont créé
une milice d'autodéfense pour, de leurs persécuteurs,
protéger les prosélytes.
![centurie des convertis, dis seulement une parole](images/55i-conv/02.jpg)
«Je ne suis pas digne
que tu entres sous mon toit. Mais là, maintenant,
dis seulement une parole et il sera guéri.»
(...) «Je vous le dis en vérité,
même en Israël, je n'ai trouvé aussi grande
foi. Va, qu'il en soit ainsi. La vie revient en ton serviteur.
Qu'il en soit de même pour ton âme. Va.» |
Cornelius a été ce centurion qui eut foi en
Jésus-Christ au point de le prier de sauver la vie de son
serviteur mourant Equitus, aujourd'hui tribun lui aussi.
Cornelius aurait voulu des mains de ses bourreaux arracher Jésus,
«ce Juste». Mais il en fut empêché par
les soldats de son supérieur, Ponce Pilate.
Pierre évoque la trahison de Judas, et son triple
reniement personnel. Plus tard baptisé par Pierre, Cornelius
devint le premier disciple non-Juif et, portant la Bonne Nouvelle
aux quatre coins de la Méditerranée, s'associa aux
uvres missionnaires de ses frères en le Christ...
C'est alors que se déclenche l'incendie de Rome. Et
que se précisent des persécutions jusqu'alors latentes.
Pierre, Cornelius et Livia - la femme qu'il aime -, et aussi le
jeune L. Maulius, vont se retrouver promis au martyre dans le
cirque romain. C'est alors que, coup de théâtre,
l'on apprend l'identité du faux frère qui les a
tous trahis...
(Un résumé plus détaillé :
click. À ne pas
consulter si vous souhaitez d'abord lire l'album.)
1. Introduction historique
Commençons par dire ce que n'est pas La Centurie des
Convertis.
Il ne s'agit pas de la légendaire Légion thébaine
de [saint] Maurice qui, sous Maximien-Hercule, refusa de sacrifier
aux dieux de Rome et, en représailles, subit la décimation
(ca 302). Il ne s'agit pas non plus de cette chrétienne
cohorte mélitaine rattachée à la XIIe
Fulminata qui, vers 170-174 de n.E., obtint par ses
prières une pluie aussi salvatrice que miraculeuse, laquelle
sauva de la soif l'armée de Marc Aurèle engagée
contre les Quades (1)
(représentée scène 16 de la «Colonne
de Marc Aurèle», piazza Colonna à Rome). A
noter néanmoins que - fort logiquement - La Centurie
des Convertis rattache son tribun Equitus à cette même
XIIe, qu'elle cite à trois reprises (2),
puisque son théâtre d'opération était
la Syrie. Toutefois la «centurie» dont question dans
la BD était composée d'anciens légionnaires
de toutes provenances, constitués en milice chrétienne
d'autodéfense, opérant à Rome-même
et sous Néron, auprès de la communauté chrétienne
fondée par l'apôtre Pierre et le centurion converti
Corneille, devenu Flavius Cornelius dans la BD. Rien d'impossible,
quoique assez peu probable historiquement (3).
![colonne antonine, miracle de la pluie, legio fulminata](images/55i-conv/03.jpg)
Le miracle de la pluie, seizième panneau
de la Colonne de Marc Aurèle (Rome) [Wikipedia] |
A la page 60, le tribun Equitus évoque
l'hypothèse selon laquelle, suite à l'incendie,
Néron non seulement trouva l'opportunité de rebâtir
la ville nouvelle dont il rêvait, mais aurait en même
temps songé à profiter des circonstances pour éliminer
les adeptes d'une nouvelle religion. Nouvelle religion pernicieuse
pour l'Empire romain car elle circonvenait des soldats qui désormais
refuseraient de combattre, ou même se retourneraient contre
Rome - comme, précisément, cette «Centurie
des Convertis». De toute évidence, Equitus et ses
amis s'attribuent beaucoup plus de poids politique qu'ils n'en
avaient réellement en 64, soit trente ans après
la mort du Christ. Le groupuscule chrétien de l'époque
- deux ou trois cents individus ? - ne représentait rien
à côté du million d'habitants de l'Urbs.
D'un autre côté, il faut considérer
que ce conflit anachroniquement anticipé par le scénariste
vers le milieu du Ier s. de n.E. est un faux problème.
Ce n'était certes pas par lâcheté ou crainte
d'exposer leur vie dans les combats contre les Barbares que les
légionnaires chrétiens comme Maurice ou Sébastien
se découvraient des vocations d'objecteurs de conscience
- mais par conviction religieuse, refus de s'incliner devant les
dieux païens. Et il leur fallut beaucoup de courage, sinon
de fanatisme, pour s'opposer à la volonté de l'autorité
romaine. Equitus, Cornelius et leurs camarades de la «centurie»
n'étaient pas trop du genre à tendre l'autre joue
lorsque les soldats de Néron faisaient irruption dans les
réunions de catéchumènes - quand bien même
le chef leur donnait l'improbable consigne «ne tuez que
si vous y êtes contraints» (p. 8, 4e v.) !
Comme l'écrivait Jean Lartéguy
dans ses Centurions, «en tout communiste, il y a un militaire
qui sommeille». C'était sans doute vrai aussi
des chrétiens d'autrefois, ces communistes avant la lettre
qui prônaient le détachement des biens matériels
face à l'imminence de la Fin des Temps. Le Grand Soir,
si vous préférez. Mais qui sans doute, savaient
aussi et sans sourciller pourfendre le mécréant.
Chez Matthieu et Luc, Jésus est très équivoque
à ce sujet. «Je ne suis pas venu apporter la paix
mais l'épée» (Mt., 10 : 34), mais
aussi «Remets ton épée à sa place;
car tous ceux qui prendront l'épée périront
par l'épée» (Mt., 26 : 52). Après
la Dernière Cène, emmenant ses disciples sur le
Mont des Oliviers, il conseille : «Que celui qui n'a
point d'épée vende son vêtement et achète
une épée» (Lc., 22 : 36), puis
d'enchaîner : «En effet, ce qui me concerne touche
à sa fin.» Ils lui dirent : «Seigneur, voici
deux épées.» - «C'est assez»,
répondit-il» (Lc., 22 : 37-38). Cependant,
en remettant à sa place l'oreille tranchée de Malchus,
Jésus désavoue Pierre on ne peut plus explicitement.
On peut gloser sur le sens métaphorique du mot «épée»
employé ici, mais l'instinct de survie demeure profondément
ancré chez la plupart des hommes (4).
Etymologiquement, un «martyr» est
un soldat [du Christ], le terme venant de Mars, Martis,
le dieu de la guerre. Eusèbe de Césarée parlera
aussi d'eux comme des «athlètes du Christ»
au vu de leur aptitude à stoïquement endurer les plus
affreux tourments.
Entre catch et catéchèse, Bruno Césard. nous
a donc concocté une fable musclée... dont le héros
serait un certain centurion dont les Évangiles ainsi
que les Actes des Apôtres ont parlé.
2. Le Centurion Corneille
Nous sommes en 64, la veille du Grand Incendie de Rome. La première
partie - à l'origine, cette BD était prévue
en deux tomes, mais... compression des budgets - fait une large
part à la catéchèse en rappelant en flash-back
sépia le message du Christ et comment, trente ans plus
tôt, il ébranla les certitudes d'un centurion romain
de la Cohorte Italica. La seconde partie est plus musclée
et narre les exploits d'une poignée d'anciens soldats déserteurs,
qui protègent leurs coreligionnaires contre les persécutions
des prétoriens lancés à leur recherche. Tout
cela finira au cirque, sous les crocs des fauves, et dans des
scènes assez sanglantes qui tantôt lorgnent vers
le Quo Vadis de Kawalerowicz et tantôt vers le Gladiator
de Ridley Scott.
Le scénario trouve son origine dans la
fascination chrétienne pour l'armée romaine. Pour
Matthieu et Luc, le premier païen «craignant Dieu»
est un centurion de Capharnaüm, celui-là qui demanda
à Jésus de guérir son serviteur malade (Mt.,
8 : 5-13; Lc., 7 : 1-10).
8.5 |
Comme Jésus entrait dans Capernaüm,
un centenier l'aborda, |
8.6 |
le priant et disant : Seigneur, mon serviteur
est couché à la maison, atteint de paralysie
et souffrant beaucoup. |
8.7 |
Jésus lui dit : J'irai, et je le
guérirai. |
8.8 |
Le centenier répondit : Seigneur,
je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit; mais dis
seulement un mot, et mon serviteur sera guéri. |
8.9 |
Car, moi qui suis soumis à des supérieurs,
j'ai des soldats sous mes ordres; et je dis à l'un
: Va ! et il va; à l'autre : Viens ! et
il vient; et à mon serviteur : Fais cela ! et
il le fait. |
8.10 |
Après l'avoir entendu, Jésus
fut dans l'étonnement, et il dit à ceux qui
le suivaient : Je vous le dis en vérité,
même en Israël je n'ai pas trouvé une aussi
grande foi. |
8.11 |
Or, je vous déclare que plusieurs
viendront de l'Orient et de l'Occident, et seront à
table avec Abraham, Isaac et Jacob, dans le Royaume des Cieux. |
8.12 |
Mais les fils du Royaume seront jetés
dans les ténèbres du dehors, où il y
aura des pleurs et des grincements de dents. |
8.13 |
Puis Jésus dit au centenier : Va,
qu'il te soit fait selon ta foi. Et à l'heure même
le serviteur fut guéri. |
|
|
Luc : |
|
7.1 |
Après avoir achevé tous ces discours
devant le peuple qui l'écoutait, Jésus entra
dans Capernaüm. |
7.2 |
Un centenier avait un serviteur auquel il était
très attaché, et qui se trouvait malade, sur
le point de mourir. |
7.3 |
Ayant entendu parler de Jésus, il lui
envoya quelques anciens des Juifs, pour le prier de venir
guérir son serviteur. |
7.4 |
Ils arrivèrent auprès de Jésus,
et lui adressèrent d'instantes supplications, disant
: Il mérite que tu lui accordes cela; |
7.5 |
car il aime notre nation, et c'est lui qui
a bâti notre synagogue. |
7.6 |
Jésus, étant allé avec
eux, n'était guère éloigné de
la maison, quand le centenier envoya des amis pour lui dire
: Seigneur, ne prends pas tant de peine; car je ne suis
pas digne que tu entres sous mon toit. |
7.7 |
C'est aussi pour cela que je ne me suis
pas cru digne d'aller en personne vers toi. Mais dis un mot,
et mon serviteur sera guéri. |
7.8 |
Car, moi qui suis soumis à des supérieurs,
j'ai des soldats sous mes ordres; et je dis à l'un
: Va ! et il va; à l'autre : Viens ! et
il vient; et à mon serviteur : Fais cela ! et
il le fait. |
7.9 |
Lorsque Jésus entendit ces paroles,
il admira le centenier, et, se tournant vers la foule qui
le suivait, il dit : Je vous le dis, même en Israël
je n'ai pas trouvé une aussi grande foi. |
7.10 |
De retour à la maison, les gens envoyés
par le centenier trouvèrent guéri le serviteur
qui avait été malade. |
Quand aux Actes des Apôtres, ils
parlent d'un centurion de la Cohorte Italica qui résidait
à Césarée et qui invita Pierre à venir
le visiter. Surmontant son aversion pour les «gentils»,
Pierre répondit à cette invitation et comprit qu'aucun
homme n'était par essence impur aux yeux de Dieu. De cette
expérience découle que des non-Juifs furent depuis
lors admis au sein de la communauté chrétienne.
10.1 |
Il y avait à Césarée un
homme nommé Corneille, centenier dans la cohorte dite
italienne. |
10.2 |
Cet homme était pieux et craignait Dieu,
avec toute sa maison; il faisait beaucoup d'aumônes
au peuple, et priait Dieu continuellement. |
10.3 |
Vers la neuvième heure du jour, il vit
clairement dans une vision un ange de Dieu qui entra chez
lui, et qui lui dit : Corneille ! |
10.4 |
Les regards fixés sur lui, et saisi
d'effroi, il répondit : Qu'est-ce, Seigneur ?
Et l'ange lui dit : Tes prières et tes aumônes
sont montées devant Dieu, et il s'en est souvenu. |
10.5 |
Envoie maintenant des hommes à Joppé,
et fais venir Simon, surnommé Pierre; |
10.6 |
l est logé chez un certain Simon,
corroyeur, dont la maison est près de la mer. |
10.7 |
Dès que l'ange qui lui avait parlé
fut parti, Corneille appela deux de ses serviteurs, et un
soldat pieux d'entre ceux qui étaient attachés
à sa personne; |
10.8 |
et, après leur avoir tout raconté,
il les envoya à Joppé (etc.). |
Seulement nommé au chapitre 10 des Actes
des apôtres, le centurion Corneille s'inscrit encore
en filigrane du 11 qui débat de l'intégration des
Gentils au sein de la Communauté judéo-chrétienne.
Que fit-il ensuite ? Suivit-il l'apôtre Pierre dans ses
pérégrinations missionnaires, comme le conte La
Centurie des Convertis ? En tout cas une tradition le fait
voyager en Phénicie, à Chypre, Antioche et Éphèse.
où il annonce la Bonne Nouvelle; une autre le voit premier
évêque de Césarée, ou de Scepsis en
Mysie (5).
À Scepsis, après avoir suscité un tremblement
de terre qui fracassa le temple païen où le philosophe
Dimitris voulait le contraindre à sacrifier aux idoles,
il sauva la vie d'Euanthia et Dimitrien, épouse et fils
dudit Dimitris, miraculeusement préservés sous les
décombres. À la suite de quoi les trois se convertirent.
Saint Corneille vécut jusqu'à un âge avancé.
Près de son tombeau, une plante poussa qui guérissait
toutes les maladies (click).
Mais n'est-ce pas-là justement le sens d'eu-anthias,
la «bonne fleur» ?). Au Ve s., Silvain évêque
de Troas - dont Scepsis était du ressort - retrouva sa
tombe et déposa ses reliques dans l'église qu'il
fit bâtir en un lieu appelé Trigono. L'Église
catholique romaine le célèbre le 2 février;
l'orthodoxe le 13 septembre (6).
![saint corneille](images/55i-conv/04.jpg)
Point besoin pour le centurion
Corneille d'avoir les biscottos de Maciste ou de Samson
: quelque patenôtres judicieusement choisis lui suffiront
pour faire s'effondrer sur les malheureux païens le
temple idolâtre de Scepsis [source : Wikipédia] |
3. Le Centurion Longin
Le tout premier païen à s'être converti était
donc un centurion romain. Ni Matthieu ni Luc ne le nomment, mais
les Actes l'appellent Corneille. Un autre centurion romain
se tenait au pied de la croix du Christ et commandait le détachement
de ses bourreaux. Au vu des prodiges qui marquèrent le
dernier souffle de Jésus, il se serait exclamé qu'«assurément,
cet homme était Fils de Dieu» (Mc, 15
: 39; Mt, 27 : 54). Selon Luc, «le centenier,
voyant ce qui était arrivé, glorifia Dieu, et dit
: Certainement, cet homme était juste» (Lc,
23 : 48). Lorsque Luc dit qu'il «glorifia Dieu»
- qui ne peut être que celui d'Israël -, il sous-entend
implicitement que cet officier romain était judaïsant,
comme son collègue de Capharnaüm. En fait, il aurait
pu s'agir du même au gré d'une nouvelle affectation
militaire.
Jean ne raconte pas l'anecdote de la même manière
que les autres synoptiques : un soldat dont il ne précise
pas le grade lui perce le flanc de sa lance, afin de s'assurer
du décès du supplicié. De la plaie coule
du sang et de l'eau (Jn, 19 : 34). A côté
du centurion frappé par la grâce des trois autres
évangélistes, il y a donc ce simple légionnaire
qui ne va pas tarder à devenir dans la tradition hagiographique
un autre centurion : Longinus ou Longin - du grec lonché,
«lance». Chez les orthodoxes il deviendra un saint
et, chez les catholiques, une créature maudite. Sur ce
site, nous en avons déjà parlé à propos
du feuilleton Roar.
Un autre centurion encore, Julius, commandait le détachement
auquel se joignit Paul, envoyé à Rome pour être
présenté au tribunal de l'Empereur romain (7).
Pour un romancier ou un hagiographe - quelle différence
? - il peut être tentant de relier ces divers centurions,
pour n'en faire qu'un seul personnage de «craignant Dieu»,
qui se joignit aux premiers apôtres dans leur prédication.
![corneille et longin, cornelius, longinus](images/55i-conv/05.jpg)
Empêché de se
joindre à l'escorte qui doit conduire Jésus
au lieu de son supplice, le centurion Cornelius recommande
à son collègue Longinus de faire son travail
sans cruauté excessive. Remarquons la lorica segmentata
de ce dernier. La large plate entre les épaules dénote
des conceptions du XIXe s.
Il pourrait être tentant de relier Corneille et Longin.
Rien à voir en tout cas avec le poète Corneille
Longin dont deux épigrammes figurent dans l'Anthologie
grecque (8)
! |
C'est sur ce faisceau de convergences que donc
surfe le scénario de Bruno Césard, qui imagine la
suite des aventures du centurion Corneille, devenu ici Flavius
Cornelius. D'autres avant lui s'y étaient essayés,
notamment Lloyd C. Douglas dans son roman La Tunique (1945)
- dont on tira le film homonyme en 1953, avec Richard Burton et
Victor Mature. Chargé de superviser l'exécution,
le tribun Marcellus Gallio (Burton) est très éprouvé
par les prodiges qui entourent la mort du Christ, mais ce sera
son esclave grec Démétrius (Mature) qui se convertira
le premier. Quant à Paulus, le centurion «de service»
(Jeff Morrow), c'est une brute épaisse de qui on est redevable
de cette mémorable réplique : «Alors, Tribun
! Jamais planté de clous dans de la chair humaine ?»
![la tunique, centurion paulus](images/55i-conv/06.jpg)
«Alors, Tribun ! Jamais planté
de clous dans de la chair humaine ?» Ne perdons
jamais de vue que La Centurie des Convertis est aussi
un hommage de Bruno Césard au péplum |
4. La bande dessinée
Il est de bon ton, et c'est même un exercice
obligé pour tout auteur de critique, de relier l'uvre
au contexte politique qui l'a vu naître. «La
Centurie des Convertis porte ses valeurs sacrificielles comme
point d'orgue de sa genèse, déclare Bruno Césard.
Elle ne se revendique d'aucune église et se veut une
grande histoire d'Amour, de trahison et de rédemption au
sens le plus large.»
En ce début du Troisième millénaire qui
voit nombre de communautés chrétiennes persécutées
dans le monde (n'en disons pas plus, le sujet étant par
définition «politiquement incorrect» !), il
était donc tentant pour un scénariste de conviction,
d'imaginer une «Passion du Christ» autrement plus
musclée que les habituelles doucereuses hagiographies de
Jijé (Emmanuel, 1942), Pilamm (Alerte en Palestine,
1947) ou Frank Hampson (The Road of Courage, 1983). Dans
le registre catho-intégriste, Mel
Gibson nous avait déjà valu un film-choc. Difficile
de ne pas y songer en lisant La Centurie des Convertis,
à cette nuance près que ce n'est pas la Passion
en elle-même qui ici est sanglante, mais les péripéties
auxquelles sont mêlées Flavius Cornelius et les autres
prosélytes. Quel contraste entre les scènes de la
Passion dessinées par Anna Luiza Koehler et le gore
movie de Gibson ! En revanche... les scènes avec les
fauves, dessinées par Ricardo Venâncio... décoiffent
un tantinet. Dans ce double album de 104 planches, deux histoires
se répondent en montage alterné : en sépia,
l'évocation de la Passion soit 43 pages, et en polychromie
la persécution des chrétiens, soit 61 pages (9).
Un bon 40 pour cent de l'album condense donc la Passion. Mais,
développant - ou délayant ? - les jeux du cirque,
60 autres pour cent conjuguent Léon Gérôme
avec Jerzy Kawalerowicz et Jan Styka (10)
: scénariste et dessinateur s'en donnent à cur-joie
!
5. Un
chrétien militant ?
Militant. De miles, militis : «soldat.»
«Au dessus de tout, sur le chemin de mon existence, et
ce dès ma plus jeune enfance, le Christ resplendit en majesté
et en humanité», confesse Bruno Césard
en postface de son album. «... Je rêvais d'événements
qui seraient venus contrarier le déroulement de l'Histoire
(...), il devait bien exister au moins un homme à cet
instant pour se lever, avec bravoure et par Amour pour Lui, afin
que sa Passion n'ait pas lieu !
»Me nourrissant
du Nouveau Testament relu et révélé, de péplums
revisionnés; ceux des années '50-'60 comme Ben
Hur, La Tunique, Quo Vadis ou bien encore m'imprégnant
de la théâtralité du genre «pépluméen»
dépoussiéré plus récemment par Ridley
Scott et son Gladiator : J'ai cheminé.»
Une BD chrétienne qui est aussi un
vibrant et musclé hommage au péplum, qu'il
s'agisse de clins d'il à Gladiator (p.
ex. la formation en triangle des gladiateurs chrétiens,
dans l'arène) ou ci-dessus cette composition inspirées
d'un plan de Ben Hur comme la crucifixion. Tel casque
de gladiateur nous renvoie tout droit à Victor Mature
dans Les
Gladiateurs... |
«Le lecteur - note encore Bruno Césard -
ne s'étonnera donc pas du parti pris scénaristique
tant pour le fond spirituel que pour la forme très cinématographique
de cette uvre tant chérie... et désirée.
En effet, depuis la toute première ligne d'écriture,
le chemin fut pentu, semé d'embûches.»
Une troisième source d'inspiration sera la peinture. «Prêtez
bien attention : si Leonard de Vinci respire derrière
La Cène ou bien encore que l'on sente poindre Gustave
Doré durant La Passion, c'est Rembrandt qui accompagne
ma revisite des Pèlerins d'Emmaüs et Jean Léon
Gérôme qui perce et transperce au cirque de Néron.»
![golgotha](images/55i-conv/09.jpg) |
La Centurie
des Convertis organise un incessant aller-retour
entre la trame de la Passion et le martyre des chrétiens
dans l'arène. Au trio du Golgotha (Jésus
le Fils, sa Mère Marie et le Père céleste)
répond, à Rome, le Fils Lucius, sa Mère
Livia, et le Père Flavius Cornelius, juché
en haut de sa croix, qui aura enfin la révélation
de sa paternité : «Tribun, voici ton
fils», murmurera la mère, avant d'expirer
piétinée par les taureaux furieux...
[«Jésus, voyant sa mère, et auprès
d'elle le disciple qu'il aimait, dit à sa mère:
Femme, voilà ton fils. Puis il dit au disciple
: Voilà ta mère. Et, dès ce moment,
le disciple la prit chez lui» (Jn,
19 : 26-27).] |
![centurie des convertis](images/55i-conv/10.jpg) |
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Deux histoires parallèles... et des personnages dédoublés.
Au tremblement de terre et autres prodiges qui ponctuent la mort
du Christ, répond l'incendie de Rome et son cortège
d'horreurs. Equitus est le doublet de Judas, et incarne donc le
mal nécessaire (11).
De même Cornelius, qui théologiquement est le doublet
de Pierre (comme Barnabé celui de Paul), l'est plus formellement
encore dans la BD en voulant par les armes défendre le
Christ. Mais mieux que le Pierre des Évangiles, le Cornelius
bédéique n'a jamais renié ses convictions.
C'est seulement le nombre de ses adversaires qui le contraint
à renoncer à sa charge désespérée
et généreuse. Il est contraint de renoncer à,
par les armes, sauver Jésus. À la suite de quoi,
il déserte l'armée romaine.
En fait, si Pierre est Jésus (puisqu'il est son vicaire),
Cornelius également procède de l'apôtre pêcheur.
Et Cornelius tout comme Pierre - et avant eux Jésus - finit
crucifié, quoique finalement gracié par le peuple,
lui qui du haut de sa croix érigée dans le cirque,
protège Lucius et Livia contre la charge des taureaux sauvages...
Il sera le seul survivant de la triade fils-mère-père.
Peut-être une manière de signifier que c'est l'Église
des Gentils qui aura le dernier mot ?
![tout est accompli](images/55i-conv/11.jpg)
Une uvre révérencieuse,
mais qui n'exclut pas la sensibilité. Ainsi Bruno
Césard, avec une certaine logique, s'écarte
des textes en attribuant pour ultimes paroles à Jésus
: «Maman !» |
6. Chemin de Croix
Cinq ans pour mener à bien cet album, cinq années
à tirer les sonnettes des éditeurs. L'idée
d'une substitution du Christ, déjà exploitée
par Félicien Champsaur (Le Crucifié, 1930),
a semblé revenir dans Le Casse/2 : Le 3e Jour - Jérusalem,
6 avril de l'an 30 (Henri Meunier & Richard Guérineau).
Cet album paru chez Delcourt en 2010 ne reprend pas le pitch
de La Centurie..., quoi qu'ait pu en penser Bruno
Césard !
Dans Le Casse/2, Jacques et Marie-Madeleine n'empêchent
pas le déroulement de la Passion, mais visent simplement
à dépendre de sa croix le Christ (drogué)
tant qu'il est encore vivant, puis à dérober son
corps au nez et à la barbe de ses bourreaux. C'est une
BD humoristique et malicieuse, illustrant le fait que la fin justifie
les moyens, et que la Loi est faite pour être interprétée
et contournée.
Cela peut sembler irrévérencieux, mais cette dernière
BD n'a rien à voir avec le scénario de Bruno Césard,
pour sa part tout pétri de respect. N'oublions pas que
ni les Monophysites ni les Ariens ni le Coran ne pouvaient concevoir
la double nature mortelle-divine de Jésus, Dieu ne pouvant
expirer sur une croix ! Respectueuse de l'esprit et de la lettre
du dogme catholique de la double nature, à la fois divine
et humaine, de Jésus-Christ, La Centurie des Convertis
est bien évidemment tout le contraire de cette parodie.
![le casse, le troisieme jour](images/55i-conv/12.jpg)
7 avril de l'an 30. Jésus
de Nazareth a été condamné, il sera
crucifié. Impossible d'interférer dans ce
qui semble déjà écrit. Impossible de
dérober Jésus à de telles autorités.
Impossible d'aller contre les desseins de l'Éternel.
Impossible ? Marie Madeleine et Jacques le Juste ne l'entendent
pas ainsi. Contre tous, y compris contre la volonté
de Jésus lui-même, ils le libéreront...
mort ou vif |
7. Coups d'épée
Quant à la reconstitution de Rome en elle-même,
elle semble assez juste : le cirque du Vatican est correctement
désigné, les costumes des prétoriens sont
conformes au bas-relief du Louvre et le glaive
«Mainz» reste plausible, quoique le «Pompéi»
eut sans doute été plus judicieux.
Enfin, un Peter Ustinov complètement ravagé inspire
ce Néron hideux à souhait. Un peu trop peut-être,
d'ailleurs ! Plus loin, le cognomen impérial «Augustus»
est hasardeusement attribué comme nomen à
un simple particulier. On s'étonnera en effet de ce qu'une
ouaille chrétienne puisse se nommer «Caius Augustus»,
et de surcroît être l'époux d'une (12)
Livia.
![cirque du vatican](images/55i-conv/13.jpg)
Un Cirque du Vatican plausible, son aspect
réel ne nous étant plus guère connu
que par les aquarelles de Pieter Jansz Saeredam (1629) |
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![centurie des convertis](images/55i-conv/14.jpg) |
La Centurie
des Convertis nous propose une reconstitution assez
satisfaisante de Rome, décors, costumes et armes.
Ces prétoriens et ces «gladiateurs»,
qui sont en fait des légionnaires chrétiens,
manient des glaives
de type «Mainz», d'époque augustéenne.
En revanche leurs boucliers ronds, inspirés de
celui des hoplites de la Grèce classique avec
le porpax (brassard) et l'antilabè
(poignée), sont nettement obsolètes. Il
semble toutefois que les deux types de poignées
de bouclier aient coexistés dans la Rome du Ier
s. de n.E. : à côté des boucliers
à umbo, que l'on tient au bout du poing,
le système à brassard et poignée
- quelque peu différent, tout de même -
semble avoir survécu notamment chez les gladiateurs
samnites...
Ci-dessous : comme sur le fameux bas-relief du
Musée du Louvre, supposé représenter
des prétoriens, ceux dessinés par Koehler
et Venâncio portent une surtunique bleue. On ne
connaît pas exactement la couleur portée
par les prétoriens, mais l'on a supposé
qu'elle suggérait la pourpre sans être
de la pourpre (privilège de l'Empereur) : du
bleu ou du violet... |
![centurie des convertis](images/55i-conv/15.jpg) |
|
Enfin, si La Centurie des Convertis a été
«accouchée» dans la douleur, cela se remarque
à certaines défaillances du scénario qui
semble avoir été plusieurs fois remanié,
retravaillé. De ce laborieux enfantement, il subsiste des
scories.
Comment le centurion Cornelius - qui a déserté l'armée
romaine pour se joindre à Pierre et aux autres disciples
- peut-il trente ans plus tard porter le grade de tribun ? Et
comment un affranchi comme Equitus, a-t-il pu, après la
désertion de son ancien maître le centurion, intégrer
l'armée pour finalement atteindre lui aussi le grade de
tribun militaire ?
8.
Dans le Cirque de Néron
D'emblée, la BD n'attribue l'incendie de Rome à
personne en particulier, si ce n'est - selon Néron - aux
chrétiens.
Observons que les chrétiens crucifiés et brûlés
dans le cirque le sont en plein jour, avec du reste très
peu de spectateurs. Or les textes nous disent qu'ils furent transformés
en torches humaines la nuit. A quoi serviraient des «torches»,
autrement ? Le premier sera Pierre, crucifié tête
en bas, comme il se doit. Contra : les exécutions
de criminels avaient lieu sur le coup de midi. Ajoutons-y l'influence
des toiles de Gérôme, dont se réclame le scénariste/auteur.
Ensuite, les chrétiens doivent affronter comme andabates
(gladiateurs au casque aveuglé) d'autres gladiateurs jouissant,
eux, de leurs facultés visuelles. En se regroupant à
la manière des légionnaires, ils finissent par triompher
sous les acclamations de la foule (claire allusion à Gladiator).
Voilà qui laisserait pantoise l'expertise des groupes de
reconstitution expérimentale : à armes égales
ou équivalentes, un duel pouvait être conclu en quelques
secondes n'eusse été la nécessité
de donner du «spectacle» à voir; a fortiori
dans un sine missio à armes inégales - aveuglés
contre voyants !
Ensuite, on leur rend leur capacité visuelle, et les gladiateurs
chrétiens sont engagés comme bestiaires contre les
fauves. La plupart d'entre eux succomberont, mais non sans avoir
égorgé tous les fauves.
On dresse alors une croix pour Flavius, qui n'y est pas cloué
mais lié (pour que ça dure plus longtemps, ce qui
risque de durer des jours car l'homme est costaud). Livia est
à ses pieds, libre de ses mouvements. Apparaît Equitus
sur un quadrige, où il est enchaîné par la
main gauche. À l'autre bout de la piste sont introduits
trois taureaux noirs. Le traître convoitait Livia pour lui-même.
C'est lui qui, de mèche avec les ministres de Néron,
avait dénoncé ses camarades chrétiens. Pour
corser l'intérêt, on leur amène le jeune Lucius
Maulianus (dont on apprendra bientôt qu'il est le fils de
Livia et de Flavius). Récupérant de sa main libre
le trident abandonné d'un rétiaire, il tue successivement
deux des taureaux, qui traquaient Livia cachée derrière
la croix de Flavius. Ceux-ci, percutant l'instrument du supplice,
finissent par le faire tomber tandis qu'Equitus - désormais
désarmé -, dans une charge suicidaire tue le dernier
taureau. Livia a entre-temps été tuée, tandis
que Lucius découvre son vrai père en même
temps qu'il perd sa mère. Son vrai Père qui est
sur la Croix ! On se demande bien pourquoi - spectateur obligé,
il n'a en rien pu intervenir dans le combat -, mais la plèbe
réclame la grâce de Flavius Cornelius, qui peut fermer
les paupières de son ami Equitus, le traître héroïque
! Le second Judas.
![neron, peter ustinov](images/55i-conv/19.jpg)
Un Néron ustinovien complètement
ravagé... |
9.
Les auteurs
9.1. Bruno Césard
Le parcours de Bruno Césard est conséquent,
pluridisciplinaire, donc forcément hétéroclite.
Issu du jeu vidéo qu'il scénarise auprès
de graphistes et programmeurs à la fin des années
'80, il a également écrit quelques ouvrages
assez novateurs initiant le grand public à la micro-informatique.
Il fit un break au début des années
'90 en tant que sportif professionnel accroché sous
un parapente motorisé dont il est également
l'un des découvreurs. Détenteur de deux records
du monde avec cet engin, médiatisé dans Ushuaia
sur TF1, il met un terme à cette carrière
éclair puis «se cherche» en passant par
l'animation d'une chronique «aventure» piquante
et hebdomadaire sur une radio FM, mais aussi en exerçant
d'autres activités souvent plus alimentaires qu'artistiques.
Il finit par retourner à ses premières amours
«digitales» et devient tour à tour :
formateur en entreprise, consultant en multimédia
puis webmaster au début des années 2000 salué
par ses pairs pour l'ergonomie et le design de ses réalisations
très personnelles. Il se partage entre sa passion
du sport automobile en co-organisant un événement
au Mans en 2003, et l'écriture qui toujours le tenaille.
En 2005, il rédige le premier opus de la BD La
IIe Rédemption, dessinée par Gildas Java.
L'album sort en 2006 et sa suite et fin en 2007, aux éditions
Déméter.
2010 est l'année de l'auto-édition; il créé
son propre label associatif de BD : Fauvard éditeur.
Sort cette année-là le premier opus (sur six
prévus) de La Rose et l'Aigle (fin 2010) fable
historique animalière sur la vie de Joséphine
de Beauharnais qu'il scénarise sous le crayon de
Renaud Eusèbe, dessinateur et peintre parisien. L'album
est nominé pour le prix du nouveau talent 2011 au
festival européen de la BD à Nîmes en
2011.
Le tome 2 sort en octobre 2011, ainsi que le péplum
La Centurie des Convertis réunissant un collectif
de quatre auteurs pour cette très ambitieuse histoire
complète de plus de 120 pages. (B.C.). |
|
9.2. Anna Luiza Koehler
Dessinatrice du tome 1, La Passion n'aura pas lieu, Anna
Luiza Koehler. «La pureté du dessin académique
de la brésilienne Ana Luiza Koehler trouva ainsi sa continuité
dans le trait vif, expressif et en mouvement qu'apporta ensuite
le non moins talentueux artiste portugais Ricardo Venâncio»,
dira d'elle Bruno Césard. En 2007, elle réalise
une série d'illustrations pour l'Osterburken Roman Museum,
et en 2009 AWRAH, chez D. Maghen (Paris).
9.3. Ricardo Venâncio
Le Portugais Ricardo Venâncio, qui a dessiné le tome
2. Les deniers du sang, est illustrateur depuis 1999. Il
a participé à la conception de videos clips, de
livres pour enfants et d'animations. Son premier album de BD,
Defier (2008), a été réalisé
en solo.
9.4. Manuel Morgado
Manuel Morgado est un illustrateur collaborant à de nombreux
magazines ainsi qu'à plusieurs BD depuis 2001. «Coup
de patte ? Incontestable !» juge Bruno Césard.
10. Du même scénariste
Bruno CÉSARD & Gildas JAVA, La
IIe Rédemption - Tome 1, Déméter, 2007
Fin 2004. Suite à une dispute, David et Linda, couple
en perdition, disparaissent dans un accident de voiture dans les
environs de Prague. L'âme de Linda monte aux cieux, celle
de David est happée par les Enfers au centre de la terre.
Ange céleste, Linda revient quelques mois plus tard et
déchoit volontairement, reprend corps et retrouve Stéphane,
celui qu'elle a toujours aimé. Sa mission est double :
sauver l'âme de ce dernier, génial physicien, de
la corruption indubitablement liée au succès annoncé
de la mise en fonction imminente d'une machine capable d'envoyer
des messages dans le temps : le Quanta fhone, et contrer les forces
maléfiques qui travaillent à s'en emparer. Ce faisant,
elle lui révèle un des grands secrets de l'existence.
Les convictions et les sentiments de Stéphane sont mis
à mal dans ce tourbillon euphorisant d'informations venant
du futur et lui permettant la mise au point du dispositif temporel
avant l'heure. Les conseils, les révélations mais
aussi les injonctions de Linda ne cherchant qu'à le mettre
en garde entre autres envers son premier assistant Zarka, possédé
par âme damnée de David, ne trouvent aucun écho
chez Stéphane. Lorsque ce dernier en prend réellement
conscience, il est trop tard. Pris en chasse en voiture par le
démoniaque Zarka/David, il est sérieusement blessé
et ne doit son salut qu'à l'intervention de Starck, l'ex-flic,
que Linda sans qu'il le sache, a engagé pour lui servir
de garde du corps.
Bruno CÉSARD
(sc.) & Renaud EUSÈBE (d.), La Rose et l'Aigle,
2011
La Rose et l'Aigle a tout d'une fable animalière. Car
probablement tout a été dit, écrit, filmé
sur Napoléon et Joséphine. Tout ? Si l'histoire
s'est attachée à la trajectoire de l'Aigle et de
sa bien-aimée, très peu en revanche n'a filtré
sur l'implication idéologique de cette épouse avant
et sous l'Empire. Ses sentiments dictent ses actes. Rose courtise
afin de pouvoir vivre au-dessus de ses moyens, mais si elle intrigue
et complote par conviction, il n'en demeure pas moins vrai qu'elle
ambitionne de nature !
Rose, à qui l'on a prédit enfant un avenir d'exception,
est un rapace dans La Rose et l'Aigle - un faucon crécerelle
dans un monde en ébullition puis en révolution,
où le peuple insecte se repaît des cadavres d'oiseaux
aristocrates passés par l'échafaud. Les liens très
étroits qu'elle a, par le passé, noué avec
le couple royal pourraient pousser Rose, avec l'aide de complices,
à faire évader le jeune Louis XVII du Temple.
Plus tard elle aura sa propre police secrète, à
l'instar du corbeau Fouché «et peut être même
pour lui»... Manipulée ou consentante ?...
Elle uvre néanmoins dans l'ombre de son impérial
époux qui insatiable de conquêtes, fait alors couler
le sang des grognards, insectes bruissant sur les champs de bataille
de toute l'Europe. La fin de l'Empire sonne alors et Rose Joséphine
tombe aussi sous les manigances du vieux hibou vicieux et boiteux
de Talleyrand. Et si ce dernier souhaitait sa disparition ? Si
la thèse est osée, les motifs, eux, étaient
suffisants.
L'Aigle en exil mourra de semblable manière. Ses derniers
mots seront pour Joséphine.
Derrière le masque de plus de trois décennies d'Histoire,
et bien loin de la botaniste attachée aux arts, La Rose
et l'Aigle s'attache à peindre la fresque sans complaisance
de Rose Joséphine douce et faillible mais également
combative, intuitive dans l'action; parfois aventureuse car aventurière,
libertine parce que libre. Si La Rose et l'Aigle - tout
empreinte du romantisme de cette époque, de la vie et des
rêveries de son héroïne, de la psychologie de
ses personnages récurrents -, transcendée par la
poésie de son illustration, n'est assurément pas
une énième uvre napoléonienne, n'est-elle
vraiment «qu'une fable» ?... |
«La vérité historique est souvent une
fable convenue» (Napoléon Bonaparte).
|
Suite… |
NOTES :
(1) Dion Cassius attribue cette pluie
salvatrice à Mercure, invoqué par le mage égyptien
Harnuphis attaché à Marc Aurèle (DION,
LXXII, 8-10). L'abréviateur byzantin de Dion Cassius,
Xiphilin, l'attribue bien entendu au Dieu chrétien. TERTULLIEN
(Apologétique, V, 5 et À Scapula,
IV) parle de la pluie par laquelle les chrétiennes prières
sauvèrent l'armée de Marc Aurèle, mais
sans préciser le nom de l'unité à laquelle
ces légionnaires appartenaient. - Retour
texte
(2) Centurie des Convertis,
pp. 75 (7e v.), 89 (1ère v.) et 101 (7e v.). On sait
qu'en 38/36 av. n.E. la XIIe suivit Antoine en Syrie contre
les Parthes. Et qu'elle y était encore en 62 de n.E.
sous les ordres de Pætus, légat de Corbulon, quand
elle se fit étriller par les Parthes en Arménie,
désastre auquel Equitus fait expressément référence
p. 101. - Retour texte
(3) Cizek a émis l'hypothèse
selon laquelle la persécution des chrétiens par
Néron aurait pu commencer dès 62, soit deux ans
avant l'incendie de Rome censé marquer le début
de la Première persécution. Et si le centurion
de l'Évangile a pu se convertir, rien ne s'oppose non
plus à ce que d'autres soldats romains aient pu opérer
le même choix que lui, bien évidemment. Reste quand-même
que tout ceci est fort utopique et relève des choix du
romancier... - Retour texte
(4) Des esprits critiques ont eu beau
jeu d'en tirer arguments pour avancer que, descendant du roi
David - comme l'explicite sa généalogie dans les
Évangiles (Mt, 1 : 1-17; cf. Lc, 3 : 23),
Jésus condamné comme «roi des Juifs»
(I.N.R.I.), aurait été un rebelle de sang
royal aspirant réellement à réhabiliter
sa dynastie et à chasser les Romains (G. Messadié,
R. Ambelain). Tout un programme ! Ensuite soigneusement poncé
par le christianisme ?
En toutes circonstances, la «théorie du complot»
aura de beaux jours. Mais que savons-nous réellement
des origines du christianisme, de la rédaction des Évangiles...
- Retour texte
(5) Selon Dom
Calmet, «Usuard et les autres Latins font saint
Corneille évêque de Césarée en Palestine.
Les Constitutions apostoliques mettent aussi un Corneille pour
évêque de cette ville, après Zachée;
mais elles ne disent pas que ç'ait été
le centenier dont nous parlons ici. Eusèbe, qui était
évêque de cette Église, ne le compte pas
parmi ses prédécesseurs. Les Actes que l'on a
de saint Corneille ne sont point une pièce originale,
ni authentique. Les nouveaux Grecs le font évêque,
les uns d'Illium, et les autres de Scepsis, qui n'en est pas
loin. Les Grecs, dans leurs Ménologes, le traitent
de martyr. (...) Saint Jérôme témoigne
que la maison que Corneille avait à Césarée,
fut depuis changée en église, que sainte Paule
visita par dévotion, l'an de J.-C. 385». -
Retour texte
(6) Charles-Louis RICHARD (O.P.),
Dictionnaire universel, dogmatique, canonique, historique,
géographique et chronologique des sciences ecclésiastiques,
Paris, Boitse éd., 1762, t. V, p. 444; rééd.
1825, t. XXI, p. 103. Cf. Office à saint Corneille
traduit en français par le père
Denis Guillaume (Ménées, t. IX). -
Retour texte
(7) «Lorsqu'il fut décidé
que nous nous embarquerions pour l'Italie, on remit Paul et
quelques autres prisonniers à un centenier de la Cohorte
Auguste, nommé Julius» (Actes, 27 :
1). - Retour texte
(8) Anthologie grecque - Notices biographiques
et littéraires sur les Poètes
de l'Anthologie. - Retour texte
(9) Première partie (52 pl.)
: 32 sépia; seconde partie (52 pl.) : 11 sépia.
Pour calculer au plus juste, nous avons approximativement tenu
compte de ce que parfois le sépia n'occupait qu'une demi-page
ou deux tiers de page. - Retour texte
(10) Le peintre Jan Styka fut le
premier illustrateur de Quo Vadis. On retrouve en noir
et blanc ses superbes compositions dans l'édition Flammarion
de 1903 en trois volumes (trad. E. Halpérine-Kaminsky).
- Retour texte
(11) Cf. Claude AZIZA, «Judas,
le premier martyr...», L'Histoire, n¡ 83, novembre
1985, pp. 50-58. - Retour texte
(12) Augustus n'est pas un nom romain,
mais un titre religieux signifiant «saint», «consacré»
avant que d'entrer dans la titulature impériale. Caius
Julius Cæsar Octavianus, devenu Imperator Cæsar
Augustus, qui avait épousé une Livia Drusilla.
Mais peut-être Bruno César[d] s'est-t-il tout simplement
à lui-même adressé un private joke
? - Retour texte
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