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ALIX SENATOR
1. Les Aigles de Sang
2. Le Dernier Pharaon
Valérie Mangin (sc.) &
Thierry Démarez (d.)
[Page 1/3]
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(© Casterman éd.) |
De l'injure du temps
l'irréparable outrage...
Les Aigles de Sang
12 av. n.E. Au pied du mont Circé, un cavalier surpris
par l'orage est agressé par un aigle aux serres d'or, l'oiseau
de Jupiter. On retrouvera son corps le lendemain, éventré
et à demi-dévoré par des porcs : il s'agit
du Grand Pontife, M. Æmilius Lepidus, «le dernier
rival d'Auguste».
Quelque temps après, le premier Augure lit dans le
vol des aigles au-dessus du Palatin la volonté de Jupiter
de voir Auguste désigné comme Pontifex Maximus
pour succéder au défunt. Il l'intronise à
la tête de la religion romaine, dernier titre qui manquait
encore à sa gloire. Cependant, une autre mort vient troubler
le triomphe de l'Empereur, celle d'Agrippa, son gendre et fidèle
compagnon d'armes.
Proche d'Auguste, Alix est maintenant sénateur. Il se voit
confier la délicate mission de résoudre l'énigme
de ces morts violentes. Une enquête où son fils et
celui d'Enak vont se trouver mêlés...
Soixante-quatre ans après la parution des premières
planches dans Tintin, Alix est, comme Dorian Gray, rattrapé
par son âge.
Le Dernier Pharaon
L'Égypte, la plus riche province de l'empire, représente
de gros enjeux financiers et Auguste craint qu'un sénateur
ou qu'un puissant notable y consolide sa fortune et y lève
une armée contre lui. Une telle situation priverait Rome
de son approvisionnement en blé, or l'essentiel de celui
que mangent les Romains vient d'Égypte. Même le meilleur
ami d'Auguste, Mécène, qui possède de grandes
propriétés égyptiennes n'a pas le droit de
s'y rendre (1)
!
Un sénateur romain n'est pas trop le
bienvenu dans une province procuratorienne, aussi le préfet
d'Égypte ne le lui envoie-t-il pas dire... |
C'est là, cependant, qu'a trouvé refuge le général
félon Rufus, pourchassé par le sénateur Alix
mandaté par l'Empereur. On y apprendra les circonstances
exactes de la disparition d'Enak et de l'adoption par Alix de
son fils Khephren. Mais Valérie Mangin n'oublie pas pour
autant qu'elle est aussi une auteure de science-fiction, et -
quoique plus proche de «Blake et Mortimer» que des
films de Roland Emmerich - nous promet d'étranges révélations
sur l'origine des pyramides.
Saluons la reconstitution par Thierry Démarez de l'Alexandrie
des Ptolémées, ville grecque certes, mais qui a
largement bénéficié du pillage des monuments
pharaoniques comme nous l'ont appris de récentes fouilles
archéologiques (2).
Jacques MARTIN, Valérie
MANGIN (sc.) & Thierry DÉMAREZ (d.),
Alix Senator/1 : Les Aigles de Sang, Casterman, septembre
2012
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Alix Senator/2 : Le Dernier Pharaon (parution :
11 septembre 2013) |
Introduction
Soixante-quatre ans après la parution des premières
planches dans Tintin (1948), Alix remet les pendules à
l'heure. L'éternel adolescent a mûri. Si sa silhouette
est toujours aussi racée, ses cheveux ont blanchi tandis
qu'un pli amer lui ridule la commissure des lèvres. Alix
s'est évadé de la bulle spatio-temporelle où
l'avait confiné la série mère, même
si - tenant compte de la chronologie - les derniers albums dus
à ses épigones avaient commencé à
accuser le temps : Le Testament de César (Venanzi)
se situait à l'automne -46, et le 17 mars -45 eut lieu
la bataille de Munda dont il est question dans L'Ibère
(Maingoval-Weber & Simon). Alix et Enak se sont mariés
- mais non, pas entre eux ! Médisants ! (3)
- et ont eu des enfants. Titus et Khephren. Khephren a été
adopté par Alix car son père Enak a disparu quelques
années plus tôt, probablement mort (mais il reviendra...
dans un prochain album, assure la scénariste). De leurs
mères respectives on n'en saura pas davantage; mais à
l'époque, l'espérance de vie étant ce qu'elle
était...
Alix, en tout cas, aura dû pas mal barouder au cours des
guerres civiles qui ont d'abord opposé Antoine et Octave
aux assassins de César, puis les deux triumvirs entre eux.
Il a pris fait et cause pour Octave, que les lecteurs avaient
déjà rencontré dans Le Tombeau Étrusque
où, du reste, apparaissait déjà un aigle
envoyé par Jupiter - petit clin d'il de la scénariste
à l'uvre originale de J. Martin. Le fait que l'album
soit sans Enak, tel que démarre L'Île Maudite,
en est sans doute un autre ? En tout cas, notre héros gaulois
semble très proche d'Agrippa, le bras droit d'Octave (son
bras gauche étant le richissime amateur d'art Mécène,
dont le nom est passé dans le langage courant, mais qui
n'apparaît pas non plus dans ce premier opus).
L'aigle aux serres d'or a tué Agrippa.
Quelle fatale malédiction est attachée à
l'oiseau de Jupiter qui jadis a désigné Octave
comme futur maître de Rome ? (© Casterman éd.)
Le Tombeau Étrusque (©
Casterman éd.) |
Romain d'adoption par Honorus Galla Graccus, Alix est maintenant
entré au Sénat. Octave, dont il est une des créatures
- plus sobrement, les Romains auraient dit : «dont il est
un client» -, lui a baillé le million de sesterces
(4)
indispensable pour pouvoir entrer à la Curie, et avoir
le droit de porter la toge
laticlave et les chaussures noires ornées d'un croissant
de lune (les calcei) (5).
Au terme de la Guerre sociale ou Guerre des alliés, Rome
avait bien dû concéder la citoyenneté romaine
aux Italiques. Faisant un pas de plus dans le sens de la reconnaissance
civique, Jules César consentit à accorder le droit
de cité aux Gaulois cisalpins parmi lesquels il avait
recruté une grande partie de ses troupes pour conquérir
les Gaules. Des Gaulois et des Espagnols de ses clients, notables
provinciaux, se virent même accorder le titre de sénateur.
Auguste poursuivit dans le même sens l'intégration
des Gaulois. «Auguste a fait entrer des sénateurs
Gallo-romains au Sénat un peu après la période
que je décris, concède Valérie Mangin.
Donc Alix est légèrement en avance, mais ensuite
c'était tout à fait possible. En plus, Alix a été
adopté par un Romain, donc il est Romain de fait... Nommer
des chefs gaulois sénateurs, les faire venir à Rome
et leur faire visiter la capitale, c'était une façon
de les séduire, d'en faire de vrais Gallo-romains. Quand
ils rentraient chez eux, ils pouvaient raconter à tous
comme Rome était belle et puissante, comme ils avaient
été bien reçus, etc.
» Dans la république romaine avant l'arrivée
d'Auguste, le sénateur a un réel pouvoir sur l'État
car il fait les lois. Quand Auguste s'empare de tous les pouvoirs,
il devient le Premier du Sénat et c'est donc lui qui dicte
l'ordre du jour. Évidemment, les sénateurs perdent
alors de fait une bonne partie de leur pouvoir, mais ils gardent
quand même une réelle influence. Ils donnent leurs
conseils à Auguste, et quand ils ne sont pas d'accord,
ils continuent à le dire. Ce n'est pas un pouvoir totalement
dictatorial où Auguste ferait tuer tous ceux qui s'opposent
à lui. Après, ils ont aussi un rôle social
car ils représentent la population la plus riche. Pour
entrer au Sénat, il faut avoir un million de sesterces.
C'est une élite ploutocratique. Tous les hommes qui comptent
à Rome en font partie, et ce sont eux qui occupent les
plus hautes charges : questeurs, consuls, etc. Donc, ils continuent
de jouer un très grand rôle dans le fonctionnement
de l'État» (Canal BD Magazine, août-septembre
2012).
L'ère du soupçon
Alix s'est-il laissé acheter (6)
? Le système politique romain ne fonctionne pas autrement
que par la loyauté réciproque du client et de son
patron. Le clientélisme. Alix n'est pas dupe, mais il a
appris à faire avec. Aussi déclare-t-il à
son ami Agrippa, non sans une certaine gêne : «Qu'un
seul homme soit maître absolu de l'Empire, fût-il
mon ami, ce n'est pas ce que je veux pour Rome» (A.S.,
p. 7, 4e v.). La tentation de Brutus ? D'une main de fer Octave
tient la barre de l'État, encourageant la morale, le civisme
et la natalité; car, sortie exsangue de plusieurs guerres
civiles, Rome en a bien besoin.
Certes Alix «n'a pas très envie de faire de
la politique. Il est plutôt réticent à l'autoritarisme
d'Auguste mais sera forcé de prendre parti. Il sera l'homme
de l'ombre et de confiance du pouvoir impérial. L'important
pour lui ne sera pas de parler au sénat mais plutôt
d'utiliser son statut pour enquêter sur les décès
d'Agrippa ou de Lépide» (Le Soir (Bruxelles),
5 juillet 2012). Dans La Dernière Conquête
(2013), qui se rattache à la série mère,
Marc Jailloux renoue avec l'Alix original, l'Alix des premiers
albums de Jacques Martin, qui fait le coup de poing et fait avancer
l'action. Mais depuis pas mal d'années, Alix avait progressivement
cessé d'être le providentiel héros en tunique
rouge, ayant tendance à ne plus être désormais
que le témoin impuissant des frasques des grands de ce
monde (7)
! Son andropause aidant, le sénateur Alix devra bien s'effacer
devant ses turbulents fils (qui assureront le «service action»).
À défaut d'être à l'aise en politique,
il va donc se muer en détective tranquille, façon
Barnaby ou Miss Marple : tout le charme du roman d'espionnage
à la britannique combiné avec les jouissifs faits
d'armes de ceux à la française, désormais
assumés par Titus et Khephren.
Dans ce premier opus, Auguste va le charger de discrètement
enquêter sur des morts suspectes. Le Prince sait «qu'il
peut lui demander des choses qu'il ne pourrait pas demander à
d'autres, concède Valérie Mangin. Ainsi lui
confie-t-il l'enquête sur la mort de son ami Agrippa, tué,
semble-t-il, par un aigle. La première histoire d'Alix
Senator se déroule sur trois albums, mais avec, à
chaque fois, une vraie fin» (Casemate, n¡ 45H).
Partagé entre sa loyauté envers Octave et sa désapprobation
du pouvoir personnel, les doutes du sénateur Alix ne sont
pas sans rappeler ceux du centurion Vorenus dans la première
saison de Rome (HBO). Comme vétéran des légions
césariennes, il voue une loyauté sans faille à
celui pour qui il a combattu en Gaule. Mais ses sentiments républicains,
fruit de son éducation, désapprouvent le pronunciamiento
de son général; aussi démissionne-t-il. Il
n'en restera pas moins un client de César, dont finalement
il acceptera de devenir l'agent électoral dans son quartier
de l'Aventin, quand il lui faudra bien admettre que toutes les
idées de César ne sont pas nécessairement
mauvaises, bien au contraire.
En les circonstances officielles,
Alix porte toge et tunique aux laticlaves
rouges du sénateur. Et dans le privé,
des laticlaves de fantaisie à la mode, qui ne se
distinguent de celles d'Auguste (à droite) que par
les riches broderies qui rehaussent celles du Prince.
«Quelques cases dans les premières scènes
d'introduction portent confusion pour différencier
l'Empereur et Alix, dissociés uniquement par leurs
tuniques. Notons que cette ressemblance peut aussi relever
de l'identification et de la tentation de confondre les
autorités» (Sébastien Naeco, Le
comptoir de la BD) (© Casterman éd.) |
Le choix du moment
La scénariste a choisi de rompre avec la période
de Jules César, qui était au centre de la série
mère, au profit d'une autre vision de Rome : celle de la
Pax Augusta (qui, du reste, ne fut pas aussi pacifique
qu'on se plaît à le croire). «Pour les Romains,
César c'était les guerres. Des guerres qui duraient
depuis une centaine d'années. Toutes les familles, dont
celle d'Auguste, y ont perdu des êtres chers. Tout le monde
en a marre. Auguste est un vrai rassembleur qui apporte la paix,
la pax romana. À sa mort, en +14, il laisse un empire
romain très solide qui va lui survivre 500 ans, malgré
la folie de ses successeurs, Tibère, Caligula, Néron...»
(Casemate, n¡ 45H).
Valérie Mangin a situé sa BD quand Octave, ou
plutôt Octavien, déjà maître du Sénat
et de l'armée, et même des approvisionnements, coiffe
en outre la religion romaine en tant que Pontifex Maximus,
charge qu'avait assumée avant lui son père adoptif
Jules César (depuis -63). Alix Senator se déroule
«en -12, lorsque Auguste devient grand pontife, seule
charge romaine de premier rang qui lui manquait. Il a éliminé
tous ses adversaires politiques. Les guerres civiles sont terminées.
Il dispose du pouvoir militaire et, premier au sénat, il
domine le sénat.
» Les Romains ont toujours redouté que César
se proclame roi. Auguste, son fils adoptif, a été
très malin, grignotant tous les pouvoirs jusqu'à
devenir le premier «empereur». Il va construire l'Empire
romain. Une période passionnante» (Casemate,
n¡ 45H).
Auguste et Livie dans un polar à la
Steven Saylor ! Et si, manipulant Alix, quelqu'un, dans
l'ombre, tirait les ficelles d'un sombre complot ? Julia
? Livie ? Auguste lui-même ? (© Casterman éd.) |
Panier de crabes
Les affaires de l'État exigent des compromis. Et seul
le bien de l'Empire compte, fallut-il au passage broyer certains
de ses acteurs. Nous l'avons dit, ce premier album ne fait pas
apparaître le personnage de Mécène; mais en
-22, celui-ci n'avait-il pas mis en garde Octavien contre la puissance
et la fortune d'Agrippa, homme sorti du rang ? Auguste se devait
de, soit l'éliminer, soit se le lier par un mariage.
C'est donc ainsi qu'Agrippa dut divorcer de Claudia Marcella l'Aînée
pour épouser la débauchée Julia, unique enfant
d'Auguste et veuve de M. Claudius Marcellus - son successeur pressenti
comme le rappelait Virgile, quand il le faisait apparaître
dans les limbes des Enfers : «Et toi tu seras Marcellus...»
(VIRG., Én., VI, 883). Un espoir déçu
d'Auguste, car le jeune homme décédera dans la fleur
de sa jeunesse. Comme aussi mourront, hélas, les petits-fils
d'Auguste : Caius et Lucius, les «Princes de la Jeunesse»
(8),
fils de Julia et d'Agrippa... C'est donc dans cette ambiance délétère
que désormais se mouvra Alix, lequel peut - à bon
droit - se demander quel rôle exactement tient Octavien
dans ces crimes mystérieux qui coup sur coup frappent deux
grands personnages, le réprouvé Lépide et
le trop influent Agrippa - dans des circonstances qui portent
l'empreinte des dieux, et même celle du roi des dieux lui-même,
le grand Jupiter. Jupiter dont le Flamine, le Flamen Dialis
Merula, s'est suicidé
quelque soixante-dix ans auparavant, dans des conditions particulièrement
sacrilèges, sans toujours pas avoir été remplacé
(il ne le sera que l'année suivante, en -11).
Le chef des Augures rappelle
au nouveau Grand Pontife, qu'il vient d'introniser, que
la charge de Flamen Dialis (Grand Prêtre de
Jupiter) est toujours inoccupée depuis plus de soixante-dix
ans. Toute l'intrigue concoctée par Valérie
Mangin va s'articuler sur cette déclaration.
Notons le facies édenté et le regard aveugle
de l'haruspice - qui, normalement, eut dû porter une
toge safran. Mais comment ne pas songer à celui de
son homologue dans le Jules César de Shakespeare,
version Mankiewicz, qui aux fatales Ides de Mars tentera
de dissuader le dictateur de se rendre au Sénat (©
Casterman éd.) |
La proximité temporelle des quatre événements
(les décès de Lépide et d'Agrippa, l'installation
de nouveaux Pontifex Maximus et Flamen Dialis) autorisaient
une fiction historique comme celle imaginée par Valérie
Mangin. La scénariste a donc décidé de situer
son histoire en -12, quand Alix accuse la cinquantaine bien sonnée.
En fait 55 ans si, comme il appert, il devait avoir 14 ans en
-53, au moment du désastre de Carrhæ évoqué
dans le premier album, Alix l'Intrépide.
Il est des choses qu'à un certain âge, on ne fait
plus ! L'éternel éphèbe se prolonge donc
- et se survit, en somme - à travers son fils Titus et
son inséparable ami Khephren, qui vont assurer les péripéties
de l'aventure...
Khephren fils d'Enak et Titus fils d'Alix.
Place à la jeune génération
(© Casterman éd.) |
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Genèse
d'une BD
«Alix, c'est la grande série de mon enfance,
c'était un sujet un peu tabou (9).»
Plus connue pour ses péplums-SF inspirés de l'épopée
d'Attila ou de l'Énéide et de l'Odyssée
(click), Valérie
Mangin a raconté comment elle avait débarqué
dans la saga alixienne. «Début septembre 2010,
nous déjeunions tranquillement avec Reynold Leclercq nouvel
éditeur chez Casterman, qui fut notre voisin à Bruxelles»
(10).
«Amis de longue date, nous l'av(i)ons retrouvé
pour un repas amical, sans aucune arrière-pensée
professionnelle. Nous avons discuté de choses et d'autres,
et, à un moment, nous avons abordé Alix. Il
nous a parlé un peu de la série, puis m'a demandé
franchement si j'avais des idées sur ce qu'elle pourrait
devenir dans les années à venir. Nous avons commencé
à échanger sur le sujet, mais je suis tombée
des nues quand il m'a proposé de présenter un vrai
projet» (11).
«Il s'est tourné vers moi et m'a demandé
: «Que dirais-tu de travailler sur Alix, que ferais-tu
de ce personnage ?» Mon visage s'est décomposé.
J'étais troublée, perturbée. L'idée
ne m'avait jamais effleuré l'esprit. Alix était
un mythe de mon enfance. (...) En nous quittant, Reynold a simplement
dit : «Faisons-nous des propositions.» [Avec
mon mari, Denis Bajram,] nous en avons parlé l'après-midi,
la soirée et les quatre jours suivants» (12).
«Que représentait Alix pour moi actuellement,
(...) que pouvais-je apporter à la série en tant
qu'auteur de SF et amoureuse de l'Antiquité, mais aussi
[qu'est] ce qui pouvait séduire les adolescents d'aujourd'hui
comme j'avais pu l'être à l'époque. C'est
de cette réflexion qu'est née l'idée d'Alix
Senator. Nous l'avons proposée à Reynold, qui
a tout de suite accroché, puis aux autres personnes qui
gèrent l'univers Martin» (13).
«Reynold Leclercq a été très étonné
en lisant le projet. Il a réfléchi deux secondes
et a dit : «J'ai fait appel à vous en espérant
ce genre de surprise.» Il l'a montré à
Simon Casterman qui a dit oui. Ils sont ensuite allés consulter
le comité Martin qui représente les ayants droit
et veille à la qualité et au respect de l'uvre
de Jacques Martin. Là, nous étions un peu inquiets.
Mais il n'y a eu aucun refus, aucun blocage. (...) Ils
ont accepté tout de suite mon concept, les personnages,
le synopsis. Je me suis sentie d'un coup plus légère.
Nous pouvions emmener Alix sur des chemins qu'il n'avait jamais
empruntés, nous pouvions en faire un héros moderne
avec ses contradictions» (14).
«Nous avons beaucoup pensé au travail des Américains,
précise Denis Bajram. Ils sont capables de faire renaître
Batman tous les vingt ans, de sorte que ce héros créé
avant-guerre reste toujours actuel. Nous avons voulu creuser cette
voie, faire un Alix 'next generation'. Nous nous sommes posé
la question : qu'est-ce que représente Alix en 2012 ?»
(...) Et Valérie Mangin d'ajouter : «Qu'est-ce
que Denis, auteur de Universal War et moi-même, auteur
du Fléau des dieux, pouvions-nous apporter à
Alix, compte tenu de notre amour des histoires d'Antiquité,
des comics et des mangas ? Nous avons imaginé un Alix âgé,
dans une période cruciale de Rome, et l'avons glissé
dans le premier cercle du pouvoir pour voir où son destin
allait l'emmener. Du coup, le titre Alix Senator a claqué
tout de suite. Un titre de péplum qui ronfle bien, qui
rime à la fois avec Gladiator, Terminator, Predator»
(15).
Un impressionnant battage publicitaire...
(© Casterman éd.) |
C'est donc de concert avec Frédérique et Bruno
- les enfants Martin - et les responsables éditoriaux de
Casterman, Simon Casterman et Jimmy Van Den Hautte, qu'a été
élaborée cette nouvelle série, qui démarre
une trentaine d'années après l'assassinat de son
protecteur Jules César (-44). Mais comment les héritiers
de Jacques Martin accueillirent-ils le nouveau concept ? «J'étais
très stressée à l'idée que ce projet
dont le scénario comme le dessin s'écartant de la
série classique puisse être refusé pour une
question de principe mais nous avons eu carte blanche. Notre démarche
reste dans la cohérence historique. Nous rendons simplement
Alix plus humain. Ce n'est plus un héros modèle.
Il peut se tromper (16),
se mettre au service de la mauvaise personne. Il soutient Auguste
mais peut-être pas dans tous les aspects de son exercice
absolu du pouvoir. Alix devient un personnage plus complexe qu'on
ne le pensait, moins manichéen. Il vit dans un bouleversement
de civilisation. La République sort des guerres civiles
et bascule dans un pouvoir impérial autoritaire. On peut
y voir des résonances contemporaines. En Russie, faut-il
préférer Poutine ou les chars ? Au Moyen-Orient,
Moubarak ou le Printemps arabe ? Avec Alix Senator, on
est dans les soubresauts de la quête éternelle de
la paix et de la démocratie» (17).
On lit entre les lignes que Alix a combattu pour Octavien pendant
la guerre civile, et que celui-ci a jugé utile de le propulser
au Sénat où il a besoin de soutiens fidèles.
Alix, cependant, n'est que médiocrement satisfait de la
tournure politique que prend le pouvoir augustéen. Même
s'il est un peu revenu de tout ça, son côté
honnête et droit se rebiffe. Ne s'était-il pas précédemment
opposé à César à propos de Vercingétorix,
entrant même dans le jeu de son ennemi Pompée qui
- en organisant l'évasion du roi arverne - souhaitait priver
de ce trophée le triomphe de son rival à Rome ?
(Vercingétorix, 1985). «Trente ans plus
tard, nous sommes au début du règne d'Auguste. C'est
une période parfaite, car elle sonne la fin des massacres
et des luttes de pouvoir qui ont suivi l'assassinat de César.
Or, je ne me voyais pas représenter un Alix guerrier
(18).
Par contre, il a vécu, il a participé à
des guerres, et n'est plus le boy-scout qu'il pouvait être
: il connaît désormais le monde dans lequel il vit»
(L'Avenir, 24 septembre 2012).
C'est comme un réflexe de pudeur chez
les géniteurs de héros de papier. Henri Vernes refusait
de faire de Bob Morane autre chose qu'un aventurier : un mercenaire
ou un soldat (19)
(au contraire de son rival Nick Jordan, d'André Fernez,
l'agent secret du S.D.E.C.E. dont les aventures paraissaient en
alternance avec les siennes dans la collection Marabout Junior).
Valérie Mangin s'est refusée à montrer Alix
en militaire soumis à sa hiérarchie et sans doute
mêlé à des faits «limites». La
lecture des massacres entre Romains, décrits par Appien
dans sa Guerre civile fait froid dans le dos...
Et Enak ?
Autre nouvelle donne d'Alix Senator : comme déjà
évoqué plus haut, Alix et Enak ont l'un et l'autre
convolé en justes noces et ont chacun eu un fils. Pour
les besoins de la cause, assurément. On ne sait au juste
en quelles circonstances cela s'est passé (pour Enak, Le
Dernier Pharaon nous l'apprendra), mais on devine sans peine
le calcul stratégique de la scénariste : renouer
avec la paire d'ados de la série mère.
Astucieusement, Valérie Mangin fait disparaître
Enak peu après le suicide de Cléopâtre (A.S.,
p. 32, dern. v.). Il est supposé mort. L'examen de la chronologie
nous enseigne que Cléopâtre s'est suicidée
en -30, soit 17 ans auparavant. Puisque donc Alix a recueilli
et adopté son fils Khephren, celui-ci doit donc - au minimum
- avoir 17-18 ans. Il semble bien les faire, en effet; mais son
complice Titus, le fils d'Alix, est beaucoup moins convaincant.
À regarder de près les vignettes, il affiche tout
au plus une dizaine d'années, du moins dans les premières
pages de l'album. Il est donc interpellant de les voir tous les
deux «sortir en boîte»... ou, en l'occurrence,
assister à des banquets - naturellement libertins - chez
une certaine Claudia Pulchra, bien connue de la brigade des murs.
Clodia
Claudia Pulchra ! Le nom est bien connu. Il s'agit de la belle
«Clodia»,
la sur du fameux «Clodius», nom plébéien
adopté par Claudius Pulcher (20),
assassiné sur la voie Appienne en janvier 52. Clodia, donc,
qui aimait recevoir chez elle la jeunesse dorée de Rome,
nous est connue comme la «Lesbie» de Catulle, nom
sous lequel le poète enfiévré lui dédiait
ses poèmes. On la fait naître aux alentours de -94,
ce qui lui donne au moment de l'album... 80 ans; mais, parfait
gentleman, Thierry Démarez lui prête de beaux
restes quand même... surtout si l'on songe aux ravages sur
la peau de la céruse - cet oxyde de plomb que les Romaines
élégantes étalaient sur leur visage pour
le blanchir ! Prudent, Démarez ne la montre pas en gros
plan : mais à quatre-vingt chandelles on a encore le droit
de faire la fête, non ? Le connaisseur appréciera
l'allusion à la plus célèbre diva de la fin
de la République (on ignore la date de sa mort).
Que vient faire le jeune Titus dans ses petites sauteries ?
Dans ces petites fêtes épicées où son
mentor Khephren se vautre sur des danseuses dénudées...
Certes, Titus ne porte plus au cou la bulla des enfants,
ni la toga prætexta (21)
mais bien la toga uirilis, de laine légèrement
grisâtre (22)
- la toge toute simple du priuatus - ce qui suggère
qu'il a le statut de citoyen adulte, donc 16 ans accomplis. Nous
y reviendrons à propos du laticlave.
Nil novi sub sole, comme disait le bon roi Salomon dans
l'Ecclésiaste (Eccl., 1 : 10). N'est-il est
vrai que, de tous temps, les jeunes gens ont aimé «faire
le mur» à défaut d'avoir la paternelle permission
de minuit ?
N'oublions pas que nous sommes dans une BD où, malgré
la plus grande vigilance, l'on ne saurait veiller à tout
(23).
Mais nous ne pouvons nous empêcher de songer que, peut-être,
J. Martin se retournerait dans sa tombe s'il voyait la pitoyable
éducation - de notre point de vue moderne, et qui était
souvent le sien, autocensure oblige... - qu'Alix a donné
à ses fils. Ceux-ci s'enivrent et fréquentent des
danseuses-prostituées dans des scènes dignes de
Thomas Couture et de ses Romains de la décadence
(1847). Encore que, compte tenu des contingences éditoriales
de l'époque, la reine Adréa... c'était chaud,
tout de même ! Et que penser de la baignoire de l'entreprenante
Cléopâtre ?
Julia
Fille unique d'Auguste et de Scribonia, Julia
était aussi débauchée que belle et spirituelle,
dit-on. Son père la maria d'abord à Marcellus,
qui décéda très jeune, avant même de
lui avoir fait un enfant. Elle épousa ensuite Agrippa
à qui elle donna deux filles, Julia et Agrippina
et trois fils, Caius
& Lucius et Agrippa Posthumus).
Écuré par ses murs licencieuses (24),
Auguste l'exila dans l'île de Pandataria, sur la côte
de Campanie. Elle épousa ensuite Tibère, mais décéda
de misère et de faim (25)
peu après son avènement à l'Empire, en +14
(TAC., An., III, 24).
«Race noble mais cruelle», se murmure Alix
en voyant le supplice infligé par Julia à ses esclaves
qui n'avaient pas su empêcher la mort de leur maître
qu'ils accompagnaient à la chasse. Une allusion aux esclaves
rebelles de Spartacus, crucifiés le long de la voie Appienne,
revendiquée par Valérie Mangin.
Comme aurait pu dire l'autre : «Prenez
votre croix et suivez-moi !» Alix Senator (©
Casterman éd.) |
Saluons surtout le portrait de Julia, croqué au moment
où Alix vient chez elle pour ramener le corps de son mari.
Le dessinateur lui prête le ventre légèrement
rebondi d'une jeune femme enceinte (A.S., p. 18, 6e v.).
De fait, elle attend Agrippa Posthumus lequel, comme le rappelle
son cognomen, naquit après le décès de son
père - ce qui nous est confirmé une dizaine de pages
plus loin, lorsque Claudia Pulchra avoue la participation de Julia
à son orgie, en rappelant que la jeune femme ne trompait
son époux que lorsqu'elle attendait famille, originale
méthode contraceptive pour éviter de lui faire des
bâtards. Good Girl !
|
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Deux
meurtres suspects
Ce premier opus d'Alix Senator est traversé de
figures historiques comme le général Agrippa, le
Pontifex Maximus Lépide ou le Flamen Dialis
Merula... Leurs destins seront tragiques. «Je respecte
scrupuleusement tout ce qu'on sait de leurs vies respectives.
Les dates et les lieux de leurs exploits ou de leurs tragédies
sont parfaitement exacts. Mais je les ai choisis parce que les
circonstances précises de leur mort restent inconnues et
qu'il y a là un champ ouvert à la machination»
(Le Soir, 5 juillet 2012). Pour leur représentation
graphique, le dessinateur Thierry Démarez s'est autant
que possible servi de statues connues, notamment pour Auguste
et Agrippa. «Nous nous sommes basés au maximum
sur la documentation dont nous disposions. (...) Pareil
[que] pour le scénario. Je suis vraiment partie de l'Histoire,
je l'ai respectée le plus possible, réaffirme
Valérie Mangin. Puis j'ai mis de la fiction dans les
trous, si j'ose dire. On sait par exemple qu'Agrippa est mort
en Campanie au début de l'an 12 avant Jésus-Christ,
mais on ne sait pas comment. C'est une zone d'ombre que j'ai évidemment
exploitée !» (Canal BD Magazine, août-septembre
2012).
Pour portraiturer ses personnages,
Thierry Démarez s'est autant que possible servi de
statues connues, notamment pour Auguste et Agrippa (©
Casterman éd.). À gauche un buste d'Agrippa
conservé à Florence; à droite un autre
du «type Gabies», conservé au Louvre.
Auguste Pontifex Maximus,
marbre romain de la dernière décennie avant
n.E. trouvé sur la via Labicana (National Museum
of Rome, Palazzo Massimo alle Terme, n¡ d'inventaire 56230)
(source : Wikipedia). Alix Senator (© Casterman
éd.) |
1. Marcus Vipsanius Agrippa (-63/-12)
Deux mots à propos d'Agrippa, avec qui Alix - désormais
sénateur - semble être très lié. On
ne peut qu'imaginer les liens tissés par la guerre entre
ces deux fidèles d'Octave, qu'ils ont servi chacun selon
son rang - peut-être Valérie Mangin nous en dira-t-elle
plus dans le développement des prochains albums ?
Né vers 63 av. n.E. M.
Vipsanius Agrippa, consul en -37, 28 et 27, était un
homme sorti du rang. Il fut l'un des plus inconditionnels soutien
et artisan de la fortune de l'empereur Auguste.
Agrippa gagna pour Octave de nombreuses batailles, notamment
navales (Nauloque, contre Sextus Pompée en septembre -36;
Actium, contre Antoine en juin -30). En Espagne, il soumit les
Cantabres au prix d'une véritable guerre d'extermination,
puis il mit au pas les pirates dalmates dont les liburnes confisquées
assureront sa victoire à Actium, et - pour «calmer»
les Suèves - il fut le premier Romain depuis Jules César
à retraverser le Rhin. Il enrichit Rome de nombreux édifices
publics dont les fameux Thermes d'Agrippa sur le Champ de Mars,
le Panthéon et aussi quelques aqueducs.
Faute d'héritier mâle, Octave-Auguste avait associé
à son règne son vieux compagnon de route en qui
il voyait un successeur possible - quoique, ayant le même
âge, les chances pour celui-ci de succéder à
celui-là étaient problématiques - lui donnant
à épouser sa fille Julia
(en -21), son unique enfant. Il affichait la cinquantaine au compteur
lorsqu'il décéda (mars -12), alors qu'Octave-Auguste
vivra 77 ans (jusqu'en +14). C'était vraiment une très
mauvaise idée que de compter sur lui pour succéder
à l'Empire !
Agrippa au cinéma
En général, le cinéma le représente
plus âgé qu'Octave ce qui, bien sûr, est une
erreur (Philip Locke, Alan Rowe, Andrew Keir dans différentes
versions de Cléopâtre, où il fait de
la figuration parmi l'état-major du triumvir).
Voici très brièvement
évoqués les quelques épisodes de la vie
de Marcus Vipsanius Agrippa (hors Actium), qu'un amateur de
péplums aura pu capter sur le grand et, surtout, le
petit écran. |
1) |
en -45, un flash-back le
montre sous les traits de Ken Duken aux côtés
de son ami Octavien à la bataille de Munda (Auguste,
le premier empereur [Imperium/1], Roger Young,
TV 2003); |
2) |
en -44, jeune officier dans le
très mauvais feuilleton-TV Empire
(ABC 2005), où il se joint au fils adoptif de César
dès après l'assassinat du dictateur; |
3) |
dans Moi
Claude empereur (Herbert Wise, BBC 1976), vieillard
en fin de carrière - en réalité, en -23,
il n'a alors que 39 ans - qui se querelle avec son beau-frère,
le jeune Claudius Marcellus, présomptif et présomptueux
héritier d'Octave (26)
(Agrippa étant marié à Claudia Marcella,
nièce d'Octave). Agrippa choisit un quelconque prétexte
pour volontairement s'exiler en Orient «où
il sera plus utile qu'à Rome», et dont il
ne reviendra que pour épouser Julia - veuve de son
rival maintenant décédé - et ainsi «devenir
le gendre de l'empereur à la place du gendre de l'empereur». |
4) |
en -19, où on le retrouve
général romain conquérant de la Cantabrie
dans Los Cantabros (Paul Naschy, 1980), film ibérique
qui semble n'avoir jamais eu l'honneur de franchir les Pyrénées.
Il y est incarné par Paul «the Werewolf»
Naschy lui-même. |
2. Marcus Aemilius Lepidus
Préteur de Jules César en Gaule en -49, puis son
coconsul en -46 (et une seconde fois consul en -42), il avait
puissamment contribué à l'élection à
la dictature de son chef, devenant en -45 son «Maître
de la cavalerie» (27),
tout comme le fut aussi Marc Antoine (28).
S'associant avec ce dernier, il formera avec Octavien (Octave
[29]) le second triumvirat
(43), en vue de châtier les assassins du conquérant.
Il reçoit la Narbonnaise et l'Espagne, ensuite échangées
- après Philippes - contre l'Afrique cependant qu'Antoine
s'adjuge l'Orient et Octave l'Occident. Il vient à la rescousse
de ce dernier contre Sextus Pompée et, fort de la victoire
sur ce dernier, prétend renégocier le partage des
provinces (il brigue la Sicile en plus de l'Afrique). Mal lui
en prend. Méprisé par ses propres soldats qui refusent
de combattre contre Octavien, il est tranquillement dépouillé
de ses prérogatives par son associé et rival, qui
ne lui laisse que la dignité de Grand Pontife et l'expédie
en villégiature à Circéies où il meurt
semble-t-il aux alentours de 13 ou 12 av. n.E. (C'est la scène
inaugurale d'Alix Senator).
Antoine s'étant suicidé en -30, Octavien - ou
plutôt «Auguste», titre que lui a conféré
le Sénat en -27 (30)
-, est désormais le seul maître de l'Empire romain.
Certes, il n'en est pas un empereur au sens moderne du terme et
ne le sera jamais (31)
; il est tout simplement le Princeps, le Prince
du Sénat, c'est-à-dire «le Premier des Sénateurs».
Il habite une maison sur le Palatin qui ne se distingue en rien
de celles des autres nobles romains, sauf un fronton. Toutefois,
il a su habilement cumuler toutes les dignités qui font
de lui un empereur de fait : consul à treize reprises (32),
tribun du peuple 37 fois (33)
(depuis 23, qualité qui rendait sa personne inviolable),
imperator c'est-à-dire chef de l'armée 21
fois, prêtre d'Apollon (34),
etc. Toutefois, pendant l'hiver 23-22, il refusera prudemment
la dictature qu'on lui offrait : un cadeau empoisonné,
l'exemple de César restant dans toutes les mémoires.
Il préférera alors devenir préfet de l'annone
(35).
Et, en attendant de devenir le «Père de la Patrie»
(36),
il endossera encore le 6 mars 12 la charge de Grand Pontife, devenue
vacante depuis la mort de Lépide, comme on l'a vu.
C'est ici, donc, que commence notre BD qui voit encore mourir
le fidèle Agrippa quelque part en Campanie, dans les mêmes
conditions - inconnues de nous - que le pauvre Lépide l'année
précédente. «On sait qu'Agrippa est mort
en Campanie au début de l'an 12 avant Jésus-Christ,
mais on ne sait pas comment. C'est une zone d'ombre que j'ai évidemment
exploitée !», comme le martèle Valérie
Mangin (37).
De fait, on ne connaît pas les circonstances exactes de
son décès, ce qui permet à la scénariste
d'imaginer ce qu'elle veut pour construire sa fiction. Une fiction,
tout de même, solidement ancrée dans l'Histoire -
Valérie Mangin n'est pas historienne pour rien !
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Biographies
1. Valérie Mangin
Valérie Mangin est née à Nancy, en 1973.
Bac scientifique, prix en version latine au Concours général.
Admise en classes préparatoires à Henri-IV. Obtient
le titre d'archiviste-paléographe à la sortie de
l'École des chartes. Cursus d'Histoire et d'Histoire de
l'Art à la Sorbonne.
À une carrière de directeur des archives départementales,
elle préfère celle de scénariste BD ! Jouant
avec les mythes éternels de l'Antiquité, sa passion
de l'histoire se retrouve dans plusieurs de ses séries
futuristes, Le Fléau des dieux, Le Dernier Troyen, La
Guerre des dieux (Les Chroniques de l'Antiquité galactique).
Elle a même risqué une lecture assez peu conventionnelle
de l'Histoire de France avec Moi,
Jeanne d'Arc.
2. Thierry Démarez
Élève des Beaux-Arts et décorateur à
la Comédie-Française, il travaillait ses BD le soir
et le week-end, intégrand notamment l'équipe du
Goinfre, le fanzine de Denis Bajram. Après avoir
dessiné - sur scénario de Valérie Mangin
- la saga du Dernier Troyen, inspirée de l'épopée
du prince Énée, le voici donnant à Alix une
seconde vie.
3. Denis Bajram
Ce scénariste-dessinateur-coloriste est né le 1er
février 1970 en région parisienne où il reste
une dizaine d'années. Il la quitte, accompagné de
cinq surs pour la Normandie puis retrouve la capitale pour
fréquenter les Arts Déco où il fait des études
de scénographie. Il s'était lancé dans le
dessin dès l'âge de 8 ans, avec les aventures de
Goldorak. En 1987, il intègre l'équipe de Scarce
puis celle du Goinfre dont il sera un temps rédacteur
en chef. Il réalise des maquettes et illustrations pour
Hachette, travaille en atelier avec Mathieu Lauffray, fait la
connaissance de Thierry Cailleteau et se lance finalement avec
lui sur Cryozone (histoire de zombies en deux tomes, 1996-2005).
C'est pendant la réalisation de cet album qu'il rejoint
Angoulême et l'atelier Sanzot. Les influences de Denis sont
nombreuses. Du côté de la bande dessinée,
ses maîtres sont Mignola, Byrne, Giraud, Vatine, Mazzuchelli
et Uderzo. Mais il est ouvert à d'autres supports et a
été marqué à vie par Citizen Kane,
Les Aventuriers de l'Arche perdue, Ainsi parlait Zarathoustra,
et la Bible. Cet insatiable touche à tout n'a pas hésité
à se lancer dans la mise en couleurs informatique pour
en tirer des effets spectaculaires. Parallèlement à
tout ceci, il a monté un groupe de variétés
se revendiquant bruyant et raté, à l'origine de
quelques 150 titres, tous plus fous les uns que les autres (texte
(c) Delcourt).
Principales séries : Le Fléau des dieux
(2006 - terminée), Lanfeust par ses amis (2005 -
one shot), Les Mémoires mortes (2000-2003), Moi
Jeanne d'Arc (2012), Trois Christs (2010 - one shot),
Universal War One (1998-2008 - terminée).
Auguste César est proclamé
Grand Pontife. Sur ce panorama de Rome qui doit beaucoup
à la maquette de Paul Bigot (1911), conservée
à Caen, on reconnaît à gauche, sous
l'aile de l'aigle, le Temple de Jupiter Optimus Maximus,
juché sur le Capitole. Et, sous l'aigle de droite
le Forum Romanum entre les basiliques Julia et Emilia. On
y voit aussi les Temples de Castor et Pollux, celui de Saturne
abritant le Trésor public, de Vespasien anachronique
et de la Concorde. Thierry Démarez a eu le bon goût
de n'y point faire figurer les Arcs de Tibère et
de Septime-Sévère qui n'existaient pas à
l'époque... (© Casterman éd.) |
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Critiques
«Le scénario de Valérie Mangin s'inscrit
parfaitement dans l'histoire d'Alix, avec des recoupements avec
Le Tombeau Étrusque, par exemple. Il faut lire cette
aventure comme un polar, une enquête policière au
temps de l'Empereur Auguste.
En plus, pour ne pas gâcher son plaisir, cette histoire
peut être lue comme un one shot, même si un
«fil rouge» va parcourir les trois premiers volumes.»
Herve26, Bédéthèque
(29/09/2012)
«Le récit s'intéresse à expliquer
les morts mystérieuses de dignitaires romains, assassinés
apparemment par des aigles aux serres d'or, animaux symboles et
messagers de Jupiter dont le courroux reste craint. Du point de
vue pragmatique, dresser un aigle est très difficile et
Alix, après la perte d'un puissant allié assassiné
devant les yeux de ses enfants, prend l'enquête à
son compte. On a dès lors droit à une intéressante
plongée dans les recoins de Rome et le déroulement
de l'intrigue en dit beaucoup sur les us et coutumes, les croyances
ou les rapports sociaux. C'est renseigné mais jamais la
leçon d'histoire ne prend le pas sur le récit, on
a vraiment l'impression d'une reconstitution dessinée dans
la veine de la série télévisuelle Rome,
qui immédiatement vient à l'esprit au travers
du remarquable travail sur les ambiances, les détails,
les plans quasi cinématographiques. La série en
deux saisons d'HBO avait révolutionné la vision
de l'Empire Romain et sans aucun doute cet Alix Senator bénéficie
de ce rafraîchissement, suivant une relecture également
perceptible dans Murena dont on peut aussi le rapprocher.»
Sébastien Naeco, Le
comptoir de la BD (12/09/2012)
«L'album offre une double rupture : sur le plan de l'histoire,
Alix fait un important bond dans le temps. Sur le plan graphique,
au lieu de conserver la sacro-sainte ligne claire mise en place
par Jacques Martin depuis les années 1950, Démarez
opte pour un dessin naturaliste, fouillé, plus en phase
avec les goûts actuels.»
Le
Figaro (13/09/2012)
«L'idée iconoclaste de transporter le célèbre
adolescent gallo-romain à l'âge senior serait sans
importance si le moteur de la série de Jacques Martin n'était
pas la jeunesse. (...) Ôtons-lui la jeunesse et Alix
n'est plus Alix.
» Les auteurs se sont très vite heurtés à
cet obstacle infranchissable. C'est pourquoi ils ont introduit
dans l'histoire deux jeunes gens : Titus et Khephren, les fils
d'Alix et Enak. Ce sont eux qui mènent l'enquête
sur les aigles mystérieux et redoutables qui sèment
la mort dans la Ville Éternelle. Titus et Khephren se démènent
avec l'énergie qu'avaient leurs pères il y a un
demi-siècle. En plus délurés, à en
juger par les lieux qu'ils fréquentent la nuit. O tempora,
O mores..
» Alix ne fait que les suivre, à un train de sénateur.
Pour un peu, on l'oublierait en cours de lecture.»
Étienne de Montéty, Le
Figaro (13/09/2012)
«Première manifestation de la colère de
Jupiter qui réclame son Flamen Dialis ou terrible manipulation,
Alix qui a mûri et s'est humanisé va devoir démêler
les fils de cette intrigue meurtrière dans une Rome où
Auguste concentre tous les pouvoirs, civils, militaires et religieux.
(...) Sa proximité avec l'Empereur le désigne
pour des missions discrètes mais le place également
dans une situation délicate quand à son indépendance
du pouvoir. (...) La religion, intimement mêlée
à la vie civique de la cité, est au cur de
l'intrigue. Lutte de pouvoirs, reconnaissance institutionnelle,
les Dieux qui ont une réelle présence parmi les
humains et interagissent sur leurs actions sont au centre de l'intrigue
et déjà objets d'un fanatisme meurtrier.
» Le rythme est soutenu et les acteurs possèdent
une présence et une personnalité presque palpable.
Le dessin réaliste de Thierry Démarez y est pour
beaucoup, il insuffle, par la fluidité des mouvements,
la précision du geste et l'intensité des regards,
la vie à ses personnages de papier. Précis, il nous
ouvre de magnifiques perspectives sur la cité mais sait
aussi rendre réaliste une partie de chasse où le
sang versé par le cerf égorgé trouve écho
dans les tripes sanguinolentes d'Agrippa.»
Olivier, Sceneario.com
(02/09/2012)
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Suite… |
NOTES :
(1) Interview de Valérie Mangin
par Paul GINER, «Dura [A]lix», Casemate,
n¡ 62, août-septembre 2013, p. 38. - Retour
texte
(2) Cf. William LA RICHE (phot.
Stéphane COMPOINT/Sygma), Alexandrie, Septième
Merveille du Monde, Robert Laffont-Gédéon,
1996; Jean-Yves EMPEREUR (phot. Stéphane COMPOINT/Sygma),
Alexandrie redécouverte, Fayard-Stock, 1998. -
Retour texte
(3) «Il s'est aussi marié,
ce qui est peut-être encore plus étonnant !»,
interroge Jean-Jacques LECOCQ : «Tout le monde se mariait,
quelles que soient ses préférences personnelles,
rétorque Valérie Mangin. On ne se posait même
pas la question. Pour l'instant, Enak a disparu. On voulait
se concentrer sur Alix, même s'il y a son fils qui prend
un peu de relais, plus libre d'action que son sénateur
de père» (Ciné-TéléRevue,
n¡ 42, 18 octobre 2012, pp. 108-109). - Retour
texte
(4) Auguste «éleva
le cens exigé pour les sénateurs, et le porta
à douze cent mille sesterces, au lieu de huit cent mille.
Il le compléta pour ceux qui ne le possédaient
pas» (SUÉT., Aug. XLI, 3 - Trad. fr.
de La Harpe refondue par M. Cabaret-Dupaty, Paris, 1893).
Il y a lieu de lire avec précaution l'article du Dictionnaire
de DIDEROT & d'ALEMBERT, s.v. «Sénateur
romain»), qui oublie le mille après 800. «Il
y avoit une autre qualité requise, & regardée
comme nécessaire à un sénateur. On exigeoit
un fonds de biens considérable pour le maintien de cette
dignité, & cette quantité de biens étoit
établie par les loix. Mais on ne trouve en aucun endroit
le tems de cet établissement, ni à quelle somme
ces biens devoient monter.
Suétone est le premier des auteurs qui en ait parlé,
& qui nous apprend que la quotité des biens étoit
fixée à 800 sesterces avant le regne d'Auguste;
ce qui suivant le calcul de la monnoie angloise, monte de six
à sept mille liv. Cette somme, ainsi que quelques auteurs
l'ont prétendu, ne devoit pas être regardée
comme une rente annuelle, mais comme le fonds des biens d'un
sénateur, fonds réel, appartenant à lui
en propre & estimé ou évalué par les
censeurs. Cette quantité de biens paroîtra peut-être
trop peu considérable, & on ne la trouvera pas proportionnée
au rang & à la dignité d'un sénateur
romain. Mais on doit faire attention que c'étoit la moindre
quantité de biens qu'on pût avoir pour parvenir
à ce grade. En effet, lorsqu'il arrivoit que les sénateurs
possédoient moins que cette somme, ils perdoient leur
place dans le sénat.
» D'ailleurs, quelque peu considérable que paroisse
aujourd'hui cette proportion de biens, il est certain qu'elle
suffisoit pour maintenir un sénateur convenablement à
son rang, sans qu'il fût forcé de s'occuper de
quelque profession vile & lucrative, qui lui étoit
interdite par la loi. Mais la constitution en elle-même
ne paroît pas avoir été bien ancienne, ce
qu'on peut aisément se persuader, puisque dans les premiers
tems, les principaux magistrats étoient tirés
de la charrue. Corn. Rufinus, qui avoit été dictateur
& deux fois consul, fut chassé du sénat l'an
de Rome 433, par le censeur C. Fabricius, parce qu'on trouva
dans sa maison des vases d'argent du poids de dix livres. On
ne donnoit donc pas alors dans l'élection d'un sénateur,
la préférence à la quantité des
biens. Nous voyons en effet Pline se plaindre de la vicissitude
des tems, & déplorer le changement qui s'étoit
introduit dans le choix des sénateurs, des juges &
des magistrats qu'on élisoit, selon le calcul de leurs
biens, époque à laquelle on commença de
n'avoir plus d'égard au vrai mérite.
» Cicéron dans une de ses lettres écrites
lors de l'administration de C. César, rend un témoignage
assuré de la quotité des biens que devoit avoir
un sénateur; il prie un de ses amis, qui avoit alors
du crédit, d'empêcher que certaines terres ne soient
enlevées par les soldats à Curtius, qui sans ses
biens ne pourroit conserver le rang de sénateur, auquel
César l'avoit lui-même élevé.
» Ce n'étoit pas assez aux sénateurs d'avoir
une certaine quotité de biens; il falloit encore qu'ils
donnassent un exemple de bonnes murs à tous les
ordres de l'état; mais indépendamment de cette
régularité de murs qu'on exigeoit d'eux,
Cicéron nous parle encore des devoirs auxquels ils étoient
assujettis; l'un de ces devoirs, étoit l'obligation d'être
assidu. La liberté qu'ils avoient d'aller à la
campagne, dans les intervalles d'une assemblée à
l'autre, ayant dégéneré en abus, les consuls
leur défendirent dans plusieurs circonstances de s'absenter
de Rome plus de trois à la fois, & de s'éloigner
de maniere qu'ils ne pussent revenir dans le jour. Le second
devoir consistoit à ne parler qu'à son tour. La
troisieme regle de discipline étoit de ne pas étendre
son avis au-delà des bornes; mais cette regle eut souvent
ses exceptions. Au reste, un sénateur perdoit son état
lorsqu'il se dégradoit lui-même, en montant sur
le théâtre, ou en descendant dans l'arene.»
- Retour texte
(5) «La forme de leurs souliers
étoit particuliere, & différente de celle
des autres citoyens. Ciceron parlant d'un certain Asinius, qui,
dans le desordre général causé par la mort
de César, s'étoit introduit dans le sénat,
dit que voyant la cour ouverte, il changea de chaussure, &
devint tout d'un trait sénateur; cette différence
consistoit dans la couleur, dans la forme, & dans l'ornement
de ces souliers. Leur couleur étoit noire, tandis que
ceux des autres citoyens n'avoient pas une couleur particuliere,
& qu'elle dépendoit de leur fantaisie. La forme en
étoit en quelque sorte semblable à nos brodequins.
Ils remontoient jusqu'au milieu de la jambe, ainsi qu'on le
voit dans quelques statues antiques, & dans des bas reliefs,
& ils étoient ornés de la figure d'une demi-lune,
cousue & attachée sur la partie de devant, près
la cheville du pié.
» Plutarque dans ses questions romaines, donne diverses
raisons de cette figure emblématique. Mais d'autres auteurs
disent que cela n'avoit aucun rapport avec la lune, quoiqu'il
parût que la figure le dénotât, mais qu'elle
servoit seulement à exprimer la lettre C, comme
un signe numératif, & comme la lettre initiale du
mot centum, nombre fixe des sénateurs dans leur
premiere institution par Romulus» (Dictionnaire
de DIDEROT & d'ALEMBERT, s.v. «Sénateur
romain»). - Retour texte
(6) «L'Alix de Martin, au
plus près de nous, assiste à l'assassinat de Jules
César. Ont suivi vingt ans de guerre civile. La naissance
de l'Empire, juste après, est plus intéressante,
confie Valérie Mangin. Auguste l'a emporté
et commence à imposer un pouvoir assez autoritaire. Il
y a encore des séquelles des conflits, mais Rome se redresse.
Alix est déchiré entre son esprit de justice et
son amitié de trente ans pour Auguste, qui lui a donné
le million de sesterces nécessaire pour devenir sénateur.»
S'est-il laissé acheter ? «... Pour nous, aujourd'hui,
c'est de la corruption. (Mais) c'est différent
à l'époque. Il n'y a pas de fonctionnaires d'État.
Celui qui est au pouvoir place ses hommes et doit bien les rétribuer.
C'est assez logique qu'Alix ait dû choisir son camp durant
la guerre. N'empêche qu'il va douter, à cause de
la dérive autoritaire du pouvoir. On a signé pour
trois tomes, mais si le succès est au rendez-vous, on
espère bien continuer. Il n'est pas dit qu'Alix restera
au service d'Auguste !» (Ciné-TéléRevue,
loc. cit.). - Retour texte
(7) A vrai dire, quelques tentatives
d'épigones comme les auteurs de C'était à
Khorsabad ou de L'Ombre de Sarapis ont bien tenté
de renouer avec l'esprit des albums «vintage», louables
tentatives. - Retour texte
(8) On y a vu la malice de Livie,
épouse d'Auguste, qui ambitionnait l'Empire pour son
fils d'un premier lit, Tibère. - Retour
texte
(9) «Alix : Retour vers
le Futur. Entretien avec Valérie Mangin», Canal
BD Magazine (GLBD), août-septembre 2012, p. 26. -
Retour texte
(10) Jean-Pierre FUÉRI, interview
V. Mangin & D. Bajram, Casemate, n¡ 45H, février
2012, pp. 51-59. - Retour texte
(11) Canal BD Magazine, loc. cit.
- Retour texte
(12) Casemate, n¡ 45H. - Retour
texte
(13) Canal BD Magazine, loc. cit.
- Retour texte
(14) Casemate, n¡ 45H. - Retour
texte
(15) Casemate, n¡ 45H. -
Retour texte
(16) Du reste, Jacques Martin admettait
très bien les faiblesses d'Alix, le fait qu'il puisse
se tromper etc. MICHEL LAUWERS : «Dans le final de
La Tiare d'Oribal, Alix affirme à Oribal qu'il deviendra
un grand roi. Puis, dans La Tour de Babel, on apprend
qu'il n'en a rien été...» JACQUES MARTIN
: «Justement, Alix se trompait. Vous savez, mes personnages
se trompent... Mais, ce qui m'a toujours intéressé,
c'est le pouvoir perverti. Je lis beaucoup de livres d'histoire,
et j'ai toujours constaté que tous les gens qui ont eu
du pouvoir à un moment donné ont été
pervertis, ou se sont laissés pervertir...»
(Michel LAUWERS, «La bédé dans les fractures
de l'Histoire», Exécutive Magazine, n¡ 1,
9 novembre 1990). - Retour texte
(17) Propos recueillis par Daniel
COUVREUR, Le Soir (Bruxelles), 5 juillet 2012). - Retour
texte
(18) «Comme je connais assez
bien l'Histoire romaine, j'ai essayé de prendre une période
intéressante. La série classique d'Alix s'arrête
un peu avant l'assassinat de César. Ensuite, il y a toute
une période de guerre civile et de chaos politique à
Rome, qui aurait débouché sur une série
guerrière ou 100 p.c. politique, ce qui ne m'intéressait
pas trop. Puis on arrive à la date que j'ai choisie.
Quand Auguste réunit tous les pouvoirs, Rome se stabilise.
Il y a enfin une période de paix et d'épanouissement
de la culture latine. C'est cela que je voulais montrer : la
naissance de ce nouveau pouvoir à Rome et, en même
temps, de cette nouvelle civilisation. J'ai envie de voir ce
qu'Alix peut faire dans ce contexte, comme témoin et
comme acteur» (Canal BD Magazine, op. cit.).
- Retour texte
(19) Ce qu'il avait pourtant été
durant la WW II, mais là c'était pour la bonne
cause, contre les Nazis. Du reste, aucun roman de sa plume ne
retraçait ses exploits militaires de Flying Commander
de la R.A.F. Sauf peut-être dans une utopique WW III où,
contre l'Empire asiate qui veut assujettir le monde libre -
le roman fut écrit à l'époque où
la Chine communiste venait d'envahir le Tibet -, il se retrouve
une seconde fois pilote de chasse dans l'US Air Force... (Les
Dents du Tigre, 1958). Electron libre lui aussi, Bob est
«l'Aventurier contre tout guerrier...», comme
chantera Indochine ! - Retour texte
(20) Pour pouvoir être élu
tribun de la plèbe. - Retour texte
(21) Les enfants romains des deux
sexes, libres et de bonne famille, portaient la toge
prétexte, à large bande rouge analogue à
celle des sénateurs. - Retour texte
(22) Au cinéma et ailleurs,
les Romains portent toujours des tuniques et toges d'une blancheur
immaculée. Rappelons qu'ils tissaient la laine brute,
laquelle n'a jamais la blancheur de l'albâtre. La seule
manière, pour eux, d'obtenir une blancheur neigeuse était
de la frotter avec de la craie. C'était la toga candida
bien connue des candidats aux élections qui, dans la
rue et en quête d'électeurs, se distinguaient ainsi
des autres citoyens. Un seul téléfilm, à
notre connaissance, montre les Romains en tenues aux couleurs...
plus naturelles; ou plus ternes. En fait, on dirait même
que ces sénateurs ont déchargé du charbon
(Brûlez Rome !, Robert Kéchichian, FR -
2005). - Retour texte
(23) Par exemple le curieux accoutrement
semi-guerrier que portent Khephren et Titus - une réminiscence
de Robert Taylor au banquet de Néron dans Quo Vadis
? - pour faire la fête chez Claudia Pulchra. La présence
d'un glaive à leur côté, déjà
incongrue dans la rue (les armes sont interdites dans l'enceinte
du pomrium) : le noctambule qui veut assurer sa
sécurité se munit, lui et ses esclaves, de solides
gourdins - au pis conserve-t-il une dague soigneusement dissimulée.
Pour en revenir à la tenue de Khephren : normalement
les convives d'un banquet laissent leur vêtement de ville
à l'entrée et revêtent une tunique toute
simple, la synthesis (MARTIAL, V, 29), dont on sait peu
de choses il est vrai. Et si Goscinny et Uderzo avaient raison
quand ils disaient qu'une orgie doit être «sale»
(Astérix chez les Helvètes) ? - Retour
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(24) Il est entendu que les hommes
peuvent se livrer à toutes les débauches, pas
les femmes. On prête à Auguste d'avoir aimé
les fruits verts et d'avoir été l'amant de sa
fille. Quand à son troisième mari Tibère,
grand collectionneur de livres pornographiques, ce n'est pas
pour rien qu'on le surnomma «le Bouc de Capri» -
même si c'est Suétone qui le rapporte ! - Retour
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(25) De même que son amant
Sempronius Gracchus... avec qui Julia entretenait une liaison
déjà depuis le temps de son précédent
époux Agrippa. - Retour texte
(26) Marcellus décédera
avant, à l'âge de dix-huit ans. - Retour
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(27) Cumulant les pouvoirs des deux
consuls, le dictateur - magistrat de crise normalement élu
pour six mois - est toujours flanqué d'un adjoint porteur
du titre de Magister equitum, «Maître de
la cavalerie». - Retour texte
(28) Le proconsul Jules César
devient dictateur I en 49 consul II en 48 dictateur
II en 47, avec Marc Antoine maître de la cavalerie
consul III en 46, avec M. Æmilius Lepidus coconsul
consul IV (seul) puis dictateur III en 45, avec M. Æmilius
Lepidus maître de la cavalerie enfin, consul V
et dictateur IV en 44, avec Marc Antoine coconsul et maître
de la cavalerie (César dictateur substituant M. Æmilius
Lepidus consul à sa propre place). - Retour
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(29) Du fait de son adoption par
son oncle Jules César, Caius Octavius Thurinus
s'appelle désormais et conformément à l'usage
: C. Julius Cæsar Octavianus. D'où l'usage
des historiens de nommer Octave «Octavien» entre
44 et 27, date à laquelle il devient «Auguste».
- Retour texte
(30) Auguste, c'est-à-dire
«le sublime», «le consacré»...
nom à caractère religieux qu'il portera 41 ans
durant, jusqu'à son décès en 14 de n.E.
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(31) À sa mort, le 19 août
14, Auguste est nanti de la titulature suivante :
IMPERATOR-CÆSAR-DIVI-FILIVS-AVGVSTVS,
PONTIFEX-MAXIMVS,
TRIBVNICIÆ-POTESTATE-XXXVII, IMPERATOR-XXI,
CONSVL-XIII, PATER-PATRIÆ
Imperator est le titre honorifique décerné
par ses soldats sur le champ de bataille à un général
vainqueur. Ce n'est que sous le règne de son successeur
Tibère que l'imperium pro consulare (chef de l'armée)
deviendra un titre officiel. - Retour texte
(32) Consul en 43, 33, 31, 30, 29,
28, 27, 26, 25, 24, 23 après quoi il refuse le renouvellement
annuel de cette charge, que toutefois il endossera encore en
5 et en 2 av. n.E. - Retour texte
(33) Annuellement renouvelé
le 26 juin. - Retour texte
(34) Depuis sa victoire à
Actium - sur le promontoire duquel il y avait un temple d'Apollon
-, Auguste nourrissait un culte particulier pour ce dieu. -
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(35) Ce qui lui permettait un contrôle
direct sur l'approvisionnement de Rome. - Retour
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(36) Pater patriæ, le
5 février 2 av. n.E. - Retour texte
(37) «Alix : Retour
vers le Futur. Entretien avec Valérie Mangin»,
Canal BD Magazine (GLBD), août-septembre 2012,
p. 28. - Retour texte
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